𝟹𝟿. 𝟻 𝙹𝚊𝚗𝚟𝚒𝚎𝚛.
(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)
"Chaque relation nourrit une force ou une faiblesse en vous."
Michael Murdock
𝙰 𝙲 𝚃 𝟻.
❄️ 𝙹 𝚊 𝚗 𝚟 𝚒 𝚎 𝚛.
𝟥𝟫. 𝟧 𝖩𝖺𝗇𝗏𝗂𝖾𝗋.
Cassie.
Ma converse retrouve le sol mouillé.
Arrivée devant chez moi, j'enlève mon casque et dégage les mèches de mes cheveux qui se sont coincées dans ma bouche.
Aujourd'hui, il a plu presque toute la journée.
— Et merci, madame, me dit Callahan en saisissant mon casque que je lui tends. À demain, microbe !
Je presse mes lèvres en le regardant attacher mon casque à sa moto. L'hésitation m'envahit, et je reste debout à côté de lui en commençant à stresser. Mes doigts s'emmêlent entre eux.
Aller... fais-le...
Un petit pic de stresse me prend lorsque Callahan termine d'accrocher l'objet, et relève ses yeux bleus vers moi. Il constate que je suis toujours là, alors il incline légèrement la tête en m'interrogeant du regard, un petit sourire en coin.
— Tu ne rentres pas ?
— Eum... En fait... Je... Je voulais...
Il me scrute pour déchiffrer la raison de mon hésitation.
Aller Cassie, c'est pas si compliqué que ça quoi...
C'est pas comme si vous n'aviez pas passé un cap à ce stade. Tu l'as littéralement embrassé, et pas qu'une fois qui plus est.
— Qu'est-ce qu'il se passe, microbe ? me questionne-t-il doucement en déplaçant une mèche de mes cheveux près de mon visage.
Lance-toi, Cassie !
Un, deux...
— E... est-ce que tu as quelque chose à faire ? demandé-je précipitamment d'une voix basse.
Son visage intrigué me guette, il tire légèrement son bras pour regarder l'heure sur sa montre avant de me demander :
— Tu veux dire, là, maintenant ?
Je hoche la tête, je sens déjà les palpitations de mon cœur à l'idée qu'il puisse me recaler, et il me dit :
— J'ai une heure ou deux devant moi, pourquoi ?
— Tu... tu veux passer à la maison ? Enfin... si t'as vraiment rien de prévu... Il n'y a personne.
En quelques secondes, je sens mes joues s'embrasser et mon cœur palpiter férocement. Je sais que mon visage est rouge pivoine, et je m'en veux presque de rougir à chaque fois que je ressens un peu de gêne.
— Mais ce n'est pas obligé, précisé-je stressée. Ce n'est pas grave si tu ne veux pas.
Et, doucement, les yeux rieurs Callahan éclairent son visage d'une joie palpable qui enlève tous mes doutes. Ça me met instantanément dans tous mes états moi aussi.
Ses paumes gantées tirent son casque sur sa tête et il me lance :
— Je ne vais surtout pas te faire répéter ça, crois-moi. Je suis tout à toi.
Je laisse échapper un petit rire, et la nervosité qui m'abritait s'envole en même temps qu'il coupe le contact, et baisse la béquille de sa moto pour la laisser garée entre le trottoir et la route.
Voilà ! Ce n'était finalement pas si compliqué que ça, tu vois, Cassie !
D'un geste de la main, je lui fais signe de me suivre, et il se met en marche avec moi.
Je pousse mon portail, et nous franchissons le seuil de ma maison.
Dès que j'ouvre la porte de chez moi, le silence de ma maison nous accueille. Je nous enferme tous les deux. Callahan commence à enlever son manteau aviateur et l'accroche à un crochet du porte-manteau. Je me déchausse en même temps que lui, et me débarrasse aussi de ma veste.
J'ai le cœur qui bat fort, mais je relève la tête lorsque j'entends le son des pas précipités de Sherlock qui descend les escaliers.
Callahan s'accroupit en souriant et tapote le sol, ce qui attire l'attention de mon chat qui se dirige vers lui en miaulant doucement. Il se redresse en le soulevant d'une main et l'inonde de baiser.
— T'as faim toi, c'est sûr, patapouf, articule Callahan entre deux baisers.
J'avoue que je suis restée figée devant cette scène pendant quelques secondes.
Sherlock me paraît minuscule à côté de lui...
Et je trouve qu'il y a quelque chose de profondément... sexy, à l'idée de voir Callahan si doux avec mon chat.
Cassie tu en as pas marre d'idéaliser cet homme sans arrêt... ?
Sérieusement, j'ai l'impression qu'il m'enlève toute ma capacité à réfléchir correctement.
Je secoue un peu la tête, et nous mène vers la cuisine.
— Tu sais, je pensais que tu n'aimais pas les chats, lancé-je avec une pointe de taquinerie.
Il lève un sourcil, un petit sourire se dessine sur ses lèvres et il me demande :
— Pourquoi ça ?
— Parce que tu l'appelles trashulluq et patapouf.
— C'est pas parce qu'il est gros que je ne peux pas aimer ton chat.
Je lève les yeux au ciel, en retenant de répliquer quoi que ce soit.
Je m'enfonce dans ma cuisine et ouvre un placard et saisis le paquet de croquettes.
En m'agenouillant devant la gamelle, Callahan dépose son casque sur l'îlot et m'observe verser la nourriture pour Sherlock, puis, il me lance avec humour :
— J'crois que c'est bon là. Ne lui mets pas trop de croquettes, tu as vu la taille de ses fesses ?
Mes lèvres s'entrouvrent en même temps que je lève la tête pour le regarder, outrée.
Il éclate de rire face à ma réaction.
— C'est horrible de dire ça à un chat ! Franchement, c'est vraiment pas cool, je proteste en continuant de remplir sa gamelle.
— T'es tellement pas une mère objective, réplique-t-il en riant et en tapotant les fesses de mon chat.
Je me redresse et m'approche de lui pour reprendre Sherlock.
— Et toi, tu exagères trop. Mon fils se porte très bien ! T'es pas gros, mon amour, je te jure, t'es pas gros, murmuré-je à Sherlock, qui ronronne de mes baisers et mes caresses.
— C'était quand la dernière fois que tu l'as pesé, ton Trashulluq ? me demande-t-il en appuyant nonchalamment son coude contre le comptoir de la cuisine.
— Si tu ne l'avais pas remarqué, je choisis de t'ignorer, Callahan.
Son rire contagieux provoque le mien.
Je laisse partir mon chat, et sans attendre il se dépêche vers sa gamelle. Mes paumes caressent son dos, et un petit sourire incontrôlé étire mes lèvres en regardant Sherlock qui ronronne.
Il n'est pas gros du tout...
Finalement, je me relève, et range les croquettes dans le placard.
Bon...
Tu l'as invité pour une raison.
Je me tourne lentement vers Callahan. Et en constatant qu'il me fixait déjà, j'ai une chaleur soudaine qui envahit mon ventre et me bouffe de sensation.
— Qu'est-ce que t'as aujourd'hui, microbe ? me demande-t-il en tapotant nonchalamment le bout de ses doigts contre l'îlot, un petit sourire en coin.
Moi-même je ne sais pas pourquoi je panique autant, ça n'a vraiment aucun sens.
— En fait... je...
Il lève les sourcils en attendant que je parle :
— Tu... tu m'avais dit que tu voulais que moi... je te fasse des cinnamon rolls, et... et on est le 5 janvier...
Je suis nerveuse, mais à mon tour, je suis prise de surprise lorsque l'expression de son visage se transforme.
Il ferme les yeux, avec un sourire doux qui creuse ses fossettes d'une manière qui fait battre mon cœur un peu plus fort. Il reste comme ça quelques secondes. Son émotion me va tout droit au cœur, j'admire en silence son beau visage apaisé.
Je crois sincèrement que c'est la première fois que son expression me paraît si naïve et innocente...
Et ses traits ne contiennent pas le bonheur qu'il ressent...
Quand il se redresse et ouvre les yeux. Il me murmure doucement en se massant la nuque timidement :
— Je ne m'attendais pas à ce que tu t'en souviennes...
Sa douceur me fait littéralement fondre un peu plus pour lui. Je vois bien qu'il est légèrement troublé.
La cadence de mon cœur s'emballe, et je suis incapable de ne pas le trouver presque candide et adorable, avec un petit sourire je lui réponds :
— Je... j'oublie rarement les anniversaires... et on peut les faire ensemble... si tu veux ?
La surprise dans son regard se mélange à une sorte de tendresse qui nous fait taire pendant quelques secondes.
Ma proposition est timide, mais elle est plus que sincère.
