9.
Le lendemain, je me réveille dans les draps blancs. Le lit est entièrement défait. Je suis encore nue la couverture recouvre ma poitrine et mes fesses, mes pieds sont découverts. Hier était la meilleure journée de ma vie et les souvenirs d'hier soir me laissent une délicieuse sensation de bonheur. Edan est allongé à ma gauche et la couverture laisse apparaître son torse parfaitement musclé. Son visage est paisible et ses cheveux sont ébouriffés, je me revoie encore passer ma main dedans. Je ne regrette absolument rien, je suis comblée, je l'aime de tout mon cœur et de toutes mes tripes. Ses cils battent légèrement et il ouvre les yeux. Il semble un peu déboussolé puis il me regarde en fronçant les sourcils. Il baisse son regard pour découvrir ma poitrine qui s'est légèrement dévoilée, il se rallonge soudain et dit :
- J'ai cru un instant que c'était un rêve, j'ai eu peur.
Je me rapproche et je me penche au-dessus de lui.
- Non c'était bien réel.
Je l'embrasse sur les lèvres et il répond ardemment à mon baiser. Je me décolle et je pose mes lèvres sur son cou découvert pendant que sa main fait des allers-retours sur mon dos nu. Ma pudeur s'est envolé et je ne crains pas les regards gourmands d'Edan.
- Louise aimerais te voir, dis-je en arrêtant mes baisers.
Il semble un peu frustré et répond :
- J'aimerais aussi connaître la meilleure amie de ma partenaire.
Je lui souris de façon séductrice.
- Aurore ! Arrête de faire ça, tu sais maintenant qu'on a ... "officialisé les choses" ça va être dur de ne pas te sauter dessus tout le temps.
Je rougis et je pose ma tête sur sa poitrine, je dessine avec mes doigts le contour de ses abdominaux. Je réponds dans un souffle :
- Oui moi aussi.
Nous restons dans cette position plusieurs minutes puis nous décidons de nous lever, à contrecœur.
Le petit-déjeuner est joyeux et je ne cesse de faire l'éloge de Louise et de ses qualités. Nous rigolons à plusieurs reprises. La journée se passe dans la même bonne humeur.
Aujourd'hui je dois me lever pour aller travailler, mais depuis quelques jours, mon enthousiasme décroît de plus en plus. Je vois plus loin que cette petite boutique. J'aimerais faire de la "vraie" photographie, avec mon propre studio. J'aimerais faire de beaux shooting avec des mannequins ou tout simplement des personnes lambdas. Mais peut-être que je suis trop ambitieuse. Dans notre nouvelle société, nous ne sommes pas obligés de travailler, l'objectif premier est d'avoir "de beaux et intelligents enfants". La notion de marché et d'argent à disparue, je sais que nos ancêtres vivaient dans un monde dicté par l'argent et les possessions. Un monde où l'argent était synonyme de puissance. Dans un sens je suis bien heureuse que tout cela appartienne au passé, mais je ne saurais pas dire si notre société est mieux. Tous nos achats sont contrôlés par les banquiers, ils approuvent ou non ce que nous voulons et cela est régit par des règles très strictes comme l'âge, le besoin ou encore le nombre d'enfants. On revient toujours au même point. Nous ne pouvons donc pas acquérir tout ce que l'on veut, en même temps, je comprends parfaitement. La pandémie à fait d'énormes ravages et beaucoup d'animaux ont aussi succombé à cette maladie, de ce fait notre consommation de viande et de poisson est assez limitée même si notre ville a réussi à s'adapter, nous sommes un peu moins de dix milles habitants. Des champs de bœufs sont réapparus et nous arrivons à élever des poissons tel que le saumon dans des milieux artificiels. Or, depuis la pandémie, il n'y a pas que la nourriture qui a fait défaut, beaucoup d'autres domaines ont souffert. La technologie par exemple, nous n'utilisons plus de téléphones portables, et tout ce qui nécessite une connexion "internet" à disparue, il est donc impossible d'utiliser ce qu'ils appelaient les "ordinateurs". Il n'y a plus d'avions, mais cela n'est pas gênant car nous ne pouvons pas voyager, nos communautés sont trop petites et ce serait une perte de temps. Nous devons aussi marcher le plus possible, seuls les taxis sont autorisés, autrement nous nous déplaçont en vélo tout simplement.
