𝟸𝟾. 𝙰𝚒𝚖𝚎𝚛 𝚞𝚗𝚎 𝚖𝚎̀𝚛𝚎.
(𝖣𝖾́𝗆𝖺𝗋𝗋𝖾𝗓 𝗅𝖺 𝗏𝗂𝖽𝖾𝗈 𝗉𝗈𝗎𝗋 𝗏𝗈𝗎𝗌 𝗉𝗅𝗈𝗇𝗀𝖾𝗓 𝖽𝖺𝗇𝗌 𝗅'𝖺𝗆𝖻𝗂𝖺𝗇𝖼𝖾)
"L'influence d'une mère dans la vie de ses enfants est incommensurable."
James E. Faust
𝙰 𝙲 𝚃 𝟺.
🎠 𝙳 𝚎́ 𝚌 𝚎 𝚖 𝚋 𝚛 𝚎.
𝟤𝟪. 𝖠𝗂𝗆𝖾𝗋 𝗎𝗇𝖾 𝗆𝖾̀𝗋𝖾.
Ghost.
Je lève directement les yeux vers la voix faible de microbe qui vient de m'appeler.
Elle a soulevé son masque à oxygène et ses yeux trouvent les miens.
On se redresse simultanément avec l'aigrie de service.
Je ne m'attendais pas à ce qu'elle se réveille maintenant.
— Oh... Lali' ? Tu es là ? Qu'est-ce que vous faites tous les deux dans la même pièce sans vous entretuer ?
Microbe essaie de détendre l'atmosphère avec un petit sourire, mais d'ici je vois que c'est forcé.
Lalita se rapproche doucement d'elle. L'expression de son visage change drastiquement. Elle passe de l'inquiétude à une profonde tendresse.
C'est un peu comme si elle changeait complètement de personnalité en présence de microbe.
On dirait une lionne qui veille sur son petit.
— ...Coucou, chula (mignonne), chuchote-t-elle doucement, en essayant de cacher ses propres larmes qui menacent.
Je les observe toutes les deux.
Microbe regarde Lalita, et je sens la culpabilité dans ses yeux gris-bleu. Ils deviennent brillants.
Elle est encore plus préoccupée par le mal qu'elle pense avoir fait à sa copine que par sa propre santé.
Putain, qu'est-ce qu'on a fait à cette fille... sérieusement.
Lalita se penche vers Cassie, et d'une voix douce elle lui demande :
— Tu te souviens de ce qui s'est passé ?
Microbe hoche la tête un peu hésitante. Et son amie poursuit :
— Alors... Qu'est-ce qui se passe chula ? Hm ?
Elle baisse les yeux, incapable de lui répondre.
Lalita lui caresse doucement ses cheveux.
Je me demande si c'est uniquement microbe qui bénéficie de se traitement de faveur, ou elle est comme ça avec les autres filles de leur groupe ?
En tout cas, vu son degré d'aigreur, je n'aurais jamais soupçonné qu'elle puisse être aussi tendre envers qui que ce soit.
— Tu ne veux pas manger, Cassie ?
Microbe plante ses yeux inquiets dans les miens le temps d'une seconde, comme si elle cherchait mon soutien. J'ai enfoncé mes poings dans ses draps, alors ses doigts s'enroulent dans l'élastique autour de mon poignet.
— Je suis désolée... chuchote-t-elle en réponse à Lalita.
Mais sa copine rit doucement et pour détendre un peu l'atmosphère elle lui dit :
— Mais non... Tu ne me dois aucune excuse, chula.
Elle essuie les larmes que microbe a laissé couler avec une affection qui semble tout à fait naturelle pour elle.
C'est à ce moment que mon cerveau comprend que les deux ont un lien très fort qui les lie, mais je ne sais pas encore à quel point.
— Les filles étaient là, mais elles ont dû partir. Elles me bombardent de messages depuis une heure, j'en ai marre de leur répondre, renchérit Lalita sur un ton plus léger.
— Je vais leur dire que je vais bien, merci, Lali...
Ça, c'est un mensonge.
Non, elle ne va pas bien.
Et je crois que l'aigrie et moi avons eu la même pensée parce qu'elle lui dit :
— Non tu ne vas pas bien, Cassie. Et tu ne peux pas t'affamer comme ça. Il faut que tu me le dises si ça ne va pas... Il faut que tu me le dises... répète-t-elle douloureusement. Tu m'entends ?
De plus belle, des larmes plus intenses glissent le long de la peau laiteuse de microbe. Le regret crispe les traits de son visage, elle pince ses lèvres en signe d'embarras. Les pouces de son amie suppriment la tristesse qui perle le long de sa peau.