Depuis ce qui s'est passé en décembre, j'ai encore plus envie de partager des moments avec lui. Même si c'est juste préparer de simples pâtisseries. Je me sens vraiment prête à tenter de m'ouvrir à lui, et peut-être voir ce que ça pourrait donner... ?
Il s'approche lentement de moi. Mon souffle s'intensifie, je suis parcourue par une vague de frissons qui descendent le long de ma peau. Je ne bouge pas de ma position lorsqu'il arrive juste en face de moi.
Il se penche jusqu'à ce que ses lèvres effleurent mon oreille. La sensation dévorante que je ressens me fait entrouvrir légèrement les lèvres, et serrer le poing. Mes joues s'enflamment un peu plus et il me murmure :
— Mais je t'en prie, apprend-moi n'importe quoi, zemër. (Mon cœur)
Son souffle chaud me fait déglutir. Il retrouve mes yeux et glisse doucement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
Je hoche la tête, frissonnante et un peu désemparée par l'intensité de sa voix, son regard, ses murmures, son toucher.
— On... on va d'abord se laver les mains, répliqué-je en fuyant vers l'évier.
Sous le flux de l'eau tiède, j'arrive un peu à calmer l'agitation intérieure que je ressens. Il se lave les mains juste après moi.
— Alors... commencé-je en tapotant mon index contre mes lèvres.
Je commence par rassembler tous les ingrédients pour faire la pâte. Callahan m'observe curieux et amusé sans un mot. Je dresse sur l'îlot, la farine, le lait, de la levure, du sucre et du beurre, et quand je lève la tête vers lui, d'un petit geste de la main, je l'invite :
— Viens ?
À peine fait-il un pas vers moi que je me sens fondre.
Je ne sais pas pourquoi je m'inflige ça...
Mais à chaque fois qu'il est proche de moi, que je l'effleure presque, je me sens enveloppée par lui et tout ce qu'il représente. Il ne le fait même pas exprès, mais il me place intimement dans son grand monde rassurant et sécurisant.
Excitant...
Et ça me fait toujours autant de bien...
— On va activer la levure avec du lait tiède, et une cuillère à soupe de sucre, OK ?
Il hoche la tête comme un enfant qui écoute une leçon.
— Ensuite on attend que ça mousse un peu. Tiens.
Je lui tends la cuillère, nos doigts se frôlent brièvement dans l'échange. C'est suffisant pour que mon estomac se serre chaudement.
— Ouais... c'est sympa tout ça, plaisante-t-il en commençant à mélanger.
Mon petit sourire ne me quitte pas en l'observant. Sa main tatouée d'aigle à deux têtes ainsi que les deux épées se croisant attire mon regard. Sous son pull, il cache le reste et honnêtement, j'aimerais bien voir tous ses tatouages...
Une de mes paumes posées sur le comptoir, je reste à ses côtés. Le son de la cuillère raclant le fond du bol nous berce. J'entends une légère pluie tomber dehors, Sherlock a fini de manger et reste pas loin de nous en faisant des allers retours entre le salon et la cuisine.
La cadence de mon cœur est douce, comme les effluves de son parfum qui a empli l'air de la cuisine.
Comment s'appelle ce sentiment de plénitude... ?
Sincèrement, je ne sais même pas si j'ai un jour ressenti une telle sensation.
Et justement, il répond à mes prières lorsqu'il remonte légèrement ses manches à mi-bras. Je lève les yeux une seconde vers lui pour vérifier qu'il ne me regarde pas. Mais je ne peux pas m'empêcher de détailler ses bras. Surtout celui qui est orné d'encre noire. Je repère trois phrases qui longent sa peau.
"Nderi është mbi jetën"
"Hakmarrja është detyrim"
"Vie Victus"
Je me demande vraiment ce que ça peut bien signifier. Mais je n'ose pas poser la question.
Ces mots sont mélangés dans des illustrations, qui ont l'air de raconter son histoire. La chose qui revient le plus souvent est l'aigle à deux têtes.
Je pense que s'il y a bien une chose que je peux affirmer, c'est que Callahan est vraiment attaché à son pays.
Il est albanais et très fier de l'être.
Je me perds sur son autre bras, et pince les lèvres en constatant que non seulement mon élastique est toujours autour de son poignet. Mais il y a également ces veines qui parcourent ses mains jusqu'à s'enfoncer le long de sa peau...
Avec ses bagues, ça ne fait qu'accentuer son charme.
Je déglutis en baissant enfin les yeux sur le mélange :
— C'est bon. Tu peux le laisser, cinq minutes. Je vais faire fondre du beurre en attendant.
Je fuis encore la scène, mes joues sont rouges, ma température corporelle a sûrement dépassé les quarante degrés.
Il faut vraiment que tu calmes tes envies, Cassie...
C'est juste... Un élastique, des veines, et des tatouages quoi...
Mais c'est Cal'...
Tais-toi, ma pauvre.
En bataillant avec mes pensées, je place le beurre dans un récipient au micro-ondes. Ma main sur la poignée de l'appareil j'observe les secondes s'écouler, jusqu'à ce que j'entende la voix et Callahan :
— Et t'apprends ça où ?
Je récupère le beurre fondu, avec un petit sourire sur les lèvres.
— J'étais toujours dans la cuisine avec ma mère quand j'étais petite. Et après la mort de mon p...
La fin de ma phrase reste soudainement bloquée dans ma gorge.
Mon sourire s'envole tout aussi rapidement et je me sens déconnectée un moment.
Les vieux souvenirs de mes parents me reviennent comme une atroce punition...
Les jours où nous étions encore tous les trois... Que ma mère me prenait encore dans ses bras pendant que papa goûtait ce qu'elle avait préparé.
Les jours où j'étais l'amour de la vie de ma mère, et son regard était tellement doux et tendre que je voulais toujours m'endormir dans ses bras chauds...
Jusqu'à ce que la mort ne vienne tout emporter, et nous laisse cette maison froide et vide de vie...
Quand papa est mort, la cuisine est devenue un lieu de silence...
Maman n'a plus jamais recuisiné comme elle le faisait avant. C'est devenu un supplice pour elle, et pour moi, le mon seul moyen de ne pas oublier tous mes beaux souvenirs à trois...
Je finis de verser le beurre dans le récipient, et secoue légèrement la tête :
— Je regarde des recettes sur YouTube, murmuré-je finalement dans l'espoir qu'on passe à autre chose.
Je sens les yeux de Callahan sur moi.
Je n'ose même pas le regarder. Je ne veux pas qu'il me pose plus de questions.
Mais je sens une pression sous mon menton qui m'oblige à lever la tête.
Je plonge dans ses iris, l'océan de ses yeux est apaisant. Il me demande sans attendre :
— Tout va bien ?
Sa voix douce se déverse sur moi et me donne la sensation qu'il vient de me rattraper en plein naufrage.
Le sentiment grisant qui venait de s'agripper à mon cœur disparaît alors que je me réfugie dans ses yeux qui me scrutent minutieusement.
Je sais qu'il a remarqué mon hésitation et mon trouble.
Je hoche la tête sincèrement.
Là, ça va mieux.
À son tour il acquiesce, me libère de ses doigts, et ne me pose pas plus de questions que ça. Et c'est parfait pour moi.
Je baisse les yeux sur mon mélange. Le soleil qui réchauffe mon cœur me donne la sensation qu'il me voit, qu'il m'entend, et qu'il me comprend. Sans que je n'aie jamais besoin de lui montrer mes cicatrices...
Mon Dieu... ça fait tellement de bien.
Silencieusement, je lui tends une cuillère en bois, qu'il me prend avec un petit sourire charmeur.
Encore une fois, je le regarde mélanger avec enthousiasme. On aurait dit un enfant qui découvre un nouveau loisir.
— J'ajoute la farine, essaye de bien l'incorporer, OK ?
Il hoche la tête tandis que je verse doucement le reste de la farine dans le mélange et qu'il suit mes instructions à la perfection.
Pendant une seconde, je me rends compte que je crois que j'aime bien cuisiner avec lui...
Sous notre travail d'équipe, la pâte commence à prendre forme.
— Je vais te montrer comment on l'a pétri, et après tu le fais ?
— Je ferais ce que tu veux.
Un rire me prend, je laisse un « idiot » s'échapper alors que je plonge mes mains dans la pâte.
En captant de temps en temps son regard, je lui explique chaque mouvement à faire. Il hoche la tête à chaque fois en m'observant simplement.
Son visage concentré me fait baisser une seconde les yeux sur ses lèvres.
Je me reprends très vite, avant de mettre la pâte devant lui sur un petit lit de farine que je saupoudre.
— Je te laisse faire. Tu peux enlever tes bagues si tu veux, pour éviter de les salir.
