24.
En arrivant à la maison, je n'entends que le bruit continu de la télévision allumée. Je me dirige vers le salon où je pense trouver Jude mais il n'y a personne. La maison semble vide.
Edan est sûrement parti demander à Samuel et Judith de nous accompagner ... enfin de l'accompagner lui, au moins ...
Je sors dans le jardin et je vais m'assoire à côté de Jude, mais quand je pose mes yeux sur son visage, je lâche un hoquet de surprise. Il se tourne alors vers moi et prend son air désolé.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé Jude ? Demandé-je paniquée.
Je m'approche de lui avant d'examiner de plus près son oeil martyrisé. J'ose à peine le toucher.
- Laisse, c'est rien.
Il repousse gentiment mes mains tout en me regardant. Je laisse échapper un rire nerveux.
- Arrêtes ça Jude, je ne suis pas stupide.
Il soupire.
Je sais qu'il s'est passé quelque chose avec Edan. Je sais que c'est lui qui lui a fait ça.
Je m'assieds à côté de Jude et je pousse un soupire.
- Je ne sais pas quoi dire, je savais que ça allait arriver.
Il me regarde, visiblement surpris.
- Tu savais ?
Je roule des yeux.
Je savais bien évidemment qu'ils allaient se taper dessus un jour ou l'autre, mais j'espérais que ça n'allait pas arriver maintenant.
- Vous êtes des "hommes" qui ont des différents. Il semblerait que c'est le seul moyen que vous ayiez pour résoudre vos problèmes.
C'est comme si je n'avais pas la force de leur en vouloir, ni Edan, ni Jude. Je suis épuisée d'avoir trop pleuré. Ou peut-être suis je épuisée tout court ?
- Désolé, vraiment je m'excuse, dit-il après un long silence.
- Arrêtes de t'excuser, la plupart du temps, je ne sais même pas pourquoi tu le fais ...
Je l'entends rire ce qui me fait sourire.
Un vrai sourire.
Il me pousse un peu.
- Fais moi un câlin s'il te plaît, il demande.
Je le regarde, toujours en souriant, mais quand j'observe son oeil plus précisément, je me dis qu'Edan à sûrement dû le frapper fort pour qu'il soit aussi gonflé et rouge.
Je tends mes bras vers lui et je me rapproche.
Il referme ses bras autour de ma taille et m'attire encore plus à lui. Je le sens prendre de grandes inspirations avant de dire :
- Tu sens bon Aurore.
Je rigole et je dis à mon tour :
- Toi aussi Jude !
Nous rigolons ensemble puis nous nous lâchons.
- Je vais chercher de la glace, j'arrive, déclaré-je.
Je vois Jude rouler des yeux avant de lever les mains en signe de coopération.
Je me dépêche de récupérer une poche de glace et un bout de tissu pour pouvoir l'enrouler dedans. Je l'apporte ensuite à Jude qui dépose la glace sur son oeil bien amoché.
- Tu as fait quoi de mon dossier ? Je lui demande en me souvenant soudain que je ne le vois plus.
Sans me regarder, il répond qu'il l'a remis là où je le mettais. Je relâche mes épaules. Je n'ai pas encore parlé à Edan de ces dossiers. Je lui dis merci et je pars prendre une douche. J'en ai bien besoin.
Je décide finalement de me faire couler un bain pour être sûre de bien me détendre. Je fais attention de ne pas mettre l'eau trop chaude.
Je me déshabille et j'attache mes cheveux en un chignon haut. Une fois que le bain est bien rempli, je rentre dans la baignoire et je sens instantanément mes muscles se détendre. J'ai parfumé l'eau d'une douce odeur de rose. J'aime beaucoup cette odeur, c'est frais et peu entêtant. Je ferme mes yeux et je me laisse emporter par mes pensées.
En bas, j'entends un vague bruit de porte. Je devine qu'Edan vient de rentrer.
Il va aller voir Jude, peut-être lui crier un peu dessus, puis venir me voir. J'ai besoin de voir son visage pour me calmer totalement.
Mais j'ai beau attendre, Edan ne vient pas.
Quand je commence à avoir un peu froid, je sors du bain et je m'enroule dans une serviette. J'ouvre la porte de la salle de bain pour voir si Edan m'attend dans la chambre mais il n'y est pas. Je traverse alors la chambre pour me rendre dans le dressing. Je décide de m'habiller confortablement pour cette fin de journée. J'enfile alors un jogging et un vieux tee-shirt blanc d'Edan que j'avais gardé précieusement. Par transparence, on devine très vaguement ma lingerie rose pâle. Ça me gêne un peu mais je n'ai pas le temps de me poser plus de questions car j'entends la porte de la chambre s'ouvrir. Je m'y précipite et c'est avec soulagement que je vois Edan. Il se dirige vers la salle de bain mais je le rattrape et j'enroule mes bras autour de son ventre. Il est un peu surpris mais pose tout de même ses mains sur les miennes.