L'aigrie a les yeux brillants, mais elle retient ses larmes.
Je ne pense pas qu'elle pleura devant moi.
— Ne retombe pas dans ça, OK ? Je suis là moi... tu peux tout me dire, chula, tu le sais.
Microbe ne s'en rend pas compte.
Mais elle fait claquer frénétiquement l'élastique contre mon poignet.
Elle a sûrement l'esprit embué de mauvaises pensées. J'observe les soubresauts que fait sa poitrine à mesure qu'elle se laisse pleurer.
Lalita penchée au-dessus d'elle l'observe avec une affection qui ressemble à celle d'une grande sœur pour sa petite sœur.
Le moment est assez intime.
Puis finalement, son amie dépose ses lèvres sur les joues de microbe.
Elle lui murmure un léger :
— Te quiero.
— Je t'aime aussi, Lali'. Merci, désolée... désolée encore, répond Cassie d'une voix faible.
Lalita secoue la tête et se redresse en reniflant. Son visage est marqué par un sourire triste.
— Je sais. Je suis désolée je ne peux pas rester plus longtemps, les jumeaux sont seuls à la maison et ils m'attendent, mais on se voit demain ? Je pense qu'ils te laisseront sortir d'ici là.
Cassie hoche la tête en comprenant.
Lalita lui sourit et recule pour prendre son sac de cours qu'elle a laissé sur le fauteuil. Dans un dernier revoir elle se dirige vers la porte mais, avant de sortir, en chieuse de service qu'elle est, elle me lance un :
— J'te dis pas au revoir, petit pendejo.
— Ta-gueule, grande conne.
C'est sorti sans même que je n'ai le temps d'y réfléchir.
Sale chieuse !
Microbe essuie ses larmes du revers de ses mains.
Ma paume passe sur mon visage et s'enfonce dans mes cheveux que je tire en arrière.
Mais je n'ai même pas le temps de réfléchir à la scène que je viens de voir parce que, tout de suite, son regard humide se plante sur moi :
— Est-ce que ma mère est venue me voir ? demande-t-elle d'une voix faible et avec une expression pleine d'espoir sur le visage.
Merde !
Je pince les lèvres.
Merde...
C'est tout ce qu'elle voulait...
Sa mère.
Elle attend tellement d'elle, mais cette salope s'en branle complètement.
Je prends une profonde inspiration, en sachant pertinemment que ma réponse ne sera pas celle qu'elle espère.
— ...Pas encore, dis-je doucement en passant nerveusement ma paume sur ma mâchoire.
Je vois l'éclat dans ses yeux s'éteindre comme si je venais de la tuer de mes propres mains. Son expression est rapidement remplacée par un profond désespoir et une douleur que j'ai l'impression de vivre et que je peux toucher.
Putain mes mots viennent de la bousiller.
Fais chier, putain !
Et j'aurais beau être son garde du corps, il y aura toujours une partie de son cœur que, malheureusement, je ne pourrais jamais protéger.
Je tente de désamorcer la tristesse qui voile son visage en ajoutant rapidement :
— Mais elle m'a envoyé un message, elle va se libérer au plus vite.
Mes mots ne servent à rien.
Elle tourne la tête et ses yeux s'humidifient encore. Elle remet son masque à oxygène sur son nez et ses larmes silencieuses coulent le long de ses joues, chaque sanglot contenu secoue un peu son corps frêle.
Je me gratte la nuque en pinçant mes lèvres.
Je suis impuissant face à la douleur que provoque l'absence d'une mère.
Margaret de merde, putain...
Sa négligence envers sa fille est plus frustrante qu'énervante à ce stade, on dirait presque qu'elle le fait exprès !
Elle n'a envoyé qu'un seul message pour me dire qu'elle allait tout faire pour se libérer. Mais qu'est-ce qu'il lui faut pour se bouger pour sa fille ? Qu'elle crève ?
Un sale sentiment me prendre dans la gorge, je finis par me pencher en avant. Mes coudes s'enfoncent dans les draps blancs.
— Regarde-moi, murmuré-je d'une voix basse.
Mais elle ne détourne pas la tête.
Je tapote légèrement sur son ventre pour attirer son attention.
— Microbe... Allez, regarde-moi, répété-je presque dans un chuchotement.
Finalement, elle se tourne lentement vers moi. Ses yeux sont rougis par les larmes.
Je baisse son masque à oxygène pour libérer son visage et mon pouce caresse doucement son ventre.
