𝟹𝟹. 𝙶𝚑𝚘𝚜𝚝.

(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)






"La crainte de la proie est aussi palpable que celle du prédateur."
Azra Reed.





𝙰 𝙲 𝚃 𝟺.

🎠 𝙳 𝚎́ 𝚌 𝚎 𝚖 𝚋 𝚛 𝚎.






𝟥𝟥. 𝖦𝗁𝗈𝗌𝗍.





Ghost.








Il n'est que 17 h, mais le ciel de Londres se couvre déjà d'un voile sombre. Un brouillard épais enveloppe les rues.

Fondu dans les ombres, j'avance tel un fantôme parmi les fantômes.

La seule différence entre eux et moi, c'est que mon cœur bat toujours...

Les rues de Beckenham ne sont pas très animées. Je dirais même qu'elles ne le sont pas du tout. La vie dans ce quartier s'est figée dans le temps, et l'horloge n'a jamais repris son cours.

Je trouve l'endroit glauque...

Je crois que c'est ici qu'a vécu David Bowie, avant de devenir une icône mondiale de la musique.

Je sais même pas pourquoi je pense à ça.

En fait, j'essaye de penser à autre chose que ce que je m'apprête faire...

Je passe à côté des pâles lumières des réverbères qui se reflètent sur le sol en pavé humide et m'ouvrent le chemin. Le bâtiment en brique orangée de Darren est juste là. Une camionnette blanche est garée en face de son hall.

Je pénètre son immeuble. La lourde porte se referme derrière moi dans un claquement sourd.

Mon masque sur mon visage crée une humidité à chaque expiration. J'emprunte lentement les escaliers pour monter au premier étage.

Quand j'arrive à son palier, je constate tout de suite qu'il manque cruellement de lumière.

Putain...

Le couloir sombre n'est éclairé que par de faibles LED accrochées au plafond, et un « EXIT » fluorescent de couleur verdâtre qui se reflète étrangement sur les murs.

Ça me donne tout de suite l'horripilante sensation d'être plongé dans une autre dimension. Mes poils s'hérissent. Je déteste ce genre d'ambiance, un peu glauque, un peu horrifique.

On aurait dit que l'obscurité se retient de faire le moindre bruit pour me laisser m'enfoncer encore plus dans sa gueule.

Et peut-être que jamais je n'en ressortirais vivant.

Mes yeux s'adaptent à la faible luminosité, je repère sa porte au fond du couloir.

Comme à chaque mission, le pique d'adrénaline qui s'injecte dans mon sang fait cogner rapidement mon cœur contre ma cage. Ce que je fais là, je l'ai déjà fait, des centaines de fois.

J'ai arrêté de compter après la dixième fois.

Cette routine macabre ne me quitte plus depuis que je suis un soldat de l'Ordre.

Je m'enfonce dans ce couloir qui semble s'étendre à l'infini. J'ai l'impression que chaque pas que je fais allonge encore plus la distance entre cette porte et moi.

La moquette molle du sol absorbe le bruit de mes pas. Autour de moi, j'ai l'impression que ces murs, cette moquette vivent et respirent avec moi. Et peut-être même qu'ils aspireront tous les péchés que je m'apprête à commettre derrière les murs de cet appartement.

Je suis seul, et pourtant, je me sens observé par ce bâtiment.

En déglutissant, je m'arrête enfin devant la porte de Darren.

Normalement, il ne devrait pas revenir de sitôt et de toute façon, Wayne le surveille. S'il décide de revenir plus tôt, il m'en informera.

Je troque mes gants de motard pour des gants en latex qui claquent sur ma peau. Le son sec me donne l'impression que le monde entier l'a entendu.

Je tourne la tête derrière moi pour vérifier qu'il n'y a pas de témoins.

« L'EXIT » fluorescent vert au-dessus de la porte ouverte des escaliers projette des formes spectrales sur les murs étroits.

Une anxiété grandit en moi, me faisant mordre l'intérieur de ma bouche.

J'ai la sensation d'être suivi par des monstres dans le noir.

Et ils ne me laisseront aucune chance entre ses murs qui se referment sur moi.

