1.

La lumière qui filtre à travers mes rideaux réchauffe mon visage encore somnolant. J'y suis. Mon anniversaire est dans cinq jours, le treize Mai, et je vais bientôt me voir assigner un partenaire avec qui je vivrai.

- Aurore ? Dit une voix. Aurore c'est Louise, réveille toi.

Je me retourne lorsque j'entends le prénom de Louise.

- Mmmh ...

- Aurore, je voulais te voir avant que tu partes pour les tests, j'espère que tu as bien dormi.

J'ouvre mes yeux lentement, me glisse dans mes chaussons et je commence à me préparer en enfilant un jean et un t-shirt.

- C'est gentil Louise, dis-je attendrie par son attention.

Je l'embrasse et la serre dans mes bras, c'est notre façon de nous dire "bonjour" et "je t'aime" en même temps. Louise est ma meilleure amie depuis que j'ai sept ans environ. Elle a un mois de moins que moi, elle est née le vingt-deux Juin.

- Tu as réussi à échapper à tes sœurs à ce que je vois, lui dis-je dans un sourire alors que nous sortons pour aller manger.

- Oui ! Ça n'a pas été sans repos. Mais tu ne dois pas partir directement ? Sans manger ?

- Je ne sais pas, je pense que Mme Desroliers viendra me chercher si elle voit que je fais quelque chose de mal, je lui réponds en lui faisant un clin d'oeil.

- Sûrement, s'exclame-t-elle, tu sais en quoi consistent les tests ?

Je me contente de bouger la tête de gauche à droite, je sais que les tests sont là pour trouver un profil masculin qui nous permettra de faire de "beaux et intelligents enfants". C'est ce que dit Mme Desroliers du moins. Je pense que cela consiste à nous faire passer des tests de QI et des tests génétiques pour éviter les éventuelles maladies génétiques pour les futurs nourrissons. Ils doivent aussi faire des simulations avec d'autres garçons pour s'imaginer à quoi pourraient ressembler les hypothétiques futurs enfants. Tout ça dans le but d'accroître la population humaine.
En effet il y a plus de cent ans, nos ancêtres ont subi une énorme pandémie qui a tué plus de dix milliards d'habitants et il reste moins d'un milliard d'humain sur la surface du globe en ce moment. Les états se sont rassemblés et ils ont inventés un nouveau système pour repeupler la terre : entre dix-huit et quarante ans les hommes et les femmes devront habiter avec un partenaire pendant deux ans dans le but de procréer et tous les deux ans, on change de partenaire. Après quarante ans on ne peut plus avoir d'enfants, on subit une opération qui nous enlève ce droit car ce serait trop dangereux : on pourrait mettre au monde des enfant malformés ou malades qui ne survivraient pas. Ce serait une perte de temps.

- Et oh tu m'écoutes ?!

- Pardon Louise mais je ne suis pas tout à fait réveillée encore ...

- Pas grave, je disais juste que tu ne devrais pas te faire trop de soucis car avec le physique que tu as et ton intelligence, tu devrais avoir la crème des beaux mecs.

Elle me fait un clin d'oeil et nous explosons de rire toutes les deux, nous nous attirons ainsi les regards des autres filles de l'Orphelinat. Dès notre naissance, nous sommes placés dans un orphelinat pour que notre mère puisse s'occuper d'elle et reprendre des forces plus rapidement pour ainsi avoir un autre enfant le plus rapidement possible.

- Aurore je te cherchais !

Mme Desroliers s'avance vers moi puis reprend :

- Je dois t'accompagner jusqu'aux laboratoires pour tes tests tu le savais oui ?

- Oui je le savais madame, inutile de vous inquiétez.

- C'est une bonne chose, tu reverras Louise ce soir d'accord ? Ne t'inquiète pas, les tests ne sont pas une torture.