— Qu'est-ce qui te met dans cet état-là ? lui demandé-je pour mieux comprendre son état.
Elle renifle et détourne à nouveau les yeux. Je peux sentir sa douleur, même sans qu'elle n'articule un seul mot.
Cette fille est un véritable coffre-fort.
Je n'aurais jamais pu imaginer qu'elle soit si secrète.
Et j'ai un léger frisson en pensant qu'il y a certainement beaucoup de choses que je ne sais pas encore...
— C'est pour ta mère que tu te mets autant en danger ? poursuivais-je en exerçant une petite pression sur son ventre dans l'espoir qu'elle me regarde à nouveau.
En tout cas, ma question la fait grimacer, elle baisse les yeux vers mon poignet.
Elle joue nerveusement avec l'élastique en le faisant claquer de plus en plus fort contre ma peau.
Microbe a un besoin presque désespéré que quelqu'un la voie, la comprenne, et l'aime.
Ce quelqu'un est bien évidemment sa mère.
Et cette mère a choisi d'autres combats que sa propre fille.
Je pose doucement mon index sous son menton pour lui faire relever les yeux vers moi. Elle se mord les lèvres, tentant de retenir du mieux qu'elle peut ses larmes, mais elle n'y arrive pas.
C'est clair qu'elle a honte de pleurer devant moi.
— C'est pour elle que tu ne manges pas ?
Je connais déjà la réponse quand elle évite mon regard.
Face à son silence, je décide de continuer :
— Tu penses qu'elle te remarquera enfin si t'as un pied dans la tombe ?
À mes paroles, elle se met à pleurer plus fort.
Je sais que mes mots sont durs, peut-être même un peu cruels.
Mais c'est la réalité.
Et il est brutal ce monde qu'elle doit affronter.
Et il va bien falloir qu'elle fonce dedans tôt ou tard.
— C'est ça, llukum ? insisté-je.
Cette fois-ci je ne la laisse pas fuir. Je dirige de nouveau son visage vers moi, nos yeux se croisent.
Putain, elle est dépitée. Et elle essaye encore de résister et de pleurer le plus silencieusement possible. Mais ces murs qu'elle tente de garder solides sont fragiles, et je lui dis sur un ton plus grave que je ne l'aurais voulu :
— Tu dois manger, microbe. Elle ne rend pas compte que sa fille est vivante, elle ne s'en rendra toujours pas compte si tu crèves, lancé-je fermement.
Cette fois-ci, elle éclate en sanglots, ses poings cachent ses paupières fermées mais je vois les larmes s'échapper derrière ses doigts.
Ces murs s'effondrent et j'ai bien l'impression que ses pleurs viennent de l'endroit le plus profond et le plus douloureux de son être. Son corps que se secoue me provoque une sensation vraiment désagréable.
J'aime pas voir ça.
La souffrance qu'elle ressent vis-à-vis de sa mère doit littéralement la tuer à petit feu.
Je dirais même que Margaret la torture psychologiquement à un point que moi-même je ne suis pas sûr d'imaginer.
Tout en passant ma main dans ses cheveux doux, je remets doucement son masque à oxygène sur son nez car sa respiration devenait un peu sifflante.
Je reste à ses côtés.
Mais une part de moi se demande comment je peux saigner cette Margaret de merde.
Elle ne peut pas continuer à attendre l'approbation d'une mère qui ne la voit pas vraiment, et qui ne la verra jamais.
Son visage rougit un peu à cause de ses sanglots.
Honnêtement, ça me fait vachement chier de la voir aussi désespérée.
Sans trop y réfléchir, je dépose doucement mes lèvres sur le front chaud de microbe.
Elle est tellement submergée par sa peine qu'elle ne s'en rend même pas compte.
— Ne pleure pas, championne. Tu trouveras d'autres raisons d'être heureuse, je te le promets, murmuré-je.
J'emmêle mes doigts à sa longueur miel.
Je ne peux rien dire ou faire de plus qui lui enlèvera ce trou qu'elle a sous la poitrine.
La seule pensée qui tourne en boucle dans mon cerveau, c'est que microbe frôle la mort dans l'espoir que sa mère lui accorde de l'attention...
Mon Dieu qu'est-ce que ça fait mal d'aimer sa mère.
✤
Le soleil se couche enfin.
Il a brûlé la peau de mon visage.
Ça fait des heures que je marche.
La nuit approche.
Chaque pas enfonce un peu plus mes bottes dans le sable fin et étouffant.
Ma gorge est sèche, mes lèvres craquées par la soif.
Le poids de mon équipement et de mon arme pèse dans mes mains.