Je vois l'esquisse d'un sourire étirer ses lèvres.
Sans me quitter des yeux, il les retire lentement... Puis me les tend.
Un peu surprise, je lève les paumes pour les prendre.
J'ai l'impression d'avoir une partie de son histoire au creux de ma main.
Lorsqu'il finit, j'entame immédiatement une analyse de ses bijoux.
Deux chevalières. Celle qui est fièrement ornée du drapeau albanais je l'avais déjà vue. Mais l'autre c'est la première fois que je me rends compte qu'elle est gravée d'un écusson. Je distingue encore l'aigle à deux têtes, mais cette fois-ci croise par deux épées avec cette forme recourbée.
La troisième bague est un anneau en acier sombre, et simple. Néanmoins, je remarque qu'il est inscrit à l'intérieur, "Callahan Michael Caine" suivit d'un point au milieu comme pour signifier qu'il y a un espace vide, et qu'il est possible de graver quelque chose à côté.
Je suis fascinée par ses bijoux.
Et surtout persuadée qu'il doit y avoir une histoire tellement intéressante à découvrir.
Soudainement, je relève la tête en me rendant compte que je m'étais perdue dans cette contemplation.
Tout en continuant de malaxer la pâte, il me fixait déjà...
Un violent rougissement colore mes joues, je referme rapidement mes doigts sur les bagues comme pour me cacher, et mon cœur palpite d'un coup :
— Désolée, murmurai-je précipitamment.
— Pourquoi tu t'excuses tout le temps ?
Sa question, pourtant très simple, me prend un peu de court par sa franchise.
— Je ne sais pas, je... j'ai...
Sincèrement, moi aussi je ne sais pas pourquoi je fais ça tout le temps...
Embarrassée, je ne sais pas quoi lui répondre.
— Tu peux les regarder, microbe. Ça ne me dérange pas, ne t'inquiète pas.
Face à sa permission et sa douceur, j'acquiesce et rouvre ma paume.
Cette fois-ci, ma curiosité l'emporte, je suis incapable de me retenir. Je saisis l'anneau en acier et le lève un peu vers lui :
— Il y a un espace vide à côté de ton nom ?
— Je sais.
Je pince les lèvres.
Sa réponse brève n'a pas donné lieu à plus de questions.
Peut-être qu'il ne veut pas en parler, et je respecte ça.
— Je graverai le nom de ma femme sur celle-ci. Et possible que je lui donne aussi.
Mes yeux se lèvent sur lui. Je ne m'attendais pas à ce qu'il poursuive de lui-même.
Mon cerveau prend quelques secondes avant de réaliser que Callahan me regarde et qu'il veut bien en parler.
Une petite excitation à l'idée d'en savoir plus sur lui me fait ouvrir la bouche avant même de penser à quoi que ce soit, je lui dis :
— Oh, je n'aurais jamais pensé qu'on puisse faire ça. C'est une tradition albanaise ?
De nouveau, son sourire en coin le rend encore plus charmant, il me répond doucement :
— Non, c'est une coutume propre aux hommes de ma famille. Tous les Caine ont cette bague et une fois mariés on a pour tradition de graver le nom de notre épouse dessus à côté du notre, et on peut lui offrir éventuellement comme une partie de la dot.
— C'est quoi exactement... la dot ?
— Chez moi, ça s'appelle la tradition du "çejz", la dot. En gros, c'est tous les cadeaux que la famille du marié offre à la mariée. Pour la faciliter dans sa nouvelle vie. Ça va des biens comme des vêtements, des articles ménagers, des meubles... Mais chez nous, on compte aussi l'or et des terres.
Je suis absorbée par ses paroles. Mes yeux font des allers-retours entre lui et cet anneau.
— La mari offre des parures en or pour la mariée. Cet or lui appartient totalement. Elle peut l'investir, le vendre, ou faire ce qu'elle veut avec, je n'ai aucun droit de regard ou de décision dessus. C'est un peu sa protection, et l'assurance qu'elle ait toujours son indépendance, et une sécurité financière dans le mariage.
— Le çejz... murmuré-je doucement en regardant sa bague. Je ne connaissais pas du tout, mais c'est passionnant.
J'entends son petit rire ce qui me fait relever les yeux sur lui. Et il me précise en désignant son anneau d'un haussement de menton :
— C'est du rhodium.
— Du rhodium ? répété-je, intriguée.
— C'est un métal rare, qui coûte très cher.
Sa voix grave me fait frémir.
Je détaille l'objet, fascinée. Le petit bout d'histoire qu'il me partage me donne envie d'en savoir plus sur sa famille et leurs traditions.
Et honnêtement, qu'il prenne le temps de me confier tout ça me fait me sentir incluse dans son monde. J'ai l'impression de comprendre un peu mieux son environnement, et c'est un fait, il a baigné dans les traditions, ça se sent.
Son regard intense et son sourire en coin provoquent le mien.
— Je croyais que t'avais des facture à payer, mais tu as de quoi t'acheter du rhodium et avoir une blackcard, je crois que tu ne me dis pas tout toi, hein, le taquiné-je.
Son rire éclate doucement dans la cuisine, provoquant le mien. Il secoue la tête amusé et sans me contrôler, après une énième analyse, je lui demande :
— Et toi... est-ce que tu la donnerais ? Ta bague ?
— À toi de me dire, tu la voudrais ?
La rapidité de sa réponse me fait violemment rougir.
— Parce qu'une fois que je grave ton nom dessus, tu peux oublier le divorce, zemër, c'est pour la vie.
Mon cœur s'emballe soudainement, et je me sens incapable de résister à l'envie de baisser les yeux sur ses lèvres.
Nos iris se croisent. Le regard de Callahan devient plus intense et sérieux, tandis qu'il continue de rouler la pâte pour former une boule.
Callahan... tes mots me perdent... à chaque fois....
« Tu peux oublier le divorce, zemër, c'est pour la vie. »
Mon Dieu...
Je me sens engloutie par la tension qui vient de surcharger cette cuisine.
Mais soudainement, l'ambiance change lorsqu'il donne une tape à la boule de farine qu'il vient de former. Je fronce les sourcils en l'interrogeant du regard, surprise :
— Mais, Cal' !? Tu es malade, ça va pas de faire ça ?
Il se met à rire franchement et réitère son geste en mettant une nouvelle fessée à la pâte.
— Petite avant-première de ta nuit de noces, ma petite Cassie Caine !
Il continue alors que je viens pour récupérer la pâte.
— Cal' ! C'est bon ! Callahan ! protesté-je en rougissant encore plus. Tu es taré !
Callahan est hilare en mettant des claques à la pâte. J'essaye de le pousser mais il bouge à peine, et ses deux paumes donnent une dizaine de petites tapes sur la surface.
J'arrive enfin à lui rendre ses bagues et prendre la préparation des mains. Lui est complètement mort de rire :
— T'es insupportable !
— Heureusement pour moi, que toi, tu pourras me supporter toute ta vie !
Je lève les yeux au ciel en me retenant de ne pas céder à son rire contagieux.
— Sale malade !
L'éclat de sa joie m'oblige à pincer les lèvres pour pas le suivre. Je place la pâte dans un bol huilé et je lui dis :
— On laisse lever jusqu'à ce qu'elle double un peu de volume. On va faire la garniture pendant ce temps, OK ?
— Qu'est-ce que je pourrais te refuser, sérieusement ? me répond-il avec un sourire charmeur.
Cette fois-ci je rigole avec lui.
Alors que je rassemble les ingrédients pour la garniture.
Je me rappelle du soir ou nos lèvres se sont rencontrées pour la première fois.
Ma chaleur corporelle prend en degré. Ça fait plus d'une semaine maintenant.
Et pour autant, à ses côtés je ne ressens ni honte ni gêne.
Pas un jour ne s'est écoulé sans que je ne repense à la sensation de son baiser.
Et ce souvenir me manque un peu...
C'est comme s'il avait activé quelque chose de chimique dans mon cerveau qui me donne toujours l'impression que je n'en ai pas eu assez.
Des frissons d'émotions me parcourent lorsque je repose les yeux sur lui, avec la cannelle dans les mains.
— Est-ce que t'aime bien la cannelle ?
Il balance lentement sa tête de droite à gauche, avant de me répondre simplement :
— Disons que je n'en mange jamais.
Je hoche la tête, et me mets à côté de lui pour lui expliquer la préparer de la garniture. Ensemble on crée une pâte brune en mélangeant du sucre brun, de cannelle moulue, un peu d'arôme de vanille et de beurre.
À la fin, je plonge une petite cuillère dans le mélange et la goûte avant d'en reprendre une nouvelle petite portion que je porte à ses lèvres.
