𝟺𝟷. 𝙼𝚊𝚛𝚢𝚕𝚎𝚋𝚘𝚗𝚎.

(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)





"Sans famille, l'homme seul au monde tremble dans le froid."
Andre Maurois





𝙰 𝙲 𝚃 𝟻.

❄️ 𝙹 𝚊 𝚗 𝚟 𝚒 𝚎 𝚛.





𝟦𝟣. 𝖬𝖺𝗋𝗒𝗅𝖾𝖻𝗈𝗇𝖾.



Cassie.





L'air frais de cette soirée de janvier s'infiltre à travers la fenêtre ouverte de Lalita.

Assise à l'arrière, l'odeur de la nicotine rempli subtilement le véhicule.

Je sais qu'à chaque fois que Lalita fume, c'est parce qu'elle tente de masquer ses angoisses. Et après ce qui vient de se passer avec Nelly, j'ose à peine imaginer le flots de ses pensées. Cherry aussi a à peine dit quelques mots.

Nous roulons en silence vers Blackheath, mon quartier. Les phares de Lalita percent la noirceur de la nuit pluvieuse, mais on ressent toutes les trois que l'ambiance est assez lourde...

— Attend ! Arrête-toi, elle appelle ! s'exclame soudainement Cherry, ce qui me fait me redresser immédiatement.

— Doucement, Cherry, tu m'as fait peur, lui répond Lalita en tirant une dernière taffe de sa cigarette. Réponds-lui, je vais m'arrêter là.

Cherry glisse ses doigts sur l'écran pour répondre.

En même temps que Cherry installe le téléphone sur le support accroché à la voiture, Nelly apparaît en FaceTime. Elle marche dans ce que je reconnais comme étant une rue proche de chez elle.

— T'es pas rentrée ? s'inquiète Cherry.

— Je suis presque arrivée, dans quelques minutes, nous dit Nelly d'une voix pressée, je préfère tout vous raconter avant de rentrer.

Lalita se gare avec précaution dans une rue déserte. La voiture subit une petite secousse sous son freinage un peu brusque. Je m'avance en appuyant mes bras sur les sièges avant et fixe le visage doux de Nelly sur l'écran du téléphone.

Je sens une boule d'appréhension se former dans mon estomac. Pendant une seconde, il n'y a plus que le bruit des gouttes de pluie qui tapent contre le toit de la voiture.

— Alors, c'était qui ce type ? lui somme Cherry qui ne tient plus en place.

Lalita reste silencieuse et se met à mordiller la peau sur ses doigts, comme si elle redoutait déjà la réponse. Elle aussi fixe l'écran en attendant.

Je sais qu'elle déteste ça. Être prise au dépourvue...

Nelly inspire profondément avant de nous dire :

— Ne me jugez pas les filles...

Je déglutis en la voyant détourner le regard une seconde. D'ici je sens son hésitation et une légère crainte dans ses yeux :

— C'est un mec que j'ai rencontré en ligne... On s'est parlé juste un mois, mais j'ai réalisé que je ne voulais plus continuer...

J'ai l'impression d'avoir encore plus froid depuis les mots de Nelly.

On aurait dit que ça lui coute de nous avouer ça. Nelly se met à mordre l'intérieur de sa bouche, et Lalita intervient directement :

— C'est quoi cette histoire ? Tu ne pouvais pas juste lui dire ça par message ? Pourquoi il a dû venir jusqu'au lounge et t'emmener avec lui ?

Sa frustration est palpable, et mélangée à une très forte inquiétude pour Nelly :

— Crois-moi Lalita, je lui ai déjà dit, mais il n'a pas lâché l'affaire. Il est têtu, et le pire, c'est que je ne fais que de le croiser. Cette fois-ci, c'était la fois de trop. Je sais que je vous ai inquiétées mais il fallait vraiment qu'il comprenne... J'ai mis les chose au clair pour de bon...

— Et pourquoi c'bâtard t'a appelé Lyloe ? la questionne Lalita.

— C'était juste un faux prénom que je lui ai donné...

Lalita la fixe sans répondre. Cherry hoche la tête compréhensive, avant d'ajouter avec une expression peinée sur son visage :

— Tu as le droit d'avoir ton jardin secret Nelly, et coucher avec tous les gars que tu veux mais... Il ne faut pas que tu oublies que si tu as besoin de nous, tu sais qu'on est là, hein ? Tu m'as vraiment fait peur...