L'unique chose qui me rassure et me donne l'impression d'avoir du pouvoir est mon Tokarev froid coincé dans la ceinture de mon pantalon.

Je tourne le dos à l'obscurité. Des frissons d'horreur me parcourent, et hérissent les poils de mon cou.

Je saisis ma petite lampe torche pour mettre la lumière sur la serrure que j'étudie un instant. Je coince la lampe sous mon bras et sors des crochets pour dégoupiller la serrure.

Quelques secondes plus tard, le mécanisme cède. Je retiens mon souffle et prends mon arme, avant de pousser, avec prudence, la porte qui grince.

Ma basket fait craquer le parquet de son appartement, ça m'arrête net un instant. Des palpitations cardiaques me hurlent de ne pas faire ça — comme à chaque fois — mais je reviens à la raison — je dois le faire — et pénètre dans l'obscurité de son intimité.

Pourquoi Orpheus s'intéressent-ils à Mills ?

Et qu'est-ce que Mills a à voir avec microbe ?

Je referme la porte, le cliquetis sourd qui me condamne ici me ramène un peu sur terre.

Je dirige le faisceau de ma lumière vers les pièces de son appartement.

J'ai comme une impression de déjà-vu.

C'est la deuxième fois que je fais ça.

Et j'espère que cette fois-ci un type ne sortira pas du noir.

Mon estomac se serre un peu, je reste alerte. Le bruit du parquet craquant sous mes baskets m'angoisse.

L'appartement est un chaos sans nom. Des piles de papiers, des notes éparpillées...

Je déplace la lumière vers des tasses de café empilées par dizaine.

Qu'est-ce qui te maintient autant éveillé, Mills... ?

Il y a une chose qui est sûre, et qu'il ne sait pas encore, c'est que Mills est un homme mort.

Que Ghost sera la dernière chose qu'il verra. Parce qu'une fois qu'ils me voient, c'est trop tard.

Je me glisse dans la pénombre et observe les photos de famille éparpillées sur une étagère. Je ne m'attarde pas sur ces images, et fouille chaque recoin du salon. J'ouvre chaque tiroir, chaque pile de documents est examinée jusqu'à ce que je trouve la chose qui changera la donne.

Je finis par m'enfoncer dans le couloir et pousse une porte. C'est la chambre et par extension le bureau de Darren.

Son ordinateur est en veille. Le bout de mes doigts contre le curseur éveille l'appareil. Je constate qu'il y a des lignes de dossiers ouverts.

Mais un en particulier attire mon attention : "Bennett".

Mon cœur bat plus fort.

Mes yeux scannent rapidement le contenu du dossier.

Photos, reçus, notes manuscrites.

Microbe aurait été vu près du 707... ?

Ça me glace le sang.

Elle était à Southwark pour ça ?

Putain... qu'est-ce que tu foutais là-bas ?

Je sors mon téléphone et je prends en photos quelques documents, et je les envoie sans attendre à Knight.

Je ne peux pas ignorer cette piste, il faut que je creuse sérieusement.

Orpheus... Vous avez commis une grande erreur. Vous avez vraiment choisi la mauvaise personne à traquer.

Je décide finalement que je dois prendre cet ordinateur. Alors je prépare mon effraction en effaçant toute trace de ma présence. Je remets les objets que j'ai touchés à leur place, comme si rien n'avait bougé.

Je suis censé être invisible.

Puis, j'observe la pièce, le faisceau de ma lampe torche met la lumière sur un endroit où me fondre dans l'ombre.

Mes pas lents se mènent vers le placard à vêtement, je l'ouvre et l'examine rapidement. Les vêtements suspendus seront une couverture parfaite.

J'éteins ma lampe torche quand j'entre. Le Tokarev toujours fermement étranglé autour de ma paume.

Tout ce que je me dis, c'est que Darren Mills... tes secrets sont désormais les miens.

Et ton temps est compté.

Mon regard observe la chambre à travers les portes persiennes qui permettent une certaine visibilité.

Ce n'est pas la première fois que je fais ça. Observer sans jamais être repéré, sans bouger, sans un son, sans boire, ni manger. Crever de froid, mourir de chaud. Attendre des heures jusqu'à ce que la nuit et le silence ne fassent qu'un avec moi. Avoir l'impression de devenir juste le murmure du vent.