Je ne peux pas mettre un jugement sur notre société car je n'ai pas d'élément de comparaison, je ne connais que ça. Mais maintenant que ma vie semble toute tracée, je me pose plus de questions. Je suis consciente qu'il faut repeupler la terre mais notre technique n'est-elle pas trop radicale ? La population ne cesse d'augmenter et un jour, il n'y aura pas assez de nourriture pour tout le monde ou pas assez de place. Et je me dis aussi qu'avec ce système, je devrai quitter Edan dans moins de deux ans. Edan. Je me demande si tout ça n'est pas allé trop vite. Je le connais depuis seulement un mois et nous avons déjà traversé les principales étapes dans un couple. Et puis nous sommes avant tout des Géniteurs. Notre rôle est d'avoir des enfants et notre patrimoine génétique à tous les deux semble être important à transmettre. Mais ce qui me gêne dans le système, c'est la façon d'élever les enfants. Tous les nourrissons vont à l'orphelinat, tout d'abord mixte jusqu'à nos 5 ans. Et à partir de cet âge, on nous sépare selon notre sexe dans deux orphelinats différents : celui dans le secteur des garçons, ou celui dans le secteur des filles.
J'arrive finalement. Je sors de mes pensées et je rentre dans la boutique où je travaille.
Lorsque je rentre ce midi Edan continue d'écrire son article. Je le rejoins dehors et je le regarde écrire.
- Tu vas bien, il me demande.
J'hoche simplement la tête en signe de réponse.
- Tu sais ce matin j'ai beaucoup réfléchis quand je marchais pour aller travailler.
Edan pose son stylo et me regarde de façon apaisante. Je reprends :
- Et je me demandais si le système dans lequel nous vivons est juste. Tu sais, faire des enfants tout ça ...
Il se cale dans le fauteuil et il me regarde de façon attendrie, puis il prend la parole :
- Je ne te forcerai jamais à faire quelque chose.
Il sourit et je suis soulagée.
- Grâce à mon travail au laboratoire et à mon poste de médecin au gouvernement, j'ai appris beaucoup de choses sur notre façon de diriger et sur celle de nos ancêtres. (Il tourne la tête pour regarder notre beau jardin) Nos deux civilisations sont très différentes et elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Mais beaucoup de choses dans notre société actuelle me déplaisent, comme le principe de faire un maximum d'enfants par exemple et celui qui consiste à faire le maximum d'enfants avec le plus de personnes possible. Deux ans ce n'est pas assez.
Il me regarde d'un air triste et il me tend ses bras, j'accepte son invitation et je vais me blottir dedans. Le sujet est un peu triste alors je continue sur ma lancée de questions.
- Est-ce que tu as connu d'autres filles avant moi ?
Il rigole légèrement.
- Non Aurore, tu sais très bien que les seules filles que j'ai côtoyé sont mes pestes de demi-sœurs.
Je rigole à mon tour, c'est vrai que ma question était un peu stupide.
- Tu es contre le gouvernement ? Demandé-je.
- Je ne suis pas contre à proprement parler, mais certaines choses doivent être améliorées.
Je souris et nous nous dirigeons en silence vers la cuisine pour manger. Le repas reste jovial et je lui demande donc ce qu'il pense de mon projet :
- Tu sais, j'aimerais bien ouvrir ma propre boutique de photos.
Il me regarde de ses yeux doux et il fait son petit sourire en coin.
- Qu'est-ce que tu attends pour faire une demande pour un local ?
- Je ne sais pas, je ne suis pas trop sûre de moi ... en plus je devrai travailler plus donc nous passerons moins de temps ensemble.
Je souris et il me souris en retour.
- Et puis c'est juste un petit projet pour l'instant, je vais attendre d'être sûre de moi avant de le mettre à profit.
Nous terminons le repas et nous retournons au travail chacun de notre côté.
Quand je rentre à la maison Edan m'accueille et nous allons tous les deux sur le canapé. Je me réfugie dans ses bras vigoureux et je laisse la chaleur m'envahir.
- Tu sais que c'est demain l'anniversaire de Louise ? Je lui demande.
- Oui.
- Je voulais aller la voir avec toi, je sais que le jour des visites est le samedi mais lorsqu'il y a un anniversaire, généralement ils acceptent.
- Pas de problèmes, je te suis Aurore.
Il me touche les cheveux et je commence à m'assoupir.
Quand je me réveille, Edan est toujours en train de me toucher les cheveux. Je me lève et je sens qu'ils sont lourds.
- Je t'ai fait des tresses.
Je vais me voir dans le miroir et j'éclate de rire.
- Elles sont trop belles tes tresses !