Je pense la même chose, et la tristesse dans la voix de Cherry m'a fait quelque chose. Nelly affiche un visage empli de culpabilité et elle se gratte le haut du crâne, gênée.

— Je sais, les filles. Merci. Je suis désolée... En plus, j'ai gâché notre soirée...

— C'est le cas de le dire, sale peste ! s'écrit Cherry pour essayer de détendre l'atmosphère. On doit se refaire ça, j'ai même pas fini mes brochettes Yakitori, je vais les regretter à viiiie !

Malgré nos petits rires, on sent bien qu'on est toutes un peu préoccupées par cet événement.

— Tu es sûre que c'est fini ? soufflé-je doucement à Nelly.

— C'est fini, Bella Swan, ne t'inquiète pas. Et vous n'avez pas à vous préoccuper de moi. Tout va bien, c'est promis...

Je hoche la tête, mais en réalité, je ne sais pas quoi lui répondre.

Moi-même... Je suis la dernière à pouvoir en vouloir à qui que ce soit pour des secrets que mes copines peuvent avoir.

Mis à part Callahan, personne, n'est au courant du harcèlement que je subis depuis quatre ans... Et personne ne sait non plus que Taylor ne me laisse pas tranquille non plus.

Mais je dois avouer que l'histoire de Nelly me met mal à l'aise. On aurait dit qu'il manque des pièce au puzzle...

Pourquoi avoir eu besoin de partir avec ce type ? Et puis... On aurait dit que sur le coup, Nelly était plus effrayée pour nous, que pour elle-même...

Je n'ai pas envie de douter de mon amie... Mais j'ai comme un signal qui m'oblige à penser que quelque chose ne s'emboîte pas correctement...

Une petite angoisse pince mon ventre. Mais elle prend une place plus grande encore quand mon téléphone vibre dans ma main. Je baisse les yeux sur l'écran qui s'illumine et je vois le message qui s'affiche :

« Maman : Où es-tu ? Il se fait tard. »

Merde !

Il est presque vingt-trois heures passée.

Merde, merde, merde !

Un lourd frisson stressant glisse le long de mon échine. Maintenant, l'idée de rentrer devient une nouvelle source d'angoisse. En sachant que j'avais promis à ma mère de ne pas rentrer tard.

Quand je relève la tête, je croise le regard de Lalita qui me dit immédiatement :

— C'est ta mère ?

J'acquiesce, en même temps que Lalita tourne immédiatement la clé dans le moteur.

— Je suis désolée... m'excusé-je auprès de Nelly pour avoir interrompu ses confessions.

Elle secoue la tête avec compréhension :

— Je suis arrivée chez moi de toute façon. Envoyez-moi un message quand vous êtes rentrées, c'est moi qui suis désolée pour tout ça...

On lui répond toutes, et Cherry reprend son téléphone pour couper la communication. La Volkswagen s'élance déjà dans la nuit et Lalita appuie sur l'accélération qui fait rugir le véhicule.

— J'espère que ta mère ne va pas trop parler, elle aussi ? me lance Lalita en me jetant un regard soucieux à travers le rétroviseur.

— Non, ça ira, je pense...

En réalité, je sais que c'est un mensonge.

Je veux me convaincre du contraire, mais vu comment ça s'est déroulé au moment de sortir, j'ose à peine imaginer le moment de rentrer.

Lalita sort son paquet de cigarette et en glisse une entre ses lèvres :

— Arrête de fumer, prononce Cherry en lui enlevant la clope dans sa bouche. J'aime pas quand tu pue.

Lalita lui lance un regard entre la confusion et l'amusement. Elles se fixent quelques secondes, et Cherry détourne le regard la première.

Je colle ma tête contre la vitre et laisse le trajet se dérouler en silence.

J'ai un mauvais présentiment en moi. Entre Nelly, et ma mère... Quelque chose m'angoisse ce soir.

J'ai pour réflexe de retrouver mon poignet pour faire claquer mon élastique, mais je me souviens que je ne l'ai plus depuis des mois, et je ne l'ai jamais remplacé non plus...

Après une bonne vingtaine de minutes, la voiture tourne dans une rue.