— Tu veux goûter ?
J'ai presque eu l'impression de ressentir autant de frissons que lui. Je n'en suis pas encore sûre mais je crois que parfois, le sérieux sur son visage trahit plus son excitation qu'autre chose.
Il s'approche, et je le nourris de la cuillère en observant attentivement sa réaction.
Quand je le vois qu'il hoche lentement la tête en signe d'approbation, mon sourire témoigne de ma satisfaction.
Mais soudainement, Callahan saisit la cuillère de ma main et se sert une autre petite portion de garniture.
— Je t'ai juste dit de goûter un petit bout, hein... ?
Il reprend une nouvelle cuillère et c'est à ce moment-là que je tente de récupérer le bol, mais il l'élève hors de ma portée. En me plaignant, je tends les mains pour faire baisser ses bras, mais pour moi, c'est impossible de le soumettre physiquement à ma force face à la sienne.
— Attends ! Je goûte juste une autre petite cuillèeere ! insiste-t-il en riant, ce qui provoque le mien. Seigneur ! J'ai jamais vu une pince pareille !
— Callahan, regarde la taille des cuillères que tu prends ! Il n'y en aura pas assez après !
J'attrape le col de son pull, et essaye de tirer, mais il bouge à peine en revanche il éclate de rire et me lance :
— Hmm, mon amour, tu es plutôt dans ce genre de délire d'étranglement toi. Moi ça me plaît bien, mon safe word c'est : cannelle !
Je ne peux pas m'empêcher d'exploser de rire à mon tour, mais j'arrête tout de suite en le voyant prendre une épaisse cuillère :
— Callahan ! Non là, c'est trop !
Il se met à reculer, je me lance à sa poursuite autour de l'îlot central en m'emparant d'un torchon.
Le son de sa joie éclate dans ma cuisine, je m'entends lui sommer d'arrêter, et quand j'arrive enfin à le rattraper, je l'assène de quelques petits coups de serviettes dans ses côtes :
— Cannelle ! Cannelle ! s'exclame-t-il entre deux rires. J'ai dit cannelle !
J'avoue que j'explose encore de rire face à l'utilisation du mot de sécurité qu'il a décidé plus tôt. Je parviens en même temps à récupérer le bol de ses mains :
— T'es tellement chiant ! lâché-je avec un grand sourire impossible à réprimer.
Je repose le pot sur la surface en marbre du plan de travail et lui dit :
— Bon, est-ce qu'on peut continuer ou pas ?
Je suis à peine crédible dans ma démarche de retrouver un semblant de sérieux. J'ai envie de rire et à sa tête amusée je vois que lui aussi.
— Je serai un apprenti exemplaire, promet-il sur un ton cérémonial en levant militairement sa paume à hauteur de tempe.
— En tout cas, à ce stade, tu n'as pas du tout ton diplôme, le taquiné-je en reprenant la pâte qui gonflait dans le bol.
Alors qu'il rit doucement, je dépose la pâte qu'on a faite tout à l'heure, sur l'îlot avec un peu de farine. Je commence un peu à l'étaler mais je finis par lui dire :
— Tu veux le faire ?
Encore une fois, il acquiesce. Je lui tends le rouleau, et le regarde étaler la pâte.
Je crois que j'adore ses mains...
Une bourrasque chaude me fait mordre l'intérieur de ma bouche. Sauf que je suis interrompue dans mon flot de pensées lorsque sa voix grave m'interpelle :
— C'est quoi ce collier ? demande-t-il d'un haussement de tête.
Ma main se porte instinctivement sur les perles blanches qui ornent mon cou. Des souvenirs se glissent en moi. Un sentiment nostalgique me prend et je lui réponds doucement :
— C'était à ma grand-mère...
Ma voix a porté plus d'émotions que je ne l'aurais voulu.
— C'était ? me questionne-t-il en continuant d'étaler la pâte.
Sa curiosité me paraît vraiment bienveillante. Et je me sens poussée à partager une part de moi que je ne dévoile que très rarement :
— Elle est décédée... Quand j'avais dix ans, et mon... père me l'a donné, expliqué-je en enroulant les perles autour de mes doigts.
Tous mes souvenirs d'elle me reviennent en pleine face.
Je me rappelle des dimanches que je passais chez elle... Pendant une seconde, je revois les traits de son visage. Son regard bienveillant et malicieux toujours caché derrière ses petites lunettes rondes. Ses petits gilets en maille dans lesquelles j'adorais m'endormir en fin d'après-midi...
Comme un mirage, je sens soudainement l'odeur du pain grillé et de la confiture de fraise qui emplissait sa maison. Elle avait aussi cette vieille radio qui crépitait un peu et qui diffusant des mélodies classiques ou parfois des chansons de l'époque de sa jeunesse.
Les images sont aussi mélancoliques, qu'apaisantes...
Mes doigts continuent de jouer avec ce collier qui lui appartenait, et encore une fois, la voix de Callahan me ramène à lui :
— T'étais proche d'elle ?
Je hoche la tête en souriant doucement.
— On était vraiment fusionnelles. J'ai découvert l'amour de la lecture grâce à ma grand-mère... J'allais chez elle pratiquement tous les week-ends... Et elle m'emmenait à la bibliothèque, elle me lisait tout ce que je voulais. Elle me manque énormément...
Ça faisait des années que je n'avais pas parlé de ma mamie, et sur le coup, ça me fait un bien fou de le faire. Avec un petit sourire en coin, il attendrit encore plus l'atmosphère en me disant :
— Les grands-mères sont vraiment les meilleures, c'est dingue ça !
Amusée, j'acquiesce en le regardant. Et sans me contrôler, je lui dis :
— Mon deuxième prénom, c'est Sophia. Et c'était le sien aussi. Ça me rassure de garder ça d'elle.
— J'adore ce prénom, me répond-il avec sincérité en plongeant ses iris dans les miens.
Sa réponse me réchauffe le cœur. En fait elle le fait exploser. Face à ce simple compliment, je suis parcourue d'une sensation de sérénité qui m'apaise presque immédiatement.
— C'est vraiment gentil, merci... murmuré-je en sentant mes joues s'embraser.
La tendresse de ses traits brise des barrières qui me font ressentir comme un appel inexplicable à me confier à lui. Je constate qu'il a fini avec la pâte, alors inconsciemment je saisis le pot de mélange avec la cannelle et commence à en appliquer sur la pâte, puis je lui dis :
— Tu sais... ma mère elle a eu un peu de mal à m'avoir...
Les mots m'échappent.
Callahan appuie ses coudes sur le comptoir, en me regardant, attentif.
J'avale un peu mes craintes de ne pas être intéressante, ou de l'ennuyer avec mes histoires, quand dans ses iris bleus, j'ai comme cette sensation qu'il me donne l'espace suffisant pour continuer à me confier à lui.
Je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Pourquoi maintenant, mais j'en ai vraiment envie :
— C'est ma grand-mère qui me l'a expliqué. Un jour, j'étais énervée contre ma mère, je ne me souviens même plus pourquoi honnêtement. Mais j'ai compris ce jour-là que mes parents étaient parfois très protecteurs envers moi parce que j'étais leur seule enfant.
Je me sens tellement écoutée et comprise sous son regard qui ne me lâche pas, que je continue à partager un peu de moi-même :
— Mon père a toujours voulu un deuxième, mais ça n'a jamais été possible...
Son intérêt s'affiche clairement sur son visage.
— Est-ce que c'est pour ça que tu veux une grande famille ? me demande-t-il avec douceur.
Je tourne la tête vers lui. Il me fixe comme s'il cherchait à voir au-delà de juste mes mots.
Partagée entre ma réflexion et un léger amusement, alors que je continue d'étaler doucement la garniture sur la pâte, je lui réponds :
— Hm... oui et non... J'aime juste vraiment les enfants et je veux être maman. Même si, oui, il y a sûrement une part de moi aurait aimé avoir des frères et sœurs... C'est un peu solitaire parfois d'être enfant unique.
Callahan hoche la tête, mais il me répond avec un petit sourire en coin :
— J'avoue que je ne pourrais pas te confirmer ça, parce que j'ai grandi entouré de mes cousins.
— Ça devait être tellement amusant...
— Écoute ma belle, t'as évité un nombre incalculable de raclées qui te tombent dessus alors que t'as rien fait, plaisante-t-il avec un clin d'œil ce qui nous fait rire tous les deux.
Pendant un moment j'imagine Callahan entouré par sa famille, et un sourire pousse mes pommettes.
La cadence de mon cœur guérit quelque chose en moi. Je ne sais pas quoi. Mais cette simple discussion me fait quelque chose d'inexplicable...
