31.

Quand j'ouvre les yeux ce matin, Edan n'est pas à mes côtés. Je me lève et j'enfile mon pantalon.
Il est assis sur une chaise et il me regarde.

- Bonjour, dit-il.

Je rougis un peu.
Nous ne nous sommes pas beaucoup parlé hier. Je ne voulais pas l'énerver encore plus.

- Bonjour, je réponds finalement.

- Tu veux finir les pousses de soja ou tu veux manger à la salle ?

J'hausse les épaules.

- Je préfère manger ici.

Edan se lève et vient me rejoindre. Il me pend dans ses bras. Je ne peux m'empêcher de répondre à son geste en l'enlaçant à mon tour. Il s'éloigne pour me regarder et il m'embrasse.
C'est comme si je reprenais vie.
Je rougis encore un peu à cause de la chaleur que je ressens, cela fait sourire Edan.

- On va manger des bonnes pousses de soja alors.

Je souris et je m'installe à la table.
Bien que ces "réconciliations" étaient bizarres, je me sens mieux. Je n'étais pas fâchée contre lui et je ne pense pas qu'il était fâché contre moi. Ce câlin était une façon de dire qu'il ne m'en voulait pas et que c'est inutile de paraître gênée.

- Alphonse veut encore me voir aujourd'hui.

- Ah oui ? Demande-t-il.

- Ouais, dis-je en haussant les épaules. Tu trouves ça étrange ?

- Un peu, mais c'est pas plus mal qu'il y aille doucement, on a pas ta confiance rapidement.

Il refait son sourire en coin et je roule des yeux.

- Tu me le dis s'il t'offence ou si tu n'aimes vraiment pas le voir. J'irai lui toucher deux mots.

Sa remarque me fait rire. Elle dévoile son côté protecteur mais tout de même discret et peu envahissant.
Il me jette un regard interrogateur.

- Tu es mignon.

Il manque de s'étouffer.

- Ne me dis jamais que je suis mignon, ce n'est pas virile du tout. C'est plutôt désagréable, genre je suis une peluche. Ou Nélo. Tu dis que Nélo est mignon. Je ne veux pas ressembler à Nélo, ni à une peluche. Je veux être Edan.

Il termine son monologue en me regardant.
J'ai compris l'essentiel de ce qu'il a dit mais il n'était pas obligé de me sortir une tirade.
Je plisse les yeux.

- Là, tu es chiant.

Il me donne un coup de pied sous la table alors je le regarde d'un air de défi.

- Ne me regarde pas comme ça, dit-il, ça me donne chaud.

Une bouffée de chaleur me submerge. J'aime énormément quand il est aussi direct, mais c'est tout aussi déstabilisant. Au moins, ça me rassure car je me dis qu'il partage mes sentiments.

- Tu as tout aussi chaud à ce que je vois.

Je m'empresse de terminer ma conserve et je vais la jeter à la poubelle pour fuir ses yeux de braise.
Mais quand je me retourne, il est juste derrière moi.

- Hey, chuchote-t-il.

Je me recule et je butte contre le plan de travail alors qu'il s'avance vers moi.

- Je vais être en retard, rétorqué-je en chuchotant aussi.

Il pose une main sur ma joue rouge et m'embrasse doucement.
Trop doucement.
Quand il se décolle j'articule :

- Arrêtes ça, tu me donnes encore plus chaud.

Je vois des frissons parcourir ses bras et je souris. Ses pupilles sont dilatées et ses yeux sont donc presque noirs. Un fin cercle de bleu subsiste encore.
Cette fois-ci, il m'embrasse plus sauvagement et sans retenir le désir qui l'anime. Je réponds avec autant de vigueur à son baiser. Il me soulève alors et me pose sur le plan de travail. Il se place ensuite entre mes jambes.

J'essaie de reprendre le dessus sur la passion qui m'anime et la seule chose que j'arrive à faire est de lui morde la lèvre. Il s'écarte.

- Désolée si je t'ai fait mal, dis-je en baissant la tête, un peu honteuse.

J'entends sa respiration presque sifflante. Je lève la tête pour voir s'il va bien et quand je croise son regard, je suis étonnée d'y voir autant de fougue, si ce n'est même plus. Il se penche de nouveau pour m'embrasser encore. À croire que cela n'a pas calmé ses ardeurs. Pour contrer son geste je pose un doigt sur ses lèvres.
Il s'arrête et rouvre les yeux.

