2.
Voilà cinq jours que je suis rentrée à l'Orphelinat. Nous sommes le quinze Mai. Mon anniversaire était simple, en fait j'ai trop peu d'amis pour que je fasse une fête d'anniversaire à proprement parler. Je regarde ma chambre vide, j'ai décollé toutes les photos qui en tapissaient les murs. La photographie est ma passion, j'adore le côté réaliste d'une photo, sa réalité parfois dure. C'est le monde dans lequel on vit. Je ne suis pas inquiète pour Louise, je sais que tout va bien se passer pour elle et de toute façon ce n'est pas comme si j'étais prisonnière, je pourrai sortir de ma maison et venir ici autant que je veux. J'ai enfilé une robe de soie bleue et j'ai chaussé des chaussures beiges à talons. Je suis extrêmement stressée. La révélation des médecins m'a perturbé : si j'avais un partenaire idiot, ou qui ne me correspondait pas ?
Il faut aussi savoir que je n'ai pas côtoyé de garçons depuis très longtemps et les hormones sont passées par là. Je pense qu'il nous font attendre aussi longtemps pour augmenter le désir de chacun d'entre nous et maximiser les chances de copulations je dirais. Et il faut avouer que j'aimerais bien être en compagnie d'un beau garçon, c'est la personne avec qui je vais passer deux ans de ma vie, il faut quand même que je sois attirée par elle non ? Mon anxiété monte. J'attends dix heures, l'heure officielle de la cérémonie qui se passera dans la salle des fêtes de la ville, je dois y aller seule, c'est la loi. Mes cheveux blonds sont lâchés dans mon dos et ils m'arrivent à la moitié de celui-ci. Mes yeux gris sont maquillés de bleu de la même couleur que ma robe. C'est un bustier avec une ceinture au niveau de la taille, puis elle s'evase et elle m'arrive aux genoux. Je dis au revoir à ma chambre et à Louise ainsi qu'à Mme Desroliers.
- Au revoir Louise, lui dis-je les larmes aux yeux, tu m'oublies pas hein ?
Cette remarque la fait sourire.
- Comme si je pouvais t'oublier ... On va se revoir ne t'inquiète pas.
Nous nous embrassons pendant encore quelques minutes, puis je me dirige tremblante et hésitante vers la salle des fêtes. Mes jambes sont comme de la bouillie. Je ne sais pas du tout comment cela va se passer. Il me semble qu'ils appellent les filles qui viennent se mettre sur une estrade et chaque garçon viendra se poster à côté d'elle au fur et à mesure de l'appel.
J'arrive enfin.
J'entre et une femme me guide à l'intérieur où d'autres filles de mon âge attendent le début de la cérémonie. Il semble que je sois la dernière puisque l'on commence directement après mon arrivée.
- Mesdemoiselles veuillez vous placer sur l'estrade s'il vous plait, merci.
Je monte et on nous place dans l'ordre alphabétique. Je m'appelle Aurore, je suis donc la première. Mes mains sont moites tout va trop vite, je ne me rends pas compte, ça y est ce soir je vais dormir au côté d'un homme dont je ne connais rien, avec qui j'aurai des enfants, avec qui je devrai partager mon intimité. Et je realise soudain que je ne suis pas prête. Pas prête du tout. Je ferme les yeux et je tente de dompter mon cœur qui bat trop fort dans ma poitrine. Et cette robe qui est trop courte !
- Aurore et Edan ! Crie la voix.
J'ouvre les yeux et je distingue une silhouette qui se déplace vers moi. C'est un jeune homme aux cheveux châtains et aux yeux bleus, il a un nez droit et des pommettes fines, sa mâchoires est bien dessinée. Sa démarche est un peu hésitante mais son regard me fixe et tout semble tellement facile pour lui que je ne me sens pas à la hauteur. Je vacille et il me rattrape juste à temps, il pose une main sur ma taille et nous nous en allons. Puis tout s'enchaîne. La route passe vite et notre chauffeur nous emmène dans notre nouvelle maison, un petit pavillon très pittoresque que je trouve très joli. Le voyage se fait en silence et je fixe un point sur la route. Quelque fois je sens le regard d'Edan sur moi, comme s'il m'étudiait.
Je descends de la voiture et m'avance vers la porte. Edan l'ouvre et je rentre avec ma valise, je l'apporte à l'étage, dans ma chambre. Enfin dans notre chambre.