En fait, je crois que je me rends compte que dévoiler une part de moi n'est finalement pas si effrayant que ça... Et ça me fait même du bien qu'il puisse avoir une vision plus profonde de ma personne...
Je termine de placer la mixture sur la pâte et je lui dis :
— Tu veux l'enrouler ?
Il se redresse et me surplombe de sa taille. Je me décale légèrement, et il se place à côté de moi. Le bout de ses doigts fait pression sur la préparation et il commence à enrouler la pâte sur elle-même.
Je le trouve vraiment adorable...
La façon dont il se concentre comme si c'était l'examen de sa vie me fait sourire.
Et dans ce moment apaisant, mes lèvres s'ouvrent et lui demandent :
— Et toi... Est-ce que tu as toujours ta grand-mère ?
— Hm... ma grand-mère, non, mais en gros, mon grand-père avait un frère, ce frère avait une femme, c'est la grand-mère de mes cousins, j'ai grandi avec elle, je la considère comme la mienne aussi.
— Oh oui, je comprends totalement.
Callahan termine d'enrouler la préparation, et j'ajoute en prenant un couteau :
— Tu as vraiment l'air une très grande famille.
— Ouais, c'est le cas de le dire, me répond-il avec un sourire, en saisissant le pot avec la mixture de cannelle.
— Et tu es proche de ta grand-mère ?
Callahan se met à racler le fond du pot pour manger le reste de la garniture, pendant que je coupe en rondelle le cinnamon.
— Bien sûr. D'ailleurs, tu me fais penser que ça fait un petit moment que j'aurais dû l'appeler. Elle va me niquer.
Un petit rire m'échappe, et je tapote mon index contre les rebords du plat en céramique pour signifier à Callahan de mettre les rondelles dedans.
— Tu rigoleras moins quand je t'emmènerai en Albanie pour te la présenter.
Mon rire redouble d'intensité, mais je lève encore les yeux au ciel. Et sans réfléchir, je plonge mon doigt dans un petit tas de farine qui traînait là, et le pose sur le nez de Callahan.
Il me regarde faussement en colère, et me lance :
— Tu ne devrais pas me lancer dans une guerre, microbe, je suis très mauvais perdant. Et si tu ne veux pas que je te donne les mêmes fessées qu'à ta pâte tu...
— C'est bon, c'est bon !
Je n'attends même pas qu'il finisse pour essuyer le reste de farine sur son visage. Mais je ne peux pas m'empêcher de rire, en le nettoyant.
Mais je me rends vite compte que ce petit moment de complicité semble faire tomber mille et une barrières entre nous.
Comme la dernière fois que j'ai touché son visage, sa peau est extrêmement douce.
Je sens lentement, l'atmosphère se réchauffer. Ma paume glisse lentement sur ses lèvres et descend sur sa gorge, puis sur son cœur.
J'assiste en direct au changement d'expression qui parcourt les traits de son visage, passant de l'intrigue au désir... Je reste figée de longues secondes sur la cadence effrénée de son organe qui tremble sous ma main.
Ce n'est pas la première fois qu'il bat aussi fort en ma présence. Le mien tambourine tout aussi fort que lui et je me sens submergée par toute une bourrasque d'émotions.
Les jours passent et ce truc intime qui nous agrippe l'un envers l'autre devient plus fort, plus intense.
Je laisse glisser ma main tout doucement tandis qu'il pince ses lèvres en me fixant. Je retire ma paume, et m'éclaircis la voix, prise par des frissons qui me secouent de l'intérieur.
En déglutissant, je recule et rassemble les ingrédients pour faire le glaçage.
Il faut que je m'enlève toutes ces pensées salaces de la tête.
En revenant vers lui. Je vois bien qu'il ne m'a pas lâché du regard. Son poing tapote lentement la surface en marbre de l'îlot. La musique de ses bagues résonne de façon régulière et me donne surtout l'impression qu'un compte à rebord s'est activé entre nous.
Je crois qu'on pense tous les deux à la même chose...
La question ce n'est pas « est-ce que ça va se faire ? »
La question c'est juste « quand ? »
Respire Cassie, ce n'est vraiment pas le moment de penser à ça.
— Tu... Enfin, je vais mettre les cinnamon au four, et pendant ce temps on peut préparer le glaçage...
Lentement, il hoche encore une fois la tête en faisant passer sa paume sur sa mâchoire, sans un mot.
Bon sang... Je me sens aussi fébrile qu'il doit sûrement l'être...
Je prends le plat et l'enfourne avant de revenir vers lui. En commençant à verser un peu de sucre glace dans un récipient, j'attrape le lait et je me décide à essayer de changer l'atmosphère et lui dit :
— Tu viens d'où... en Albanie ?
Je relève la tête vers lui. Il me sourit doucement.
— Tirana, la capitale.
— Tu y vas souvent ?
— Malheureusement, ces dernières années, non. Et l'année dernière je n'y suis qu'allé qu'en août...
Les traits de son visage laissent passer le temps d'une seconde une légère mélancolie.
Alors que ma main continue de mélanger le sucre glace et le lait, je le fixe.
— Ça se voit que ça te manque terriblement.
Il baisse les yeux sur moi, comme s'il sortait de ses pensées. Il se tourne vers moi :
— Il y a un restaurant là-bas, Oda Garden. J'aimerais bien te faire goûter, m'annonce-t-il doucement en appuyant ses coudes contre le plan de travail.
La chaleur qui imprègne mes joues et ma poitrine me fait baisser les yeux sur mon mélange crémeux.
Je cherche mes mots, pas sûre de ce que je peux lui répondre. J'ai un million de pensées qui s'entrechoquent.
Quand il me place sérieusement dans ce type de contexte, c'est là où je craigne que ce ne soit qu'un mirage...
Alors finalement, je lui réponds :
— C'est gentil, Cal'... mais je ne pense pas que ma mère me laissera aller en Albanie, seule avec un homme...
Callahan baisse la tête une seconde avec un petit sourire presque outré.
Puis finalement, son regard se fait plus intense dans le mien, et sans attendre, il me répond avec autant de fermeté que de douceur :
— On dirait que tu fais exprès de ne pas comprendre.
Je m'arrête net dans mon geste, mon fouet reste en suspension au-dessus du bol.
Mon cœur est en train d'exploser. Ses mots me coupent le souffle. J'attends avec appréhension le reste de ses pensées :
— Tu n'auras pas besoin de l'autorisation de ta mère quand tu porteras mon nom.
Je deviens écarlate en un claquement de doigts.
Ses mots résonnent et me submergent violemment.
Son regard me paraît si sérieux que j'ai une vision d'avenir qui m'effraie autant qu'elle m'attire dangereusement.
Je le scrute et lui aussi ne me lâche pas du regard. Mon souffle devient légèrement plus profond et une sensation chaude, apaisante, enveloppante me donne du bonheur.
J'ai eu plein de belles images en tête. Je me suis imaginée un moment où il graverait mon nom à côté du sien et me donnerait cette bague en rhodium.
Et ce sentiment m'a fait me sentir chez moi.
Une envie soudaine et osée me traverse l'esprit.
Rien qu'à l'idée d'y penser, je me sens trembler. Mon regard glisse involontairement vers ses lèvres. Je n'arrive rien à dire, jusqu'à ce qu'il brise finalement le silence en ajoutant :
— Et, tu n'iras pas 'seule avec un homme', tu seras accompagnée de l'Albanais de ta vie. Fais gaffe à ce que tu dis devant moi.
La plaisanterie dans sa voix n'a pas vraiment l'air d'en être une.
Le parfum des cinnamon commence à embaumer la maison. Je crois que je ne me rends pas compte d'à quel point mon cerveau se focalise de plus en plus juste sur lui...
Et je sens que je commence à prendre des risques avec ce que j'ai derrière la poitrine...
Mais comme je lui ai dit... J'ai vraiment envie de prendre ce risque... Avec lui.
Alors, je m'éclaircis un peu la voix et murmure en faisant jongler mon regard du glaçage à lui :
— Alors... Eum... j'espère que ça sera bon... ton restaurant...
Il a l'air vraiment surpris de ma réponse, ses sourcils se lèvent lentement en même temps qu'un large sourire sincère et intense étire ses lèvres.
Mes émotions sont indescriptibles. Ce que je ressens est aussi physique que mental. À chaque fois, j'ai cette sensation qu'on ressert des étaux toujours plus serrés entre nous.
Je souris à mon tour en fuyant la scène pour remettre un peu d'ordre dans mes idées.
Je me dirige vers le four que j'ouvre. La chaleur effleure mon visage, et je sors les cinnamon avec précaution.
Je reviens vers lui en posant le plat brûlant en face de lui.