- Regarde moi s'il te plaît, lui dis-je en me décollant.
Je n'ai pas envie de voir son visage défiguré.
Quand je vois enfin son visage, je suis soulagée de voir qu'il n'a rien. Je pose mes mains sur ses joues mais je le vois grimacer un peu.
- Oh. Excuse-moi, dis-je gênée.
- Chut, dit-il aussi en prenant mes mains et en les reposant sur ses joues. J'aime sentir ta peau contre la mienne.
Je souris et je sens que le rouge me monte au joue. Je suis heureuse d'entendre de sa bouche qu'il ressent exactement la même chose que moi à son égard.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je demande.
Je sens sous visage se tendre sous mes paumes, ce qui ne présage rien de bon.
- Rien, il a juste poussé le bouchon trop loin ...
Un pli se creuse entre ses sourcils.
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
Mes mains sont toujours posées sur ses joues, de ce fait je peux l'empêcher de tourner sa tête.
- Dis moi Edan, je veux savoir. Qu'est-ce qu'il t'a dit pour que vous vous battiez ?
Je le sens hésiter, il cherche ses mots comme pour inventer un mensonge.
- J'ai pas supporté qu'il dise trop de mal de ma mère, c'est tout.
Je trouve cela étrange qu'il s'accuse mais c'est à la fois honnête.
Je l'embrasse doucement.
- Je n'ai pas envie de vous récupérer en miettes à chaque fois que je m'absente en vous laissant seuls.
- Je sais, mais ça avait besoin de sortir.
Sa franchise me choque encore une fois, mais j'aime le Edan qui ne se pose pas de questions.
Je repousse les cheveux qui lui tombent sur le front et dans les yeux puis je retrace les contours de son visage avec mon doigt. C'est comme si c'était une curiosité. Puis inconsciemment mes doigts se retrouvent sur ses lèvres légèrement entrouvertes.
Edan arrête mon mouvement en s'emparant de mon poignet. Puis il dépose une série de baisers sensuels dans ma paume tout en me dévorant des yeux.
Ma respiration s'accélère mais je résiste et je me dégage doucement de son emprise. Il est surpris et me regarde d'un air triste, comme un enfant à qui on aurait refusé une glace. Je me mets sur la pointe des pieds pour poser mes lèvres sur les siennes. Je passe mes mains dans ses cheveux doux et je respire son odeur mentholée. Puis je me décolle.
Edan me fait son terrible sourire en coin qui fait chavirer mon coeur et émoustille mes sens. Je l'embrasse à la commissure de ses lèvres, à l'endroit où ce sourire prend naissance.
Pendant tout ce temps, il ne m'a pas quitté des yeux et n'a pas bougé d'un centimètre.
Je prends alors un peu de recule, mais il m'en empêche en mettant ses mains aux creux de mes reins et en collant nos ventres. Il me regarde d'un air triste et je reconnais l'expression qu'il avait hier après-midi quand il m'a demandé s'il ne s'était rien passé avec Jude.
- Je t'aime, j'espère que tu le sais ça, dit-il.
J'hoche la tête un peu soucieuse.
- Et toi ? Tu m'aimes n'est-ce pas ?
- Bien sûr que je t'aime Edan ! Je répond rapidement. Je t'aime plus que tout, sois en certain.
Je ne comprends pas qu'il puisse être douteux mais après tout, c'est humain de douter.
Il me prend dans ses bras et lâche un soupire soulagé.
Il avait peut-être peur que je ne partage pas ses sentiments, pourtant il devrait bien se rendre compte qu'il est le seul à me faire ressentir tout un panel de sensations.
Nous nous detâchons finalement et nous descendons pour aller dans la salle à manger. Je convoque Jude qui nous rejoint à table. Il faut que je leur dise que Louise et Nhoa ne pourront pas nous accompagner et que, peut-être que finalement, je ne ferais pas partie du voyage non plus ...
Quand Jude fait enfin son entrée dans la salle à manger, l'ambiance se charge d'un coup. Je ne m'y ferais jamais.
Je m'assieds en bout de table, Edan se place à ma gauche et en face de lui se trouve Jude. Ils se toisent un moment, le regard mauvais et le visage crispé. Les mêmes.
