𝟹𝟶. 𝙾𝚛𝚊𝚐𝚎𝚜.

(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)





"Quand les blessures sont guéries par l'amour, les cicatrices sont magnifiques."
David Bowles





𝙰 𝙲 𝚃 𝟺.

🎠 𝙳 𝚎́ 𝚌 𝚎 𝚖 𝚋 𝚛 𝚎.





𝟥𝟢. 𝖮𝗋𝖺𝗀𝖾𝗌.





Ghost.









Comme un fantôme parmi les autres.

J'écoute à moitié.

La pièce est plongée dans une sorte de semi-pénombre. Éclairée par la lueur des leds suspendus au-dessus de la table ronde où se jouent des destins.

Coudes sur les cuisses et paumes croisées devant ma bouche. Ça fait bien trois jours que j'ai cette foutue migraine. J'entends à peine ce qu'il se passe, tout ce que je ressens c'est ma boîte crânienne qui compresse violemment mon cerveau. 

Ma jambe tremble sous la table. Le goût de ma sucette à la pomme me distrait parfois. Mais mettre les pieds dans un hôpital me fait toujours le même effet. Ça me plombe la tête.

Il ne faut pas que je me focalise dessus, sinon ça risque de s'empirer.

Autour de la table, les membres de l'Ordre arborent tous des visages graves et concentrés.

Mon grand-père se tient debout, en bout de table. En parlant, il écarte des papiers éparpillés et les fait glisser à chacun d'entre nous. Je sais qu'ils contiennent les rapports concernant la mort de mon cousin, Carl, et ceux qui résument la perte des 305 millions de livres sterling qui ont disparu depuis plus de huit ans.

Ma tête est en train de me buter.

Mon père est assis à côté de moi. Les bras croisés sur sa poitrine, il ne dit rien pour l'instant. Il reste juste très attentif aux mots de mon grand-père.

Je relève la tête, mes yeux balayent tous les membres qui assistent à cette réunion à huis clos.

C'est d'abord, Agon, mon oncle que je regarde. Puis, Benjamin, son fils assis à côté de lui. Ses yeux marrons me toisent, j'ai déjà un petit sourire en coin.

Budall. (Imbécile)

Je ne m'éternise pas sur cet enculé. Mon regard tombe sur Seiji, concentré sur les dires d'Adrian, il ne me remarque pas. Neo en revanche lève ironiquement les yeux au ciel quand nos regards se croisent. Lui aussi a une sucette à la bouche.

Il en ramène tout le temps en ce moment et je me demande où est-ce qu'il les prend à chaque fois.

Il ne fait que lancer des coups d'œil à Wayne assis droit à côté de lui. Ça se voit que Neo s'ennuie, mais il peut toujours courir pour que Wayne le distraie. Justement, il ajuste ses lunettes sur son nez et il est plus qu'attentif à ce qui se dit.

J'ai fait le tour, et encore une fois, il n'est pas venu.

— Tu as quoi de plus, Callahan ?

La voix de mon grand-père me tire de mes pensées. Il a le don de me demander de lui rendre des comptes alors qu'il sait très bien que si je ne lui rapporte rien, c'est que je n'ai rien de concret.

En mâchouillant le bâtonnet en plastique dans ma bouche, je lui réponds simplement :  

— L'affaire est toujours en cours.

— Ça fait presque quatre mois que j'attends des résultats. J'aimerais les avoir plus rapidement.

J'entends sa réponse comme un avertissement.

Dans notre monde, l'attente n'est pas une option.

Je décide de garder mes réflexions pour moi cette fois-ci. Aujourd'hui, j'ai l'esprit ailleurs et en plus de ça, j'ai bien trop mal au crâne pour des joutes verbales avec lui.

Et puis, outre les problèmes actuels de L'Ordre, je dois aussi m'occuper de dénicher ce stalker et Taylor Armitage. Ce problème tourne en boucle dans ma tête depuis novembre et ça me démange de ne pas simplement lui régler son compte dans une ruelle sombre.

Mes poings dans bouche jusqu'à lui péter toutes ses dents.

Ça me ferait du bien.

Mais il a ces putain de photos, et je crains que ça se retourne contre elle. Déjà que je l'ai envoyé presque un mois à l'hôpital, je ne sais pas de quoi cet enfoiré est capable. 

La réunion continue, les discussions s'enchaînent entre mon grand-père, mon père et mon oncle.

Mes yeux se perdent dans le vide.

Zemër...

Je me demande ce que tu fais ?

J'espère que tu as mangé aujourd'hui.

Hâte d'être à ce soir pour voir comment tu t'es habillée.

Putain, il est que 15 h... et elle finit à 17h.

C'est dans trop longtemps.

Quand mon père plante ses yeux dans les miens avant de les baisser sur ma main, je réalise soudainement que je suis en train de faire cliquer nerveusement la pointe de mon stylo contre la table.

Mes molaires s'entrechoquent. J'arrête mes mouvements et laisse ce stylo sur la table.

C'est bientôt la fin de l'année, et j'ai l'impression qu'on est tous en train de partir en couille.

Neo a joué avec le feu en s'attirant les foudres des Russes avec cette « Nina », et j'ai moi-même franchi une ligne en menaçant Volokine, pour elle.

Pour le moment, il n'y a eu aucune répercussion, mais combien de temps ça durera ?

J'entends Agon mentionner les Armitage. Ils ne doivent pas remporter les élections. Ça nous mettrait dans de mauvaises positions politiquement parlant.

Puis Adrian dévie sur d'Orpheus Communication. Ce nom revient sans cesse. Mon grand-père décrète que Knight doit pousser l'enquête plus loin, ce à quoi, il hoche la tête.

Mon téléphone vibre soudainement dans ma poche.

Je le prends et en un coup d'œil rapide je vois la notification d'un « + 44... »

Donna.

J'ouvre. Le message :

« +44 : T'es dispo à 22 h ? »

J'ai évité de retourner chez elle depuis sa dernière crise de jalousie.

Je range mon téléphone sans répondre. Mes bras se croisent sur ma poitrine, et je tente désespérément de me replonger dans les discussions stratégiques qui se déroulent devant moi. Ma sucette roule sur ma langue, ma jambe tremble toujours. Pitié. J'ai juste envie de rentrer dormir dans le noir parce que je n'en peux plus de ma tête.

Mais, mon téléphone vibre de nouveau. J'arque un sourcil.

Là, par contre, ça va commencer à m'agacer si elle se met à m'harceler.

