Chapitre 2

Le bras en appui sur son genou replié, entièrement nu et la peau échauffée par les frottements intempestifs de l'éponge, Grégoire se tenait assis, pensif. Des peaux de renard servaient de couche molletonneuse à son séant. Le feu dans l'âtre commençait à fléchir dégageant une légère fumée blanchâtre.

La scène repassait en boucle dans sa tête encore et encore.

Il se revoyait faire le sacrement des malades sur le corps du prélat en commençant par l'onction d'huile bénite sur son front. A voix basse, il avait répété des dizaines de fois les mêmes paroles afin de chasser les mauvais esprits et de protéger l'âme de Bélérane.

Par cette onction sainte, que le Seigneur en sa grande bonté vous réconforte par la grâce du Saint-Esprit. Ainsi, vous ayant libéré de tous pêchés, qu'il vous accompagne dans la mort.

Puis avec l'imposition des mains, qui rappelait l'attention et la tendresse de Jésus-Christ envers le malade, Grégoire avait achevé le rituel. Dans un râle rauque et guttural, Bélérane avait rendu son dernier souffle.

S'en était suivi des éructations de gaz libérant une odeur pestilentielle dans la pièce confinée. Effluves fétides et écœurantes qui persistaient âprement dans les narines de Grégoire malgré les bains successifs.

Nombreuses furent les interrogations qui l'avaient assailli auxquelles Mère Adélaïde tenta de répondre tant bien que mal. Hormis les quelques religieuses dans la confidence, personne ne connaissait ce nouveau fléau, et seuls des hommes en provenance du royaume de Sigebert en étaient victime.

Tous étaient venus se recueillir sur le tombeau de Saint-Martin en espérant une guérison miraculeuse. Tous avaient péri dans le plus grand secret du couvent des Carmélites. Mère Adélaïde avait alerté l'Évêque de Tours par de nombreuses missives, restées sans réponse. Que pouvait-elle faire de plus ?

Les rumeurs autour de Sigebert parlaient d'un roi avisé et réfléchi. Avant la mort de son père, le roi Clotaire, le territoire des Francs avait atteint son apogée couvrant toute la Gaule des Pyrénées jusqu'aux confins de Thuringe.

Hélas, le roi du ciel avait fait mourir le plus puissant des rois de la Terre et Clotaire s'en était allé laissant derrière lui les larmes de son peuple.

Conformément à la loi salique et, contrairement à la succession par primogéniture, le royaume fût divisé entre tous les princes, afin que chacun puisse régner. Ainsi, Sigebert se vit attribuer le royaume d'Austrasie, la Burgondie échut à Gontran tandis que Caribert obtint le royaume de Paris et d'Aquitaine.

Enfin, Chilpéric, dernier rejeton issu d'une autre mère que les trois autres, reçut le maigre royaume de Soissons. Un partage inégal qui laissa un arrière-goût amer au benjamin de la fratrie dont les aspirations furent avivées par une telle injustice.

Soudain une sensation poisseuse et désagréable enserra les tripes de Grégoire. Cette intuition lui intima que le pire était à venir.

- Un roi à l'orgueil bafoué équivaut à un loup blessé..., s'entendit-il prononcer à voix haute. Affaibli mais dangereux...


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