- Et bien, je suis allée voir Louise tout à l'heure, commencé-je. Et ... et elle ne viendra pas ...
Ma vision se trouble mais je cligne rapidement des yeux pour chasser les larmes qui affluent. Mes yeux sont fixés sur mes doigts mais je peux quand même deviner les regards interrogateurs des deux hommes.
- Attends, pourquoi ils ne viennent pas ? Demande Edan.
Je prend une grande inspiration avant de lever la tête vers eux et de déclarer :
- Parce qu'elle est enceinte ...
La respiration d'Edan se bloque alors que Jude reste assez imperturbable.
Je sais qu'Edan est conscient de la relation que j'entretiens avec Louise. Il a sûrement compris que le fait qu'elle ne vienne pas remet ma décision en question. Il tend sa main pour la poser sur les miennes. Je pose mes yeux dans les siens qui sont pleins de doutes.
- Tu vas venir ? Demande-t-il.
Je vois Jude baisser la tête et mettre ses mains dans ses cheveux. Ses coudes sont posés sur la table et ses paupières sont fermées.
- Je ne sais pas Edan, lâché-je.
Il pend mes mains dans les siennes. Je vois qu'il fait tout pour se contrôler mais il échoue.
- Viens s'il te plaît Aurore. Je te promets que tu ne regretteras pas. S'il te plaît ...
Il n'a pas besoin de continuer plus longtemps. Il n'a pas eu à beaucoup insisté au final. De plus, je suis sûre qu'au fond de moi, je savais depuis le début que j'allais l'accompagner coûte que coûte. Je veux sortir de cette ville malsaine. J'aurais préféré partir avec Louise, j'aurais voulu la sortir des griffes du Gouvernement. Mais c'est son choix de rester, et je le respecte.
Jude est encore dans son état de semi-transe. Je ne sais pas à quoi il pense.
Pour changer de sujet, je décide de parler des jumeaux.
- Et toi ? Est-ce que Samuel et Judith peuvent venir avec nous ?
Edan sourit de toutes ses dents et je le sens reprendre des forces. Il redevient le Edan fort que je connais depuis que nous sommes partenaires.
- Oui, ils viennent. Et ils sont ravis !
Je laisse un sourire se dessiner sur mes lèvres.
Je suis vraiment heureuses qu'ils viennent avec nous. Il y aura au moins une présence féminine, je me sentirai moins seule.
- Et moi ?
La voix de Jude perce la silence réconfortant qui s'était installé.
Je fronce les sourcils, il avait bien dit qu'il allait venir non ?
- Tu viens Jude ! Crié-je presque. Il n'est pas question que tu restes ici !
Je suis étonné par le ton que j'emploie.
Jude me sourit et ses fossettes se dévoilent. Je ne les avais pas vu depuis un moment. Ses fossettes se dévoilent que lorsqu'il sourit sincèrement.
Je lui souris en retour. Ses yeux bruns brillent de joie et il détourne le regard pour poser les yeux sur Edan qu'il regarde furtivement. Ce dernier sert les dents mais ne pipe mots.
Enfin, Jude se lève pour retourner à sa place, dans le jardin. Je décide de préparer le repas en compagnie d'Edan.
Nous optons pour de la viande cette fois-ci. Du poulet plus précisément.
Edan s'occupe de couper les différents légumes et de les mettre dans la grande casserole. Il ajoute de l'eau et des herbes dont je ne connais pas le nom. Puis nous mettons le poulet dans la grande casserole pour cuire le tout.
Tout cela se fait dans des petits éclats de rires et des blagues douteuses d'Edan.
Nous nous mettons à table et le dîner se passe en silence.
Je pense qu'à chaque fois que je me trouverai avec Edan et Jude, je vêtirai mon costume d'arbitre. Je ferai attention à ce que je fais pour qu'aucun des deux ne se sente délaissé.
Ça va être épuisant.
Alors que je débarrasse la table avec les deux hommes, je pose une question qui aurait dû franchir mes lèvres plus tôt.
- Nous partons quand ?
Edan lève la tête pour me regarder avec des lèvres pincées. Jude le regarde aussi.
- Je pensais à partir mercredi ... Il y a trois jours de marche alors je me suis dit que ce serait mieux d'arriver là-bas vendredi soir.
Je ne pensais pas partir aussi tôt, mais pourquoi attendre ?
J'hoche la tête et Jude m'imite.
***
Allongée dans le lit, j'attends qu'Edan se montre en sortant de la salle de bain. J'étudie chaque bruit que j'entends. Je résiste à l'envie de le rejoindre.