Je sors mon téléphone prêt à régler son cas, mais la notification est totalement différente cette fois-ci.

« 1 notification. Microbe. »

En un claquement de doigts, mon humeur change instantanément. Un sourire en coin incontrôlé se dessine sur mes lèvres.

Putain qu'est-ce que j'adore quand elle m'envoie des messages.

Étant donné que mon père est assis juste à côté de moi, je glisse discrètement mon téléphone sous la table pour consulter le message.

On dirait un gamin.

Je déverrouille l'écran :

« Microbe : Bonjour Callahan. J'espère que tu vas bien et que tu passes une bonne journée ? Je voulais t'informer qu'après les cours, j'allais passer au café qui vient d'ouvrir à côté de ma fac avec mes amies. »

Je n'aurais jamais pu aller mieux que maintenant.

Mon Dieu, la violence dont je dois faire preuve pour m'empêcher de sourire. Je mords l'intérieur de ma joue pour me contenir.

Le simple "Bonjour Callahan" suivi du "J'espère que tu vas bien" de la part de ma star ça illumine toute ma journée.

J'ai envie de l'appeler juste pour qu'elle me répète ces mots de vive voix.

Mon père discute intensément avec Agon et Adrian, à propos de Carl.

Putain, elle se termine quand cette réunion ?

Mon père se tourne vers moi, avec un regard sérieux.

— Tout ce que t'as pour le moment, c'est que Carl avait rencontré un type qui s'est suicidé avec du cyanure, et qu'il avait des liens avec Orpheus, c'est ça ? demande-t-il d'une voix qui trahit son impatience pour avoir des résultats concrets.

Je me redresse légèrement sur ma chaise pour faire face à mon père :

— Le problème, c'est que cette société revient souvent. Je suis en train de voir quel était son lien exact avec Orpheus, je n'ai rien pour le moment, je réponds calmement.

Mon père détourne le regard et poursuit la discussion avec Adrian.

Je saisis immédiatement l'occasion pour jeter un coup d'œil rapide à mon téléphone, et taper ma réponse.

« Je veux l'adresse exacte de ce café. »

J'envoie le message, en sentant une pointe d'excitation rien qu'à l'idée de lui parler.

En attendant, je replonge dans la réunion en croisant mes bras sous ma poitrine.

En fait, non.

Je ne replonge jamais vraiment dans cette réunion.

Parce que je jette des coups d'œil à mon écran toutes les dix secondes.

Et chaque minute qui passe me frustre légèrement un peu plus.

Ma jambe tremble encore.

C'est vrai que microbe a la fâcheuse tendance de prendre des lustres à répondre.

Mon index se met à tapoter les côtés de mon téléphone.

Réponds.

Réponds.

Réponds.

Cinq longues minutes se sont déjà écoulées et j'ai déjà l'impression que ça fait une éternité que je ne lui ai pas parlé.

Trop impatient, je tape un rapide :

« ? »

Mais toujours pas de réaction.

Trouve d'autres façons de me torturer, microbe. Parce que celle-là est atroce.

Deux minutes s'écoulent encore, et, enfin, je vois la bulle de saisie s'activer.

« Microbe : C'est un petit café à 5 minutes à pied, juste à côté d'Oxford. On passe devant chaque soir. »

Sa réponse me fait sourire malgré moi, elle est complètement à côté de la plaque. Je veux des détails, une adresse précise, pas ce qu'on fait chaque soir.

« Je t'ai demandé l'adresse exacte. »

Et c'est reparti.

Ma patience s'amoindrit.

Les minutes passent sans réponse.

Une,

Deux,

Cinq,

Douze...

Je mords ma lèvre nerveusement, mon regard fixé sur l'écran lumineux.

Mais c'est dingue ça, qu'est-ce qu'il se passe entre le moment où je lui envoie mes réponses et où elle les reçoit ?

Soudain, un nouveau message apparaît, mais ce n'est pas d'elle.

Seiji.

Putain.

Je clique sur la notification.

« Seiji : tu parles à ton microbe toi, ça se voit sur ta gueule. »

« Seiji : Arrête de mordre l'intérieur de ta bouche, neko. Elle ne répondra pas plus vite comme ça. »

Blasé, je lève les yeux sur lui et Neo, de l'autre côté de la table. Ils essaient de contenir leurs rires.

Ils m'ont eu ces petits bâtards.

Je tape rapidement ma réponse, mes doigts glissent sur le clavier à toute vitesse.

« Envoie-moi encore un seul message et je bloque ton numéro, budall. Et celui du petit con à côté de toi aussi. »

Je leur lance un regard assassin, mais Neo regarde mon message sur l'écran de Seiji et place son poing devant sa bouche pour essayer de retenir son rire. Seiji mord sa lèvre inférieure avant de m'envoyer un autre message.

C'est une photo de moi concentré sur mon téléphone qu'il a dû prendre quelques minutes auparavant. 

« Seiji : '+44 05 01 19 97', c'est ça son numéro ? Je lui envoie la photo ? Qu'elle voit un peu à quel point t'es fou d'elle, kisama. (Enfoiré) »

« C'est pas son numéro. »

« Seiji : Grandi un peu. »

Wayne lance un regard sérieux à Neo et Seiji. Mais ça ne les rappelle absolument pas à l'ordre, au contraire, ils se retiennent encore plus de rire.

Et au milieu de tout ça, je n'ai toujours pas de réponse de microbe.

Je fais glisser ma chaise en arrière, et me lève d'un coup.

— Ku po shkon ? (Tu vas où ?) me demande mon père qui lève les yeux sur moi.

Je réponds rapidement, sans entrer dans les détails.

— C'est pour le boulot, c'est urgent.

Je n'attends pas sa réponse ni l'approbation de qui que ce soit.

Je quitte la pièce sous le regard perçant de mon cousin, Benjamin, qui avale les dernières gorgées de son raki.

La porte se referme derrière moi, je m'enfonce dans le couloir en déverrouillant mon téléphone.

J'appelle.

La tonalité résonne dans mes oreilles tandis que je m'arrête et regarde à travers l'immense baie vitrée qui donne sur les quartiers d'affaires de Londres.

Au dernier étage de Rendi Holdings, l'un des plus hauts bâtiments au cœur des affaires. La neige tombe et recouvre le paysage d'un manteau blanc immaculé. J'observe en bas la vie qui continue, les voitures semblent minuscules, les gens ressemblent à des fourmis affairées, et moi, j'entends la tonalité du téléphone mourir dans mes oreilles.