Je reconnais mon quartier, et Lalita emprunte la pente qui mène vers ma maison.

Et quand elle ralenti devant, je me sens d'autant plus submergée par ce mal de ventre que me provoque toujours ma mère.

— Merci de m'avoir ramenée, je dis d'une petite voix en glissant sur mon siège. Dites-moi quand vous êtes bien rentrée hein ?

J'ouvre ma portière, le vent froid m'agresse directement :

— Oui ma chérie, bonne nuit, me répond Cherry avec tendresse.

— Je vous aime.

— Nous aussi, bisous chula (ma mignonne), me murmure Lalita.

Un petit sourire pousse mes pommettes, je claque la portière derrière moi, et m'engage sur mon allée, mon cœur bat frénétiquement.

Mes talons claquent contre les marches de mon perron, et ma clé tremble quand j'essaye de l'insérer dans la serrure.

C'est tellement rare que je rentre aussi tard...

Et avec ce climat pesant en ce moment, ce n'était peut-être pas la meilleure des idées...

La porte s'ouvre dans un petit grincement... Ma maison est plongée dans l'obscurité.

Malgré mon estomac noué, je m'efforce de refermer doucement la porte derrière moi qui claque dans un bruit sec. Je souffle lourdement, et pile au moment où j'allais enlever mes talons, je suis arrêtée dans mon mouvement lorsque la noirceur du salon est balayée par le luminaire tamisé du salon.

Je sursaute, la main sur mon cœur, en me retournant précipitamment.

La silhouette de ma mère se dessine, assise sur le canapé. Ses yeux perçant, remplit de reproches sont rivés sur moi, et sa main fait lentement tourner le liquide que contient son verre de vin.

Elle est en pyjama et vu l'état de son brushing, j'ai bien la sensation qu'elle s'est fait un sang-d'encre. Ça sent vraiment pas bon. Pour moi... Je l'ai rarement vu dans un tel état. Je balaye encore la pièce des yeux et constate sur la table basse, qu'elle a posé sa bouteille de vin presque totalement entamée.

Je suis submergée par un malaise froid. Mes clés et mon téléphone encore dans ma main, je n'ose même pas me déchausser, ni enlever mon manteau et mon sac. Je reste figée à l'entrée et j'entrouvre les lèvres et laisse échapper un faible :

— Tu... tu m'as fait peur, murmuré-je pour atténuer le silence pesant qui s'est installé entre nous.

— Tu te fiches de moi, j'espère ?

La voix tranchante de ma mère me fige sur place. Je redoute d'ores et déjà la suite de la soirée, mon estomac se retourne dans mon ventre, et mes jambes semble devenir du coton.

— Maman, j'ai juste-

— Il est presque minuit, Cassie. Où étais-tu ?

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine lorsqu'elle se lève du canapé et s'approche de moi. Son visage s'éclaire sous la lumière orangée du salon, mais quand se plante devant moi, il n'y a plus rien pour l'éclairer.

L'obscurité assombrit ses traits et je ne décèle aucune once de douceur dans son regard menaçant qui me cherche. Mes iris se perdent sur les traits de son visage, et la réalisation que ma mère vieillit me frappe douloureusement. Des rires tire le coin de ses yeux, ses cheveux ne sont plus aussi châtain qu'avant...

Et la lueur douce dans ses yeux est morte depuis bien longtemps...

En déglutissant, j'essaye de garder un calme apparent, mais je redoute déjà le moment où ses mots me feront du mal...

— Où étais-tu ? répète-t-elle en haussant la voix.

Instinctivement je recule d'un pas. Mon cœur retenti dans l'ensemble de mon corps.

Une crainte étrange s'installe en moi, je fronce les sourcils.

...Depuis quand ai-je aussi peur de ma propre mère... ?

Je me sens tellement écrasée et vulnérable que mes mots butent et s'étranglent dans ma gorge avant de sortir de mes lèvres :

— J-J'étais avec les filles, je te l'ai dit. Ce n'est pas-

— Les filles, ou Ghost ? me coupe-t-elle en m'accusant.

Le froncement de mes sourcils s'intensifie, ma tête fait un petit mouvement de recul face à la surprise et l'indignation qui m'envahie brusquement.

Quoi ?

C'est complètement insensé...

