23.

Jude est tétanisé. Je l'ai vu lorsque j'ai répondu. Il n'ose pas bouger comme si cela allait déclencher une bombe à retardement en lui.
Je n'arrive pas à croire que j'ai accepté.
Je vais m'en aller.

-Tu es sûre ? Demande Edan.

Je ne peux pas partir sans Louise. C'est impossible.
Je pense que j'ai changé d'avis en entendant son récit.
La communauté des Sauvages à l'aire tellement mieux que la nôtre !

- Oui, mais je veux que tu viennes aussi Jude, répondis-je sur un ton catégorique et décidé.

Cela semble le sortir de son état semi-conscient et il fronce les sourcils.

- Non, non je ne peux pas venir. Pas avec lui.

Il pointe Edan du doigt et ce dernier lève les mains.

- Je pourrais passer au-dessus de nos différents, dit Edan. J'ai acquis suffisamment de maturité pour ne pas déconner avec toi.

C'est reparti.

- C'est pourtant toi qui me menace, réplique Jude. Pourtant, tu as vu ce que j'ai fait pour toi ? Tu te rends compte que j'aurais pu laisser Aurore se démerder toute seule, à pleurer toutes les larmes de son corps dans un lit que tu n'occupais plus ?!

C'est comme si on avait jeté un sceau d'eau glacée sur Edan. Il respire bruyamment et ses dents sont serrées. Je suis sûre qu'il va culpabiliser de tout ça. Mais maintenant il sait la vérité. Il sait que pendant qu'il n'était pas là, Jude me tenait compagnie. Et je n'oublierai jamais ça.

- S'il vous plaît, ne recommencez pas ...

Ma vois est douce et presque plaintive, ce qui attire leur attention directement. Ils se reprennent.

- Jude, s'il te plaît ...

Je le supplie littéralement et je vois que cela ne plaît pas à Edan. Je ne pense pas qu'il comprenne à quel point Jude m'a réconforté. Je ne pourrais pas le laisser derrière moi. Je veux qu'il vienne.
Jude souffle et baisse les yeux, vaincus.

- Merci !

Je l'entoure de mes bras et il me rend mon étreinte. Je ferme les yeux pour sentir plus profondément son odeur. Il sent tellement bon mais c'est une odeur tellement différente de celle d'Edan.
Ils sont tellement différents ...
Je le relâche, consciente qu'Edan est dans la pièce. Je retourne à ma place et Edan n'a toujours pas déserré ses dents.

- Je veux aussi que Louise et Nhoa viennent ...

Edan soupire tout en me regardant. Je pense un instant qu'il va refuser mais il acquiesce finalement.

- Et Samuel et Judith.

Jude réagit immédiatement.

- Non, ils ne viendront pas avec nous ! Tu ne les connais même pas !

- Mais moi si, dit Edan.

Je soupire, soulagée. Ils m'avaient parlé d'une certaine personne qui était venue pour leur demander de l'aide. J'ai tout de suite su que c'était Edan.
Jude lève les bras au ciel.

- J'avais oublié que tous les deux, ensemble, vous vaincrez le monde quoi qu'il arrive.

Son agacement se fait entendre dans sa voix et il me fait de la peine.
Il a l'air tellement blessé depuis qu'on est là. Presque triste. Je n'aime pas voir les gens tristes car leur tristesse m'atteint aussi. Je suis tiraillée entre la joie d'avoir retrouvé Edan et la douleur que peux ressentir Jude face à cette situation.
Jude soupire et se rapproche finalement.

- On fait quoi maintenant ? Demande-t-il. On continue à se regarder comme si tout allait bien ou on agit ?

Jude à définitivement mal. Il est d'habitude si doux. Le ton qu'il a employé est sec et tranchant, et ce n'est pas ce que j'avais l'habitude de voir chez lui. Il respire la joie de vivre en temps normal.

- Je vais rentrer avec vous à la maison, déclare Edan. Et toi Aurore, tu iras parler à Louise.

Un sourire s'étale sur mon visage. Edan va venir avec nous. Il rentre avec nous.
Il se retourne et commence à rassembler ses affaires dans un sac. Pendant ce temps je m'approche de Jude.

- Ça va ? Je demande.

Il garde son regard fixe sur quelque chose et il hausse les épaules mais ne me répond pas. Je pose une main sur son épaule pour attirer son attention.

- Jude ? Je sais que c'est dur pour toi mais ...

- Non Aurore, s'il te plaît ne te soucie pas de moi, dit il en me regardant enfin.