— Dernière étape... tu peux mettre le glaçage dessus, ajouté-je en glissant le récipient du glaçage près de nous.
Quand il me prend le récipient des mains, et qu'on s'effleure, intérieurement, des feux d'artifice explosent dans mon ventre.
J'arrive à peine à me contenir.
Je le regarde déverser le liquide blanc sur les pâtisseries.
J'avoue que j'ai une petite pointe d'admiration pour lui.
Je ne sais pas ce qui me provoque ça. Mais j'admire énormément la douceur qui se balance avec ce fort charisme qui s'émane de lui.
Il est... à la fois, très masculin et protecteur, mais aussi encourageant et généreux... et doux aussi...
Ce mélange me fait craquer lentement.
C'est parfait.
— Ça sent bon, murmure-t-il en finissant de badigeonner le glaçage.
Je reviens sur terre avec un sourire satisfait.
C'est vrai que l'odeur donne vraiment envie.
Je m'éloigne pour aller récupérer deux petites assiettes, et j'ouvre un placard dans lequel j'ai caché une bougie que j'ai acheté la vieille, je la prends avec un briquet.
Après être revenue vers lui, je prends un cinnamon que je le place soigneusement sur l'une des assiettes. J'y enfonce la bougie que j'allume et je lève le gâteau à sa hauteur.
En plongeant mon regard dans le sien. Je suis incapable de ne pas sourire. Au bout de quelques secondes, je lui murmure doucement :
— Je te souhaite un joyeux anniversaire, Callahan.
Son regard me remplit d'émotions.
Je ne sais même pas pourquoi, mais soudainement, je sens mes yeux me piquer. J'ai envie de pleurer, mais pas de tristesse.
Il me détaille moi, puis la pâtisserie avec une intensité émouvante.
La lumière de la bougie reflète dans ses iris bleu nuit.
Tout s'efface.
Le monde se retourne et il ne reste que Callahan et Cassie.
La lune et le soleil.
Je crois qu'en quatre mois... Il a creusé une place unique dans mon petit monde, et elle compte beaucoup pour moi.
Il a l'air sincèrement touché par mon geste. Il sourit à peine parce que l'émotion qui voile son visage est plus intense que ça. Mon cœur bat à la chamade, et j'ai envie de poser ma main sur son torse pour savoir si le sien rythme comme le mien...
Il se penche légèrement vers moi, son visage devant la bougie. Je me sens un peu intimidée, et puis il articule d'une voix tendre :
— Je souhaite...
— Tu ne dois pas le dire à haute voix ! je l'interromps précipitamment.
Ses yeux se plissent dans un sourire, et il ajoute rapidement :
— Ma marier avec toi, et avoir nos cinq gosses !
Je m'écris en même temps qu'il souffle sur la bougie avec un petit rire taquin.
Il scelle ce vœu qui se disperse dans cette fumée blanche qui s'élève, comme si sa prière s'envolait vers les cieux.
On se regarde le temps d'une seconde.
Et puis finalement, on éclate tous les deux de rire.
Moi-même je ne sais même pas pourquoi je ris, mais la bulle de joie dans laquelle on s'immerge est tellement irrésistible.
— T'es super ch...
— Chiant. Je sais microbe, on dirait un CD rayé, m'embête-t-il en enlevant la bougie.
Je me laisse rire encore, alors que Callahan prend le cinnamon, et prend une grande bouchée.
Rappel à moi-même. Ne plus jamais lui partager ma nourriture, au risque qu'il finisse tout.
Son plaisir s'affiche tout de suite sur ses traits. Il commence à murmurer des « hmm, hmm » sincère en fronçant les sourcils et en regardant la pâtisserie, puis moi.
— Tu aimes bien alors ? demandé-je avec un grand sourire.
— J'adore ! Goûte.
Il approche le cinnamon de ma bouche. Je ne me laisse pas succomber à quelconques pensées et m'abandonne à ce petit moment d'intimité en acceptant le morceau de son gâteau qu'il m'offre.
J'ouvre les lèvres et mords dedans sous son regard intense.
C'est vrai que la saveur chaude me fait fondre moi aussi.
— T'as vu ? C'est bon, zemër, putain merci ! me dit-il en dévorant le gâteau.
— C'est toi qui l'as fait aussi.
— Oh, mon amoureuse ! rigole-t-il en terminant de manger. T'es trop mignonne !
Je n'ai même pas le temps de me remettre des émotions qui m'ont parcouru après qu'il ait prononcé ces mots, qu'il fait un pas vers moi, et lève sa main libre vers moi.
L'instant qui suit, je sens son pouce sur ma lèvre inférieure, il essuie ce que je suppose être un reste de glaçage et il porte ensuite son doigt dans sa bouche. Il lèche son pouce.
J'entrouvre les lèvres, prise de terribles frissons dévastateurs se déferlent par vague de mon ventre à mes jambes. Je reste un instant bouche bée face à sa geste. Je sens ma poitrine durcir, et je suis électrifié de sensations brûlantes qui font monter la tension en un claquement de doigts.
Ce changement d'ambiance serre mon ventre à plusieurs reprises. Ses yeux me pénètrent, intensément. J'ai l'impression de l'entendre me désirer autant que moi. C'est assez difficile d'ignorer cette attraction qui nous donne envie à tous les deux.
Quand... ? La question c'est juste quand... ?
Pour faire simple, et sans vouloir être grossière, son geste vient littéralement de m'allumer.
Un millier d'images salaces de lui et de moi se sont succédé dans mon esprit. J'ai tellement envie de lui, et de le sentir près de moi que je ne fais rien quand il s'approche encore de moi avec cette façon profonde de me regarde.
Mon cœur tremble, et je veux juste qu'il le fasse exploser dans cette cuisine.
Lui aussi me brûle de ses yeux qui oscillent des miens à mes lèvres.
Doucement, Callahan se penche vers moi. Mes envies fortes appellent sa bouche que je fixe affamée. Je suis tellement impatiente qu'il nous lie tous les deux que son regard ne me provoque même pas de gêne.
Au contraire, avec lui, mon cerveau me laisse être moi-même.
À cent pour-cent.
Enfin il s'approche de moi, ses lèvres effleurent les miennes.
Mais nous sursautons tous les deux en entendant le son des clés dans la serrure de la porte d'entrée.
Nous nous séparons rapidement et notre bulle éclate brusquement, et mon cœur s'arrête net. J'écarquille les yeux en jonglant de Callahan à la porte d'entrée qui s'ouvre :
— Ma mère est là... réalisé-je d'une voix blanche.
On n'a même pas le temps de prévoir quoi que ce soit que le visage scrutateur de ma mère tombe brutalement sur nous.
— Ghost ? Je peux savoir ce que vous faites chez moi ? l'accuse-t-elle en claquant la porte d'entrée derrière elle.
Je n'entends pas vraiment de surprise dans sa voix.
Enfin, si, je sens bien qu'elle ne s'y attendait pas, mais la moto de Callahan est garée sur le trottoir elle savait depuis un bon moment qu'il était là.
Callahan et moi on s'échange un regard bref :
— Je ne faisais que passer, affirme-t-il d'une voix contrôlée et calme.
— Oui, maman, c'est... Il est...
Ma mère lève son index vers moi me clouant au silence. La colère creuse ses traits, ce qui me paralyse instantanément.
— Ce n'est pas à toi que je parle, Cassie.
Je me terre dans un silence humiliant alors que ma mère détourne son regard sévère et glacial vers Callahan qui ne la lâche pas du regard non plus, sa mâchoire est contractée et son air dangereux.
— C'est inutile de paniquer, ajoute-t-il en récupérant son casque sur l'îlot. Ça m'a paru assez clair quand j'ai dit que je ne faisais que passer.
Je pince les lèvres face au ton autoritaire de Callahan qui amorce son départ, en se menant vers l'entrée.
Il se chausse et revêt sa veste lentement à côté de ma mère qui l'assassine du regard. Lui aussi la fixe mais avec un air tellement détaché et nonchalant que ça donne l'impression qu'il n'en a juste rien à faire.
Alors qu'il abaisse la poignée à l'entrée, il me jette un dernier regard qui s'apparente presque à un adieu. Pendant une seconde, le voir partir, et l'idée de me retrouver seule avec ma mère me donne envie de le suivre et de disparaître avec lui.
Mais la porte claque.
Le silence qu'il laisse derrière lui est lourd à supporter.
Je reste figée dans cette cuisine. Au même endroit où quelques secondes auparavant, Callahan allait m'embrasser. Je le vois à travers la fenêtre de la cuisine longer mon allée en enfilant son casque.
Il sort et d'ici j'entends qu'il démarre sa moto.
En retrouvant les yeux impitoyables de ma mère, je retourne instantanément dans mon monde froid et solitaire.
