43.
Ce matin, je me réveille pour la première fois dans mon nouvel appartement. La literie douillette et la couverture chaude ont eu le don de me faire dormir comme un loir. Je ne me souviens pas avoir rêvé. En voyant l'heure, je remarque que j'ai le temps de prendre ma douche avant d'aller manger.
À sept heures cinquante-sept, je suis devant la machine pour attendre mon repas. Pour être honnête, j'ai véritablement faim et j'attends avec impatience d'engloutir quelque chose. Quand la sonnerie se fait entendre et que mon gobelet apparaît, je le prends sans hésiter et je me dépêche de boire la Boisson.
Hier soir, Anouk m'a appelé pour me dire que nous irions faire du shopping l'après-midi. J'ai hâte de retrouver une garde robe à mon goût, et dans laquelle je me sentirai à l'aise. La promenade sur la plage avec Edan est prévue pour neuf heures, il viendra me chercher et nous irons à pieds là-bas. Son comportement d'hier me préoccupe. Il a certes mentionné le fait que je lui avais manqué, mais il n'a pas manifesté ostensiblement son manque. Je sais que comme nous étions dans un lieu public, il ne pouvait pas me sauter dans les bras en criant mon prénom, mais je pensais qu'il allait être plus démonstratif de son affection. Nous avons échangé que deux rapides baisers et j'aurais voulue rentrer avec lui, or il s'était enfui trop vite.
Peut-être qu'il le sait finalement. Peut-être que c'est pour ça qu'il se fait assez distant. Il m'en veut.
Mon cœur s'emballe.
Non ce n'est pas possible ! Anouk et le docteur Lambert m'ont promis que cela n'allait pas être divulgué.
Il faut que je me calme, et que j'arrête d'y penser. Il est maintenant trop tard pour revenir en arrière. Tout est allé tellement vite que j'ai l'impression que je n'ai même pas eu le temps de me faire à l'idée, de me dire que j'étais enceinte. Je n'ai pas eu le temps de m'attacher au semblant de vie qui se formait dans mon ventre. Après tout, est-ce que je me sens triste par rapport à ça ?
Oui forcément, mais je suis aussi soulagée. Et je pense que mon soulagement surpasse la tristesse qui me prend. C'est surement mieux comme ça. Si ma tristesse avait été plus grande que mon soulagement, j'aurais sans doute fait le mauvais choix en décidant d'avorter.
Mais en réfléchissant, tout cela est de ma faute. Comment ai-je pu croire un instant que j'allais échapper au stratagème du Gouvernement ? Comment ai-je pu penser que j'allais éviter de tomber enceinte ? J'étais surement trop naïve et innocente, mais à présent, je me sens stupide. Peut-être que je vais le dire à Edan aujourd'hui. Je serais soulagée.
La sonnerie de la porte d'entrée résonne dans l'appartement. Je me lève en sursaut du canapé et je regarde l'heure. Il est huit heures trente, pourvu qu'Edan ait décidé de venir me chercher plus tôt. Si je reste une seconde de plus seule, noyée dans mes pensées, je ne vais jamais sortir de mon état léthargique.
J'ouvre la porte et je découvre avec soulagement que c'est en effet Edan qui se trouve derrière.
- Salut, dit-il avec un sourire mi-endormi mi-éveillé.
- Salut, je réponds en faisait moi aussi un sourire mielleux.
Il se rapproche de moi avec son sourie en coin et il passe ses bras autour de ma taille pour me pousser contre le mur de mon appartement et m'embrasser.
Soulagée par cet acte, un petit gémissement s'échappe quand il se presse contre moi. Je sens Edan sourire sous mes lèvres. Je décide de passer mes mains dans ses cheveux de soie pour profiter de la volupté de notre baiser. Des frissons parcourent ma peau là où Edan poses délicatement ses mains. Un soupir d'aise m'échappe ainsi qu'un autre gémissement, ce qui n'échappe pas à Edan qui se détache pour me regarder.
- C'est si agréable que ça ? Demande-t-il malicieusement.
- C'est même plus que ça, je réponds sans le quitter des yeux et en faisait un sourire espiègle.
- Oh, je vois.
Sur cette parole, il me porte et j'enroule mes jambes autour de son bassin. Il s'attaque de nouveau à ma bouche et je suis donc dans l'incapacité de savoir où nous allons, trop émoustillée et désorientée par le baiser que nous échangeons.
Mais intérieurement, je prie pour ne pas qu'il m'emmène dans la chambre.
Finalement, je sens qu'il s'assoit, et je repose donc sur ses genoux. Je coupe notre baiser pour regarder autour de nous. Nous sommes dans le salon, sur le canapé. Tout va bien.
Avant qu'il s'aperçoive de quelque chose, je prends le dessus en posant mes mains sur son torse et en l'embrassant de nouveau. Ses mains dans mon dos me poussent contre lui, pour que nos ventres se touchent. Je prends l'initiative de lui mordiller doucement la lèvre inférieure, en me remémorant la scène dans la cuisine lorsque nous étions encore chez les Sauvages. Et comme je l'espérais, il pousse un soupir très sensuel et un gémissement presque inaudible. Une nouvelle vague de frissons me traverse.