Fais chier.

J'ai presque envie de rire.

Je n'ai vraiment pas l'habitude qu'on ne réponde pas à mes appels.

Mais elle...

Elle est tellement dans son petit monde, que le pire c'est que je sais qu'elle ne fait même pas exprès de ne pas voir que j'essaye d'y entrer.

Et ça, ça a le don de me rend fou.

Je rappelle.

La tonalité résonne une fois.

Deux fois, mon index commence à tapoter nerveusement contre la vitre.

Trois fois, microbe, réponds-moi par pitié. 

Quatre fois, et je commence à mordiller ma lèvre de frustration.

Cinq fois-

— Oui, Allô Callahan.

Enfin !

Fais-moi entrer dans ton petit monde, ma préférée...

Sa voix porte comme un mirage. Elle dissipe ma frustration comme un voile qui s'envole soufflé par le vent.

Merveilleux.

— J'ai une question à te poser, commencé-je simplement.

— Euh... oui ? Je t'écoute.

Il y a une sorte d'innocence dans sa façon d'être qui me désarme légèrement. J'adore ça.

— Là tout de suite, tu fais quoi ?

— Bah je... j'attends devant ma salle de classe... que notre professeur arrive.

— D'accord, alors pourquoi tu ne réponds pas à mes messages ?

— Ah ! Tu... tu m'as envoyé des messages ?

Qu'est-ce que je disais.

Elle ne fait même pas exprès putain.

Parfaite.

Elle marque une petite pause et reprend :

— Oh, oui ! Pardon, je ne les avais pas vus ! Je suis désolée, j'étais en train de parler avec mes copines, m'explique-t-elle avec un petit rire dans la voix.

Cette fille peut m'ignorer en un claquement de doigts.

Il suffit qu'elle se perde un peu trop longtemps dans son univers de vampires, de livres, de vinyles ou avec ses copines et son patapouf et rien ne garantit que j'existe encore.

C'est moi qui dois ramper pour avoir la chance qu'elle me fasse une place dans sa bulle et qu'elle ne m'oublie jamais. C'est moi qui faire les pas pour toucher du bout des doigts son monde.

Et rien, rien ne me garantit qu'elle me donne un droit de regard.

Absolument rien.

— Microbe, écoute. Quand je t'envoie un message ou je t'appelle, ce n'est pas pour rien. Alors, réponds-moi, articulé-je sur un ton qui ne lui laisse pas vraiment le choix.

— Oui, je suis désolée, Callahan. Je ferai attention la prochaine fois, me répond-elle sincèrement.

Je m'entends murmurer un « mhm. »

La vérité c'est qu'elle est parfaite putain.

Et sa douceur est vraiment sexy... elle éteint ma rudesse sans même que je ne m'en rende compte.

J'crois que ça me fascine, j'en veux toujours un peu plus, ce n'est jamais assez.

Jusqu'où va ce petit bout de femme ?

J'ai envie de voir.

— Je vais t'envoyer la capture d'écran de l'adresse, m'explique-t-elle. Encore désolée. Au revoir Callahan.

— Attends ! soufflé-je précipitamment.

Mon poing se cale devant ma bouche.

J'ai parlé avant même que mon cerveau ne s'en rende compte.

Elle reste en ligne, silencieuse, en attendant que je parle, et mon index tapote encore contre cette vitre.

— Tu comptes rester combien de temps... Dans ton café ?

J'ai presque murmuré ces mots. Je ne sais même pas pourquoi je n'avais pas envie de parler plus fort.

Et j'espère qu'elle est la seule à m'entendre lui parler.

— Euh... maximum 1 h, je pense ? Je ne sais pas si ça te dérange de venir un peu plus tard... ?

Sa voix est un peu hésitante, presque craintive.

Un petit sourire en coin pousse la commissure de mes lèvres.

Je ne t'interdirais jamais de sortir avec tes copines si c'est ce que tu crains. 

— Ça ne me dérange pas, microbe, prononcé-je doucement.

Encore une fois, mon regard se perd dans l'immensité de la ville vue d'en haut.

— Oh super... euh... Si tu veux, je peux te prendre quelque chose ?

Par contre, je veux bien rester fair-play, mais il ne faut pas trop m'en demander non plus.

Bordel, la sensation brûlante qui s'est agrippée autour de mon entre-jambes m'a fait mordre l'intérieur de ma bouche. J'inspire profondément.

'Si tu veux, je peux te prendre quelque chose ?' prononcé avec sa voix douce va me hanter pendant des semaines. Comme ce « hm » qu'elle a gémi dans mes oreilles le 31 octobre.

Je ne m'en suis toujours pas remis.

Elle devient mon vice, en ne faisant rien du tout, putain.

Merde... Je ne vais jamais gérer ça.

J'ai des images d'elle et moi qui se bousculent dans mon crâne. Et j'implore qu'on m'exauce.

Je la veux, maintenant. Tout le temps, à chaque fois. J'en veux plus, je veux désespérément qu'elle ne s'accroche qu'à moi. Je veux qu'elle ne voie que par moi. Je veux qu'elle ne pense que pour moi.

L'idée m'irrite presque, parce que le sentiment sombre de possession que j'ai à son égard prend de plus en plus de place dans ma tête.

Ça pousse presque ma migraine hors de mon crâne.

L'effet qu'elle a sur moi est lunaire.

Et d'aussi loin que je me souvienne, au-cune, nana ne m'a jamais provoqué ça.

Merde, c'est de la torture...

— Quel truc tu voudrais me prendre toi ? répliqué-je finalement en riant doucement.

— Bah, d-du thé ou du café ou... euh... je ne sais pas ce que tu aimes comme pâtisseries ?

— J'aime que les llukum. C'est la seule pâtisserie dont j'ai envie depuis des mois.

Elle ne répond rien, un sourire diabolique s'étire sur mes lèvres parce que d'ici, je sais très bien qu'elle est aussi rouge que les loukoum à la rose.

Je ris doucement, en secouant la tête. Et finalement je lui dis :

— Ne dépense jamais ton argent pour moi, d'accord ?

— O-Ok...

J'ai fermé les yeux une seconde. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Mais quand je les ai rouverts, j'avais encore envie de parler.

— Tu as mangé aujourd'hui, microbe ?

— Oui, j'ai mangé, merci... me répond-elle sur un ton plus léger.

— T'as mangé quoi ?

— Nelly m'a fait des lasagnes, super bonnes. J'adore ses lasagnes.