Une légère douleur se réveille dans ma poitrine accompagnée d'une crainte de ce qui peut se passer. Je déglutis et ses talons claquent contre le parquet. La cadence de mon cœur décuple. Je me sens toute nue sous l'examen implacable de ses iris.
— Je venais juste récupérer un document... et je trouve ma propre fille avec son garde du corps, Cassie ?
L'impression de devenir toute petite et démunie face à ses reproches, son regard, sa froideur me glace le sang. Sa colère fait légèrement trembler sa voix.
— C'était juste... son anniversaire... j'ai voulu...
Ma voix s'effiloche.
Je ne sais même pas quoi ajouter....
— Tu as voulu quoi, Cassie ? me questionne-t-elle vachement irritée.
Moi-même je ne suis pas sûre...
J'inspire profondément et tente de rassembler mon courage pour essayer de me défendre...
J'ai juste voulu lui faire plaisir... Et je ne pensais pas à mal...
— Je voulais juste fêter son anniversaire... Je n'ai rien fait de mal, maman...
Ma voix est fluette, mais il faut vraiment qu'elle comprenne mes intentions.
Elle ne me répond pas tout de suite. Mais elle s'approche de moi avec une lenteur qui me retourne l'estomac. Je redoute ses prochains mots. J'ai peur qu'elle me dise quelque chose qui me hante et me fasse vomir au point où ça me couperait l'envie de manger pendant des semaines, le temps de m'en remettre.
Mon estomac se retourne dans mon ventre, je serre mon poing en l'observant. Entre ses talons qui créent une musique angoissante et cette autorité qui s'émane d'elle, j'espère juste qu'elle pourra un jour avoir un peu pitié de moi...
Quand elle arrive devant moi, son index me pointe, et elle articule d'une voix froide et implacable :
— Ghost... est ton garde du corps, Cassie, rien de plus.
Je déglutis difficilement. La température de mon corps me donne mal à la tête, elle ajoute également :
— Je ne tolérerai aucune familiarité indigne de notre statut, tu m'as bien comprise ?
Ses mots déchirent quelque chose en moi.
J'ai l'impression que tous les rêves dans lesquels j'imaginais Callahan à mes côtés s'envolent aussi vite qu'ils sont arrivés.
C'est clair et net, je le vois dans ses yeux, elle ne voudra jamais que Callahan et moi ne soyons quoi que ce soit l'un pour l'autre...
Mes espoirs rétrécissent. J'ai l'impression de revenir violemment à la réalité et de perdre un bout de soleil que je m'étais imaginé me réchauffer jusqu'à ce que la mort nous sépare...
L'idée d'abandonner me fait un mal que je n'aurais jamais pu soupçonner... Ça me coupe presque le souffle, et encore une fois, j'ose essayer de me défendre.
— Je n'ai rien fait de mal, Maman. Il n'y a pas à s'inquiéter, c'était juste...
— Tu devrais savoir quelles relations sont acceptables pour une jeune femme de ta condition, et ce n'est certainement pas avec un employé, me coupe-t-elle.
Un employé...
Pour elle c'est juste un employé.
Et moi j'ai oublié que Callahan c'est aussi Ghost.
Mon garde du corps qui n'est là pour m'accompagner chez moi et être présent lors de ses galas.
Rien de plus... Rien de moins.
Mais pour moI... Il est juste Callahan...
— Ton père aurait été horrifié à l'idée même de te voir te comporter ainsi !
J'écarquille les yeux et ses mots m'horrifient.
Il me faut quelques secondes pour réaliser qu'elle vient de mentionner mon père de cette façon et je m'effraie en réalisant qu'en une fraction de seconde, je passe de la douleur à la colère :
— Ne parle pas de papa, répliqué-je amère. Tu ne sais rien de ce qu'il aurait pensé !
La tension change drastiquement dans la pièce. Je me suis sentie redresser mon dos pour paraître moins écrasée par ses mots. Je ne lâche pas ses yeux miroir des miens.
Et ça me fait mal d'avoir autant de colère à son égard mais je ne veux pas abandonner cette fois-ci...
Ma mère reste figée un instant, je vois bien la stupeur qui voile son regard.
En sept ans, je n'avais jamais osé lui répondre lorsqu'elle me lançait des phrases sur mon père.
Je n'ai toujours pas oublié la fois où elle m'a dit qu'elle aurait préféré être au cimetière à la place de mon père plutôt qu'avoir une enfant comme moi.
Mes souvenirs ajoutent à ma colère, et elle ajoute :
— Je sais exactement ce qu'il aurait pensé, et c'est moi qui...
— Non, tu ne sais rien ! la coupé-je tremblante de colère. Alors arrête de prétendre le contraire, tu passes ton temps à supposer des choses pour soulager ta conscience, mais tu n'as aucune idée de ce qui pourrait bien se passer si tu te laissais un peu vivre !
Elle fait un pas vers moi.
J'ai un haut-le-cœur et je recule d'un pas à mon tour, prise de surprise, et elle pointe son index sur mon buste. J'écarquille les yeux, choquée, car c'est très rare que ma mère me touche.
— Ne me parle plus jamais sur ce ton, Cassie. Fais attention.
Mon souffle s'accélère. Et je ne sais pas pourquoi, mais avant même d'y réfléchir, c'est moi qui fais un pas vers elle :
— Il faut que tu comprennes que je ne suis plus une enfant, maman. Alors, maintenant, je vais te répondre parce que moi aussi j'en ai des choses à te dire.
Je suis choquée de mes propres mots, mais le pire, c'est son expression se transforme sous mes yeux.
La dureté et le manque total d'empathie dans ses yeux me paralysent quelques secondes.
Moi qui pensais avoir tout vu... Je me trompais.
— Sous mon toit, me souffle-t-elle catégorique, tu suivras mes règles, mes ordres. Tu m'entends, Cassie ?
Je me sens toute retournée. Parce que je suis incapable de détourner le regard. Ma colère me ronge l'estomac. La rage me fait serrer les poings et je sens que je ne veux pas perdre ce bras de fer. J'ai envie de me battre parce que je pense sincèrement qu'il y a une bonne raison cette fois-ci.
Je ne veux plus laisser mon monde sans soleil...
Alors je lui dis :
— C'est peut-être ça le problème, maman. T'es règles, elles me rendent malade !
Elle fronce les sourcils avec un air à la fois inquiet et paralysé. On aurait que mes mots viennent de la brûler.
Son regard me serre la gorge. Parce que je vois sa douleur, et ça me tue de lui infliger ça.
— Tu ne sais plus ce que tu dis... me dit-elle d'une voix incertaine.
Pendant une seconde je suis prise de culpabilité. Je veux tout arrêter. Je veux apaiser cette peine qui grise les traits de son visage. Je me retiens avec violence de pleurer.
Je ne peux pas abandonner maintenant...
— Si... Je sais... Je veux vivre ma propre vie. Faire mes propres erreurs... Et je te jure que je ne le fais pas pour te blesser...
Je sens que si je lâche, elle reprendra le dessus sur moi, et je n'aurais peut-être pas d'autre occasion pour reprendre le dessus. Je crains de perdre ma mère. Mais... depuis que papa est mort, ne l'ai-je pas suffisamment perdue comme ça ?
Il faut se l'avouer... L'écart que ma maman a creusé entre nous est pratiquement insurmontable maintenant. Il y a une crevasse si profonde qui nous sépare, qu'il nous faudra beaucoup de bataille si on veut un jour renouer les liens...
Si je reste accrochée à ses attentes, je ne tracerais jamais mon propre chemin.
La cuisine me paraît si étroite, je me sens étouffée.
Les dernières effluves du parfum de Callahan qui se mélangent au cinnamon m'attristent.
C'est bien la première fois que je me sens prise d'autant de pouvoir face à elle, et ce, malgré ma peur, mes doutes. Je suis déterminée à lui faire comprendre.
Je la regarde, et elle me regarde elle aussi.
Mais pour moi, le message est clair : les choses doivent changer maintenant.
— Je ne te laisserais jamais me refaire la même erreur que la dernière fois. Tu ne te rappelles pas ce qu'on a subi !
Ma gorge se noue violemment.
— Et donc quoi, m'écriée-je outrée, ça signifierait que je ne pourrais plus jamais retrouver quelqu'un !?
— Parce que ce quelqu'un serait ce fichu garde du corps peut-être !? Je t'interdis de tenter quoi que ce soit avec lui, Cassie, écoute-moi bien !
— Je trouverais moi-même celui que je veux !
Je me tourne vers le comptoir et prends mon téléphone.
— Je n'ai pas fini de parler avec toi, jeune fille ! me lance ma mère avec un brin de désespoir et de rage dans la voix.