A cet instant, je reconnais le Jude avec qui j'ai vécu tout ce temps. Le Jude prétentieux, calme, doux, prévenant et attentionné.

- Occupes toi d'Edan. Tu as entendu ce qu'il a traversé ? Il doit être fatigué et épuisé. Moi, je vais bien.

Il tend une main vers ma joue et la pose dessus. J'aimerais lui dire que je sais qu'il ne va pas bien. Je le vois dans ses yeux, dans son comportement. Mais Edan arrive et Jude retire précipitamment sa main. Je m'éloigne instinctivement de lui.

Les longues minutes suivantes se passent en silence. Nous attendons qu'Edan ait terminé de rassembler ses affaires. Une fois fait, nous quittons le petit appartement et nous retournons à la maison. Edan ne semble pas plus préoccupé que ça a l'idée de se montrer au grand jour.
Edan à pris ma main et Jude se tient à une distance respectable de nous.

Lorsque nous franchissons la porte d'entrée, Edan affiche un sourire béat. Il inspire longuement l'odeur de la maison avant de se tourner vers moi et de déposer un bisou sur mon front, puis sur ma joue et enfin dans mon cou. Son souffle chaud s'écrase sur ma peau découverte et je ne peux me retenir de fermer les yeux. Les mêmes frissons me parcourent et la chaleur que je ressens à chaque fois m'envahit.

- J'aimerais ne pas avoir à assister à vos préliminaire, dit Jude. Je veux bien aller dans le salon mais si vous voulez baiser, ayez la gentillesse d'aller dans la chambre et de fermer les portes. Merci.

Sur ce il s'éclipse. Edan se détache de moi et cri à l'intention de Jude :

- On va se gêner bordel !

Puis en me prenant la main et en embrassant son dos il me dit :

- Viens.

Il me tire vers les escaliers.

- Edan, non, je ne veux pas ...

- On ne va rien faire, dit-il en faisant volte-face. Je veux juste te parler seul à seul.

Il me dépose un léger baiser sur le coin de mes lèvres et il se recule pour me regarder avec son sourire en coin. Puis il m'entraîne dans la chambre.
Il claque violemment la porte et se jette sur le lit. Je ne sais pas ce qui lui prend, mais j'ai l'impression qu'il veut faire un maximum de bruit. Il prend son aise dans le grand lit puis lâche un grognement guttural.

- Qu'est-ce qu'on est bien dans ce lit !

Je me rapproche en secouant la tête et en souriant. Une fois à côté du lit, Edan ouvre le yeux et s'accroche à ma taille. Il me soulève et me bascule à côté de lui. Je rigole bruyamment et j'atterri sur le lit dans un grand bruit.
Edan me prend dans ses bras et je pose ma tête sur son torse. Je ferme les yeux et soupire d'aise.

- Je t'aime, murmure Edan.

- Je t'aime, je lui réponds.

Il me serre un peu plus contre lui.

- Qu'est-ce que tu voulais me dire ? Demandé-je après un moment.

Il réfléchis quelques instants.

- Je voulais être sûr que tu m'aimes toujours, avoue-t-il.

Je lève la tête, plutôt surprise.

- C'est stupide comme question, répliqué-je. Tu devrais savoir que je t'aime plus que tout Edan.

- Maintenant je le sais.

Il m'embrasse tendrement en faisant glisser sa main dans mon dos. Je ne peux réprimer mon soupir et mes frissons. Je le sens sourire sous mes lèvres.
Nous prolongeons cet agréable baiser et enfin je prends l'initiative de me détacher.

- Il faut que j'aille voir Louise, déclaré-je en reprenant notre position initiale.

- Oui, je vais m'occuper des jumeaux.

J'approuve et nous décidons finalement de redescendre. Dans les escaliers, Edan à trouvé amusant de me décoiffer, j'ai alors ébouriffé ses cheveux à mon tour et c'est donc en rigolant tous les deux que nous arrivons dans le salon où Jude est calmement assis.
Il tourne la tête et nous regarde d'un air dégoûté. Jamais Jude ne m'a regardé de façon dégoûtée. Mon sourire quitte mon visage.
Edan m'entraîne dans la cuisine, loin de Jude.
Edan décide de faire une omelette, je ne sais pas si Jude va manger avec nous mais je dispose quand même trois assiettes sur la table. Je me demande où va manger Jude et où va manger Edan. Ma place à toujours été la même mais pendant qu'Edan était parti, Jude à toujours lange à sa place, en face de moi donc. Je positionne alors une assiette en face de moi et une autre à ma droite. Je les laisserai se démerder.