Je souris, en réalisant que je tapote encore mon doigt contre la vitre.

Qu'est-ce que t'adore d'autre, ma petite star... ?

Qu'est-ce que tu préfères manger ?

Qu'est-ce que tu aimes préparer ?

Ces questions meurent rapidement.

Elles n'ont pas lieu d'être et je sais qu'elles feraient mieux de rester sagement derrière mes lèvres.

— Tant mieux, microbe... murmuré-je. Tant mieux.

Ni elle ni moi n'ajoutons quoi que ce soit.

C'est apaisant.

Et après quelques secondes, je me décide à lui dire :

— Je dois y aller, tu raccroches quand tu veux.

— ...Oh, OK ! Au revoir, Callahan, me dit-elle finalement, et je sens aussi une pointe de déception dans sa voix.

Je sais qu'elle déteste raccrocher.

Je sais aussi qu'elle aime quand je l'appelle.

— À tout à l'heure, microbe.

Elle raccroche au bout de quelques secondes.

Je fixe l'écran de mon téléphone. Mes index tapotent les bords et j'attends qu'elle m'envoie l'adresse.

Après quelques secondes — qui me semblent une éternité — la notification tant attendue apparaît enfin. Elle m'a envoyé une capture d'écran de l'adresse du café. Je tape rapidement un : « C'est noté. » Puis range mon téléphone dans la poche de mon pantalon.

Sauf qu'en me tournant pour retourner à la réunion, je m'arrête net en voyant Benjamin planté à quelques mètres devant moi dans le couloir.

C'est à ce moment que je réalise que j'avais un sourire en coin sur les lèvres depuis un bon moment maintenant, car il fane tout aussi vite devant mon cousin.

Ses mains sont nonchalamment glissées dans les poches de son costume, mais son regard... c'est celui d'un prédateur qui part en chasse.

J'ai beau le détester, ne pas reconnaître qu'il est bien trop intelligent pour que je puisse le berner facilement serait une erreur. Et je sais que s'il commence à trop jaser dans les oreilles d'Adrian, ça pourrait foutre un sacré bordel au sein de l'Ordre.

Et ça, ça pourrait vraiment mal tourner pour moi.

— Microbe ? Çfarë është ky cirk ? (C'est quoi ce cirque ?)

Je me raidis légèrement aux mots de Benjamin.

Ça veut dire qu'il était là depuis bien longtemps.

Les conflits internes sont la dernière chose dont on a besoin en ce moment, surtout avec la pression qui monte de partout.

Je garde mon calme, pour le moment, il n'a rien de concret sur moi.

— Qu'est-ce qui a ? demandé-je en commençant à marcher vers la salle de réunion. Tu veux ta dose de câlins toi aussi ?

— C'est comme ça que tu parles à tes clientes ? rétorque-t-il acide.

— C'est comme ça que je te parlerais si tu ne me cassais pas les couilles, répliqué-je alors que j'atteins la porte de la salle de réunion.

Le truc c'est que Benjamin n'est pas du genre à lâcher l'affaire facilement. Je le sais, et je dois la jouer serrer pour ne pas lui donner plus d'angles d'attaques qui pourrait me baiser.

— Fais attention, Callahan. Elle t'est interdite, comme toutes les femmes qui n'appartiennent pas officiellement à l'Ordre. Si tu fautes, elle meurt. Et tu le sais aussi bien que moi. Si grand-père m'ordonne de la buter parce que tu ne sais pas rester professionnel, tu sais très bien que je le ferai et crois-moi, sa torture durera des heures.

Je m'arrête net, la main sur la poignée de la porte.

Figé, les paroles de Benjamin résonnent dans ma tête.

Mes sourcils se froncent.

Hein ?

Non, je crois que j'ai très mal entendu.

Non... il ne faut jamais me faire ça. Il ne faut jamais me menacer comme ça.

Je me retourne lentement lui faisant face.

Puis j'amorce doucement un demi-tour vers lui, le bruit de mes baskets est absorbé par la moquette grise.

En quelques enjambées, je me retrouve face à face avec Benjamin. Mes yeux plongent dans les siens et je suis incapable de regarder autre chose que lui. Je ne lui montre pas, mais sous ma chair, j'ai le sang qui boue dans mes veines.

La tension devient tout de suite électrique et dangereuse.

Tout d'un coup, je ressens le métal froid de mon tokarev contre mon dos. En le fixant, je dois résister à une envie folle de lui enfoncer le canon de mon arme dans sa bouche, et de tirer dans son cerveau pour l'assassiner aujourd'hui, dans les couloirs de Rendi Holdings.

On est une sacrée famille de tarés, et Benjamin ne déroge pas à la règle. C'est le genre de gars qui ne reculera devant rien.

Et moi aussi.

En approchant légèrement mon visage vers son oreille, je lui chuchote :

— Je devrais faire attention à quoi, Benjamin ? À toi ?

Il me fixe droit dans les yeux, il n'a pas peur de moi.

— Si je vois que ça devient trop sérieux avec elle, j'invoquerais le conseil de l'Ordre contre toi. Et tu sais aussi bien que moi que nos pères et grand-père ne seraient pas très contents d'apprendre que leur poule aux yeux d'or est en train de faire les mêmes erreurs qui m'ont coûté ma place. Il ne faudrait pas qu'une fille te fasse oublier tes devoirs, n'est-ce pas ? crache-t-il avec un sous ton narquois.

De quel devoir il me parle exactement, quand on sait qu'il a failli mettre à mal l'Ordre à cause de ses conneries.

— C'est toi qui vas me rappeler 'mes devoirs' après le carnage que tu as fait avec cette fille qui ne veut pas de toi ? rétorqué-je simplement d'une voix froide.

Je sais que Sadie est son point sensible. Et s'il faut que j'enfonce le couteau lentement dans la plaie pour que ça lui fasse autant de mal que possible, je le ferais, autant de fois que nécessaire.

Je vois la douleur traverser son regard.

Elle ne l'aime pas, et ça, ça le détruit.

Mais ce n'est pas mon problème, au contraire, c'est mon aubaine.

— Ne te mêle jamais de ma vie, Benjamin, je poursuis toujours sur un ton bas. Je sais ce que je fais. Et si tu tentes quoi que ce soit contre ma cliente, ne serait-ce que t'en approcher, je te brise les os et tu rejoindras bien vite la tombe juste à côté de ton petit frère. Tu comprends quand je te parle ?