Mes cheveux forment de grosses touffes et des mèches s'échappent de ses "tresses".
- Te moque pas de moi, j'ai jamais appris à en faire.
Il fait sa petite mou vexée trop craquante et je l'embrasse pour me faire pardonner.
Nous mangeons le dîner et je garde mes jolies tresses jusqu'au moment de se coucher.
Le lendemain, je m'étire dans le lit et je dis bonjour à Edan.
- Lève toi l'ours ! Lui dis-je en m'affalant sur lui.
Il émet un grognement puis me prend dans ses bras et m'embrasse tendrement.
- Tu veux partir quand ?
- Je ne sais pas, je réponds, je voulais la voir ce matin et cette après-midi, je voulais partir pour faire quelques photos. J'aimerais bien explorer les alentours de la ville.
Il me fait un sourire bienveillant et nous descendons pour manger. Après notre petit-déjeuner nous nous préparons puis nous partons en direction de l'orphelinat.
- Ça fait bizarre d'être de ce côté de la barrière, remarque Edan.
C'est vrai que nous sommes du côté des filles et en réfléchissant je ne sais pas s'ils vont bien vouloir qu'Edan rentre dans l'orphelinat.
- Bonjour, ce serait pour rendre visite à Louise, dis-je en arrivant à l'accueil.
L'hôtesse regarde Edan puis descend ses yeux sur nos mains liées.
- Vous êtes ? Demande-t-elle.
- Edan et Aurore, nous sommes partenaires, répondis-je pour la rassurer.
- En quel honneur voulez-vous voir Louise ?
- C'est son anniversaire, elle fête aujourd'hui ses 18 ans.
Elle nous toise quelques instants puis elle accepte de nous faire rentrer.
Nous arrivons dans la salle des visites, puis Mme Desroliers dépose Louise. Elle est d'abord étonnée mais elle saute dans mes bras.
- Bon anniversaire Louise !
- Merci Aurore !
Elle m'embrasse sur la joue et elle se tourne vers Edan. Nous nous tenons la main.
- Je suppose que tu es Edan ?
- Oui c'est bien moi.
Il sourit gentillement et Louise se tourne vers moi, puis elle repose son regard sur Edan et elle lui tend la main.
- Enchantée Edan.
- De même.
Ils se font une poignée de main et ils se regardent de nouveau, puis nous commençons à discuter.
- Tes tests se sont bien passés ? Demandé-je.
- Oui ça été ! Je suis tombée sur un infirmier, il était trop craquant !
Elle glousse et la conversation se poursuit. Elle semble apprécier Edan et j'en suis heureuse. Comme Louise est née après le 15 Juin, son Attribution sera donc le 15 Juillet, il lui reste donc assez de temps. Ils parlent ensemble et j'aime beaucoup le fait d'avoir réuni les deux personnes qui comptent le plus à mes yeux.
Quand vient le moment de nous quitter, elle me glisse à l'oreille :
- J'espère que j'aurai autant de chance que toi pour mon partenaire ...
Elle me lance un regard lourd de sens et finalement, je quitte l'orphelinat aux côtés d'Edan.
Nous rentrons à la maison clopins-clopants et nous mangeons le déjeuner.
Ensuite, nous nous préparons pour partir, Edan me dit de m'habiller confortablement avec de bonnes chaussures. Je mets donc un short et un débardeur ainsi que mes chaussures de sport. Je m'attache les cheveux en un chignon assez approximatif et je rejoins Edan qui me tend un sac. Tous ces préparatifs me rendent perplexe et quand nous sortons et que nous commençons à nous éloigner de la maison je lui demande :
- Alors, on va où ?
- C'est magnifique tu verras. C'est une sorte de forêt où il y a une clairière avec un petit ruisseau.
Ses yeux pétillent de bonheur.
- D'où connais-tu tous ces endroits ? Je demande interloquée.
Il me regarde un peu moqueur.
- Tu sais, à l'orphelinat des gars ce n'est jamais tout rose. Nous ne sommes pas aussi disciplinés que vous.
Il me fait une petite bourrade sur l'épaule. Et je riposte en le frappant sur le bras avec mon poing. Il rigole.
- Avec la petite bande de copains que j'avais, on a fait pas mal d'expéditions plutôt interdites. On sortait de la ville et on découvrait les alentours. C'était assez cool.
Son sourire semble pleins de souvenirs.
- Par contre, on n'est jamais allé de l'autre côté de la barrière, on était encore trop peureux.