Quand l'omelette est prête, je vais prévenir Jude qui regarde la télé. Il pose les yeux sur moi et je n'y décèle rien, si ce n'est le même dégoût que tout a l'heure. Je ne pensais pas que ça faisait aussi mal d'être considéré comme un déchet par quelqu'un.

Finalement, c'est Jude qui se place à côté de moi et Edan est en face. Depuis que nous sommes revenus, Jude n'a presque rien dit. Il nous a juste fait sa remarque sur nos "preliminaires" en arrivant. Je tiens à préciser que cela ne ressemblais pas du tout à des preliminaires.

Le repas est silencieux et tendu. Je suppose que c'est l'atmosphère qu'il y aura pendant un long moment. Finalement, c'est peut-être mieux qu'ils se crachent à la gueule tous leurs repproches. Ça les libererait et peut-être que cela attenuerait l'ambiance électrique.

Peu après quatorze heure, je décide fermement d'aller voir Louise et Nhoa. A ma plus grande surprise, Edan reste avec Jude à la maison. Ils vont sûrement se parler. Enfin, j'espère.

Pendant le chemin, je tente de trouver les mots que je vais lui dire. Autant dire que je vais lâcher une énorme bombe quand je vais lui dire qu'Edan est revenu !
Je pense qu'elle sera tellement heureuse !
Lorsque j'arrive devant sa maison, je ne peux pas empêcher mon excitation augmenter. Je sais qu'une fois que je lui aurai dit, tour semblera plus réel pour moi.

Je sonne à la porte et Louise l'ouvre peu après.

- Aurore ! Vas-y entre !

Nous nous enlaçons puis je vais m'installer dans le canapé où elle me rejoint.
Nous échangeons des banalités et j'arrive rapidement au sujet.

- Ecoutes, je suis venue pour quelque chose de bien précis et franchement je ne peux pas m'arrêter de sauter de joie à cette idée.

Je ne retiens pas le sourire qui étire ma bouche. Louise me regarde d'un air interrogateur.

- Et bien je t'écoute, dit-elle en prenant mes mains.

- Edan est revenu.

Je vois son visage passer de l'étonnement à la joie la plus totale.

- Ah mais c'est génial ! Viens là que je te fasse un câlin !

Je rigole et j'obtempère.

- Oui c'est véritablement fantastique ! Dis-je à mon tour.

- J'y crois pas, lâche-t-elle. Mais il était où bon sang ?!

- C'est une histoire de dingue, vraiment. Et je ne sais pas encore quoi en penser, avoué-je.

Elle pince ses lèvres et se rapproche de moi.

- Je t'écoute, Aurore.

Je lui souris pour la remercier.
Elle est toujours là, à m'écouter. J'espère qu'elle sait que si elle a un problème je serai toujours là pour elle.
Je pense que rien ne peut nous séparer maintenant, c'est comme si nous étions liées.

Je relâche tous mes muscles et pour la première fois depuis longtemps, je me sens sereine et comblée. J'ai retrouvé l'homme que j'aime.
Elle ne semble pas énormément surprise quand elle entend que les Sauvages vivent par leur propre moyen en dehors de la ville.
Je lui raconte tout en détail, tout ce qu'il se passe dans ma tête en ce moment.
Quand je lui dis qu'Edan veut retourner avec les Sauvages, elle se crispe. Et retire une main de la mienne. Je ne comprends pas trop mais elle m'encourage à continuer.

- J'ai bien réfléchi Louise, et je ne peux pas continuer à vivre ici alors qu'Edan va retourner là-bas. Je ne veux plus jamais être séparée de lui ...

Elle hoche la tête avec un sourire triste.

- Je pense que je vais l'accompagner. Je n'ai pas envie de rester une seule seconde dans cette ville qui nous veut du mal.

J'avais déjà parlé à Louise de mon point de vue sur la ville et le gouvernement. Elle était restée très détachée tout en l'écoutant assidûment. Je réalise qu'elle n'a jamais établi un véritable jugement sur notre société. C'est vrai que tout lui a réussi, elle n'a aucune raison d'être en colère contre le gouvernement. Elle a des parents aimants, des frères et soeurs adorables et un partenaire génial.

- Mais je n'ai pas envie de partir sans toi Louise. Sans Nhoa non plus. Je veux que vous veniez.