— Ghost ? répété-je comme si je n'avais pas bien entendu.

— Tu as très bien compris ce que je t'ai dit.

— Il n'était pas là, insisté-je d'une voix un peu plus forte malgré ma petite crainte intérieure. Je suis sortie pour m'amuser avec les filles, c'est tout !

Et puis, soudainement, elle rit.

Un petit rire en coin, froid et sacartistque qui me glace jusqu'à l'os.

Qu'est-ce qu'on a fait de ma mère... ?

J'accuse le vin de la rendre aussi absurde ce soir. Et j'ai horreur de ce que ça me provoque à l'intérieur.

Je ne la reconnais pas. Et ça m'inquiète énormément.

— Après tout ce qui s'est passé, tu ne sembles rien apprendre. Tu veux vraiment te faire berner encore une fois par un homme ? Pour me supplier ensuite de ne plus retourner à l'école parce que tu auras fait l'idiote encore une fois ?

Ah...

Parce que pour elle...

Ce qu'on m'a manipulé à faire quand j'avais quine ans c'était une "idiotie"...

Alors que c'est littéralement la chose qui me pourrit la vie jusqu'à aujourd'hui...

Ses mots sortent avec venin. Le poison de ses accusations immobilise mon cœur un instant.

Elle me lâche ça pour me faire du mal.

Mon souffle est court et ses mots résonnent en moi comme le pire des jugements.

Mes yeux se mettent à me piquer, j'ai le cœur lourd et la douleur se répand sur l'ensemble de ma chair.

À cette période, quand je la suppliai... C'était pour ne pas mourir.

Et elle n'a jamais répondu à mes appels à l'aide.

Ce n'est pas grâce à elle que je me tiens encore vivante devant elle...

Elle me fixe, et moi aussi, je tiens bon. Ma voix fluette à envie de se révolter. J'ai envie de lui hurler ce que ça m'a fait de frôler l'envie d'en finir sans pouvoir penser à autre chose. Sans sentir la honte et l'humiliation me tuer intérieurement. 

Des idées sombres m'effleurent, j'aimerais presque qu'elle ressente ce désespoir ne serait-ce qu'une seule seconde !

Je ressens comme un feu immerger violement sous ma peau. Il me brûle les os, et je me sens incapable de rester sous silence :

— Comment... comment tu peux dire ça... à ta propre fille... ?

Les mots m'ont échappé. Mes lèvres tremblent, et elle réplique tout de suite :

— Parce que c'est la vérité, Cassie. Tu es juste trop naïve ! Tu me donnes l'impression de faire semblant d'être une idiote pour plaire aux hommes !

Mais quoi... ?

C'est pas possible qu'elle puisse penser ça de moi ?

Ses mots manquent cruellement de compassion, comme si elle pensait détenir la vérité absolue.

Ces brûlures intérieurs agrandissent cette bouffée de colère qui s'accumule dans mon ventre au point de cogner violemment mon cœur contre mes os. Je me sens trembler, mais pas de peur. J'ai la rage d'elle ! Je fais un pas menaçant vers elle, qui lui vaut presque de reculer légèrement.

Et mes sentiments refoulés se libèrent. Je ne la lâche pas des yeux et je m'entends lui hurler :

— Peut-être que si tu t'intéressais un peu plus à moi, j'aurais moins eu besoin de chercher la validation des autres dehors ! Et j'aurais peut-être été un peu moins 'naïve', comme tu dis si bien ! Papa serait tellement déçu de voir ce que tu es devenue ! Une femme amère et seule qui passe son temps à m'écraser, à me dénigrer pour se sentir un peu moins coupable de son incompétence à être une bonne mère !

La gifle qui suit est fulgurante.

Un violent éclair de douleur se grave sur ma joue chaude.

La bouche entrouverte, je reste figée, une main couvrant ma peau, mon souffle coupé par le choc.

— Ne parle plus jamais de ton père comme si tu en savais plus que moi, tu m'entends ? me crache-t-elle froidement.

Jamais...

Jamais ma mère ne m'a levé la main dessus...

Jamais.

Maman m'en a dit des choses.

Et pourtant... Pas une seule seconde je n'aurais pu soupçonner qu'elle puisse franchir ce seuil.

Que sa main serait celle qui briserait à jamais notre lien.