Je rigole. Nous arrivons à la lisière de la ville et une forêt s'étend devant nous. Les arbres sont encore parsemés et le chemin est facile. Un sentier s'est dessiné par terre, à croire qu'il y a des habitués. Je n'ai jamais tenté de m'aventurer en dehors de la ville, on nous répète tout le temps que c'est dangereux. Mais la vue des arbres et le chant perpétuel des oiseaux n'a rien de dangereux. Plus nous nous enfonçons et plus les arbres se rapprochent et même si nous suivons toujours le sentier, notre avancée et un peu ralentie. Puis passés un grand chêne au tronc fendu, nous sortons du sentier et nous traversons les bois, les fougères chatouillent mes mollets et je commence à avoir chaud. L'odeur de la forêt est très agréable, elle dégage beaucoup de fraîcheur et par ce temps c'est très agréable. Edan est obligé de marcher devant moi car le "chemin" que nous prenons est trop étroit.
Au bout d'une demie heure, un petit courant d'air frais heurte mon visage et j'entends de l'eau ruisseler. L'odeur est encore plus enivrante et devant nous je vois que les arbres sont de nouveau plus parsemés. Enfin nous arrivons dans la petite clairière que me décrivait Edan. C'est vrai que c'est magnifique. Un petit ruisseau passe au milieu, il n'est pas très profond, il permet juste de se tremper les pieds. La clairière est entièrement à l'ombre et l'eau rafraîchit l'air.
- C'est absolument sublime, dis-je finalement.
- Oui, c'est magnifique.
Edan décide de s'installer près de l'eau et nous posons nos sacs. Nous buvons et je prends mon appareil photo. Je prends les jolis coquelicots et les papillons, les oiseaux que je surprends parfois et même un beau renard qui passe au loin. Après avoir mitraillé presque toute la clairière je rejoins Edan qui s'est allongé. J'enlève mes chaussures et je m'allonge à mon tour. Je prends de grande goulées d'air et je me laisse bercer par le chants enchanteurs des oiseaux.
- Comment avez-vous découverts cet endroit ? Demandé-je a Edan.
Les yeux toujours clos, il sourit et me raconte :
- C'était un soir, en été, il faisait hyper chaud. Tellement chaud qu'on n'arrivait pas à dormir. J'avais 12 ans il me semble. Avec la bande, on s'est retrouvés dans les toilettes, comme d'habitude quand on préparait un coup. Ce jour là on avait décidé de faire un cache-cache dans la ville. On est donc sorti de l'orphelinat et on a couru vers la ville. En allant nous planquer, on a été un peu trop loin et on s'est perdu. Jude était un peu comme notre chef de bande et quand on s'est retrouvé tous ensemble, il a dit qu'on allait faire une expédition. On était tous partants. On a donc commencé à explorer la forêt et j'étais avec Jude quand on est arrivé ici car on avait formé des groupes de deux. C'était magique tellement c'était beau ! On a appelé les autres et depuis ce moment, c'était devenu notre Quartier Général. On se réunissait ici tous les lundis, les mercredis et les vendredis à minuit. Les autres soirs, nous faisions autre chose. Il n'y avait pas un soir où on ne se retrouvait pas en dehors de l'orphelinat.
Il sourit toujours mais de façon nostalgique.
- Que sont devenus les autres ?
Son sourire s'évanouit faiblement.
- On s'était tous plus ou moins perdu de vu, mais j'avais créé une super amitié avec Jude. Et puis quand il a appris que j'étais le fils d'une infidèle, il s'est éloigné et on s'est quitté de vue ... Malgré ça, je garde un bon souvenir de lui, c'est un mec bien. On se confiait des choses mutuellement et j'ai toujours eu confiance en lui. Mais je pense que si je le revoyais maintenant, nous serions comme deux inconnus, rien ne sera comme avant dorénavant.
Il me regarde enfin et me sourit.
- Je n'ai plus aucunes nouvelles d'eux depuis assez longtemps.
- Ce ne te manque pas ?
Il réfléchit quelques secondes puis dit enfin :
- Je ne sais pas, je me suis habitué à force, je pense. C'est tout.
Je tourne ma tête pour regarder l'eau. Je ne supporterai pas être éloignée de Louise a un tel point que je ne pourrai plus la revoir, elle est vitale pour moi. J'aurai toujours véritablement besoin d'elle, et ce n'est en aucun cas un bonus pour moi.
Sous cette nostalgique et douce pensée, nous décidons de renter à la maison, calmes et sereins.
C'était une journée merveilleuse et je compte bien en avoir beaucoup d'autres.
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