12.

Nous courons presque à travers les rues qui nous mènent au gouvernement. Je ne sais pas à quoi ressemble le bâtiment, mais il se trouve en plein cœur de la ville. Je regarde de temps en temps Jude courir à côté de moi, je ne lui ai pas encore dit qu'Edan est mon partenaire, il pourrait mal le prendre et cela reveillerait les douleurs enfouies du passé.

- Tu sais où est le Gouvernement ? Demandé-je essoufflée.

- Non mais j'ai déjà vu le bâtiment, je saurai te dire si je le vois, me répond-il.

Il n'est pas essoufflé, je commence à remettre en cause mes soi-disant "aptitudes physiques élevées". Nous tournons dans une ruelle et un grand bâtiment s'étend devant nous. Jude s'arrête et je l'imite.

- C'est ça ?

- Oui, c'est ça. Tu veux qu'on fasse quoi au juste ?

Il est perplexe et le doute semble se dessiner sur ses traits durs mais reposants.

- Donne moi la main, on va se faire passer pour un couple qui veut se marier.
Je lui prends la main, mais à la place il me prend la taille et surprise par ce geste, je ne réagis pas.

- Mais on ne peut plus se marier de nos jours ! Dit-il abasourdi.

- Je sais, mais laisse moi parler.

Le fait que je contrôle semble le déranger, il m'arrête dans mon élan et me demande plus durement :

- Quel est ton plan Aurore ?

Je soupire, je ne pensais pas qu'il allait vouloir des explications aussi tôt, ce n'est pas pour rien qu'il était chef de bande étant petit ; il aime contrôler et tout savoir, ça se voit.

- Écoute, te mets pas en colère ok ?

Il fronce les sourcils et j'avoue qu'il est plutôt craquant, mais je chasse vite cette pensée pour me concentrer de nouveau sur Edan. Je reprends plus calmement :

- La semaine dernière, une équipe de médecins est venue nous voir mon partenaire et moi, ils voulaient que nous ayons des enfants rapidement. Mais nous n'étions pas d'accord, on s'est "rebellés" et on n'a pas respecté ce qu'ils nous ont dit. Hier matin je me suis disputée avec mon partenaire car il sentait que le gouvernement préparait quelque chose. Je ne l'ai pas crue et depuis je ne l'ai plus revu. Et ce soir quand je suis arrivée, tu étais là tout pimpant et tu m'as dit que tu étais mon nouveau partenaire. Alors là, on va au Gouvernement pour faire des recherches sur mon ancien partenaire ok ?

Il me regarde songeur, ses sourcils sont toujours froncés et en tant que bon chef de bande, il doit élaborer un plan. Il tourne la tête, quelque chose le gêne.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Je demande.

- Qui était ton ancien partenaire ?

Je devais m'en douter. Je baisse les yeux et ma réaction le met en alerte. Ses yeux bruns m'attaquent, si il considère qu'Edan n'en vaut pas la peine, il n'acceptera jamais de m'aider. Je relève la tête et ses yeux sont assassins, je me plonge dedans quelques secondes et comme si j'étais hypnotisée, je lui réponds :

- Edan.

Sa réaction est immédiate, il me tourne le dos et fait quelques pas puis il se retourne et son expression assassine l'a quittée. Il semble osciller entre deux parts de lui-même. Quelque chose me dit que leur séparation est beaucoup plus complexe que ce qu'Edan m'a fait entendre. Il prend une voix désolée mais ferme :

- Écoute Aurore, peu importe ce qu'Edan t'a dit, tu ne sais rien de ce qu'il s'est passé. Tu n'imagines pas à quel point que ce que tu me demande est compliqué à faire.

- Il n'y a rien de compliqué Jude ! Tu prends ma main et tu me laisse parler !

Il rigole, dévoilant ses fossettes, je baisse les yeux.

- Non c'est foutu Aurore, personne ne va te croire.

Son ton moqueur réveille une colère en moi.

- Pardon ? Tu arrives dans ma vie comme ça, et tu penses pouvoir contrôler ce que je vais faire ? Alors là, tu te fous vraiment de moi !

Son sourire ne s'efface pas et je comprends pourquoi Edan et Jude étaient amis, ils ont la même insolence, le même comportement un peu nonchalant. Ils sont presque pareil finalement. Je m'approche de lui et étant donné qu'il fait ma taille, je n'ai aucun mal à lui donner une merveilleuse baffe. Sa tête bascule vers ma gauche. Le bruit retentit sur les murs et le silence me paraît encore plus silencieux. Il lève doucement la tête et hausse ses sourcils, son sourire ne s'est pas effacé.

- J'aime bien quand tu te mets en colère.

C'est de la pur provocation et dans ses paroles résonnent elles d'Edan :"Je voulais juste voir l'étincelle de colère dans tes yeux". Je lève ma main une deuxième fois mais avant qu'elle n'atterrisse encore sur la joue de Jude, il m'attrape le poignet et me regarde d'un air de défi.