Ce baiser me révèle à quel point j'ai besoin d'Edan, à quel point son corps est un peu comme une drogue pour moi. Une drogue à laquelle j'ai goûté et dont il m'est maintenant presque impossible de résister.
C'est lui qui prend l'initiative de se détacher.
- Nous devrons peut-être y aller, non ?
J'hoche la tête et je me lève, le sourire aux lèvres, pour enfiler des chaussures. Edan m'attend patiemment.
Nous quittons ensuite l'immeuble et je suis Edan dans le batram. Je pense qu'il me faudra un certain temps avant de connaître la ville et de pouvoir m'y déplacer seule. Nous ne parlons pas du trajet, et Edan arbore une expression renfrognée pendant tout ce temps. Son changement d'attitude si soudain me préoccupe, mais aborder le sujet n'est peut-être pas judicieux. Il a tout à fait le droit d'être perturbé.
Tout comme je le suis.
Nous descendons au dernier arrêt du batram et quand je lève les yeux, c'est une étendue bleue qui s'offre devant moi. Que du bleu. Le ciel un peu voilé est d'une couleur grisâtre mais il laisse apercevoir le bleu qui se cache au-dessus de ces nuages peu amicaux. Quant à l'océan lui, son bleu très foncé me fait directement penser aux yeux d'Edan. Je m'avance vers le petit muret pour me rapprocher. Je me sens comme aspirée par les grandes vagues. L'horizon se fait légèrement courbée et pas un seul bateau ne perturbe la vue dégagée que j'ai.
Du coin de l'œil, je sens qu'Edan m'observe. Je me tourne donc vers lui, et sans un mot, il me présente les escaliers qui nous font descendre à la plage en contrebas.
- C'est marée haute aujourd'hui, dit-il quand nous sommes sur le sable.
Je ne sais pas vraiment ce que ça veut dire, mais Edan ne met pas longtemps à s'en rendre compte :
- C'est lorsque la mer monte haut sur la plage. Tu vois là, il n'y a pas beaucoup d'espace parce que la mer est relativement proche. Mais à marée basse, la mer se recule très loin vers l'horizon.
J'ai du mal à m'imaginer le processus, mais je ne veux pas abrutir Edan de mes questions idiotes. Edan prend l'initiative d'enlever ses chaussures et de mettre les pieds dans l'eau. Je fais comme lui, bien que la température de l'eau me semble froide. Et en effet, quand l'eau vient toucher mes pieds, je sens qu'elle est glacée.
- On s'habitue, remarque Edan. Allez, viens.
Son comportement m'inquiète franchement. On est bien loin des baisers passionnées que nous échangions lorsque nous étions dans mon appartement. Je veux lui demander ce qu'il se passe, mais il est plus rapide.
- Je ne sais pas quoi penser, avoue-t-il. Je sais que nous avons déjà eu plus ou moins cette conversation, mais rien n'a changé de mon côté.
- Je comprends, dis-je. Je suis tout aussi perdue que toi.
Et c'est la stricte vérité.
- Qu'est-ce qui te trouble autant ? Je lui demande.
Il hausse les épaules et fronce les sourcils.
- Tout. Enfin ... plus ou moins ... Mais tout en général.
C'est à mon tour d'hausser les sourcils. Sa réponse vague ne me permet pas de comprendre ce qui ne va pas chez lui. Je pense que c'est en partie la mort de Nélo qui le plonge ans un état comme celui-ci. Mais je pense aussi qu'il y a autre chose. Je pense à Anouk, et je me dis qu'il doit surement avoir quelqu'un comme elle à ses côtés.
- J'ai une assistante qui s'occupe de moi, dis-je. Elle s'appelle Anouk. Et toi ?
- Magaly, répond-il simplement.
Face à son mutisme, je ne sais pas comment réagir. Il tourne l'a tête pour observer l'océan, et de ce fait, je ne vois plus son visage.
- J'aime bien son prénom.
Il s'esclaffe.
- Elle est gentille ?
- Ce n'est pas le problème, répond-il.
Je suis surprise par son ton péremptoire, mais cela ne fait qu'attiser ma curiosité. Qui est cette Magaly ?
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je redemande avec insistance.
- Rien. Rien, tout va bien.
Ses sourcils froncés lui donnent un air renfrognés que je n'aime pas. Je m'arrête.
- Si, tu peux tout me dire Edan. Je n'aime pas te voir comme ça.
Il se retourne pour me regarder.
- C'est trop pour moi. Trop.
J'ai l'impression que des larmes perlent dans ses yeux. Je m'approche de lui pour lui prendre les mains.
- Je suis désolée. Je ne sais pas quoi faire pour toi Edan. Mais je t'aime et je suis auprès de toi.
- Pour combien de temps Aurore ?
Cette remarque me pique. Qu'est-ce qu'il insinue ?