Pour toujours.

Parce que cette violence-là... Je ne lui pardonnerais jamais.

Son expression est un mélange de tellement d'émotion que je suis incapable d'en choisir une seule qui définirait au mieux l'horreur, la haine, la stupéfaction, la rage, la culpabilité, la tristesse, la déception qui creuse les rides de son visage.

Mes yeux se brouillent, mon cœur recommence à battre avec douleur.

Un dégoût me prend en regardant la femme qui m'a donné la vie...

Elle vient de détruire les dernières gouttes d'affection que j'avais encore pour elle.

Elle a tout fait fané... Et j'ai l'impression qu'il y a une profonde fissure dans la bulle de mon monde qui ne pourra jamais être réparé.

Mes larmes glissent comme un torrent sur mes joues.

Sans un mot de plus, sans un regard en arrière, je lui tourne le dos, et me précipite hors de chez moi.

Cassie ! Tu restes ici !

Je préfère encore m'enfoncer dans la gueule de la nuit, que l'avoir près de moi !

Elle hurle mon nom, et me demande de revenir, mais tout ce que j'entends ce sont mes talons qui résonnent dans mes rues.

Mes larmes inondent mon visage.

Je ne m'arrête pas.

Je ne sais même pas où je courre, mais tout ce que je sais, c'est qu'il faut que je m'éloigne de cet enfer !

Ce quartier qui m'a vu grandir me parait tellement étranger. J'ai l'impression d'être une autre.

Et cette violence vient de me changer pour de bon.





Le grondement du bus presque vide qui se fond les rues de Londres n'efface pas mes tourments.

Elle a levé la main sur moi...

Elle l'a fait, putain.

J'ai toujours la sensation d'avoir la joue en feu alors que ma tête s'appuie contre la vitre.

À l'extérieur, la pluie s'abat à torrent et dévale sur le carreau.

Je veux bien que le ciel pleure avec moi aussi...

Parfois, des éclairs blancs percent la noirceur de la nuit.

J'ai horreur du sentiment désespérant qui tourne dans mon ventre. Et j'ai beau essuyer mes larmes, elles glissent toujours plus fort le long de ma peau.

J'aimerais oublier tout ce qui vient de se passer. Que la pluie emporte avec elle ces souvenirs déchirant. J'aimerais revenir à la journée juste avant que mon père ne décède. Que je fasse quelque chose qui changerait tout. Pour qu'il ne nous quitte jamais...

« Marylebone »

Je relève la tête à l'entente de la voix numérique qui annonce le prochain arrêt.

« Marylebone »

Directement, je me lève de ma place et longe le bus pour me tenir devant les portes coulissantes.

Un dernier virage, et le véhicule s'arrête devant un arrêt.

La pluie qui m'accueille me fait hésiter pendant une seconde, mais je n'ai pas le choix de sortir d'ici.

Le son des talons claque sur le pavé mouillé. Je suis assaillie par le torrent. Et c'est d'ailleurs à ce moment-là que je réalise que j'ai oublié mon parapluie dans la voiture de Lalita.

Quand le bus s'éloigne, je m'enfonce dans la nuit. Autour de moi, le quartier de Marylebone totalement endormi. Quelques lampadaires illuminent parfois la rue, mais je suis seule ici.

J'enroule mes bras sous ma poitrine en frissonnant. Ma solitude et le froid sont mes seuls compagnons...

Je repère un panneau décrivant que je suis sur la rue de Portland Place.

Il reste des dernières guirlandes de Noël oubliés sur des devanture de portes, mais le pire c'est cette pluie et mes talons qui menacent de me faire tomber à tout moment.

Je ne sais même pas où aller...

Enfin...

Je n'ai rien prévu...

Au bout de plusieurs minutes, je repère l'enseigne d'un bâtiment qui possède un toit, et quelques marches sur lesquelles je pourrais me réfugier.

Mon désespoir me pousse à me réfugier ici. Je m'assois en tremblant de froid, ce qui fait claquer mes dents.

Mes yeux scrutent chaque recoin de la rue, et je commence à ressentir de la peur, et de l'angoisse qui se mélange à ma tristesse intérieure.

Je plonge ma main dans ma poche, et j'en sors mon téléphone. La forte luminosité me fait presque mal au yeux et je constate que j'ai plus d'une dizaine d'appel manqués de ma mère.