- Oh calme toi, c'est pas en me baffant que tu auras ce que tu voudras, tu sais, la violence ne résout rien.

C'est à mon tour de me retourner, en colère et terriblement frustrée. Le souvenir d'Edan m'envahit à chaque fois que je pose les yeux sur Jude. Leurs paroles sont tellement similaires, mais leur point commun est avant tout leur insolence et leur attitude provocatrice. Je respire un grand coup et je fais de nouveau face à Jude.

- J'ai bien compris que tu ne voulais pas m'aider ...

Il me coupe.

- Non tu te trompes complètement, toi je veux bien t'aider, par contre Edan devra se demerder tout seul.

Ses paroles finissent de me mettre en colère, la rage m'emporte et je cours pour rentrer à la maison. Je déteste son idiot d'ami ! Au du moins d'ancien ami. Il m'avait l'air sympa au premier abord, mais maintenant je ne vois qu'un con prétentieux ! J'arrive la première et je claque la porte derrière moi. Je me dirige dans la cuisine et j'entends la porte s'ouvrir, Jude me retrouve dans la cuisine aussi.

- C'est que tu cours vite gazelle, dit-il.

Je le fusille du regard mais lorsque mes yeux rencontrent ses orbes chocolats, je ne vois que de la gentillesse dans son regard. Son sourire et ses fossettes font apparaître en lui toute l'innocence d'un enfant et je prends pitié. Comme tout à l'heure je me surprends à être envoûtée et je me sens obligée de m'excuser.

- Excuse moi de t'avoir frappé tout à l'heure, mais t'es quand même qu'un sale con.

Je lui crache à la figure les deux derniers mots.

- Ça me va, toi tu es "gazelle" et moi je suis "sale con". Marché conclu.

Il se retourne et je suppose qu'il va prendre sa douche car je l'entends monter. Ses dernières paroles me font sourire contre mon gré : ça me plait aussi de l'appeler "sale con".

Le lendemain, je me réveille au côté de Jude qui lui, met un t-shirt pour dormir. Avec tous les événements qui se sont passés je décide que je vais aller chez Louise ce soir en compagnie de Jude. Je le réveille bruyamment.

- Aller sale con, faut se lever !

Il ouvre ses yeux fatigués.

- Salut gazelle, dit-il.

Il me sourit en dévoilant ses dents et ses jolies fossettes. Je continue :

- Ce soir tu viendras avec moi, on ira chez Louise, c'est une amie. Nous allons tout lui raconter.

Il se met assis dans le lit et je me lève, je l'attends dans l'encadrement de la porte.

- Allez ! On se dépêche, je travaille moi !

Il me regarde très étonné.

- Tu travailles ! Mais tu es folle ! Profite de ta vie gazelle !

Je roule les yeux et je descends dans la cuisine pour manger. Je prends comme d'habitude et Jude me rejoint. Il m'observe pendant que je mange et ses lèvres sont pincées.

- Tu penses à quelque chose ? Demandé-je.

- Tu vas pas aimer, c'est une question personnelle, dit-il.

Je ne dis rien mais je vois bien que tout compte fait, il va me la poser sa question.

- Finalement ma curiosité l'emporte. Je voulais savoir, vous vous aimiez avec Edan ?

Je suis assez surprise, je pensais qu'il allait me poser une question plus indiscrète.

- Oui bien sur ... et ça n'a pas changé, tu peux parler au présent.

- Il n'empêche qu'il n'est pas avec nous, ça veut bien dire quelque chose non ?

Je me crispe d'un coup. Je baisse la tête mais il n'a pas remarqué ce qu'a fait l'impact de sa remarque sur moi. Ma blessure s'est remise à saigner.

- Bon, j'y vais, dis-je encore un peu secouée, je reviens ce midi pour manger et ce soir on partira à dix-huit heures ok ?

- On verra si je serai prêt gazelle.

Je soupire, encore sa manie de tout contrôler. Je sors de la maison et je me dirige vers la boutique. Lorsque j'entre Lucille me demande si je vais bien et en guise de réponse je lui souris. Comme d'habitude je vais dans le bureau pour consulter le programme de la journée. Je remarque avec joie que ma prière s'est exaucée : je passe la journée à faire des photos pour une agence de mannequinat. Ce matin je reste dans le studio et cette après-midi nous allons dans le centre de la ville pour faire des photos en extérieur. Je saute de joie et je vais remercier Lucille.

- Merci beaucoup ! C'est génial !

- Derien Aurore, tu sais je vais bientôt arrêter mon activité et je comptais sur toi pour reprendre l'agence. Ne te réjoui pas trop vite, je ne vais pas partir maintenant, mais je voyais bien que tu manquais d'enthousiasme ces derniers temps, je suis heureuse que cela te fasse plaisir.

Je la serre dans mes bras et je la remercie encore pour ce beau cadeau qu'elle me fait.

Le shooting de ce matin se passe à merveille. La mannequin est magnifique, elle a de longs cheveux blonds et des yeux bleus avec une multitude de nuances. Elle pose très bien et elle rend très bien sur les photos, je n'aurai presque pas besoin de les retoucher.
Le midi, je rentre à la maison et Jude est dans le jardin, il est absorbé dans l'admiration d'un papillon.