Le désert est infini et sans pitié.
Callahan ?
J'arrête de marcher.
Une voix féminine perce le silence oppressant de ce désert immense.
L'appel semble venir de tellement loin.
Je lève les yeux sur la voûte du ciel.
J'ai l'impression que ce sont les astres et les étoiles qui m'appellent.
Callahan ?
Je recommence à marcher rapidement vers le son de cette voix.
Je scrute l'horizon et là, au loin, une forme floue se dessine.
Peut-être un mirage ou, je l'espère un oasis.
J'ai assez d'impulsion pour me libérer de l'arme que je tiens dans les mains. Elle s'enfonce dans le sable et je l'oublie là. Mon sac glisse le long de mes bras, il s'écrase lui aussi dans un bruit sourd.
Plus léger, la voix de cette femme me donne envie de courir. Alors je cours parce que j'ai l'impression qu'elle me sauvera.
— Callahan ?
Je me réveille en sursaut.
La voix de microbe résonne dans mes oreilles et me ramène brusquement à la réalité.
Je me redresse, désorienté, il me faut plusieurs secondes pour revenir à Londres, dans cette chambre d'hôpital.
Des frissons me prennent. Je me fais violence pour rester ici.
— Tu es réveillée ? murmuré-je en vérifiant l'heure sur ma Alpine.
Elle acquiesce doucement, ses yeux légèrement gonflés et rougis me fixent avec une expression inquiète. Elle a enlevé le masque à oxygène sur sa bouche.
— Tu as fait un... un cauchemar ? me demande-t-elle d'une petite voix.
Je me fige une seconde en la fixant.
Putain.
Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai dit ?
— Tu as... tu as appelé quelqu'un qui s'appelle... Reece.
Merde !
Merde, fais chier !
— Fais pas attention à ça, répliqué-je rapidement en essayant d'être le plus détaché possible. Comment tu te sens ?
Elle hausse mollement les épaules en faisant la moue.
Je fixe ses lèvres.
Ça ne dure qu'une seconde.
Une seconde trop longue.
— Pitié, ma petite star, je peux avoir un petit sourire, pour ma santé mentale ? Je suis à ça d'aller en psychiatrie.
Ma tentative pour alléger l'atmosphère se solde par un succès, un petit rire incontrôlé s'échappe de microbe. Il illumine son visage instantanément.
Amusé par ce son cristallin que je viens d'entendre, je sens mes paupières se plisser.
Mes doigts jouent avec la peau de mon menton.
Ses cheveux châtain clair s'éparpillent sur son oreiller. Et je prie intérieurement qu'elle ne les coupe jamais. Quand son regard gris-bleu se plante dans le mien, j'ai la vision d'un orage gris qui gronde... mais qu'il finira toujours par laisser revenir les rayons du soleil déclarer la paix.
L'autre aigri à raison, microbe est trop gentille.
Du moins... un cœur aussi blanc que le sien, c'est rare.
Elle hausse les sourcils, et je suis l'évolution des expressions de son visage, ses lèvres se pincent et ses joues rougissent.
Jusqu'à présent, je ne pense pas qu'elle sache la catastrophe qu'elle provoque en moi rien qu'avec ses petits gestes, ses expressions subtiles, qui la façonnent et qui font d'elle, juste elle.
Mon microbe.
Le pire, c'est que justement, elle ne fait rien de spécial.
Et j'ai déjà les veines en feu.
Ce petit sourire éphémère qu'elle fait provoque toujours le mien.
Adorable.
— Q-quoi... ? murmure-t-elle finalement, ce qui me tire brutalement de mes pensées.
Je fronce les sourcils avec un petit sourire en coin.
— Quoi, quoi ? murmuré-je d'une voix basse.
— P-pourquoi tu me regardes comme ça ?
Elle a l'air à la fois perplexe et légèrement amusée. Je baisse mon bras sur l'accoudoir et lui demande :
— Je te regarde comment, llukum ?
— Comme si j'étais... euh, du goulash.
Un rire m'échappe, incapable de me retenir.
Elle essaie de cacher son sourire et sa nervosité en s'amusant à faire de petites nattes qu'elle défait une fois terminées.
Mhm... j'adore quand elle fait ça.
Je sens mes cuisses se crisper de sensations qui descendent dans mes muscles.
C'est effrayant à quel point elle me donne tout le temps envie.
Tout le temps.
Le châtain clair de ses cheveux me plaît.
— Même l'assiette du goulash je ne la lécherais pas comme je le ferais avec t-
— Mais ferme-la ! me coupe-t-elle mi embarrassée, mi-amusée.