Je ne lui réponds pas, mais en revanche, je cherche son contact.

J'arrive sur son numéro. Et pendant une seconde mon cœur bat extrêmement fort. Je redoute de le faire, j'hésite, mais je suis frigorifiée et je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre à part rester dans ce froid. Et puis... je me suis rendue ici presque instinctivement...

Alors je clique sur le bouton appeler.

Mon téléphone calé à l'oreille, mes dents claquent en entendant les tonalités résonner.

Mon estomac se retourne, et je regarde la pluie à mes pieds marteler le sol.

La sonnerie persiste... Une anxiété commence à monter en moi.

Et alors que je pensais abandonner, j'entends enfin :

— C-Cassie ?

Le son rauque et précipité de sa voix m'indique tout de suite que je viens de l'arracher de son sommeil.

Mais le pire c'est que l'entendre prononcer mon nom donne de la chaleur à mon cœur gelé... Sans me contrôler, de nouvelles larmes recommencent à couler :

— Je... Je suis désolée de te réveiller. C'est juste que... je n'ai nulle part où aller...

Ma voix est étranglée par les sanglots, et il ne perd pas une seconde pour me répondre :

— Quoi ? Mais de quoi tu me parles ? Cassie, t'es où ? Il est presque minuit là, qu'est-ce qui se passe ?

L'inquiétude dans sa voix me touche profondément au point de me faire pleurer encore plus fort.

J'entends des mouvements précipités, le son des draps qui me montre son empressement.

— Dis-moi où tu es, me presse-t-il en se déplaçant rapidement.

— Je... Je suis à Albany Street, devant euh... devant un poste de police, je crois...

Je l'entends jurer derrière le téléphone et un bruit de portière qui claque m'indique qu'il est déjà dans sa voiture :

— Putain, mais qu'est-ce que tu fous là !?

— Je... je suis partie de chez moi... je... Je ne pouvais pas rester...

— Reste où tu es, je suis en route. Ne raccroche pas, parle-moi.

J'entends le son de ses essuie-glaces, mais au même moment, la vibration de mon téléphone me fait baisser les yeux sur mon écran.

— Désolée, Callahan, ma mère m'appelle. Je te rappelle.

— Ne ra-

J'ai déjà cliqué sur la touche décroché.

— Qu'est-ce que tu me veux ?

— Où es-tu passée ? s'écrit ma mère d'une voix éraillée et angoissée.

— Je ne vais pas rentrer ce soir, arrête de m'appeler, lancé-je sèchement en haussant légèrement le ton.

Un rire nerveux traverse le téléphone.

En l'entendant, je suis de nouveau prise d'un profond dégoût pour sa personne. J'ai l'impression de ressentir cette gifle et cette sensation de ne pas vraiment la connaitre encore une fois. La sensation retourne tout mon monde. On dirait que les œillère que je me suis forcée à porter toutes ces années glissent enfin, et je vois enfin son vrai visage.

Cette réalisation s'accompagne de ce sentiment de rejet et d'abandon dans sa forme la plus abyssale et totale.

Je me demande quand est-ce qu'elle a changé à ce point ?

Qu'est-ce qui a bien pu la pousser à franchir cette limite que nous n'avions jamais dépassée ?

Pourquoi ?

Est-ce que j'aurais pu le voir, réagir avant ?

— Qu'est-ce que tu racontes ? Tu penses que je vais laisser ma fille traîner dehors ! Tu rentreras ici ce soir !

— Si tu peux gifler ta fille, alors tu peux aussi la laisser traîner dehors. Je vais raccrocher.

— Cas-

Je n'attends même pas la suite et raccroche.

À tous les coups, ses mots m'auraient encore enterré six pieds sous terre.

Et j'ai eu ma dose pour cette soirée.

Alors que je retrouve le numéro de Callahan pour le rappeler, l'ombre d'une silhouette se projette sur moi et me fait brusquement relever la tête.

Je sursaute en laissant un hoquet de terreur m'échapper face à l'image d'un homme qui fait lentement glisser sa capuche sur sa tête.

Son visage me parait familier, et il me faut quelques secondes pour articuler :

— D... Dani ?