Être un fantôme.

Je me rends compte que j'avais fermé les yeux lorsque j'entends le claquement des clés dans la serrure.

Légères palpitations cardiaques.

Je ne sais même pas combien de temps s'est écoulé.

J'inspire, profondément, silencieusement.

Je focalise mon ouïe sur ses pas lourds qui font grincer son parquet dans le salon, et ses gémissements de fatigue qui résonnent jusqu'ici.

Il ne se doute de rien. Dans son monde... Il est seul et sans danger imminent.

J'entends qu'il met quelque chose au micro-ondes, et je crois comprendre qu'il se sert à boire. Son appartement est petit, et sa chambre est collée à la cuisine, le son du liquide se versant dans un verre me parvient jusqu'ici.

La minuterie du micro-ondes cesse. Après quelques secondes, ses pas s'approchent de ma position.

La porte s'ouvre, Darren entre dans sa chambre.

Mes palpitations cardiaques accélèrent un temps, avant que je ne vide ma tête, et qu'elles finissent par ralentir. Il balance sa cravate sur son lit, déboutonne les premiers boutons de sa chemise et s'installe directement derrière son bureau, en posant un verre de vin rouge et un plat à côté de son ordinateur.

Il allume la petite lampe près de son bureau, puis, à ma grande surprise, il lance une musique depuis son ordinateur.

"Duo des fleurs de Lakmé".

Je l'entends murmurer un faible :

— À nous deux...

Le choix de la musique me surprend un peu. Mais je reste concentré sur ma mission alors que la mélodie que je ne sais pas si je dois trouver macabre ou originale flotte dans l'air.

La scène me paraît irréelle.

Directement, il replonge dans ses recherches sur les Bennett.

Il a l'air absorbé par ça. Il se gratte les tempes comme si c'était le casse-tête le plus pénible qu'il n'a jamais eu à résoudre. Le silence n'est coupé que par le cliquetis des touches de son ordinateur et la musique classique.

Il ignore ma présence, et se détend en buvant son verre et en mangeant — quand il y pense — quelques bouchées des gnocchis qu'il s'est réchauffées.

La lumière de la lune se faufile derrière les stores à moitié baissés de sa fenêtre. L'ambiance obscure et jaunâtre de son appartement peint un tableau étrange de solitude grisante et forcée.

Les habitudes en disent long sur un homme. Et Mills est sûr de lui, il se croit en sécurité, seul avec ses secrets.

Puis soudain, il murmure à lui-même :

— Margaret Bennett, qui êtes-vous vraiment ? J'comprends pas. Et toi, Cassie... qu'est-ce que tu caches... ?

Qu'est-ce que tu as trouvé, Mills ?

"Duo des fleurs" continue de siffler dans l'air.

Le contraste entre l'oppression que je ressens à l'intérieur en tenant ce Tokarev dans la main, et la musique, éveille soudainement un mal être qui me fait dire que je n'aime pas ce qui se passe.

Mills détient des informations, et je dois les avoir avant qu'il ne soit trop tard.

Mais je ne fais rien.

Je reste patient, attendant encore des heures dans le noir et le silence.

Jusqu'à ce qu'arrive le moment, où il s'étire en bâillant bruyamment.

Une palpitation me prend, quand je comprends que l'heure est venue.

Darren finit par fermer son ordinateur.

Et c'est vers moi qu'il se dirige.

Je suis profondément tari dans le fond du placard, qu'il ouvre.

Je suis invisible pour lui lorsqu'il tend son bras pour prendre des vêtements de rechange.

Et sans inquiétude, il referme la porte.

J'attends encore. Ce n'est pas le moment.

Je l'entends se doucher, ça dure quelques minutes après lesquelles il revient finalement dans sa chambre.

Il éteint sa lampe de bureau et s'installe dans son lit.

La lumière blanchâtre de son téléphone illumine les traits de son visage. Ses dents mordillent son pouce.

Angoissé ?

Pourquoi ?

C'est à ce moment que je remarque d'ailleurs qu'il n'a pas arrêté la musique classique qui continue de tourner en boucle.