- Comment ça ? De quoi tu parles ? S'il te plaît, arrêtes.
Il tourne le regard vers l'océan et repart dans notre marche sans lâcher une de mes mains.
Face à son état, je ne sais pas quoi faire. À croire que je suis nulle pour réconforter les autres. Je m'enfonce dans ma culpabilité, non seulement je lui cache des choses mais je suis incapable de le soutenir correctement.
Je serre sa main dans la mienne. J'hésite à lui demander des choses sur sa relation avec Nélo. Peut-être qu'en parlant de ça, il va se sentir libéré, mais je ne sais pas du tout comment aborder le sujet.
- Tu veux m'en parler ?
Edan soupire. Il paraît tiraillé, mais il me semble qu'il rassemble ses idées.
- Je n'ai pas grand chose à dire. C'était un chouette type. Humble, souriant, drôle ... extrêmement drôle même. Il dégageait quelque chose ...
Il fait une pause et reprend peu après :
- Je ne le connaissais pas beaucoup tu sais. On s'est fréquenté peu de temps, mais c'était comme un petit frère pour moi. On rigolait beaucoup ensemble et je crois que ... Je crois que si je l'aime tant c'est que ... C'est que c'était un subtil mélange entre toi et Jude.
Cette révélation m'attendrie énormément. Elle me prouve que toute sa sympathie pour Jude ne s'est pas envolée. Dans un sens, je crois qu'ils s'aiment tous les deux beaucoup, mais que la rancune et la fierté à pris le pas sur leurs sentiments.
- Il a son sarcasme et ton côté naïf et innocent. Je ne savais pas qu'un tel mélange était possible ... Je me suis énormément attaché à lui dans un très court laps de temps, et il est parti tout aussi vite de ma vie.
Je serre son bras et je pose ma tête sur son épaule. J'ai l'impression que c'est la seule chose que je peux faire pour lui pour le moment.
Je pensais être capable de lui parler de mon avortement, mais il semble que ce ne soit pas du tout le moment. Mais en même temps quelque chose me dit que plus je vais attendre, plus lui dire sera compliqué ...
Nous continuons malgré tout de marcher les pieds dans l'eau jusqu'à rejoindre d'autres escaliers. Quelque chose me dit que ces instants silencieux vont perdurer. Cela ne me déplaît pas, nous avons tous besoin de silence, et puis, être auprès d'Edan aura toujours la même valeur à mes yeux, peu importe ce que nous faisons.
Je laisse Edan me guider à la station de batram la plus proche et nous retournons à nos appartements. Une fois que nous sommes devant nos portes, Edan dit :
- Je dois te laisser là, je vois Magaly cet après-midi ...
Il me fait un sourire contrit, mais je m'approche pour l'embrasser.
- Je t'appelle ce soir, lui dis-je.
Il hoche la tête, m'embrasse une nouvelle fois, puis rentre dans son appartement.
***
Anouk arrive peu après treize heures. Je m'efforce de paraître joyeuse et il semble que cela fonctionne. Anouk ne se doute pas une seule seconde de ce qui se passe dans mon esprit tortueux.
Les boutiques d'Utopia sont bien différentes de celles de la ville. Les vêtements sont très variés et on peut trouver toutes sortes de styles différents. Le système économique me perturbe et je ne comprends pas très bien son fonctionnement. Anouk me promet de me l'expliquer, mais elle avoue tout de même qu'il est assez compliqué à comprendre.
Comme on nous le disait dans mon ancienne ville, la monde d'autrefois reposait principalement sur l'argent et les biens matériels. Utopia a donc crée un autre système économique qui, apparemment, ne reprend pas les mêmes principes.
Anouk est très généreuse et à la fin de l'après-midi, ma garde robe est pleine. J'ai aussi en ma possession quelques produit cosmétiques qui promettent mille et une choses.
Quand je suis de nouveau seule dans mon appartement, il est environ dix-huit heures. Je décide d'appeler Edan tout de suite.
- Oui ?
Sa voix au bout du fil me rassure.
- C'est Aurore, dis-je. Je voulais te demander si nous pourrions nous voir demain ou un autre jour ?
Je sens son hésitation.
- Ou même maintenant ?
- Non, ça ne va pas être possible maintenant, mais on se voit Jeudi ?
- Oui, ça me va. Bisous, je t'aime Edan.
- Je t'aime Aurore.
Sa voix semble cacher quelque chose de profond, comme s'il avait passé l'après-midi à pleurer ou qu'il venait d'apprendre une espèce de mauvaise nouvelle.
- Tu vas bien ? Demandé-je soucieuse.
- Oui, ça va. On se voit Jeudi de toute façon. Bisous.
Et il raccroche le combiné. Je suis un peu étonnée de la tournure qu'a pris notre conversation, mais je ne veux pas l'envahir de trop. Il me dit simplement ce qu'il a envie de me dire, même si j'aimerais être au courant des moindres choses qui se passent dans sa tête.
C'est donc un peu perturbée mais fatiguée que je m'endors ce soir-là.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top