Elle affiche une mine triste mais l'étincelle dans ses yeux ne s'en va pas. Elle ne s'en va jamais.
Je dis au revoir à Louise et je retrouve Mme Desroliers dans le hall d'entrée de l'Orphelinat. Les laboratoires se trouvent entre le quartier des filles et le quartier des gars, ces deux quartiers sont séparés par une grande barrière que personne n'a jamais franchi car elle est trop sécurisée.
Nous arrivons au laboratoire et Mme Desroliers me laisse seule avec une infirmière qui va s'occuper de moi aujourd'hui. Elle m'explique le programme de la journée :

- Ce matin tu vas passer le test d'aptitudes physiques et cet après-midi ce sera le test d'aptitudes intellectuelles. Il est inutile de s'inquiéter tout va bien se passer.

Son sourire m'apaise, deux fossettes se creusent dans ses joues lorsqu'elle dévoile ses dents bien blanches et alignées, elle est très jolie. Elle reprend :

- Demain on effectuera les tests ADN et on fera des simulations et après demain nous confirmerons nos résultats par un test général. Il faudra que tu dormes bien car cela risque d'être éprouvant pour toi d'accord ?

Je hoche la tête en signe d'approbation, mon cœur commence à s'accélérer et je sens les premiers symptômes de l'anxiété. Tous les quinze du mois c'est l'attribution : un homme rejoint une femme dans un foyer, c'est donc dans sept jours.
Sandre, mon infirmière, m'accompagne dans une salle où se situe seulement un lit semblable au mien, je m'assoie et elle me fait une piqûre dans le bras.

- C'est fait pour stimuler la réactivité de tes muscles sans pour autant les renforcer.
Puis elle me demande de m'allonger ensuite elle me met un masque dans lequel je respire un gaz.

- Tu vas t'endormir profondément. Tu sera comme dans ton sommeil, tu ne te rendras compte de rien mais ton cerveau sera toujours capable de contrôler tes muscles. À tout à l'heure ma belle.

Quand je me réveille, mes muscles sont endorlis je sens de grosses courbatures arriver. Je suis dans une pièce qui possède une grande baie ouverte sur un superbe jardin. Ma chambre est toute blanche. Je distingue un interphone à côté de mon lit et j'appuie dessus.

- Tu es réveillée Aurore ? Me demande une voix de femme.

- Oui, dis-je doucement.

- Ne t'inquiète pas, tout s'est très bien passé, tu as réussi les épreuves avec brio, repose toi, je t'emmène ton repas.

- Depuis combien de temps suis-je endormie ? Je demande curieuse.

- Cela fait trois heures il est midi.

- D'accord.

Je raccroche l'interphone et quelques secondes plus tard, Sandre arrive dans ma chambre avec mon plateau repas.

- Comment te sens-tu ?

- Bien, mentis-je.

- Mange ça te fera du bien. Tu vas rester ici pour le test d'intelligence, il va se dérouler comme le précédent, tu seras endormie mais tu te retrouveras comme dans un rêve et tu ne te souviendras plus de rien à ton réveil.

J'opine de la tête et je commence mon repas.

Lorsque je me réveille après le test d'intelligence, je suis prise d'un énorme mal de crâne. Je suis exténuée et j'ai envie de voir Louise. Les tests sont très désagréables car je ne me souviens de rien et que j'ai aussi l'impression d'avoir été manipulée, un sentiment atroce. Je suis en chemise de nuit d'hôpital ce qui veut dire que l'on m'a déshabillée, je rougis à cette pensée. J'appelle de nouveau à l'interphone pour appeler Sandre mais elle ne répond pas. J'attends quelques minutes et je la vois entrer dans ma chambre.

- Tout s'est très bien passé.

Ses paroles me semblent absolument fausses et sous mon regard interloqué elle précise :

- Nous avons découverts de par tes tests que tu as d'énormes aptitudes physiques et intellectuelles, tu es un sujet fascinant.

Le fait qu'elle parle de moi comme un sujet me déplaît, j'ai envie de la baffer.