— OK, dis-je en levant les mains en signe de reddition, mais avec un sourire taquin. Madame a parlé, monsieur s'exécute.
Son petit sourire s'élargit, ses yeux se plissent, je ne peux m'empêcher de lui rendre.
Après un petit moment, elle replie ses jambes sous ce drap blanc et me demande :
— Quelle heure il est, s'il te plaît ?
Bien sûr qu'il me plaît si c'est toi qui me le demandes si poliment, ma petite star.
Je sors mon téléphone de ma poche.
— Bientôt 22 h.
J'en profite pour répondre à Seiji, mais elle pousse un profond soupir, comme si connaître l'heure ajoutait encore plus à sa peine.
Je range mon téléphone et me mets à l'observer.
Son visage porte des traces de fatigue et d'épuisement.
Elle fixe le plafond en continuant à se faire de petites tresses, perdue dans ses pensées.
Je me demande ce qui se passe dans sa tête.
Alors qu'elle soupire discrètement une seconde fois, je décide de plaisanter encore une fois :
— Tu n'as pas besoin de soupirer pour attirer mon attention, microbe. Je suis là.
Elle se tourne vers moi avec un sourire timide sur son visage fatigué.
— Tu es mon garde du corps, Callahan... j'ai ton attention parce que c'est ton travail.
Cette réponse me prend de court.
Je fronce les sourcils en l'interrogeant un peu du regard.
C'est vrai, c'est mon boulot de veiller sur elle, mais une part de moi ne s'attendait pas à ce qu'elle me souligne elle-même que ça ne se résume qu'à ça.
— Je n'ai pas besoin d'être ton garde du corps pour me rendre compte que tu existes, rétorqué-je un peu plus sérieusement.
Ses yeux s'écarquillent légèrement, choqués par ma réponse.
Je vois bien dans son regard qu'elle n'attend rien de personne, comme si elle s'attendait déjà à ce qu'on l'abandonne.
Comment quelqu'un comme elle se sentir invisible à ce point... ?
Elle reste bouche bée et je me décide à ouvrir le sujet qui fâche :
— Tu ne peux pas continuer à t'affamer pour ta mère, microbe, continué-je d'une voix douce mais tout de même ferme.
Je la vois embarrassée. Elle s'éclaircit la voix et me souffle :
— C'est pas... c'est pas ça. Je... Tu ne comprendrais pas...
— Je ne crois pas t'avoir entendu essayer de m'expliquer.
Elle hésite, ses lèvres se pressent l'une contre l'autre.
— Parce que...
Elle s'arrête, je vois d'ici qu'elle lutte avec ses mots.
— Explique-moi, demandé-je doucement en ne la lâchant pas du regard.
Elle baisse les yeux en déglutissant difficilement. Sa nervosité s'accroît et elle joue avec ses cheveux, et je rêve d'y plonger mon nez.
Microbe est dépassée par ses propres émotions. Elle ne sait pas du tout comment les gérer. Et c'est probablement le cœur de tous ses problèmes.
— Je-je n'ai pas envie de manger, murmure-t-elle finalement avec une certaine fragilité.
— Tu n'en as pas envie, ou tu penses que tu ne mérites pas de manger ?
Elle me lance un regard, ses yeux sont brillants de larmes qu'elle tente de retenir.
— Parce que de là où je suis, je vois quelqu'un qui mérite bien plus que le peu qu'elle s'accorde. Et je ne parle pas seulement de nourriture.
Une larme s'échappe, qu'elle essuie rapidement dans une tentative de me masquer sa vulnérabilité. Mais c'est trop tard, ça fait bien longtemps que je l'ai vu.
— J'ai juste l'impression que... la vie me montre constamment que je ne vaux rien... Je perds tout... Tout le temps.
Elle laisse échapper ces mots dans un soupir douloureux, on aurait dit que parler et avouer ce sentiment à haute voix lui fait plus de mal qu'autre chose.
J'ai la sensation d'éveiller de très mauvaises pensées avec cette conversation.
Elle commence à pleurer silencieusement, ses sanglots sont étouffés par sa peine.
Je l'observe un moment, pas sûre que mes mots francs lui servent sur le moment. J'ai bien compris, microbe incarne tout ce qu'il y a de plus doux, et je suis tout ce qu'il y a de plus rude.
Elle ne fait pas partie de l'Ordre, Callahan.
Tais-toi.
— Tu vois ta vie à travers des lunettes de honte et d'échecs, zëmer (mon cœur). Tu cherches sans cesse des preuves pour te convaincre que tu as encore échoué, lui dis-je simplement.