Et puis finalement.

Le moment tant attendu arrive, le son sec de son téléphone se posant contre sa table de chevet marque le début de la fin de cette attente interminable.

Je laisse une marge d'au moins trente minutes. Jusqu'à ce que j'entende le rythme de sa respiration changer. Il dort profondément, toujours accompagné de sa musique classique qui tourne en boucle.

C'est à ce moment-là que je décide d'intervenir.

J'inspire une fois.

En levant le bras, j'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas bougé.

Ma paume pousse la porte du placard. Malgré un léger grincement, il est couvert par la musique. Darren ne se rend compte de rien.

Mes pas lents me mènent jusqu'à lui.

C'est dans ces moments où je réalise que je ne suis plus qu'un monstre.

Ceux qu'on ne voudrait jamais croiser...

Les mêmes qui se cachent dans le noir.

Sous les lits, dans les armoires.

Ceux fondus dans les ruelles sans lumières, là, où on s'y attend le moins.

J'oublie le carnage que fait mon cœur sous ma cage. Sans une réflexion de plus, ma paume se mène vers sa tête.

Le bout du canon silencieux de mon Tokarev rencontre sa tempe.

Il se réveille net, dans un sursaut bref, les yeux écarquillés. Ses iris trouvent rapidement les miennes. Je retiens ma respiration moi aussi quand ses iris rencontrent la mort.

Moi.

— Q-qui-qui êtes-vous ? gémit-il sans bouger, d'une voix tremblante de peur.

— Je ne suis qu'un fantôme, Darren, murmuré-je. Et j'aimerais savoir, qui t'envoie enquêter sur les Bennett ?

Je vois lentement l'horreur traverser les traits de son visage. L'angoisse déforme ses sourcils, et je vois déjà qu'il m'implore d'avoir pitié.

— É-écoutez... j'ai-j'ai de l'argent, des économies, j-j'peux vous payer !

Je reste impassible, le Tokarev toujours pointé sur lui, la musique bourdonnant dans la chambre.

Personne ne pourra jamais me payer...

Je baisse la sécurité de mon arme. Le son métallique décuple encore plus sa terreur, j'entends un gémissement lui échapper et son souffle devient de plus en plus erratique.

— Je ne suis pas ici pour ton argent. Parle, Darren. Qui t'envoie ?

Ma voix est calme. Son désespoir palpable. L'atmosphère morbide.

Pour le moment, je veux juste des réponses, et je les veux maintenant.

L'argent ne le sauvera jamais, et je ne lui laisse aucun autre choix que chanter.

— Je vous en p-pris...

— Qui t'envoie enquêter sur les Bennett ? répété-je en enfonçant légèrement le Tokarev dans sa peau.

Darren est au bord des larmes. Il geint des paroles inaudibles avant de finalement m'articuler :

— Je... je ne faisais qu'enquêter... Ils m'ont dit que c'était important, p-pour la justice.

Je fronce les sourcils. Et sous mon masque, je grimace.

La justice ?

De quoi il me parle ?

— La justice n'est pas ton rôle, toi tu es juste un journaliste, rétorqué-je d'une voix froide. Qui sont ces 'ils' ?

— Je ne sais pas, j'vous le jure ! Il y a quelques mois... ils m'ont contacté de façon anonyme, pleure-t-il. Ils m'ont dit de creuser le dossier. Je ne sais rien d'eux !

Je l'observe attentivement. En faisant attention à chaque mot, chaque hésitation sortant de ses lèvres. Mais rien qu'à ses yeux, je sais qu'il sait qu'il est en train de vivre ses derniers instants.

— Je vous en prie ! Il faut vraiment me croire !

— Qui dois-tu contacter quand tu auras fini de monter ton enquête ?

— C'est eux qui me contactent. Je ne sais jamais quand ni où, répond-il précipitamment avec une véritable panique dans sa voix.

— Un nom ?

— Ils s'appellent tous Orpheus. Je n'ai pas de nom ! Je n'ai pas de visage, j'ai rien sur eux !