— Je n'ai plus rien à te dire !
Mon ton est sans appel.
Je contourne ma mère pour prendre Sherlock qui était près de sa gamelle tout ce temps.
— Mais, bon sang, qu'est-ce qui t'arrive à la fin ! Depuis quand est-ce que tu te permets de me parler comme ça !
Sa voix s'élève de frustration, elle me suit alors que je pose un pied sur la première marche de l'escalier mais je me tourne brusquement pour lui faire face, elle s'arrête net. Ses sourcils se lèvent de surprise et je lui lance :
— Depuis que j'ai compris que ma vie m'appartient, maman ! Et que le respect, ça va dans les deux sens !
Elle entrouvre les lèvres, choquée. Ma voix était calme, mais moi-même j'ai senti l'acidité dans mes mots.
Je la scrute de longues secondes avec fureur. Mon cœur résonne au rythme de ma colère et de ma peine.
À ce moment, je sais que j'ai franchi un seuil et je ne pourrais plus jamais revenir en arrière.
Je dois abandonner l'idée d'avoir son approbation même si je sens déjà que ça s'annonce compliqué de faire sans elle, mais il faut que je me défende...
Il faut vraiment que tu y arrives, Cassie...
Alors, avant qu'elle ne puisse répondre quoi que ce soit.
Je tourne le dos à ma mère et monte rapidement dans ma chambre en claquant la porte derrière moi.
Mon cœur tambourine si violemment dans ma poitrine et mes émotions explosent tout d'un coup.
J'éclate en sanglots. Je laisse mon chat partir, mais Sherlock tourne autour de moi en miaulant. Je balance mon téléphone sur mon lit en plaçant mes paumes sur mes paupières pour calmer mes larmes.
Je suis partagée entre une honte d'avoir été prise sur le fait accompli avec lui. Mais en même temps... Ma honte est surplombée par cette fulgurante rage que j'ai contre ma mère. Comme si elle osait enfin sortir après tout ce temps à subir.
Et je crois que j'ai eu peur tout le long de l'échange, et je réalise ce que j'ai fait...
Mais j'ai tenu bon.
Alors je crois que je pleure de nerf, d'angoisse, de panique.
Un léger mal de ventre me prend. Je finis par m'asseoir sur le rebord de mon lit. Sherlock grimpe sur moi et s'enroule sur mes cuisses. Sa présence rassurante arrive à me focaliser sur lui.
Avec mes larmes coulant le long de mes joues, je me penche pour poser mes lèvres sur son dos et ma paume caresse doucement son pelage roux.
— Merci d'être là, mon fils. Je t'aime, tu sais... ?
Sherlock lève son petit museau vers moi. Je saisis doucement sa tête et dépose des baisers sur ses joues.
J'essaye de calmer les cognements effrénés de mon cœur mais j'entends mon téléphone vibrer sur mon lit.
Je le cherche sur ma couverture, et vois un appel entrant...
« Burri im. »
Mon cœur fait un bon violent dans ma poitrine.
Pourquoi il m'appelle... ?
Il faut être honnête, le sentiment qui me submerge est exaltant et extrêmement agréable.
Il est toujours là...
Même quand je ne le vois pas, il est toujours là...
Je prends une seconde pour respirer dans l'espoir qu'il ne devine pas que j'ai pleuré, et je décroche :
— Allo... ?
— Pourquoi tu pleures ?
Je savais bien que ça ne servait à rien de me cacher.
Il le voit toujours...
Malgré moi, ma peine s'affaisse légèrement moi, et avec mes larmes de tristesse, un petit sourire pousse mes pommettes. Malgré tout, je me rends compte qu'il vient de faire switcher mon humeur juste avec le son de sa voix, et ça, c'est phénoménal pour moi...
— C'est rien... Elle a juste été choquée de te voir ici... Elle en fait souvent des caisses pour rien... Désolée, je ne savais pas qu'elle rentrerait aussi tôt.
— Ne t'excuse pas. Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
Un petit bout de soleil revient dans mon monde et je me laisse tomber sur mon lit.
Mes yeux se ferment.
Savoir que je n'ai pas constamment besoin d'être désolée me fait tellement de bien que mon cœur se gonfle de chaleur.
Je finis par lui répondre :
— Rien de grave... soufflé-je. Je ne veux même pas y penser...
Pendant plusieurs secondes, personne ne dit un mot.
Je veux juste rester en ligne avec lui.
Je me laisse me calmer doucement, et j'ai même la sensation que je m'endors...
— Microbe ?
— Hum ?
— Merci... pour le cinnamon.
Sans pouvoir résister, un léger rire m'échappe. Sa voix m'a paru tellement innocente que j'ai trouvé ça adorable.
Dans ce chaos émotionnel qui m'a chamboulé, il vient mettre la paix au fond de moi.
— T'as aimé alors... ?
— Bien sûr, mon amour, insiste-t-il taquin.
Encore une fois, ça m'amuse.
— Alors... tu ne diras plus que je suis une mamie ?
— Microbe, tu peux toujours courir, tu resteras toujours une mamie à mes yeux, précise-t-il avec un amusement dans la voix avant de préciser un peu plus sérieusement. Mais je te l'accorde, c'était vraiment très bon.
— Hmm... Dommage, j'aurais essayé au moins.
— N'essaye plus jamais de ta vie, vieille peau !
Je place ma paume sur ma bouche pour retenir l'hilarité qui allait m'échapper. Je l'entends rire doucement lui aussi.
De nouveau, un silence apaisant nous prend.
Ce chemin que j'ai envie de me frayer toute seule... Ce tunnel sombre dans lequel je craignais d'avancer en m'étant rendu compte que ma mère ne me tenait plus la main depuis longtemps...
J'ai bien l'impression que je ne marche plus seule sur cette route incertaine.
Et que mon petit fantôme m'accompagne partout.
Ce sentiment de paix me fait de nouveau fermer les yeux.
Et cette fois-ci, c'est moi qui brise le silence :
— Callahan ?
— Dis-moi ?
— Joyeux anniversaire...
Je l'entends inspirer profondément.
Et puis au bout de quelques secondes, sa voix rauque me murmure :
— Faleminderit, zemër. (Merci, mon cœur)
Je ne reconnais que zemër.
Mais ces paroles résonnent comme la mélodie la plus douce dans mes oreilles.
— Je vais devoir te laisser, microbe, mais raccroche quand tu veux.
— Oh, oui... Euh, bonne nuit... Cal'... À demain.
— Natën e mire, microbe. À demain.
Je souris et raccroche.
Mes yeux fixent mon plafond.
Et quand je pensais avoir tout vu...
J'entends éclater dans mon quartier les vrombissements du moteur de sa moto qui s'éloigne à mesure que les secondes passent.
Il était resté en bas de chez moi tout ce temps...
✤
Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃
Ça-va ? ☕️
IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !
Moi j'ai plus les mots...
Non regardez ma Casbaby comment elle a grandit ?
Non au revoir c'est trop ! 🏍💨
Ma fille elle se libère de plus en plus, je suis trop fière de mon bébé. Petit à petit, l'oiseau fait son nid. 🥹
Bon je parle pas de Cal, je suis amoureuse de mon fils 🤣 ! Il est incroyaux et puis basta ! C'est vraiment le mâle alpha qu'il croit être ! 😎🤚🏾
⚠️ Bon petit disclaimer important !
C'est le dernier chapitre avant le mois du ramadan ! Pour celles qui me suivent depuis longtemps, vous savez que je ne publie jamais pendant le mois du ramadan.
Cette année, c'est peut-être possible que je publie un seul chapitre, mais je ne vous garantie vraiment rien, je ne préfère pas m'avancer !
Donc j'ai envie de vous dire, je vous laisse sur ça, et on se retrouve à la fin du ramadan ! ❤️
Merci 😙 !
Et juste, j'ai été inondé de message pour mon anniversaire, et je tenais vraiment à vous remercier d'avoir pris le temps de m'écrire pour me le souhaitez ! Je suis désolée, de ne pas pouvoir répondre c'est vraiment physiquement impossible de le faire, mais sachez que chaque message me touche profondément ! 😭 Je ne me lasse pas de les lires ! Merci ma team kunafa ! ❤️
Comme d'hab, mon Discord est dans ma bio Instagram pour celles qui veulent échanger après les chapitres Ghost, théories etc... ✌🏾😗
Et je vous fais de gros bisous, et souhaite un excellent mois de ramadan à mes muslims ! Qu'Allah nous facilite durant ce mois et nous rapproche de Lui ! Amin ! ❤️
BYE 🏍💨🪐 !
Stardust 🍓
𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...
xo, Azra. ✿
IG: azra.reed
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