Personne ne parle et on se rejoint dans le salon. Je n'ose pas le regarder, ses yeux m'intimident. Enfin il s'approche sans me regarder et il dit.
- Une super vie nous attend.
C'est sarcastique et je me détourne pour ne plus le voir dans mon champ de vision. Il dit ça car il doit voir devant lui une fille pitoyable, moche et associale.
- Je suis Edan, je pense que tu l'as compris. Bonjour Aurore, je te trouve très jolie dans cette robe.
Sa voix est grave et elle laisse des échos dans toute la pièce, comme un chant. Je suis interloquée par son compliment. J'ai peur je ne sais pas ce qu'il peut me faire.
- Bonjour Edan, merci du compliment.
Je reste dos à lui mais je décide de me retourner, il s'est rapproché. Je n'ai jamais été aussi près d'un garçon, je rougis instantanément.
- Tu veux manger quelque chose ? Me demande-t-il.
- Non merci je n'ai pas faim.
Je lève les yeux vers lui, il ne me regarde pas non plus, j'ose alors m'attarder sur son visage, sur ses sourcils légèrement froncés et sur sa mâchoire serrée. Il doit voir que je le regarde alors il lève les yeux. Le bleu de ses iris est apaisant puis je détourne le regard et lui aussi. La tension ambiante se fait ressentir et je m'éloigne de cette électricité désagréable. Je décide de monter dans la chambre pour défaire ma valise. Nous avons chacun notre dressing, un à gauche du lit et l'autre à droite. Je décide de me mettre à gauche. La chambre est grande et décorée avec goûts. Le lit occupe la place centrale de la pièce, c'est un lit à baldaquins king-size. Il est très haut mais il m'a l'air très confortable. Je place mes affaires dans mon dressing et je découvre une coiffeuse. J'ai bien choisi mon côté on dirait. Une odeur de cuisine me parvient d'en bas. Edan à dû préparer quelque chose. Je ferme l'armoire qui sert de dressing et je met mes produits cosmétiques dans la coiffeuse qui se situe à côté. Lorsque j'ai terminé je me retourne et je suis surprise de voir qu'Edan est sur le pas de la porte, appuyé sur l'embrasure. Je recule un peu histoire de mettre de la distance entre lui et moi. Ses yeux fouillent la pièce, puis tombent sur le lit. Toujours impassible il reste longtemps à le regarder. Puis il me regarde enfin. Le silence plane quelques instants et il dit :
- J'ai fait une omelette si tu veux manger.
Il me sourit dévoilant ses dents blanches. Je baisse les yeux intimidée.
- Oui j'arrive ...
Je le regarde partir, ses muscles roulants sous son t-shirt. Je me rends compte que j'étais en apnée pendant tout ce temps alors je respire un grand coup et je vais dans la salle de bain par laquelle on accède par la chambre. Elle est très spacieuse, elle possède une douche italienne dans un coin et un grand bain dans l'autre en face. Sur le mur de droite se situent deux vasques ainsi qu'un grand miroir. Je vérifie qu'il y a un verrou sur la porte et je me crispe quand je vois qu'il n'y en a pas. Comment suis-je censée faire pour prendre ma douche ? D'autant plus qu'il n'y a pas de rideau pour me cacher. Je respire fort puis je décide de descendre manger.
Edan est assis à la table, il regarde dehors, ses sourcils légèrement froncés.
Je vais me servir dans une assiette et je me mets en diagonale de lui pour ne pas le déranger dans son observation. Ses cheveux ne sont pas aussi impeccables que ce matin car ils sont à présent ébouriffés. Il semble contrarié ou déçu je ne sais pas. Ou alors il est simplement pensif.
Je me racle la gorge et il pose son regard sur moi, son expression à disparue.
- C'est très bon.
- Merci, dit-il, je vois que tu t'es déjà installée dans la chambre.
Ses yeux ne m'ont pas lâché ce qui m'empêche de faire de même, nos yeux sont comme aimantés.
- Oui, je réponds.
- Tu as vu la salle de bain ? Il me demande.