Tais-toi...
Microbe me regarde une seconde avec une expression un peu choquée, mais elle baisse les yeux, secouée par des sanglots silencieux mais intenses.
Mais j'ai bien l'impression qu'elle semble accrocher à chaque mot que je lui dis.
Tais-toi, Cal'.
J'en suis sûr maintenant, dans ses yeux, je vois bien qu'elle ne veut pas me décevoir.
Je sais aussi que mes mots sont importants pour elle.
Et tu sais qu'ils ne seront pas éternels.
— Parce que c'est vrai... lâche-t-elle d'une sa voix faible mais bien déterminée.
— Ce sont des croyances que tu as dans le crâne, expliqué-je en enfonçant mon index dans ma tempe. Je ne t'ai pas perçue comme un échec ou une honte quand tu as été assez courageuse pour me parler de ces photos.
Elle renifle, et son corps se saccade doucement. Elle cherche à prêcher le vrai du faux dans mon regard, mais elle se rend vite compte que je pense tout ce que je dis.
— Personne ne te sauvera à part toi-même, microbe. Il faut que tu apprennes à gérer tes émotions, parce que c'est ça qui t'a emmené dans ce lit d'hôpital.
Je pointe mon cœur du doigt avant de baisser le bras.
C'est ce petit cœur naïf qui la rend si facile à briser. Et ses émotions ne lui apportent qu'une attention temporaire des autres.
Elle doit se faire violence, et même si elle est effrayée, elle doit apprendre à voler toute seule.
— Et la gestion des émotions, ça commence avec une alimentation correcte. Tu dois réapprendre à manger normalement. Il faut que tu y arrives, non pas pour ta mère, pas même pour moi, mais juste pour toi et parce que tu mérites de manger.
Si elle arrive à contrôler ses émotions... elle contrôlera qui elle veut.
Tout le monde, sans exception.
— Je me sens incapable de le faire toute seule, avoue-t-elle en reniflant et d'une voix tremblante.
— Regarde autour de toi, et dis-moi qui vois-tu dans cette chambre ? l'interrogé-je en agitant mon index pour l'encourager à observer.
Elle presse ses lèvres, puis murmure doucement :
— Toi...
— Exactement. Je suis toujours là, microbe. Et même quand tu ne me vois pas, je serais toujours ton petit fantôme, murmuré-je avec un sourire en coin.
Je n'en suis pas sûr... Mais dans ses yeux, j'ai l'impression de voir un éclat d'espoir naître.
Elle ne le dit pas, mais son visage est si expressif que je sais qu'elle est reconnaissante pour mes mots.
Un pas.
C'est tout ce qu'il lui faut pour qu'elle apprenne à s'aimer elle-même.
Nous sommes coupés par la porte qui s'ouvre sur Wayne accompagné d'un médecin et d'une infirmière qui nous annonce que microbe peut quitter l'hôpital.
Il hoche la tête en guise de salut. Je fais de même en me redressant de mon siège.
L'infirmière s'active à la débrancher, tandis que le médecin insiste auprès de microbe pour qu'elle reprenne une alimentation régulière et équilibrée et il lui prescrit des compléments nutritionnels.
— J'ai garé la voiture juste devant l'entrée, me signale-t-il d'une voix basse. On pourra y aller dès qu'elle sera prête.
Alors que microbe s'apprête à se rhabiller, je récupère mon casque par terre et hoche la tête en direction de Wayne.
— Elle se rhabille et on y va, dis-je.
Il acquiesce.
Nous quittons la chambre pour qu'elle puisse se changer.
— Comment va-t-elle ? me questionne-t-il alors que je ferme la porte.
Mes yeux se lèvent dans les siens.
— Ça reste à déterminer, articulé-je en sortant un cure-cent de mon paquet.
En fait je n'en sais rien...
Wayne ne répond rien.
Mon dos s'appuie contre le mur de ce couloir blanc.
Je ne reste jamais aussi longtemps dans un hôpital.
Et mon crâne est en train de me le faire payer.
Ce n'est que le début, mais j'ai déjà des sueurs froides face au commencement de ma migraine qui me donne déjà la sensation qu'on est en train de percer mon cerveau.
J'expire un bon coup, sous l'œil attentif de Knight qui enfonce machinalement ses gants en cuir dans ses paumes.
Une seconde plus tard, microbe ouvre la porte.
Elle signe les documents nécessaires, et Wayne et moi l'escortons en silence à travers les couloirs animés de l'hôpital jusqu'à la voiture garée à l'extérieur.