Benjamin à presque un mouvement de recul à ma mention de la mort de son frère. Ça aussi ça le blesse. Et sans détourner le regard, il me dit d'une voix moins assurée :

— Tu joues avec le feu... Callahan.

— Peut-être, mais ce sont mes flammes, et je saurais les gérer mieux que toi, répondis-je froidement. Tu as finis ?

Le dégoût qui transparaît sur ses traits est clair.

On se fixe avec horreur.

La haine qu'on entretient tous les deux, ça fait des années que ça dure.

Lui et moi on pourrait se massacrer.

On le sait, mais ce qui nous retient ce sont les liens du sang et de l'Ordre qui nous lie.

— Voilà. C'est bien ce que je pensais, ajouté-je. Maintenant, laisse-moi te dire ce à quoi tu dois faire attention toi : c'est de ne plus jamais prendre le risque que l'envie de commettre un homicide sur ta personne, devant ton père, me démange un peu trop. Je gère ma cliente comme ça me chante, et jusqu'à preuve du contraire, le futur dirigeant du conseil, c'est moi. N'attire pas les foudres de ton boss maintenant et suce-moi un peu plus poliment que ça. Parce que si tu la menaces encore une fois, je vais te faire vivre un enfer, Benji. Et crois-moi que tu vas détester ça. 

Il déteste qu'on l'appelle comme ça.

J'adore l'irriter.

Un rire nerveux s'échappe de lui.

Je vois bien qu'il se sent humilié.

Ma mission s'arrête là, il a compris le message.

Je ne lui accorde pas plus d'attention et retourne à la réunion.

Je pénètre la pièce et retrouve ma place à côté de mon père.

Mon téléphone vibre encore.

Je le sors de ma poche et vois une nouvelle notification de Donna.

« + 44 : Alors ? Tu viens ce soir ? »

Sans hésiter, je réponds rapidement :

« Je ne viendrais plus. »

Je supprime nos conversations et son numéro par la même occasion.

Je me refocalise sur les enjeux de la réunion. Mais j'entends à peine les voix de ma famille.

La seule voix qui résonne...

C'est celle-là :


« Si tu fautes, elle meurt. »











J'allais descendre de ma moto et enlever mon casque mais microbe sort du café au même moment.

Elle ne me cherche pas longtemps, je suis garé de l'autre côté de la rue. Quand nos regards se croisent, un petit sourire incontrôlé et joyeux pousse le coin de mes lèvres.

Son visage aussi s'illumine, et elle se met à marcher rapidement vers moi, non, elle court presque.

Tu es contente de me voir, zemër ?

Moi, oui.

Mes paumes gantées frottent mes cuisses, je la regarde venir à moi, impatient qu'elle arrive. Le moteur ronronne doucement, sa chaleur contraste avec l'air glacial.

J'ai soudainement un peu chaud sous cette veste.

— Cours pas, microbe, tu vas glisser, je l'avertis avec un petit rire dans la voix.

— Désolée ! s'exclame-t-elle en continuant quand même à courir vers moi. J'espère que tu n'as pas trop attendu !

Je secoue la tête, amusé.

Je viens tout juste d'arriver.

À peine arrivée devant moi, je baisse les yeux sur son visage d'ange et instinctivement, je lui glisse la barre de céréale que je garde toujours pour elle dans sa paume. J'entends un doux « Merci Callahan, c'est gentil. » qui me donne envie d'accaparer cette fille entre mes paumes et ne plus jamais la laisser repartir.

Ça devient obsessionnel cette histoire, bordel.

Je prends son casque de moto pour lui mettre.

« Si tu fautes, elle meurt. »

La phrase de mon cousin revient me hanter de plein fouet.

Un froid s'éveille dans mon ventre, la sensation ne me plaît pas du tout.

Je suis rentré chez moi après la réunion, mais je n'ai même pas réussi à fermer l'œil ni à retrouver un semblant de paix intérieure. Ces mots ont tourné en boucle dans ma tête toute l'après-midi et ça a encore plus accentué ma migraine.

J'ai horreur de la sensation de malaise que ça me provoque.

Elle me laisse lui enfoncer son casque sur sa tête. Ses grands yeux gris-bleu m'observent avec douceur. Son nez est rougi par le froid, elle renifle un peu, et expliquez-moi pourquoi je ressens des éclairs de chaleur dans mes jambes.

« Si tu fautes, elle meurt. »

Je sais, putain !

— ...Tout va bien ?

Mes doigts sur la sangle sous son casque, je me rends compte que ça faisait un moment que j'étais en train de la fixer. Sa voix féminine me ramène de la plus tendre des manières sur cette planète Terre.

On dirait qu'aucune cruauté n'existe à côté d'elle.

Et mon monde cruel... Il n'existe plus en sa présence.

Et quand elle s'intéresse à moi, c'est le paradis qui s'invite à moi.

Elle a un petit sourire mi-inquiet, mi-timide aux lèvres. En tout cas, son air curieux me fait comprendre qu'elle veut sincèrement savoir si je vais bien.

Mon Dieu, ça fait du bien.

— Tout va bien, microbe, prononcé-je en pinçant doucement son nez.

Elle a un petit rire et son air s'apaise. Elle hoche la tête avant de me dire : 

— Je sais que tu m'as dit de ne rien prendre, mais... on m'a donné ça.

Intrigué, je fronce légèrement les sourcils avec un léger sourire en coin. Je l'observe ouvrir délicatement une boîte en carton blanche qu'elle tenait dans les mains.

— C'est un cinnamon roll. Tu peux le prendre si tu veux, me propose-elle tout doucement.

Ma petite mamie a pensé à moi.

Je craque.

C'est mon corps entier qui s'enflamme.

Officieusement, c'est mon amoureuse.

Officiellement, elle ne le sait pas encore.

Mais ça ne saurait tarder.

Et à chaque jour qui passe, je suis encore plus fan d'elle que la veille.

Dans mon cerveau c'est très clair, elle est à moi.

Ça m'arrache un petit rire.

Quand je retrouve ses yeux, je crois tomber sous le charme de son air adorable. Ses joues sont toutes rouges, je vois bien qu'elle guette ma réaction et j'ai envie de la mordre juste pour ça.

Néanmoins, une question qui me vient à l'esprit :

— Qui t'a donné ça ?

— Euh... bah le caissier qui travaille chez Starbucks passait par là et il m'en a acheté un mais j'avais déjà mangé le mien. T'en veux pas ? Ils sont vraiment super bons, qualité garantie !

