Bonus 1 - Jude

Point de vue : Jude

Sur le chemin qui nous menait à la maison, j'ai essayé de laisser Aurore et Edan dans leur intimité.
J'ai essayé de respecter le fait qu'ils s'aiment et que je ne peux rien y faire.
J'ai essayé d'accepter qu'Edan sera toujours la réponse d'Aurore.
J'ai essayé d'accepter le fait que cette sale merde arrive à moi.

Quand nous étions finalement arrivés dans cette baraque, et que j'avais vu la façon dont Aurore fondait sous les baisers d'Edan, je me suis senti trahi, incroyablement jaloux mais aussi dégoûté par ce que l'amour était capable de faire.

Mais le pire à été de rester dans le salon pendant qu'ils étaient tous les deux dans la chambre. J'ai essayé de me convaincre qu'ils n'allaient rien faire. Putain je l'ai vraiment espéré.
J'ai entendu le lit bouger.
J'ai entendu Edan gémir.
J'ai entendu Aurore rire.
J'ai essayé de toute mes forces de ne pas imaginer leurs corps liés, bougeant en rythme.
Je me suis dit qu'Aurore ne serait pas capable de faire ça. Et j'y ai cru profondément.
Je sais qu'elle n'en serait pas capable. Mais l'amour est-il prévisible ?
Je sentais tout mon être devenir chaud, mon sang bouillait dans mes veines, mon coeur s'affolait et dans un excès de rage, je m'étais saisi d'un vase et je l'avais violemment jeté par la fenêtre ouverte du salon.
Il était en plastique, il ne s'est pas cassé. Il avait simplement rebondi quelques fois.
Puis je l'avais regardé glisser sur la route. Je ne suis pas allé le chercher.

Je me suis dit que j'étais peut-être comme ce vase. Même si on me balançait contre du goudron, j'allais peut-être rebondir.

Quand ils étaient redescendu j'avais réussi à me calmer, malgré le fait que je ressentais toujours une profonde rage au fond de moi. Mais quand j'ai vu Aurore, avec ses beaux cheveux blonds ébouriffés, j'ai vraiment détesté l'amour. Je l'ai haï de tout mon être. Je ne pouvais pas croire qu'ils avaient osé. J'espérais vraiment qu'Edan n'ait seulement fait ça que pour me faire chier.
En temps normal, j'arrivais à cacher mes émotions. Je les étouffais et je les mettais dans une boîte à laquelle je mettais le feu. Mais même en mettant le feu à ces émotions, elles ne partaient pas complètement. La fumée qui s'échappait du brasier pouvait très bien être blanche et peu remarquable, mais là, je savais qu'elle était noire et fétide. Et je ne pouvais rien faire pour cacher cette fumée. Si bien que parfois, à cause d'elle, je trahissais mes sentiments.
C'était le cas.
Je ne voulais pas qu'Aurore remarque à quel point je haïssais le monde, j'avais alors recouvert le brasier de mon dégoût.
Je fais toujours comme cela et Edan le sait.
Quand nous étions gamins, je lui avait révélé comment je faisais pour cacher mes émotions. Il n'avait jamais vraimentrréussi, mais je sais qu'il avait retenu mes codes. Je crois que maintenant, il arrive mieux à cacher ce qu'il ressent.

Je pense que c'est à ce moment là qu'il a compris.
Mais je n'en suis pas sûr.

Le repas avait été très silencieux. Trop sûrement.
Puis Aurore était parti pour aller voir Louise et Edan était resté. Je savais qu'il voulait me parler. A vrai dire je voulais aussi lui parler.

Maintenant, nous sommes tous les deux dans le salon, loin l'un de l'autre. Nous faisons semblant de regarder la télé.

- Elle ne va pas le supporter, dit-il.

- Je sais, je réponds immédiatement.

- Tu ne sais pas de quoi je parle.

- Je t'écoute.

- La situation, elle ne va pas le supporter. Toi et moi, toujours nous tapant l'un sur l'autre. Il faut la préserver de nos putains de disputes à la con.

- Je savais de quoi tu parlais, répliqué-je en le regardant. Mais qu'est-ce que tu veux, je n'ai rien demandé, c'est toi qui a voulu que je vienne.

- Ferme ta sale putain de gueule ! Tu sais très bien que tu aurais quand même atterri ici !

Il se lève dans un bond. Je me lève aussi pour être face à lui.

- Tu aurais pu laisser le gouvernement faire tout seul. Et puis après tout, pourquoi moi ? Si tu as eu accès à sa liste de partenaires, tu aurais pu choisir quelqu'un d'autre que moi.

Je sens qu'il fait tout pour se contrôler. Si notre conversation est pour le moment assez calme, je ne doute pas que cela ne va pas durer.

- Tu me devais quelque chose et j'étais sûr que tu allais faire ce que je te demandais.

C'est comme si ces paroles lui coûtait sa fierté. J'hausse les sourcils mais je me tais.

- Je l'aime, déclaré-je finalement. Et je sais que tu le sais.

- Ta gueule.

- Je l'aime, et elle m'aime.

- Ferme ta putain de gueule Jude !

Je continue. Ce n'est pas que je suis sadique, mais je veux lui faire ressentir à quel point c'est dur.

- Elle m'aime et tu le sais.

A peine ai-je terminé ma phrase qu'il se jette sur moi, s'empare de mon cou et me plaque contre le mur le plus proche.

- Je t'ai dit de fermer ta sale gueule rempli de merde avant que je ne te tue putain.

Il parle avec ses dents serrées. J'avoue qu'il me fait un peu mal mais comme je suis plus petit que lui, j'arrive à lui asséner un coup dans l'estomac qui fait qu'il me lâche.
Je sais qu'il voit rouge.
Je sais qu'il veut me tuer à cet instant. J'ai l'habitude de ses menaces, et celle-ci est sa préférée.
Il est très impulsif.
La meilleure façon de le calmer, c'est de lui parler d'Aurore.