Dani, s'approche doucement de moi. Un sachet en papier de Starbucks dans une main complètement trempé. Les gouttes de pluie s'abattent sur son épaule, et il monte les quelques marches sur lesquelles je suis assise pour se réfugier de la pluie sous le toit.

— Salut... Désolé de t'avoir fait peur, me dit-il timidement en tirant ses boucles blondes cendrés en arrière.

Je secoue instinctivement la tête pour lui signifier que ce n'est rien.

Ses yeux hazel me semblent noir dans l'ombre de la nuit. Et je murmure doucement :

— Salut...

— T'es... enfin... tu fais une genre de... promenade nocturne ? Sous la pluie ?

Un léger petit sourire à la fois amusé et intéressé tire ses lèvres.

Je m'efforce de lui rendre son sourire, mais je sens bien que mon cœur n'en a pas vraiment envie.

En fait, je n'ai envie de parler à personne d'autre que Callahan. Et sur le coup, j'aurais aimé ne pas le croiser lui ce soir.

— Euh... Oui... on peut dire ça, répliqué-je malgré tout.

Sauf que pour couronner le tout, Dani prend lentement place à côté de moi.

Merde...

Un petit malaise s'empare de moi.

Quand bien même j'appréciais bien ses attentions en début d'année, j'avoue que j'aurais préféré qu'il ne s'assoit pas à côté de moi en sachant que Callahan risque de débarquer d'une minute à l'autre.

J'ai encore les souvenirs de la dernière fois que Dani m'a offert un cinnamon et que ça nous a valu une dispute avec lui.

Une anxiété commence à monter en moi. Je n'ai aucune envie que Callahan me voie tranquillement avec Dani.

Je ne dis rien, et laisse la musique de la pluie camoufler ma gêne silencieuse. Il entoure ses genoux de ses bras, et regarde devant lui.

— Ça faisait un petit moment qu'on ne s'était pas croisé, murmure-t-il doucement.

Je me rends compte que c'est la première fois que je rencontre Dani en dehors de son lieu de travail.

Est-ce qu'il vit dans le quartier ?

— Tu ne viens plus au Starbucks... ?

Sa voix me fait tourner la tête vers lui. Je secoue négativement la tête.

Il laisse un léger soupire calme lui échapper. Pendant quelques secondes, aucun de nous ne disons mots. Mais encore une fois, il brise le silence :

— Mauvaise journée, hn ?

Je hoche simplement la tête en réponse, mais il continue avec un petit sourire qui semble se vouloir rassurant : 

— Il y a des gens qui savent exactement quel bouton appuyer on dirait.

J'acquiesce en pinçant mes lèvres et j'entrouvre les lèvres pour lui dire que je vais partir mais, soudain, une BMW noire se gare avec précipitation en face de nous.

Le moteur s'éteint.

Je sais que c'est lui.

Mon cœur fait un bond quand la porte s'ouvre, et la stature imposante de Callahan apparaît.

Ses sourcils sont froncés et je le sens bouillonner d'ici. Sans attendre, il sort et balaye du regard les alentours avant que ses yeux ne se fixent sur nous.

Je sens son regard peser lourdement sur moi, puis sur Dani.

Je déglutis en sentant la tension monter d'un coup alors qu'il s'approche, il m'ordonne d'un geste de la main :

— Monte dans la voiture, tout de suite. Qu'est-ce que tu fous là toi ?

Sa voix autoritaire me fait me lever sans négociation.

En revanche, sa question ne m'était pas adressée.

Alors que Callahan s'approche de Dani, moi je me dépêche pour rejoindre le siège passager. Je m'engouffre rapidement, en m'asseyant, mes vêtements trempés me collent à la peau.

Mais je ne me focalise pas sur mon inconfort car j'entends la voix basse de Dani lui répondre calmement :

— Je traînais dans le coin.

En mettant ma ceinture, j'observe les deux hommes en silence. Je cherche déjà quoi dire pour expliquer toute la situation, parce que Callahan à l'air vachement remonté. 

— Tu te fous de la gueule de qui ? T'as rien à foutre ici, putain ! réplique Callahan.

— J'ai le droit d'être là. Sur ce...

Callahan ne le lâche pas du regard et Dani se lève lentement et descend les marches avec nonchalance. Il plante ses yeux vers moi avant de détourner le regard et disparaitre dans la nuit.