— Darren, Darren... soufflé-je dans un murmure glacial. Les secondes passent et tes chances de survie se réduisent. Si tu n'as rien à me vendre, tu as creusé ta tombe et je n'ai aucune raison de ne pas appuyer sur la détente.

Sa peur éclate dans la pièce. Il me supplie en sanglot. La tension dans la chambre atteint son apogée. Je sens d'ici le crescendo macabre qu'on suit tous les deux.

La chute sera mortelle.

Mais je ne sais plus si j'ai le cœur assez bon pour céder à ses supplications.

C'est l'Ordre qui m'envoie.

Alors je n'ai aucune question à me poser.

— Pitié ! Je ne fais que mon travail de journaliste. J'arrête tout ! Je jetterais tout, j'vous l'jure ! m'implore-t-il d'une voix brisée.

Mais je sais qu'il ment.

Ou peut-être qu'il ne ment pas...

Il ment.

Est-ce que tu en es vraiment sûr, Ghost ?

Il ment !

Ses mots sont ceux d'un homme désespéré qui cherche à s'accrocher à la vie, peu importe le prix, il dirait n'importe quoi pour s'en sortir.

Et puis... Comme dit...


Une fois qu'on a vu Ghost, c'est trop tard.



Mon index presse la détente.

Le Tokarev met fin silencieusement à sa vie, avec « Duo des fleurs » qui atteint son apogée lyrique.

Je ne prononce pas un mot de plus.

J'observe le trou bordeaux sur sa tempe, ses yeux écarquillés vides de vie qui me fixent et m'accusent d'être un monstre, ainsi que le sang rouge vif qui s'étend rapidement sur ses oreillers blancs.

Une émotion vive me traverse.

Du dégoût ?

Je ne ressens ni plaisir ni puissance.

Je sais juste que mes actes remplissent les attentes de l'Ordre. C'était une nécessité.

Avec cette musique qui s'infiltre en moi, ce soir... Je ne sais pas pourquoi la scène me donne envie de vomir.

Au bout de plusieurs longues secondes, je me détache de cette scène et recule.

Ghost reprend le dessus. Ce que j'ai fait, je fais, je ferais n'est qu'une infime partie de mon monde sombre.

Je recule vers son bureau, et m'empare de son ordinateur. La musique cesse enfin et je suis plongé dans ce silence morbide et angoissant.

Mon estomac se retourne un peu dans mon ventre, mais je ne fais que penser au fait que j'espère que Knight pourra trouver des informations sur Orpheus.

Je ne m'éternise pas plus longtemps, je quitte les lieux sans un regard de plus pour le cadavre que je laisse ici.

Comme s'il ne s'était passé.

Comme si la mort n'avait jamais frôlé cette pièce.

Rapidement, je traverse de nouveau ce couloir oppressant.

Il me faut une petite minute pour arriver dans la rue, j'enlève mes gants en latex et les fourre dans mes poches. Je les troque pour mes gants en cuir.

Il fait nuit noire.

J'ai la sensation d'être englouti par la voûte obscure du ciel.

Les monstres ne me chassent plus. Parce que c'est moi, le pire.

Au bout d'une quinzaine de minutes de marche, je retrouve ma moto que j'avais planquée dans une ruelle sans lumière.

Je n'aurais rien pu tirer de lui.

Et il mentait.

Je range son ordinateur, je passerais chez Wayne plus tard pour lui remettre.

Mes cuisses contre la carrosserie froide de ma BMW. Les phares éclairent violemment la ruelle. J'enfonce mon casque sur ma tête, l'instant qui suit, le vrombissement du moteur réveille les cadences effrénées de mon cœur.

C'était nécessaire, Ghost.











J'arrive dans mon quartier au bout d'une quarantaine de minutes.

L'air froid est sec, m'assèche les narines et s'infiltre sournoisement sous ma peau.

Mais surtout, j'ai cette sale sensation qui me colle à la peau après chaque meurtre.

C'est comme une morsure empoisonnée qui me ronge jusqu'à l'os. Elle me souille toujours un peu plus. Me plonge dans le noir, me plonge en enfer. Et à chaque âme prise, c'est comme collectionner de nouveaux fantômes qui ne me quittent jamais.