- Elle est belle, n'est-ce pas ?

Il se détend un peu. Je sais qu'il imagine son visage dans sa tête, il imagine son sourire lumineux. Il imagine la flamme dans ses yeux.

- Je l'aime, déclare-t-il à son tour.

J'hoche la tête. Il se recule un peu.

- Plus que toi. Je l'aime plus que toi, et elle m'aime plus que toi.

Mon sang ne fait qu'un tour. Il ne peut pas dire ça. Il ne peut pas me cracher ça a la tronche comme si je n'étais pas au courant.

Comme si cela ne faisait pas mal.

- Comment tu sais ? Demande-t-il soudain.

J'arque de nouveaux mes sourcils.

- Moi aussi je suis allé au Gouvernement. Je sais comment ils modifient notre cerveau pour que l'on soit amoureux de tous nos partenaires. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe nous serons amoureux d'eux. Tu ne peux pas nier le fait qu'Aurore n'est pas amoureuse de moi ou ne tomberas pas amoureuse de moi un jour. Tu le sais et je le sais. Tu ne peux pas non plus affirmer qu'elle t'aime plus que moi.

- Ne te fais pas d'illusions Jude. Tu le sais très bien. Tu l'as vu.

Je me recule comme si cela allait diminuer l'impact de ses mots sur moi.
Bien sûr que je l'ai vu et bien sûr que je le sais. Je ne veux juste pas me l'avouer. Je ne veux pas me dire que j'ai perdu. Que je l'ai perdu.

- L'avis personnel rentre en jeu aussi Jude. Elle doit me trouver plus beau, plus attirant, ou plus charismatique que toi. Quelque chose chez moi l'attire particulièrement.

- Et toi ? Tu décrocherais la lune pour elle ? Est-ce que tu es sûr de l'aimer autant qu'elle t'aime ?

Mes mots le blessent. Il prend un air outré.
Bien sûr qu'il l'aime, c'est évident. Ça se voit à la façon qu'il a de la regarder, de lui sourire, de la défendre.
Sa voix se fait douce mais déterminée.

- Je ne pourrais pas vivre sans elle. Je sais beaucoup plus de choses que toi Jude. Je travaille au laboratoire. Et je sais du plus profond de mon être qu'elle me choisirait plutôt que toi, fais moi confiance.

- Ferme ta gueule Edan. Je te jure que sinon tu ne reconnaîtras plus jamais ton reflet dans un miroir.

Il rigole. Bien sûr.
Je reprends un peu de contenance.
Je sais comment lui faire mal.

- Après avoir appris ça, je suis rentré à la maison. Ce jour là, elle a voulu m'embrasser, lui dis-je sans prendre de gants.

Il se crispe. Ses mâchoires se serrent instantanément et ses jointures deviennent blanches. Sa respiration devient chaotique.

Touché.

- Nous étions sous la douche, tous les deux. Et elle a voulu m'embrasser.

Il se jette de nouveau sur moi.

- Dis moi qu'elle ne l'a pas fait.

Face à mon silence il me percute contre le mur.
J'arrive à voir dans ses yeux la douleur que je viens de lui faire ressentir.
Il nous imagine, nus, sous la douche, dans des étreintes passionnés et pleines de désir.

- Dis le moi putain ! Dis moi que tu ne l'as pas touché ! Dis moi qu'elle ne t'a rien fait !

Ses cris de rages transpercent chaque murs de la maison.
Il me percute encore une fois contre le mur. Mais je reste de marbre. Je sais que c'est mal de mentir, mais je veux qu'il se sente aussi blessé et meurtri que moi. Il est hors de lui, j'arrive à voir ce que ma révélation procure chez lui. Il est jaloux et protecteur.

Mais je crois qu'il est avant tout amoureux.

Je suis un véritable connard. Je sais. Je suis égoïste aussi.
Mais j'aime aussi Aurore, et ça, je ne peux vraiment rien y faire.

Son regard haineux me transperce et je soutien son regard. J'avais anticipé sa réaction alors je réussi à esquiver le coup de poing qu'il tente de m'administrer. Je réplique en lui donnant un coup de coude dans les côtes. Il se pli en deux et je le frappe une nouvelle fois sur la mâchoire. Mes doigts craquent et une douleur sourde se répand dans ma main droite. Edan est sous le choc mais il arrive tout de même à me frapper. Je pense que j'aurai un bel oeil au beurre noir demain.

J'arrive à bafouiller.

- Elle ne supportera pas ça.

Edan s'arrête de suite. Il respire fort, tout comme moi.
Nous avons pris l'habitude de nous battre. Nous réglions la plupart de nos problèmes comme ça avant, quand nous avons découvert que nous avions le même père.
Ma main tremble et je la sens gonfler.
Il me regarde avec des yeux noirs et je fais la même chose.

- Est-ce qu'elle sait tout ça ? Demande-t-il

J'essaie de reprendre mes esprits et j'ignore sa question.
Il reprend plus fort, non sans un profond dégoût dans la voix.

- Est-ce qu'elle sait qu'on lui a charcuté le cerveau pour qu'elle tombe amoureuse de tous ses partenaires ?!

Je tourne ma tête de gauche à droite.
Heureusement qu'elle ne le sait pas putain.

Il se retourne pour s'éloigner et me lâche :

- Laisse tomber, elle a fait son choix.

Puis il s'en va en claquant la porte d'entrée derrière lui.
Je ressens la douleur partout dans mon corps.
Parce que le pire, c'est qu'il a raison.

Elle a fait son choix.

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