Elle lève son pouce emmitouflé dans son moufle en maille. Trop mignonne. Son enthousiasme me fait sourire malgré moi, mais cette fois-ci, mon amusement fane très rapidement.

Le caissier qui travaille chez Starbucks ?

C'est quoi ce délire encore ?

— De quel caissier tu me parles ? demandé-je sur un ton plus sec que je n'aurais voulu.

— Bah... Le caissier qui travaille... au Starbucks... me répète-t-elle avec un petit sourire timide en m'interrogeant du regard.

—  J'comprends pas. Tu m'as dit que tu étais dans ce café.

Je pointe du doigt le bâtiment derrière elle.

— Euh, oui, oui, j'y étais.

Elle a hoché la tête, et moi je fronce les sourcils. Son sourire disparaît, elle comprend maintenant que ça ne m'amuse plus.

— Alors qu'est-ce qu'un caissier de chez Starbucks vient faire dans cette histoire ?

Son stresse transparaît sur les traits de son visage. Mon ton catégorique la met mal à l'aise :

— Je... Il passait juste acheter quelque chose et en passant il m'a acheté un cinnamon... Enfin... je-je ne sais pas trop...

Je sens une irritation monter en moi.

Pourquoi il y a un type dont je n'ai pas connaissance qui lui offre des pâtisseries ?

Un sentiment d'inconfort s'éveille en moi, mes sourcils sont froncés et je n'aime pas du tout ce qu'elle est en train de m'expliquer.

— Il t'a acheté ça pourquoi ? demandé-je froidement.

— Je ne sais pas, il me donne souvent des pâtisseries...

Je lève un sourcil.

Comment ça « souvent » ?

— T'es en train de me dire qu'un cassier de chez Starbucks te donne « souvent » des pâtisseries gratuitement ? Et qu'il t'a acheté un cinnamon alors que tu étais dans ce café ?

Cassie hoche la tête, les yeux grand ouverts d'inquiétudes.

Mais c'est quoi cette histoire, putain.

J'éteins le moteur et me lève de ma moto. Elle recule d'un pas, clairement perturbée par mon comportement.

Sauf que ça vient d'éveiller un truc inquiétant dans mon cerveau.

C'est qui ce mec ?

— Callahan ? m'appelle-t-elle en me scrutant du regard pas très rassurée.

Je saisis brusquement la boîte qu'elle tient entre ses mains, l'incompréhension déforme les traits de son visage :

— Tu connais son nom ? la questionné-je en tentant de contenir ma frustration.

— P-pourquoi t'es en colère... ?

— Je suis encore très calme là. J'ai besoin de son nom.

— Mais je t'assure que-

— Son nom, la coupé-je acide.

— Je sais... je sais juste qu'il s'appelle Dani... mais... Callahan-

Sans un mot de plus, je place ma paume sur la nuque de Cassie. Je l'entends gémir de surprise, et je nous guide déterminé vers ce putain de Starbucks. Il est juste à quelques enjambées de son café.

Je pousse la porte, et certains clients et étudiants nous dévisagent mais je ne m'éternise pas dessus :

— C'est lequel ? demandé-je fermement en scrutant rapidement le personnel derrière le comptoir.

Microbe visiblement embarrassée, devient écarlate. Elle jette un coup d'œil rapide parmi les serveurs, mais son regard m'indique vite qu'elle ne voit pas ce Dani.

Elle secoue doucement la tête.

— Callahan... qu'est-ce qu'il se passe ? souffle-t-elle d'une voix fluette en cherchant mon regard.

— Regarde le staff et dis-moi lequel c'est. Dépêche-toi.

Elle est stressée, je le vois clairement dans ses yeux.

Mais je dois savoir qui est ce Dani d'merde et pourquoi il se permet d'offrir des putain de cinnamon à ses clientes.

Qu'est-ce qu'il veut ? D'où il sort ? Pourquoi les offrir à elle en particulier ?

Putain, c'est qui ce bâtard ?

Et d'une voix un peu tremblante, elle me répond :

— Je... je ne le vois pas... Il a dû finir... sa journée.

— T'es bien sûre de toi ?

— O-oui ! Je suis sûre !

Elle s'est légèrement écriée.

J'ai senti sa frustration.

Et d'une pression sur sa nuque, je l'incite à me suivre et nous fais sortir du Starbucks.

Mais j'ai à peine fait un pas dehors, que microbe dégage ma main brutalement et s'éloigne de moi.

J'ai levé les sourcils et j'avoue, sa réaction soudaine m'a surpris. Je ne m'y attendais vraiment pas. 

Et en la fixant, je vois que c'est la première fois que microbe me témoigne autant de colère.

Une colère brute et franche. Rien qu'à la façon dont elle me dévisage, et ses sourcils froncés me font comprendre qu'elle n'est pas du tout contente de ce qui vient de se passer.

— Pourquoi tu m'as fais ça, Callahan !? éclate-t-elle avec une rage que je ne lui soupçonnais pas.

Pendant une seconde je fronce les sourcils et je la regarde simplement.

Je crois que j'y suis peut-être allé un peu fort...  

— Je ne comprends vraiment pas ton attitude ? insiste-t-elle avec émotion. C'était quoi ça ? Qu'est-ce qui t'a pris ?

Ses yeux brillent, elle a envie de pleurer, putain...

Mais elle se retient, et le pire c'est que je crois qu'elle déteste encore plus me crier dessus, que la situation d'embarras dans laquelle je l'ai mise.

— Arrête d'accepter des cadeaux de n'importe quel mec que tu ne connais pas, répliqué-je fermement en essayant de me justifier.

— T'es sérieux ? C'est juste une pâtisserie !

Sa voix monte d'un cran.

Je l'ai vraiment irrité.

— Je suis très sérieux. Je m'en cogne de ce que c'est « juste », prononcé-je sur un ton plus calme. N'accepte rien d'aucun type.

Sa tête a un léger mouvement de recul. Et ses traits se déforment un peu comme si ma réponse venait de la rebuter.

J'inspire profondément et elle me dit :

— T'es injuste. Là, ce n'était pas correct du tout de me faire ça, Callahan ! Me trimballer comme si j'étais ta chienne pour des cinnamon que je n'ai pas réclamés, c'est tellement irrespectueux !

Ne sachant pas quoi répondre. Je reste planté là, en la fixant.

J'ai un petit coup de chaud. Ma main se lève et je me masse la nuque en ayant les sourcils légèrement froncés. Elle me défie presque du regard et je sens que la tension entre nous est palpable.

Putain...