Je sais qu'une part de mon humanité s'effrite à chaque fois que j'appuie sur la détente pour faire taire des cœurs.

Et ça me fait passer de l'autre côté...

Ça m'effraie.

Ma moto s'enfonce dans les rues discrètes de Marylebone. Sous un bâtiment en brique orangé, je me glisse sous l'arc qui est un passage qui mène à une cour donnant sur la rue Dunstable Mews. Les pavés irréguliers font trembler ma moto.

Je m'enfonce jusqu'à arriver devant l'appartement numéro 4.

La façade blanche géorgienne m'accueille. Je glisse ma main dans la poche de mon pantalon pour en sortir mes clés. Mon pouce presse le bouton qui ouvre la porte automatique de mon box pour garer ma moto.

La porte s'ouvre dans un léger vacarme. À l'aide de mes pieds, je pousse la S100RR dans mon garage. Je la place à côté de ma BMW, tourne les clés, et les vrombissements du moteur meurent.

Je n'ai pas envie de rentrer seul.

J'enlève mon casque.

J'ai l'impression d'entendre les supplications de Mills dans mes oreilles.

Heureusement que je suis sous traitement.

La porte de mon garage se referme automatiquement, et le bruit du claquement me ramène sur terre. Je prends l'ordinateur de Mills avec moi.

Je ne veux pas rester seul.

J'aurais peut-être dû retourner au manoir avec mon père ?

Non... Pas avec l'horloge.

Après avoir laissé ma moto, je récupère mon téléphone dans ma poche avant de suspendre ma veste aux crochets contre le mur et monte les escaliers de mon garage qui mène directement à chez moi.

Le bout de mon pied gauche fait pression contre l'arrière de ma basket droite pour les enlever devant l'arrière-porte. Puis je me glisse dans mon couloir vide ou mes pas résonnent.

Avant de descendre au salon, je laisse l'ordinateur dans mon bureau et me lance dans ma routine du soir. Après ma toilette, je fonce vers la douche pour essayer d'enlever les traces invisibles de mes actes.

"Pitié ! Je ne fais que mon travail de journaliste. J'arrête tout ! Je jetterais tout, j'vous l'jure !"

L'eau brûlante glisse sur ma peau.

Elle n'enlève rien de ce que j'ai dans la tête.

N'oublie pas de prendre ton traitement ce soir.

"Pitié !"

Ma fleur de douche frotte violemment ma peau.

...Sa voix me hante.

"Pitié ! Je ne fais que mon travail de journaliste. J'arrête tout ! Je jetterais tout, j'vous l'jure !"

Je frotte tellement fort, que ça fait rougir ma peau.

"Pitié !"

Mais c'est trop tard !

Ma paume se pose contre les parois en pierre de ma douche, l'autre se place devant mes lèvres. J'ai l'impression que je dois reprendre mon souffle.

C'est trop tard...

Trop tard !

J'actionne la vanne.

L'eau chute plus fort sur ma peau et fait glisser la mousse à mes pieds.

Elle enlève mes impuretés physiques, mais pas les tâches sur mon âme, ni le sang sur mes mains, et encore moins la noirceur que j'ai dans le cœur...

Sa voix ne se tait pas, au contraire elle gronde et hurle. Pendant une seconde j'ai même la sensation d'être observé par son fantôme qui me guette dans l'angle de ma salle de bain.

Je coupe l'eau, à bout de souffle. Et je ne m'éternise pas une fois rincé, je sors et m'essuie rapidement.

Arrivées dans ma chambre, les voix s'estompent un peu.

Je me faufile dans mon dressing et opte pour un jogging confortable et un t-shirt.

Enfin, je descends mes escaliers.

J'allume la lumière de ma salle de séjour grise.

Ma faim me mène vers ma cuisine. J'avais laissé une salade dans mon frigidaire, que j'ai faite ce matin. Je prends le tupperware et une fourchette dans un tiroir, j'ajoute de l'huile, du sel et un peu de sirop de grenade.

Il faut tester pour comprendre.

En mélangeant ma salade, je me dirige vers mon canapé, lui aussi gris.

J'avale plusieurs bouchées, tout en changeant de chaîne jusqu'à finalement mettre Prison Break pour la énième fois.