Je descends du comptoir et je lance par dessus mon épaule :

- À ce soir !

Puis je sors de la maison en toute hâte.

***

- Entrez Aurore, je vous attendais.

La grosse voix sage du Grand-Maître me parvient du rez-de-chaussée, juste avant que je gravisse les escaliers. Je trouve que c'est bizarre car je l'ai toujours vu dans la grande pièce de l'étage. J'entre donc dans la pièce à gauche des escaliers, ce que je devine être le salon.

- Bonjour Alphonse, dis-je en le voyant dans un grand fauteuil confortable.

- Bonjour, répond-il. Je suis désolé de vous accueillir en de telle circonstances.

Je secoue la tête. En effet, je trouve cela étrange mais il fait absolument ce qu'il veut.

- Ce n'est rien, vous êtes chez vous Alphonse.

Il sourit à ma remarque et me désigne un autre fauteuil face à lui dans lequel je dois m'asseoir. Je m'y installé confortablement et je lève ensuite les yeux pour le regarder.
Il sourit mais je suis incapable de dire ce qu'il regarde.

- Peu de gens seraient aussi indulgents que vous, déclare-t-il après plusieurs secondes de silence.

Je ne sais pas quoi dire.
Pourquoi me fait-il cette remarque ?

- Excusez-moi ? Dis-je enfin. Je ne pense pas avoir compris.

Alphonse rigole, ce qui sème encore lus le doute dans mon esprit.

- Je disais que peu de gens sont aussi indulgents que vous.

- Pourquoi dites-vous ça ?

- Vous savez, les Sauvages exigent de moi au moins que je me lève et que j'aille dans la grande pièce du haut pour les recevoir. Ils ne s'attendent généralement pas que je reste dans mon salon. C'est un manque de respect selon eux.

- Ce sont eux les irrespectueux dans l'histoire, je rétorque.

- Vous savez, en dépit de mon statut de Grand-Maître, personne ne me porte réellement dans son coeur. Du point de vue de la plupart des Sauvages, je suis un vieil homme sénile et dément.

Je suis très surprise par ce qu'il vient de dire, je reste donc sans voix.

- Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je vous ai demandé de venir, reprend-il sur le même ton calme. Les Sauvages qui vivent au sein du village sont ici pour une raison précise. J'aimerais savoir quelle est votre raison à vous.

Je prends quelques instants pour réfléchir.
Pourquoi suis je ici ?

- Je voulais fuir l'oppression du Gouvernement. Je ne voulais pas vivre la vie qu'ils avaient programmée pour moi.

Je suis plutôt satisfaite de ma réponse. Alphonse se calé encore plus profondément dans son siège, il semble en pleine réflexion.

- Pourquoi es-tu ici ? Répète-t-il.

- Et bien je viens de vous le dire ...

Il rigole légèrement, ce qui accentue mon embarras. Je n'ai aucune idée de ce qu'il veut que je lui dise.

- Je suis sûr qu'Edan a joué un grand rôle dans votre départ.

- En effet, avoué-je. Sans lui je ne serais pas ici.

Alphonse hoche la tête doucement.

- Est-ce qu'il t'a forcé àvenir ici ?

Je réfléchis un peu.

- Non, il ne m'a pas forcé. J'ai su, dès l'instant où il m'a proposé de l'accompagner, que j'allais venir ici.

- En revanche, tu as forcé Jude à venir ...

- Non ! M'exclamé-je outrée. S'il n'avait pas envie de venir il pouvait rester là-bas ! Je ne l'ai pas forcé !

- Très bien, déclare simplement le Grand-Maître.

J'ai l'impression qu'il n'est pas convaincu par ce que je lui ai dit. Je veux qu'il comprenne que je ne lui ai pas imposé mon choix. Certes, j'ai fortement insisté pour qu'il vienne, mais il n'a pas manifesté d'opposition à ça.

- J'ai proposé à une amie qui m'est très cher de venir aussi, et elle a refusé. Si Jude avait explicitement dit qu'il ne voulait pas venir, j'aurais parfaitement compris son point de vue et j'aurais respecté sa volonté.

- Je vous crois Aurore.

J'essaie de me calmer. Est-ce que Jude a l'impression que je l'ai forcé ? Est-ce qu'il pense qu'il n'a pas eu le choix ?

- Est-ce que c'est Jude qui vous a confier cela ? Je demande.

Alphonse sourit comme toute réponse.