Et c'est seulement à ce moment-là que Callahan dégaine rapidement son téléphone, et trottine jusqu'à sa voiture en tapotant quelque chose.

Il s'engouffre dans le véhicule le faisant légèrement trembler, et claque sa porte. Je l'observe taper furieusement un message. La lumière blanche de son téléphone souligne les traits renfrognés de son visage.

Callahan mordille l'intérieur de sa joue, quelque chose le frustre et le tracasse.

La pluie qui continue de tomber sans relâche et j'attends un peu stressée en jouant nerveusement avec mes doigts.

Et justement, il verrouille son téléphone, le laisse son téléphone tomber sur ses cuisses et se tourne vivement vers moi. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et je redoute déjà ce qu'il va me dire :

— Si t'as le malheur de me raccrocher au nez encore une fois comme tu l'as fait tout à l'heure, on va avoir de gros problèmes toi et moi. Tu as compris ?

Je reste bouche-bée.

Je ne m'y attendais pas.

Mes yeux cherchent une explication dans ses mots, je pince les lèvres en réalisant que je l'ai probablement laissé dans un stresse horrible après avoir répondu à ma mère.

— Je peux savoir ce que tu fous là !?

Son irritation est palpable. J'ouvre la bouche et mes mots butent un peu mais je lui dis d'une voix peu assurée :

— Je... Je me suis disputée avec ma mère. Je ne savais pas où aller... désolée !

Son regard est un mélange d'inquiétude et d'incompréhension. Il me fixe longuement, puis il me lance :

— Et ce mec ? Tu le connais d'où ?

— Il... il travaille au Starbucks où on allait. Je ne le connais pas vraiment.

Son visage se décompose.

— Attends...

Je lève les sourcils, en attendant qu'il finisse :

— C'est lui c'putain de Dani ?

Je hoche timidement la tête en appréhendant un peu la suite. Ma confirmation dépeigne une incrédulité sur les traits de son visage. Pendant une seconde j'ai même l'impression qu'il ne me croit pas. Mais il finit par dire :

— Putain de merde !

L'urgence avec laquelle Callahan démarre la voiture est telle que ça me presse contre le dossier de mon siège.

— Je te dépose chez toi et tu-

— Non ! Je t'en prie ! Je ne peux pas rentrer, s'il te plaît.

Il me regarde, ses sourcils se froncent et il m'interroge du regard avant de me demander :

— C'est quoi le problème ?

Sa voix s'est légèrement adoucit malgré la légère irritation que je ressens dans son timbre.

— Je ne veux juste pas voir ma mère, ce soir... On peut aller autre part ?

Ma gorge s'est nouée en lui expliquant ça.

Son regard scrutateur jongle de la route à moi, et après plusieurs longues secondes pendant lesquelles il avait l'air de peser le pour et le contre, un long soupir lui échappe.

Il passe nerveusement sa main sur son visage jusqu'à tirer ses cheveux en arrière, et il finit par acquiescer d'un signe de tête.

Ce geste me soulage instantanément, je retrouve le dossier de mon siège en même temps que sa paume tatoué fait tourner le volant dans un geste agile.













Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃

Ça-va ? ☕️






IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !


C'est le seul chapitre que je publierais pendant le ramadan✌🏾😗 !

En fait, j'ai juste hâte du prochain, BYE-

Il faut me voir sur Valentina, omg 😭, est-ce qu'on souffre comme ça durant un travail édito, j'comprend pas en fait, je passe par 500 mental break-down, tous les 10 minutes, c'quoi c'délire 😭 ?

J'ai trop hâte, autant que je redouuute à mort omg ! 🏍💨


Bon, en attendant, j'espère que vous passez un bon ramadan pour celles qui le fond, qu'Allah accepte notre jeûne les gars ! ❤️

En espérant que ce chapitre vous à plu, comme il était court je me suis dis why not pour vous faire patienter jusqu'à la fin du ramadan 😘 !

Sur ce, gros bisous les gars, je retourne me battre avec Preto le bandito !





Mon Discord est dans ma bio Instagram pour celles qui veulent échanger après les chapitres Ghost, théories etc... ✌🏾😗






BYE 🏍💨🪐 !




Stardust 🍓




𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...



xo, Azra. ✿



IG: azra.reed

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