Quand je ne sais pas quoi mettre, je la remets en boucle. Je l'ai recommencé récemment et Scofield cherche encore à ce que Sucre revienne dans sa cellule.

Tant que ça peut m'empêcher de penser à la voix de Mills, alors soit-il ainsi.

Mes fesses trouvent le moelleux de mon canapé.

J'appuie un de mes pieds nonchalamment contre ma table basse. Mais même assis là, je ne me sens pas serein d'esprit.

Mon cœur palpite un peu.

Les événements de la soirée reviennent me hanter.

Ses supplications.

La peur dans ses yeux.

Le meurtre...

J'étais obligé...

Ma gorge se serre, je m'étouffe un peu avec ma salade. Et finalement je me lève pour retourner dans ma chambre où j'ai laissé traîner mon téléphone. Je le prends et retourne m'asseoir sur mon canapé tout en cherchant le contact de Seiji.

Avec le fond sonore de ma série et en mangeant machinalement, je l'appelle.

Au bout de quatre sonneries, il décroche avec une voix enrouée.

— Ouais ?

Sa voix est faible, légèrement agacée. Je me retiens de rire.

En général, il n'est pas fan des appels téléphonique tardifs, mais quand c'est moi il répond toujours.

— Tu fais quoi ? demandé-je tout en mâchant ma salade.

— Neko (mon chat), regarde l'heure et redemande-moi ce que je fais. Fais ça vite, s'il te plaît.

Un petit rire m'échappe.

Il est 22h30, et Seiji, c'est le genre de mec qui peut se coucher à 20 h si la situation lui permet. Il se réveille à 6 h du matin pour faire ses méditations avec les premiers rayons du soleil et tout va très bien comme ça pour lui.

— Une vraie grand-mère, toi !

— Mais c'est toi la grand-mère, tu vois pas l'heure qu'il... Eh, bref, rétorque-t-il à moitié sérieux et amusé. Pourquoi tu m'appelles ? Ça va ?

— Pour rien. Bonne nuit.

— Attends, kisama (enfoiré) t'as...

Je raccroche avant même qu'il ne puisse terminer.

Ça se sent qu'il est épuisé. Je ne préfère même pas insister.

Une seconde plus tard, mon téléphone vibre avec un message de Seiji :

« Seiji : ne me réveille plus jamais pour rien, petit con ! »

Je ne réponds pas, mais j'ai quand même un petit sourire en coin.

Seiji, c'est mort.

Neo, il va parler trop fort dans mes oreilles.

Wayne... Il doit sûrement être occupé...

Mes yeux se rivent sur l'écran. J'engloutis ma salade comme si ça faisait des siècles que je n'avais pas mangé. Les images de la télé défilent et projettent une lumière blafarde dans mon salon.

Non.

J'essaye de me concentrer sur Scofield et Burrows.

Non... Fais pas ça.

Je baisse les yeux une seconde sur l'écran noir de mon téléphone.

Je le prends dans ma main, mais je le repose finalement sur ma cuisse.

Il est tard.

Elle doit sûrement dormir.

Et t'as rien à faire là-bas.

Ma fourchette s'enfonce dans une tomate cerise.

Cal'... non.

Et puis merde !

Je déverrouille mon téléphone.

Mon pouce glisse sur l'écran pour trouver le contact de microbe.

En quelques secondes je tape :

« T'es toute seule chez toi ? »

Un peu direct, mais il valait mieux pour moi que je ne pas réfléchisse pas à une autre tournure de phrase au risque de me dégonfler.

Je cale mon téléphone sur ma cuisse et continue d'avaler ma salade.

Elle dort sûrement, putain...

En plus elle a ses règles, donc elle doit être encore plus K.O. Je ne suis même pas sûre qu'elle veuille me voir.

Mon pied commence à faire trembler ma jambe.

Qui m'a envoyé faire ça ?

Un lourd soupire m'échappe, je prends mon téléphone pour voir mes notifications, même si je sais pertinemment qu'elle ne m'a toujours pas répondu.

Heureusement que je connais les épisodes de Prison Break presque par cœur parce-que j'ai manqué une bonne partie tellement que je ne suis pas concentré sur ce qui se passe.