Et là, sans prévenir, elle fond en larmes. Je remarque alors que sa main est posée sur le bas de son ventre et j'ai soudain peur de comprendre.
Je la serre dans mes bras, je lui dis que je l'aime et que je suis là pour elle. J'essaie de la soutenir mais je veux avant tout qu'elle me dise ce qu'il se passe.

Une fois qu'elle s'est calmée, elle me regarde de ses yeux rougis, pose la main sur sa ventre et me dit :

- Je suis enceinte Aurore.

Je fonds aussi en larmes.
Je comprends tout.
Je suis à la fois extrêmement heureuse pour elle mais cela veut aussi dire qu'elle ne va pas vouloir venir avec moi. Avec nous.
Je pleure dans ce qu'il semble être un mélange de tristesse et de joie incontrôlée.

- Félicitations Louise, tu mérites ça. Vraiment.

Nous sanglotons dans les bras l'une de l'autre.
Puis nous essayons de rependre nos esprits. Une fois que nous pouvons articuler quelques mots elle me dit.

- Ça va faire trois semaines, je ne t'ai rien dit car ce n'était pas sûr et que je ne voulais pas que ça me porte malchance. Mais ce matin je suis allée voir le médecin et il a confirmé ma grossesse.

Sa voix tremble, c'est magique de voir à quel point elle est heureuse. Elle rêvait d'une belle famille.

- C'est génial Louise, je suis extrêmement contente pour toi. Tu le mérites emplement.

Je la reprends dans mes bras, je ne veux pas affronter la réalité. Pas maintenant.

- Est-ce que Nhoa le sait ? Demandé-je.

Elle sourit puis bouge la tête de gauche à droite.

- Je compte lui annoncer ce soir.

Je souris et j'ose tendre la main vers son ventre. A vrai dire, ce n'est qu'un petit tas de cellules à l'heure actuelle, mais lorsque je pose ma main sur son ventre. On pourrait presque sentir que quelque chose s'y passe. C'est incroyable, c'est magique.

- Je suis tellement heureuse pour toi Louise !

Mes yeux s'embuent de nouveau mais je ne veux pas que de nouvelles larmes coulent. Alors j'avale la boule dans ma gorge et je souris. Je souris de toutes mes dents car même si cette révélation signifie que Louise ne pourra pas venir avec moi, elle est heureuse et cela me rend d'autant plus heureuse.
Edan est revenu.
Louise est enceinte.
Que demande le peuple ?

Nous continuons à parler pendant plusieurs heures. Ça fait une éternité que nous n'avons pas parlé de la sorte. J'arrive presque à oublier complètement la raison de ma venu, mais quand je lui dis au revoir en me dirigeant vers la sortie, je m'en souviens soudainement.
Je me retourne et je la regarde hésitante. Ses joues sont roses de plaisir et ses yeux sont pétillants, je ne veux pas gâcher la vie qui l'attend même si je suis sûre qu'elle serait mieux avec les Sauvages bien que je ne les connaisse pas.

- Alors, c'est non ? Je demande au bord des larmes.

Elle écarquille ses beaux yeux verts et me prend dans ses bras.
Sans relâcher son étreinte elle répond.

- Je ne vais pas venir avec toi Aurore. Je ne sais pas ce qu'il y a en dehors, je veux que ma grossesse se passe au mieux et je ne pense pas qu'il y a des médecins là-bas. Je ne peux pas me permettre de partir, c'est pour la santé de mon bébé. Ça me tue de te laisser partir mais j'espère que tu comprends.

Je m'écarte.

- Jamais je t'en voudrais Louise. Tu dois me croire. Bien évidemment je comprends et s'il te plaît, ne t'en veux pas. C'est moi qui pars. C'est moi que tu dois blâmer. Ne t'en veux pas je t'en prie.

D'autres petites larmes coulent sur mes joues, Louise aussi pleure de nouveau. Je la prends dans mes bras une dernière fois.

Sur le chemin du retour, mon moral est au plus bas. Jamais je n'envisageais laisser Louise derrière moi.
Ai-je vraiment besoin de partir finalement ?
Je suis sûre que nous pouvons avoir la même vie que celle de Louise et de Nhoa. Je suis sûre que si nous restons, nous ferons face aux problèmes et nous pourrons ainsi les combattre.

Mais d'un autre côté, je ne veux pas abandonner mes enfants dans un orphelinat.
Je ne veux pas changer de partenaire tous les deux ans.
Je ne veux pas vivre en tant que Génitrice.

Je ne veux pas quitter Edan mais je ne veux pas non plus quitter Louise.

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