— Tu rentres en voiture avec Wayne, lui murmuré-je doucement en désignant le véhicule d'un haussement de menton.
Ses grands yeux de biche m'interrogent du regard :
— Je vous suis en moto, la rassuré-je.
Elle hoche la tête, et recule lentement. Je l'observe monter dans la voiture, Wayne referme la porte pour elle et ce n'est que quand il se place derrière le volant que je me décide à rejoindre ma moto.
C'est un jour sans neige aujourd'hui mais il fait vraiment de plus en plus froid.
Je m'installe rapidement et enfile mon casque et mes gants.
Les roues de la BMW suivent les traces de la Mercedes.
Nos phares percent la noirceur de la nuit.
Perdu dans un million de pensées, je m'arrête à côté de sa fenêtre au feu rouge.
Même si je ne peux pas la voir à travers les vitres teintées et que mon visage est caché derrière la visière de mon casque, je suis persuadé qu'elle me regarde.
Et sournoisement, la pensée que je voudrais qu'elle n'ait besoin que de moi s'installe dans mon esprit.
Un sentiment sombre s'immisce sous mes veines, et je veux être le seul vers qui elle se tourne.
Je veux tout.
Un pas.
Et elle contrôle qui elle veut.
Juste un seul.
Je sais déjà qu'elle sera mon péché secret.
Ou mon péché mignon ?
Mon péché tout court.
Et je sais aussi que si je la touche une fois, elle ne m'oubliera jamais.
Ou peut-être...
Peut-être que c'est moi qui ne l'oublierais jamais.
La pression du cuir de mes gants contre le guidon fait fuser la SR.
N'oublie pas qu'elle ne fait pas partie de l'Ordre.
Arrivée chez elle, à ma grande surprise, je constate que Margaret l'attend assise sur le perron de sa maison. Un gilet fermement entouré autour d'elle, une cigarette à la main qu'elle écrase en nous voyant approcher.
À peine microbe sorti du véhicule que sa mère se précipite vers elle avec l'air sincèrement inquiet.
— Cassie !
Elle l'enlace très fort dans ses bras et je fronce les sourcils en même temps que microbe me cherche des yeux avec un air choqué et perdu.
Margaret a bu, l'odeur du vin et de la nicotine émane d'elle.
Néanmoins...
En baissant les yeux sur cette scène, je constate que microbe hésite à répondre à cette étreinte.
Ses paumes sont suspendues autour de sa mère, mais elle ne lui rend pas son affection, comme si ce contact la répugnait.
Plusieurs longues secondes s'écoulent.
Je me tourne et fais signe à Wayne de rentrer.
Pour ma part, je reste debout là à les observer.
J'avoue que je suis surpris... passer de cette fille qui s'affame pour que sa mère la regarde enfin, à la voir aussi réticente par son contact me signale que des changements commencent déjà à s'opérer dans sa tête.
Après tout... Margaret n'a même pas daigné à venir la voir à l'hôpital...
— Je... murmure-t-elle doucement.
Margaret se décolle un peu de sa fille et la regarde en restant pendue à ses lèvres pour entendre la suite de ses propos :
— Je suis fatiguée m-maman... d-désolée...
Microbe se détache doucement. Je lève lentement un sourcil.
Je ne m'y attendais pas.
Je suis même très étonné par sa réaction, mais en même temps, je comprends profondément.
Même Margaret, semble perturbée par le comportement soudain de microbe.
— Merci de m'avoir raccompagné, me chuchote-t-elle avant de quitter les lieux et d'entrer dans sa maison.
Debout devant la porte d'entrée, je la regarde s'éloigner et monter jusque dans sa chambre un peu perturbée moi aussi.
D'un côté... je pense qu'elle est en train de prendre la meilleure décision, difficile, mais nécessaire pour sa propre santé mentale et physique.
Il est temps qu'elle trace enfin son propre chemin, indépendamment des attentes irréalistes de sa mère.
Quand sa porte se referme, je baisse les yeux sur Margaret qui observait sa fille elle aussi.
Elle semble tout aussi choquée.
Mais elle reprend très vite son masque d'indifférence et finit par tourner la tête vers moi :
— Je vous remercie de me l'avoir ramené, me dit-elle avec une pointe de condescendance.
Je ne peux m'empêcher de répliquer :
— Elle aurait préféré que sa mère vienne la chercher.
Une expression outrée passe sur son visage, elle fronce les sourcils et réplique directement :
— Vous m'excusez, Ghost, mais ce n'est pas la première réflexion que vous me faites à propos de ma fille et je ne vous permets pas.