Elle replace son sac sur son épaule, et sans attendre me tourne le dos.

Merde ! Merde ! Merde !

Je me rends compte que j'ai franchi une limite que je n'aurais pas due.

— Microbe !

Ses pas accélèrent dans la rue, je la suis à grandes enjambées.

Mais où est-ce que tu penses aller, microbe ?

Si tu penses un jour que je te laisserais rentrer sans moi, c'est très mal me connaître.

Tu sais que je te traquerais n'importe où.

— Microbe, arrête-toi.

Je la suis, et même si je ne devrais peut-être pas, j'ai un petit sourire en coin.

Elle est remontée contre moi... Et pourquoi j'adore qu'elle se laisse exploser avec moi ?

Mes yeux se baissent sur son manteau long couleur camel. Elle porte un pantalon noir ajusté, coupé juste au-dessus de la cheville, avec des mocassins noirs.

Son fameux sac Longchamps à l'épaule.

Hm... Je rêve qu'elle prenne ma blackcard pour briller encore plus. 

Ruine-moi, petite star.

— Microbe, reviens, l'appelé-je presque en chantant. Tu me manques déjà !

Je l'entends soupirer bruyamment. Mais elle m'ignore quand même et elle continue d'avancer rapidement, les bras croisés sous sa poitrine.

J'observe ses longs cheveux cendrés danser dans son dos alors qu'elle me fuit, et je me masse encore la nuque.

Je l'ai vraiment énervée, putain.

Petit con.

— Microbe, insisté-je un peu plus sérieusement cette fois-ci.

— Je vais prendre un taxi, Callahan. Tu peux rentrer chez toi, merci d'être venu, me dit-elle poliment sans se retourner.

Je peux à peine réprimer mon ricanement.

Non seulement, malgré sa colère, elle ne peut pas se résoudre à me manquer de respect. Mais en plus elle pense vraiment que je vais la laisser rentrer seule ?

Le jeu de chat et souris s'arrête ici pour moi. J'avale la distance entre nous, l'attrape par le bras, et l'incite à se retourner vers moi. Elle m'assassine du regard et tire un peu sur mon emprise pour que je la lâche mais je n'en fais rien. 

Putain, elle est furieuse !

Mais quelque part, ça me plaît de la voir se laisser exploser et me montrer ses vraies émotions.

J'en veux même un peu plus.

— Je peux juste rentrer chez moi, s'il-te-plaît ? soupire-t-elle, presque exaspérée en tirant sur son bras. Je n'ai pas envie de te parler.

— Tu sais que je ne te laisserais jamais partir sans moi, ma préférée, la taquiné-je dans l'espoir que ça fasse baisser sa colère.

Elle soupire clairement d'agacement, je retiens un ricanement et elle me lance irritée :

— Je ne suis pas ta préférée. Est-ce que tu as fini maintenant ?

Mais bien-sûr que si, petite star. Tu n'as aucune concurrence et tu es là seule que je préfère !

Elle tire, mais je ne lâche pas son bras, mon sourire s'élargit sans contrôle.

C'est dingue comme je l'adore !

— Mon Dieu, qu'est-ce que t'es belle quand t'es énervée, llukum... lui murmuré-je.

Choquée par ma remarque, une expression de surprise s'affiche sur son visage. Ses lèvres roses s'entrouvrent légèrement et elle rougit violemment. Elle tente encore en vain de se dégager de ma poigne. Mais je maintiens toujours fermement ma prise.

Tu ne le sais pas encore, mais je ne te laisserais jamais partir, mon amour.

J'avoue que ses tentatives m'amusent un peu.

Microbe est un petit orage aujourd'hui.

Mais même ses tempêtes, je les prends.

— C'est pas drôle ! s'écrit-elle finalement, frustrée.

Cette fois-ci, je reprends mon sérieux.

— Bon, écoute, je ne veux pas que t'acceptes des 'cadeaux' de qui que ce soit, c'est aussi simple que ça.

— C'était juste une pâtisserie ! Tu n'avais pas besoin de me faire ça devant tout le monde, ça m'a mis mal à l'aise ! Ça m'a... ça m'a... balbutie-t-elle en fuyant mon regard.

— Parle-moi, zemër, quémandé-je en dirigeant son visage vers le mien.

— Ça m'a... J-je me suis sentie... humiliée !

Elle me fixe les yeux grands ouverts comme si elle redoutait ma réaction, mais j'acquiesce doucement d'un hochement de tête pour lui signifier que j'ai compris.

— J'entends bien, mais tu as un stalker qui te suit depuis quatre ans. Et les informations comme ça, tu dois systématiquement me les partager. Il suffirait qu'un bâtard suffisamment informé foute de la noisette dedans et je te perds, tu comprends ça ? D'ailleurs, depuis combien de temps ce Dani de merde, t'offre des trucs ?

Elle semble prise de court, ses yeux s'écarquillent.

Je comprends que cette éventualité ne lui a même pas effleuré l'esprit.

— Depuis... Depuis le début de l'année, me confie-t-elle un peu désemparée.

— Tu connaissais ce type avant ? 

— Non. Non pas du tout, il est juste gentil avec moi, m'explique-t-elle naïvement en secouant un peu la tête. 

J'inspire profondément.

— Les hommes n'offrent pas des pâtisseries à des filles juste parce qu'ils sont 'gentils', microbe. C'est une réalité que tu dois comprendre vite et bien. Ça cache souvent d'autres intentions.

Elle reste silencieuse et pince les lèvres. Son regard se perd dans le vide.

Je sens que sa colère s'estompe, mais j'ai la sensation d'entendre les rouages de son cerveau se culpabiliser pour sa naïveté. Je sais déjà qu'elle se sent coupable et très probablement un peu idiote.

— C'est rien, microbe. Mais n'en accepte plus. Tu m'as compris ?

Elle lève la tête vers moi, tandis que je maintiens toujours ma prise autour de son poignet.

— J'ai pas entendu, petite peste, insisté-je sur un ton ferme mais légèrement amusé.

Elle acquiesce timidement en rougissant :

— O-oui... j'accepterai plus. J'ai pas pensé à ça...

— C'est à moi de penser à ça, t'en fais pas.

Un sourire en coin tire mes lèvres. Je la tire un peu plus près de moi, la surprise agrandit les traits de son visage.

J'ai envie de rire parce qu'elle porte toujours son casque de moto :

— Tu pensais aller comme ça avec ton casque, toi ? me moqué-je.