- Je vous revois demain, même heure. Vous pourrez me poser toutes les questions que vous voulez et j'y répondrai du mieux que je peux dans la mesure du possible. À demain Aurore.

Je me lève assez troublée. Je demanderai à Jude ce soir. Je ne veux pas qu'il voit en moi une personne tyrannique qui impose ses choix aux autres. Je ne veux pas paraître égoïste.

- À demain Alphonse.

Je quitte ensuite la pièce pour me rendre à l'usine.
Comme la dernière fois, je suis plus que chamboulée. Je ne comprends pas très bien quel était le véritable but de ses questions, à part me déstabiliser. En tout cas, c'est chose faite. J'espère que je ne vais pas ressortir aussi confuse à chaque fois que je vais le voir. Je suis ici pour trouver quelques réponses, je ne m'attends pas du tout à ce qu'il fasse naître en moi d'autres questions encore plus complexes.

En arrivant à l'usine, personne n'est la pour me faire visiter les lieux où m'expliquer ce que je dois clairement faire. Je me laisse donc déambuler dans les couloirs jusqu'à trouver la grande pièce où tout se fait. Un grand tableau dans le fond de la salle attribue un rôle à chacun d'entre nous. En face mon prénom, je vois que je dos faire les coutures des manches. Je vais m'installer à une table vide dans le coin de la pièce et je rassemble mon matériel pour commencer mon boulot.

Un fil, une aiguille, et c'est parti.

***

En sortant de l'usine, j'ai mal au cou à force de regarder mes mains. Mes muscles sont tendus et ça fait un bien fou de me dégourdir les jambes.
Je me dirige vers les ateliers des ébénistes et je hors Jude sortir par la porte de devant. Il le rejoint en souriant, j'ai l'impression qu'il est toujours de bonne humeur. Quand il arrive enfin à mes côtés, je sens encore plus cette odeur qui le caractérise dans. Je ne peux pas m'empêcher de penser que ça lui va bien, c'est la seule odeur à laquelle je l'associe. C'est peut-être curieux de dire ça d'une odeur comme celle-ci, mais elle sent particulièrement bon.

- Coucou ! Me lance-t-il.

- Tu vas bien ?

- Super ! Alors ton premier jour de travail.

J'hausse les épaules.

- Je préfère faire des photos mais je ne vais pas me plaindre, si ça peut me permettre de rester ici.

Il m'accorde un autre de ses sublimes sourire et nous nous mettons en route. Je repense à ma conversation de ce matin avec le Grand-Maître. Peut-être devrai-je demander à Jude s'il considère que je l'ai forcé à venir ? Je ne veux pas avoir ça sur la conscience. Après tout, il est heureux ici non ? C'est qu'il ne fait que de me répéter, et en plus il me le témoigne par son attitude.

- Et toi ? Demandé-je plutôt.

- C'est le métier dont je rêvait, répond-il simplement.

Je suis heureuse pour lui et il me raccompagne jusque chez moi alors que sa maison se trouve à l'opposée de la mienne.
Nous nous quittons et je rentre à la maison. Edan est dehors, je vois sa tête à travers la vitre brisée. J'ouvre donc la porte du jardin pour le rejoindre. Il lève la tête vers moi.

- Tu es ici depuis longtemps ? Je demande en m'asseyant à côté de lui.

- Je n'ai pas été chasser aujourd'hui, avoue-t-il.

Je le regarde avec surprise.

- Les chasseurs travaillent tôt le matin pour pouvoir chasser plus facilement le gibier. En plein journée il est plus difficile à attraper. Mais du coup je commence demain matin.

J'hoche la tête. C'est tout à fait logique.

- Mais tu ne travailles pas que le matin ?

- Non, jusqu'en début d'après midi pour écorcher le gibier chassé et le préparer à être conservé ou mangé.

Je fais une grimace de dégoût ce qui le fait rire.

- Je t'admire beaucoup pour tuer de pauvres bêtes et arracher leur peau, dis-je.

- C'est ce qui va servir de vêtement je te signale. C'est ce que tu vas devoir coudre ; leur peau. Et puis sans moi, tu ne mangerais pas aussi varié.

Je roule des yeux mais je ne m'imagine pas faire des manteaux en peau de chevreuil.
Il reprend avec un ton plus grave :

- Qu'est-ce que t'as dit Alphonse aujourd'hui ?

