Chapitre 8
Cheveux ébène au vent, peau de nacre d'une blancheur extrême, la fillette courait dans les hautes herbes à la recherche de trésors cachés. Les jambes pleines d'éraflures, les genoux légèrement écorchés, dans une petite robe de toile beige, elle découvrit parmi les blés tendres une bourse carmin enfouie à même la terre.
- Athanagild ! J'ai trouvé Athanagild ! S'esclaffa-t-elle en tapant des mains.
Le jeune homme presque roux la rejoignit sourire aux lèvres.
- Maintenant tu as le droit de l'ouvrir, lui annonça-t-il.
La jeune fille s'empressa de défaire le nœud et plongea ses doigts frétillants dans le sac. Elle en extirpa une statuette en bois pas plus haute qu'un pouce. D'un travail grossier, la sculpture représentait un loup.
- Les loups n'ont pas voulu de toi quand tu étais petite. C'est Grand-mère qui me l'a dit.
- C'est magnifique ! Merci, oh merci mon frère !
Ils s'enlacèrent tendrement puis entreprirent de rentrer chez eux main dans la main ignorant candidement que dans les fourrées, d'un pelage beige anthracite, la bête guettait avide. La mâchoire armée de quarante-deux dents enchâssées, elle se préparait à bondir : pattes légèrement écartés, gueule au ras du sol, épaules rentrées, l'arrière dressé vers le ciel. Derrière elle, la meute haletante attendait le signal avec impatience.
Athanagild maintenait la petite paluche dans la sienne. L'étrange enfant lui paressait tellement vulnérable qu'il avait développé un sentiment excessif de protection à son égard.
Et l'animal s'élança sur eux alors qu'ils étaient de dos. D'une taille considérable le loup s'abattit instantanément sur la proie la plus faible. La fillette se retrouva bloquée au sol par la masse imposante et, dans un réflexe défensif, plaça son bras à hauteur de sa tête. Le canidé, gueule grande ouverte, se rabattit sur le ridicule petit membre qu'il harponna de ses crocs aiguisés. Elle poussa un cri de douleur tellement strident que cela glaça d'effroi Athanagild qui assistait impuissant à la scène.
- Maor ! hurla-t-il la gorge serrée.
Pris d'une panique totale, il chercha désespérément une arme. Ses yeux se figèrent instantanément sur une vieille souche de bois. S'en emparant des deux mains, il se précipita sur la bête. Mais la tentative était veine car le reste de la meute s'extirpa des ombres de la frondaison.
Encerclé de toute part, Athanagild se sentit défaillir. Une louve blanche, d'un poids et d'une taille considérable, s'imposa à lui aussi menaçante que possible. Les babines retroussées, elle dévoilait ses dents saillantes enchâssées dans une mâchoire sanguinolente. D'emblée l'urine macula son pantalon libérant une chaleur inconfortable au niveau de son entre-jambe.
Maor, le visage souillé par son propre sang, le bras à moitié déchiqueté, ne pouvait extraire son regard de celui de la bête. Les yeux amandins surmontés d'une paupière épaisse, à la couleur d'un flamboyant topaze, étaient en train de sonder son âme et cela la terrifia.
Telle une vague qui ravage tout sur son passage, la peur - aussi effroyable et incontrôlable qu'elle puisse être- se répandit dans son corps avec la violence promise. L'onde de choc fut si terrible qu'elle se sentit nauséeuse à l'excès. La monstrueuse intensité de ce déferlement inhiba soudainement sa pensée et son instinct de survie, ancestral, anima son être d'une toute nouvelle énergie.
La bave aux lèvres, l'animal, à quelques millimètres de son visage, suspendit net son ultime assaut. La délicieuse et vulnérable petite proie n'était plus. Au travers de ses pupilles animales dilatées en forme de cercle plein, il découvrit une éminente créature façonnée par des forces contraires aux siennes. Son poil s'hérissa le long de son échine et dans l'instant même il voulut déguerpir.
Maor, vivifiée par un pouvoir incoercible, agrippa la patte velue du loup pour l'empêcher de fuir. De sa main libre, elle lui musela la gueule. L'animal, les oreilles complètement rabattues sur le haut de la tête, émettait des plaintes affolées. Le reste de la meute sursauta instinctivement en percevant ses couinements stridents. L'affolement se répandit chez les bêtes qui resserrèrent les rangs autour de la jeune fille.
Athanagild, les jambes flageolantes, assailli par des flots d'adrénaline, percevait la scène à demi-conscient. Sa petite sœur, cernée de part en part, se tenait debout le bras en charpie.
- Cela suffit ! hurla-t-elle en libérant le loup emprisonné par sa poigne.
A peine avait-elle prononcé ces mots que la meute fit marche arrière et se précipita dans les entrailles de la forêt.
En quelques secondes la clairière retrouva son calme précédent.
Figée dans sa posture, Maor n'esquissa pas le moindre mouvement tandis que la brise lui caressait les joues. Puis un violent haut-le-cœur la secoua et elle se répandit abondamment sur les végétaux.
- Athanagild ! clama-t-elle avec le désespoir d'une enfant.
Elle se précipita vers lui, les larmes aux yeux et s'agenouilla à ses côtés. Encore sous le choc, son aîné resta de marbre et balbutia l'air hagard :
- Qu'as-tu... fait... pour qu'ils... partent ?
- Je ne..., commença-t-elle avant que son attention ne soit attirée par des fourmillements intenses provenant de son avant-bras.
Intrigué, Athanagild baissa les yeux à son tour et poussa un cri horrifié sous l'effet de la surprise.
- Tu... tu es un monstre ! lui lança-t-il épouvanté.
La blessure sanglante qui avait scindé son muscle et broyé sa chair n'était plu. Son petit membre semblait n'avoir jamais rencontré les mâchoires acérées de la bête...
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