Elle pince ses lèvres pour se retenir de rire. L'atmosphère se détend et au bout de quelques secondes, je me penche légèrement vers elle et je lui murmure :

— Excuse-moi, pour tout à l'heure. Je ne le referais plus.

Ouais...

Même ses tempêtes... Je les veux.

Son regard bleu-gris s'adoucit, elle rougit. La colère sur ses traits est soufflée comme des nuages qui disparaissent pour laisser place au soleil.

Magnifique.

Elle hoche doucement la tête. Et pour alléger un peu plus le moment, je continue de la taquiner un peu :

— Et puis, t'en as pas marre de manger que des trucs de mamie à chaque fois ?

— C'est pas des trucs de mamie ! Je sais que tu n'as jamais goûté c'est pour ça que tu dis ça.

— Je ne mange pas ces conneries moi, lui expliqué-je en plaçant ma main sur sa nuque pour la guider vers la moto.

— Je veux que tu goûtes, au moins une fois, me dit-elle en levant les yeux vers moi. Juste pour voir la tête que tu tireras quand tu changeras d'avis.

Un rire incontrôlé m'échappe. On arrive devant la moto, et une neige fine commence à tomber sur la ville, recouvrant le sol doucement d'un manteau blanc.

— Tu sais cuisiner des cinnamon ? lui demandé-je tout en l'aidant à s'asseoir sur ma BMW.

Elle hoche la tête alors que je lui donne ses gants.

Je m'approche d'elle, mes yeux se baissent une seconde sur ses lèvres.

— D'accord, je veux que, toi, tu m'en prépares. Et que, toi, tu me fasses goûter.

Elle ne répond rien, parce qu'elle se perd longuement dans mes iris.

Qu'elle est belle, qu'elle est belle, qu'elle est belle.

La plus belle de toutes.

Et j'ai la sensation d'être aspiré par cette petite âme toute douce.

La neige danse lentement du ciel à la terre, et ma tête se vide.

Plus de douleur, il n'y a plus que sa couleur bleu orage qui me prend de cours.

Doucement, je lui murmure :

— J'ai tellement hâte que tu me donnes le droit de t'embrasser, madame.

Son visage devient écarlate en un claquement de doigts. Un bruit de surprise sort de ses lèvres elle me pousse doucement le bras en soufflant un "arrête de dire n'importe quoi." Un nouveau rire franc m'échappe, je secoue la tête en lui baissant sa visière et la mienne.

Je monte sur ma moto.

Tellement hâte de goûter tes lèvres. Connaître ton goût. Sentir ta chaleur...

— Accroche-toi, microbe, prononcé-je en tapotant sa cuisse.

Ses bras s'enroulent tendrement autour de mon torse. Elle repose sa tête sur mon dos.

Enveloppé par mon anglaise...

J'aime, la sensation de ses cuisses réchauffant les miennes.

J'aime, la douceur qui s'empare de moi à chaque fois qu'elle me câline.

J'aime, ses colères, ses sourires, ses tempêtes et ses nuages.

Je veux cet orage rien que pour moi.













Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃

Ça-va ? ☕️





IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !


Alors à la base, ce chapitre je vais être honnête, j'en avais peur 🫠... Je sais pas pourquoi je savais pas quoi penser du chapitre, mais encore une fois j'ai remarqué qu'à chaque fois qu'il y a un chapitre ou en gros il y a comme un unlokage du prochain level de la relation entre Cal et Cas j'ai trop peur que ce soit trop précipité, ou ennuyeux, ou que sais-je.

(Merci Nawel, Nasou et Diey pour vos retours 😭❤️)

En tout cas, est-ce qu'on peut parler du fait que Casbaby commence à s'affirmer doucement mais sûrement ouuu ? ✋🏾😗🤚🏾Non parce que, back in 2010, back in the day, elle aurait jamais osé s'opposer à lui aussi directement ! Pardon ma fille d'amour, I am proud of you 🥹 !

Et puis, Cal qui sup le num de Donna ? Hm... franchement... hm.

Et Benjamin qui rappelle un peu à Cal qu'il est pas là pour rire là... Hm. (moi j'l'aime mon fils quoi que vous disiez PTDR, j'aime tous mes persos)

(PS: Not Dani qui a faillit mourir today MDR, Cal il l'aurait démarrer)

Quoi qu'il en soit, j'espère que vous avez kiffer ❤️.


🥭 Pour vous update Sur VALENTINA pour celles qui ne me suivent pas sur Instagram :

Je suis toujours en travail éditorial sur le tome 1 (D'ailleurs pour celles qui me demandent pourquoi je recorrige mon livre alors que je l'avais déjà fait l'année dernière : je ne voulais pas utiliser un texte que j'avais travailler avec mon ancienne éditrice, j'ai préféré repartir sur une nouvelle base avec Hugo)

En ce moment je galère sur la réécriture, parce qu'il y a un véritable travail éditorial qui est fait (Qui diffère totalement de ce que j'avais fait l'année dernière) c'est beaucoup plus poussé et je dois complément déconstruire et reconstruire de nouvelles scènes, de nouveaux dialogues, de nouveau passages, des chapitres inédits qui ne sont pas sur wattpad (Que j'espère vous trouverez bien croustibat 🤭).

Et j'essaye d'approfondir la personnalité de chacun des protagonistes (Seb, Este, Preto (le ghetto Youth MDR), Valentina, même Paloma pour vous dire ! Et à chaque fois, j'ai peur de faire n'importe quoi. J'espère tellement que ça va vous plaire que je me met une pression alors qu'en vrai je suis juste en train d'améliorer le livre 😭 !

Je sais que certaines vont me dire qu'il ne faut rien changer, mais en vrai, depuis le temps que j'ai écris Valentina, et pour celles qui me suivent sur Ghost, vous voyez comment je cherche toujours à poussé mon amélioration, donc là je me dis, c'est le moment de mettre 3 ans d'écriture à l'œuvre sur mon premier livre. Le rendre plus intense, plus cohérent, moins redondant (parfois), plus passionnant, plus Valentinant tout simplement.

Bref j'ai hâte de la sortie en xx/xx/2024... (j'rigole pardon pour le teasing MDR mais c'est trop tentant) (Et à la stagiaire qui était chez Hugo, pas un mot même si tu as eu des infos en exclus haha !)

Bon aller, j'ai assez parlé, bisous mes bombes !






On se retrouve sur le Discord 😋 !




BYE 🏍💨🪐 !



Stardust 🍓


𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...



xo, Azra. ✿



IG: azra.reed

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