C'est lorsque mes paupières deviennent lourdes que la porte s'ouvre enfin. Edan éteint la lumière et me rejoint dans le lit. Je me blottis immédiatement contre son corps chaud uniquement recouvert par un caleçon. De mon côté j'ai simplement enlevé mon jogging. En passant ma jambe par dessus les siennes il tressaille et dit :
- Tu as les pieds froids chérie ...
Des frissons incontrôlables inondent chaque petite parcelle de mon corps.
Oh.
Il m'a appelé "cherie".
Choquée, je me tourne vers le son de sa voix. Je ne peux rien voir à cause du noir qui nous entoure mais je pense qu'il a devine mon étonnement.
- Tu aimes ça, chérie ?
Je sens mes joies chauffer et d'autres frissons me pendre.
Oh oui que j'aime.
Les mots que je veux prononcer ne veulent pas sortir, à la place je tâte son visage avant d'embrasser ses lèvres. J'arrive finalement à chuchoter un petit "oui" qui fait rire Edan.
- Je vais réchauffer tes petits pieds. Chérie.
Je glousse.
Une de ses mains glisse le long de mon dos, sur la courbure de mes fesses, puis descend le long de ma cuisse. Il laisse dans le sillage des ses doigts une chaleur incandescente et des frissons. Edan se relève et continue de faire glisser sa main jusqu'à mon pied froid. Il le tire vers lui ce qui me fait tourner. Je me repositionne bien mais dans l'obscurité c'est assez délicat. J'arrive finalement à m'assoire contre la tête de lit et Edan est assis au pied du lit. Il prend mon pied en main et commence doucement à le masser. Personne ne m'a jamais masser et je dois avouer que c'est fabuleux.
Je ferme mes yeux et je me détends sous les carresses prodigieuses d'Edan. J'entends sa respiration chaude et lourde qui sonne comme une berceuse dans mes oreilles.
- Où apprends-tu à faire des trucs aussi géniaux Edan ? Je demande doucement.
- Nous avons des cours de gentlemanie à l'orphelinat.
Sa voix est sérieuse mais son propos me fait rire.
- Vous quoi ? J'arrive à demander entre deux fous rires.
- Ne te moques pas ! Lance-t-il. Je suis très sérieux ! On nous enseignait comment bien traiter notre partenaire, je t'assure !
Je devine à l'intonation de sa voix qu'il sourit. Je rigole de nouveau.
Il arrête ses massages et j'arrête de rire aussitôt. Le silence se fait pendant quelques secondes, on entend juste notre respiration calme.
- Edan ?
- Oui ?
- C'est vrai ?
- Oui.
- Je ne savais pas ...
Sans pouvoir me contrôler, je lâche un nouveau rire.
- C'est mignon, déclaré-je.
Je sens le lit bouger et Edan se rapproche de moi. Il se penche au-dessus de mon oreille et je sens son souffle chaud dans mon cou. Je frissonne.
- Je sais ...
Il a chuchoté ses deux mots dans mon oreille.
- Edan ? Murmuré-je à mon tour.
- Je t'écoute.
- Je préfère quand tu m'appelles "Aurore". Tout simplement ...
Ma voix est timide, je ne veux pas le blesser. Bien sûr j'ai aimé qu'il me donne un surnom, mais cela m'a fait de l'effet car c'était inattendu.
Edan dépose un baiser sous mon oreille.
- Moi aussi.
Je suis heureuse qu'il le prenne de la sorte. Je trouve qu'il n'y a rien de mieux que d'entendre mon prénom dans sa bouche.
Il s'assied ensuite à côté de moi et pose sa tête sur mon épaule. Ses cheveux chatouillent mon cou.
- Tu diras à Louise que je la félicite.
Je mets un moment avant de comprendre qu'il parle de sa grossesse.
- Je le ferai.
- Merci.
Avec une de ses mains, il soulève mon tee-shirt jusqu'à mon nombril et dessine des formes avec son doigt ce qui a le don de faire naître des frissons dans tout mon corps. Il sait parfaitement comment prendre le contrôle de mes sens. Je pense que c'est dangereux mais peu importe pour le moment car je fais totalement confiance à Edan.
Je ferme les yeux. C'est tellement agréable.
Je pense qu'il n'y a rien de mieux que d'être avec lui, dans une situation aussi paisible. J'aimerais que cet instant ne s'arrête jamais.
Mes paupières se font lourdes mais il me reste suffisamment de force pour m'allonger et me mettre sous les draps. Edan me rejoint et je m'endors dans ses bras, ma tête sur sa poitrine en écoutant l'écho reposant des battements de son coeur.
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