Je le regarde un peu étonnée. Le fait que Jude émette de la réserve à en parler me pousse à ne pas vouloir révéler ce qui se passe pendant que je suis avec le Grand-Maître.

- Je ne sais pas si j'ai le droit d'en parler ...

Edan pince les lèvres mais son regard véhicule la même joie que d'habitude.

- Je me doutais bien que tu n'allais pas me le dire. Personne n'ose parler de ce qu'Alphonse nous dit. Pourtant, je suis sûr qu'il avoue les mêmes choses à tout le monde.

- C'est vrai, admets-je. Tu veux vraiment savoir ?

Il hausse les épaules et secoue la tête. Je ne sais pas trop comment interpréter ça, au fond de lui il tient à le savoir et je lui fais suffisamment confiance.

- Il m'a demandé pourquoi je suis venue. Mes motivations en gros.

Je suppose qu'il ne s'attendait pas à ce que je lui dise car il tourne la tête avec une étincelle de joie dans ses yeux, comme si je lui révélais un secret d'état.

- Et tu lui as répondu quoi ?

- Que j'étais venu car le Gouvernement est oppressant et que je ne voulais pas vivre la vie qu'ils avaient décidé que je vive.

Il hoche la tête puis ajoute :

- C'est tout ? Il ne t'a pas demandé ou dit autre chose ?

- Oui.

En répondant par l'affirmative, je ne répondais finalement pas à clairement à ses questions.

- Enfin, si il m'a dit autre chose, avoué-je alors.

Edan me regarde tendrement. Il me laisse le choix de lui dire ou non.

- Il m'a demandé si je n'étais pas venue pour toi aussi.

Son visage s'éclaire d'un grand sourire malicieux, il tourne ensuite la tête pour s'adosser de nouveau au mur. Je crois que je lui ai donné satisfaction.

Après quelques minutes j'ose demander :

- Et toi ?

Il hausse les épaules.

- Je te l'ai déjà dit. J'étais avant tout curieux mais je voulais retrouver ma mère.

Il fait une pause puis reprend :

- Et je veux toujours la retrouver.

En sachant que nous sommes sur un terrain miné, je décide de le laisser se confier. Il semblerait que c'est la meilleure méthode avec lui. Le laisser faire, sans le forcer.

- Je pense que l'oppression du Gouvernement n'est qu'un prétexte pour venir ici. Je suis sûr que chaque Sauvage à une autre raison bien précise d'être ici. En ce qui me concerne, c'était ma mère. Pour toi, c'est moi ...

Il me regarde avec espièglerie et son sourire en coin. Je l'embrasse.

En réfléchissant plus profondément, Edan à totalement raison. Il y a des raisons plus profondes à chacun d'entre nous pour venir ici.
Mais quelles sont les raisons de Jude ? De Samuel ? De Judith ?
J'aimerais énormément le savoir, mais seul le Grand-Maître a ce privilège.
Quoi que ça pourrait faire parti des questions que je vais lui poser demain.

- Je n'ai pas trop aimé la façon dont tu es partie ce matin, me fait remarquer Edan.

Je rougis.

- J'allais être en retard.

Il laisse échapper un petit rire et m'attire contre lui.

- Est-ce que tu as quelque chose de prévue ce soir ? Quelque chose pour lequel tu risques d'être en retard ?

Je secoue doucement la tête, trop émoustillée pour répondre de vive voix.
Il dépose une série de baisers le long de mon cou. Et la chaleur augmente petit à petit d'intensité, de même que les frissons.

- As-tu pris les pilules ? Me susurre-t-il à l'oreille.

Son souffle chaud fait remonter des frissons dans ma colonne vertébrale et me donne la chair de poule.

Bien sûr que j'ai pris les pilules.

- Oui, je réponds dans un souffle.

Je sens un sourire étirer ses lèvres contre ma peau.

- Parfait, dit-il de sa voix rauque.

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Coucou !
Je voulais vous souhaiter une bonne rentrée à tous ceux qui rentrent cette semaine ;) J'espère que vous avez passé de supers vacances :)

Je voulais aussi vous dire que je vais passer de deux à un seul chapitre par semaine que je posterai le samedi.
Qui dit rentrée dit nouveau rythme et moins de temps, voilà pourquoi je suis obligée de réduire la fréquence de mes publications.
J'espère que vous comprenez ...

Pour cette semaine, vous aurez aussi un chapitre samedi et après ce sera tous les samedi :)
Voilà !

Bonne journée à tous, bisous ! ♡

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