— Je ne vous excuse pas. Et je me permets si ça me chante de vous dire la vérité.
Elle écarquille les yeux et me fixe. Ses yeux trahissent une violente colère qu'elle s'efforce de retenir.
— Dois-je vous rappeler que vous êtes simplement le garde son corps, et par-dessus tout, mon employé ?
Non, je crois qu'elle a mal compris à qui elle parlait celle-là.
Je sens une petite frustration monter, je pourrais la terminer maintenant et détruire sa vie sur le porche de sa maison, mais je garde mon calme pour le moment.
— Exactement. Je suis son garde du corps, et je suis là pour elle, pas pour vous. Vous ne savez pas assumer votre rôle de mère correctement, et ça impacte mon travail. Je pourrais vous rappeler ce soir que vous êtes sa mère, mais à en juger par cette bouteille de vin bien entamée sur la table, je doute que vous soyez prête pour cette conversation.
Elle entrouvre les lèvres, bouche bée, en ne sachant pas quoi me répondre.
Je reste stoïque face à Margaret, qui semble se battre avec ses propres conflits internes.
Elle recule d'un pas et entre dans sa maison.
Je la suis du regard en l'observant s'asseoir sur son canapé, son verre à la main.
La tension dans l'air est presque palpable.
Après quelques gorgées de vin, elle me regarde avec une forme de curiosité mêlée à une sorte de fragilité.
— Comment elle est... avec vous ? demande-t-elle d'une voix légèrement ébranlée.
Je ne ressens aucune envie de satisfaire sa curiosité, et je considère même qu'elle ne mérite même pas de la connaître plus de détails.
— C'est la cliente parfaite.
Elle semble surprise par ma réponse. Ses yeux me toisent un instant. Mais elle reprend une nouvelle gorgée de vin.
— Je sais qu'elle finira par me détester... lâche-t-elle presque à elle-même avec un soupir s'échappant entre ses lèvres.
C'est à ce moment que je comprends que Margaret est pleinement consciente qu'elle creuse un fossé toujours plus profond entre elle et sa fille.
Et tout ça au nom de quoi ?
Le temps passe, et avec lui, toutes les occasions de réparation semblent s'évanouir tant elle à cette capacité à tout détruire autour d'elle.
Honnêtement, je ne peux pas m'empêcher d'enfoncer le clou.
— C'est peut-être déjà le cas, rétorqué-je. Elle est juste encore trop gentille pour s'en rendre compte. Sur ce, bonne dégustation.
Je referme la porte d'entrée derrière moi et en m'éloignant, je réfléchis à toute cette situation.
Cette femme est tellement obsédée par son image publique qu'elle en oublie sa propre fille.
Mais je crois que microbe s'en ait enfin rendu compte.
Mon Dieu qu'est-ce que ça fait mal d'aimer sa mère.
✤
Bonsoir bonsoir, bonsoir ! 🎃
Ça-va ? ☕️
On a pas posté depuis l'année dernière 😗 !
(Oui c'était la blague nulle de l'année et vous allez faire quoi ?)
IT'S TIIIME TO TAKE THE TEA : ☕️, je veux tout entendre, vos impressions, vos ressentis, vos théories, vos retours pour ce chapitre ? Dites-moi tout !
J'ai trop aimé écrire ce chapitre 🫠...
On le sens la que Cassie est en train de s'unlocked ou pas ?
Et Cal ? Mon fils c'est trop pardon ❤️
En tout cas guys, je tenais à vous remerciez d'être avec moi encore pour 2024 guys, franchement cette année on y va FRACNKO les gars, Vava débarque dans vos bibliothèques et c'est la bonne cette fois-ci ! J'ai tellement hâte de vous voir avec ! 😍
Merci à toutes celles qui ont participé au live d'hier c'était vraiment trop cool (désolée pour ma toux miskine j'ai tué vos micros... 😭)
Petit chapitre surprise pour bien commencer l'année, il est bien doux en plus en espérant qu'il panse vos cœurs comme Cal est en train de le faire avec ma Casbaby elle mérite trop purée 😔 !
Je retourne bosser sur Valentina, je posterais quand même la suite vendredi ne vous inquiétez pas ! 🤭
On se retrouve sur le Discord pour impatiente d'avoir vos théories 😋 ! (Y'en a pas mal à tirer là pardon je vous ai mis un tas de trucs !)
BYE 🏍💨🪐 !
Stardust 🍓
𝚂𝚎𝚎 𝚢𝚘𝚞 𝚜𝚘𝚘𝚗 🕰...
xo, Azra. ✿
IG: azra.reed
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