Mes yeux rivés sur l'écran de ma télé. L'épisode se poursuit, et je fais toujours autant trembler mon pied contre la table. Les minutes s'écoulent lentement, et dehors, je vois des flocons de neige commencent à tomber.

Réponds...

Elle dort sûrement.

J'aurais dû l'appeler directement.

Il n'y a que cette fille sur cette planète Terre qui a le don de me faire attendre autant.

D'habitude c'est moi qui fais ça...

Je suis sur le point d'abandonner la partie et essayer d'aller dormir quand l'épisode arrive à sa fin.

Mais mon téléphone vibre sur mon ventre.

Un pic d'adrénaline fait violemment pulser mon cœur. Avant même de prendre mon téléphone, j'ai déjà un sourire aux lèvres, qui s'agrandit encore plus lorsque mon téléphone vibre une seconde fois.

Deux messages ?

Mon Dieu.

« Microbe : Bonsoir Callahan. Oui, je suis toute seule. »

« Microbe : Pourquoi cette question ? »

Je mords ma lèvre inférieure et ma tête se rejette en arrière...

Mon Dieu...

Cette fille répond à tous mes fantasmes, toutes mes envies, tous mes rêves, tout ce que je n'ai même pas imaginé, voir même envisagé...

Un booste d'adrénaline me fait me lever. J'éteins ma télé, et engloutis les derniers restes de salade en marchant vers ma cuisine. Je fourre mon Tupperware et ma fourchette dans mon lave-vaisselle, et je me précipite en montant deux par deux mes marches pour aller dans ma salle de bain.

Je me brosse les dents, et une fois chose faite, je prends la fiole de mon Bois d'Argent.

En tenant mon téléphone et mon Dior d'une main, je me rends dans ma chambre.

J'ai la flemme de me changer complètement, alors je garde mon jogging, mais j'opte juste pour un pull à capuche. Puis, je presse je ne sais combien de fois le parfum sur moi.

Je sais qu'elle l'adore.

Et je prends un deuxième pull, celui avec le petit logo de l'Albanie.

Je l'inonde lui aussi de parfum avant de le plier dans un sac plastique.

Je mets des chaussettes et sors de mon dressing.

Mes pas rapides me mènent vers la porte arrière de ma maison. Je sors et renfonce mes Air Force à mes pieds. Je descends les escaliers de mon garage, ma veste aviateur passe rapidement mes bras, mon casque s'enfonce sur ma tête en quelques secondes.

Je fourre le pull dans le coffre de ma moto que j'enjambe avec excitation. Le moteur vrombit et à reculons, je sors de mon box.

Les flocons de neige ne parviennent même pas à me refroidir.

Je ne sais pas pourquoi j'ai autant besoin de la voir, mais la simple idée m'a suffi à mettre en arrière-plan la voix de Mills, et cette solitude pesante que je ressentais dans mon appartement.

Peu importe la raison, c'est juste mon cœur qui en a envie. Mes phares illuminent les rues sombres de Londres, et je me dirige guidé par l'appel de microbe.
















Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃

Ça-va ? ☕️





IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !

Ce chapitre il est un peu spécial, parce qu'il était beaucoup plus tourné sur la psychologie de Ghost, et son identité en tant que "Ghost" + l'aspect tueur à gage que je n'avais pas encore montré.

J'espère qu'il vous a plu, et j'ai trop hâte du prochain 🤭 !

Désolée aujourd'hui j'ai rien à dire j'avoue 😔 ! J'suis dans un mood trop chelou, send help-
J'espère que vous allez tous et toutes bien en tout cas ?

Valentina, j'avance pépère ! Ma deadline va arriver si vite je vais même pas m'en rendre compte ! 🫠
En tout cas je bosse toujours dessus, j'ai trop hâte de pouvoir vous en dire plus 😮‍💨 !

Aller je vous laisse ça se voit j'ai rien à dire aujourd'hui 🤣😭 !

Bsx.





On se retrouve sur le Discord 😋 !




BYE 🏍💨🪐 !



Stardust 🍓


𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...



xo, Azra. ✿



IG: azra.reed

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