- Tu as fait à manger ? Je demande.

Il sursaute et enlève ses lunettes de soleil pour me regarder.

- Non, dit-il en souriant.

Je souffle bruyamment et je vais dans la cuisine. Je sors des pâtes et je commence à les faire cuire, pendant ce temps je prépare la sauce carbonara. Jude me regarde.

- C'était bien ce matin ? Au fait, tu travailles où ? Me demande-t-il.

- Je travaille dans une agence de photographie, répondis-je, et ce matin j'ai fait un shooting avec une mannequin, c'était vraiment bien.

Je nous sers et je pose les assiettes sur la table, pendant que je fais ça, Jude ne me quitte pas du regard. Je m'assoie à table et il se met en face de moi, je relève la tête et je croise ses yeux bruns. J'étais tellement habitué de voir les orbites bleus me fixer à cette place que je reste bloquée. Je baisse finalement la tête et je commence à manger toujours sous le regard de Jude.

- Bon, qu'est-ce qu'il y a Jude ? Pourquoi tu me regardes ?

Il sourit et ses fossettes me font craquer, je me surprends à rougir. J'ai pas le droit bordel !

- Tu es née quand ? Me demande-t-il soudain.

Je lève les yeux, assez surprise.

- Le treize Juin et toi ?

- Le quatorze Août, je suis plus jeune que toi gazelle !

Il sourit et je ne peux pas m'empêcher de rire. Il faut que je m'en souvienne, si je ne me trompe pas, c'est dans deux semaines.

- C'est quoi ta couleur préférée ?

Je réfléchis à sa question.

- Je n'ai pas de couleur préférée, mais j'aime bien le bleu, répondis-je en pensant aux yeux d'Edan.

Jude semble lire dans mes pensées parce qu'il dit :

- Oui, toi tu es vraiment amoureuse.

Il secoue la tête et sourit tristement.

- Et toi, je demande.

- J'aime bien le gris.

Il sourit et ses yeux s'emplissent d'une lumière étincelante. Je rigole pour cacher ma gêne.

- Non réellement Jude ?

- Mais c'est la vérité ! Tu demanderas à Edan si tu veux, je ne mens pas.

Je le regarde de façon soupçonneuse. Nous terminons de manger dans quelques éclats de rire et je repars pour le travail. Le shooting dans la ville se passe tout aussi bien et j'apprends que la mannequin s'appelle Sophia. Je tiens un coup pour Jude. Je rentre tranquillement le soir, demain nous sommes samedi, je ne sais pas ce que je vais faire de mon week-end avec Jude. Il est très drôle et je commence à comprendre pourquoi Edan et lui étaient amis. Je suis très curieuse à son égard, j'aimerais en savoir plus sur son enfance, ses goûts et ses centres d'intérêts.
J'arrive à la maison à dix-sept heures trente car j'avais décidé de prendre mon temps. Je passe la porte et je trouve Jude au même endroit que ce midi.

- Qu'est-ce que tu fais de tes journées ? Demandé-je un peu scandalisée.

- Tout un tas de choses Aurore, mais tu arrives juste aux mauvais moments.

Il se lève et rigole doucement entraînant mon rire avec lui.

- Tu sais, j'aime bien quand tu es en colère, mais j'aime aussi beaucoup quand tu rigoles.

Son honnêteté me déstabilise et je rougis immédiatement, je suppose que c'est parce que je ne sais pas comment réagir aux compliments.

- Tu m'avais dit dix-huit heures c'est ça ? Demande Jude.

J'hoche la tête et il est obligé de me regarder pour en avoir la confirmation.

- Oh je te trouble par ma franchise ?

Je soupire et je roule mes yeux. Je le dépasse mais il me sourit, les sourcils haussés.

Louise nous ouvre la porte et à peine nous a-t-elle vu qu'elle me regarde abasourdie.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?!

J'entre, Jude sur mes pas. Elle nous laisse nous asseoir sur le canapé du salon.

- Nhoa n'est pas là, je demande pour détendre l'atmosphère.

- Non il travaille, et Edan ?! Tu l'as déjà oublié ? Après ce que vous m'avez dit samedi dernier ?

- Louise calme toi, je ne trompe pas Edan, tout va bien.

Jude me regarde avec un sourcils haussé, je l'ignore et je me lance dans l'explication de la situation. Tout long de l'histoire, Louise émet des sons particuliers ce qui fait sourire Jude à plusieurs reprises.
Nous repartons une heure après et nous rentrons nous coucher.
Une nuit de plus sans Edan. Sa disparition m'inquiète de plus en plus. Louise m'a dit que le gouvernement avait peut-être voulu le faire taire car il avait peut-être découvert quelque chose. Mais cette idée m'angoisse encore plus. Alors je comprends le désire d'Edan de savoir ce qui est advenu de sa mère. Ce soir là je ne m'endors que tard dans la nuit.

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