C'en est trop, je rougis et baisse les yeux sur mon assiette. J'hoche la tête et je le vois sourire. Il doit trouver que je suis une fille idiote. Je relève la tête, je ne veux pas lui montrer qu'il est supérieur sinon je ne pourrai pas m'en sortir plus tard, je ne pourrai pas me défendre. Je le regarde sans vergogne. Ses yeux semblent surpris, puis leur bleu m'apaise et mon souffle irrégulier se calme. Je le vois ensuite me détailler, il baisse les yeux plus bas sur mon cou nu puis sur ma poitrine. J'avais oubliée que j'étais encore en robe. Je me lève brusquement gênée mais surtout en colère. Il a osé faire ça alors que je le regardais ! Je monte précipitamment dans la chambre et j'enfile un jean et un t-shirt. Je décide de rester pieds-nus. Quel con. Je redescends toujours en colère et quand je croise son regard il sourit légèrement. Je prends mon assiette encore pleine et je la balance dans la poubelle en disant :
- Elle est infâme ton omelette.
De toute façon, je n'avais pas faim.
Il garde son air amusé, ce qui m'énerve encore plus. Pour me détendre je vais chercher mon appareil photo, je vais dans le jardin et je prends en photo tout ce qui m'inspire.
Le soir arrive rapidement. J'ai passé ma journée dehors à prendre des photos et parfois je regardais vers la maison et je voyais qu'Edan était là, à me surveiller. Lorsque je décide de rentrer j'entends du bruit en haut et je monte les escaliers pour voir ce qu'il se passe. Edan est dans la chambre et il défait ses valises. Il est de dos, donc il ne peut pas me voir. Je reste à le regarder quelques minutes, puis il se rend compte de ma présence alors il me demande :
- Tu as pris de belles photos ?
Je tourne la tête.
- Ce n'est pas à moi de juger ...
- Je peux les voir ?
On se toise quelques instants et sa question paraît sincère alors je lui tend mon appareil. Il le prend sans toucher ma main et va s'asseoir sur le lit. Je le rejoins car je n'ai pas regardé mes photos non plus. Je m'assoie donc à côté de lui et je prends soin de ne pas le toucher, il positionne l'appareil de telle sorte que je puisse aussi voir mes photos. Il y en a de toutes sortes, j'ai pris la maison en photo mais aussi les fleurs qui l'entourent. J'ai pris aussi quelques oiseaux. Quand nous arrivons à la fin, Edan me dit :
- Tu as du talent, tu devrais essayer de les vendre.
Je reprends mon appareil en rigolant.
- Ce sont des photos amateurs, personne ne voudrait les acheter !
- Qu'est ce que tu en sais ? Je pourrai en acheter quelques unes.
Ce qu'il me dit me touche mais je suis toujours censée lui en vouloir alors je me lève et réponds :
- Je vais à la douche.
Je rassemble mes affaires, pose mon appareil sur ma table de chevet et je vais dans la salle de bain. Edan est toujours sur le lit. Je ferme la porte et je suis surprise de voir qu'il y a un verrou. Je rouvre la porte, je sourie et Edan me regarde en souriant aussi.
- Je l'ai installé pendant que tu étais dehors, me dit-il.
- Merci.
Je referme la porte, la verrouille et prends ma douche.
Après ma douche, c'est au tour d'Edan. Je descends au salon et regarde la télévision. Quand il descend il me dit :
- Je ne te propose pas d'omelette ?
Je rougis, c'était très puéril de ma part.
- Si je vais en prendre.
Je ne m'excuse pas car cela aurait voulu dire que je le pardonnais de m'avoir reluqué.
- Au fait, merci beaucoup pour le verrou ...
- Derien, mais tu sais que tu me l'as déjà dit ?
Il me regarde malicieusement et à cet instant je n'ai pas peur de lui du tout, il m'inspire la sécurité.
- Oui je sais mais ...
Il me coupe.
- Ne t'inquiète pas, c'est normal.
Nous finissons de manger en silence, mais face à face cette fois. La tension s'est atténuée et je me sens plus à l'aise. Nous finissons de manger et nous montons nous coucher. Je réalise seulement maintenant que nous allons dormir dans le même lit. Je regarde Edan, paniquée. Ses yeux sont déjà sur les miens et il semble me dire que tout va bien. Je reste très tendue. J'ai peur qu'il tente quelque chose, j'ai peur qu'il me force. J'ai peur.
Je me couche et je lui tourne le dos, la literie est très confortable.
- Bonne nuit, me dit Edan.
- Bonne nuit, je lui réponds.
Sauf que je ne peux pas dormir, je suis trop tendue. Je pense à Louise qui doit dormir paisiblement avec ses sœurs. Je reste couchée dans le lit jusqu'au moment où le jour commence à percer les volets.
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