- Nous espérons pouvoir te trouver un partenaire à la hauteur. Tu devras rester ici cette nuit et la nuit prochaine, tous ces tests sont très éprouvants, passe une bonne nuit.

Sur ces paroles elle s'éclipse. Je n'aurai même pas le droit de manger ? Ce n'est pas grave, je n'ai pas faim finalement.
Il est vingt-deux heures et Louise n'est pas venue. Je ne lui en veux pas bien sûr elle a des sœurs sur qui elle doit veiller et Mme Desroliers à dû lui expliquer la situation. Personne d'autre ne m'attend, ni sœurs, ni frères. Ma mère est morte en accouchant de moi suite à des complications durant sa grossesse : elle était battue par son partenaire. Elle avait dix-neuf ans, un an de plus que moi. Du coup je n'ai ni sœurs ni frères. Je suis fille unique et c'est extrêmement rare de nos jours. J'ai appris cette nouvelle pendant l'année des mes 15 ans où on nous dévoile tous nos secrets pour que l'on n'ait plus rien à découvrir de nous et pour qu'à 18 ans, nous soyons bien dans notre peau pour faire de "beaux et intelligents enfants".
C'est toujours la même rengaine partout : les enfants. Je suis consciente de la situation de l'humanité et je sais que pour survivre, il faut faire une descendance variée et je ne suis pas contre le système car je n'ai rien connu d'autre. De plus, on nous enseigne très peu de choses datant d'avant la pandémie. Mais je ne trouve pas cela juste. Ma mère est morte à cause de cela et je n'ai donc jamais connu mes parents biologiques. Je ne veux pas connaître mon père car en battant ma mère il a causé sa mort, mais j'aurais voulue connaître ma mère. J'aurai voulue savoir d'où viennent mes cheveux blonds et mes yeux gris, d'où vient mon grand cou et mes longues jambes. J'aime à penser que je tiens cela de ma mère, je voudrais lui ressembler pour perpétuer son souvenir un peu plus.

Je me réveille le lendemain en pleine forme, le matelas est très confortable. On m'apporte mon petit déjeuner et on prélève ma salive dans un coton tige. Je réclame des livres et mon infirmière m'en apporte sans sourciller. Je dois rester allongée pour aujourd'hui.
J'aime lire, cela constitue une évasion pour moi, un moyen de sortir de ma vie un peu minable pour me retrouver projetée dans des mondes fous et incroyables.
Après le déjeuner, vers quatorze heures, mon infirmière et une équipe de médecins entre dans ma chambre.

- Bonjours Aurore, dis l'un d'entre eux, j'espère que tu vas bien. Je suis le Professeur Loura et voici le Professeur Rose et le Professeur Suofer (il désigne une petite femme avec des lunettes et le regard dur puis un grand homme brun aux grands yeux).

- Bonjour, dis-je intimidée.

- Les résultats de tes tests sont plus que satisfaisants, me dit la petite dame, et nous sommes heureux de voir que nous pouvons réunir deux êtres capables de donner naissances à des enfants intelligents et robustes comme toi, cela prouve que le système marche. Tu possèdes une intelligence extraordinaire qui te permet de réagir très vite dans différentes situations. Mais tu as aussi d'incroyables capacités physiques.

Je ne sais pas comment réagir, je suis sous le choc. Dois-je être heureuse ? Malheureuse ? Je n'ai jamais trouvé que j'étais particulièrement intelligente ou même forte.

- Tu pourras sortir d'ici dans une heure minimum, nous t'epargnons les tests généraux de demain ; tu as besoin de repos.

- Merci.

Ma voix est enrouée et chevrotante.
Le premier qui a parlé reprend :

- Bon courage pour la suite, nous espérons vous trouver un profil qui vous correspond le mieux. Au revoir et à bientôt.

Sur cette entrevue, ils s'en vont tous.
Plus tard j'entends la porte s'ouvrir et Mme Desroliers entre en me tendant des affaires et en me disant que nous pouvons rentrer. Je quitte le laboratoire et la suis jusqu'à l'Orphelinat.
La nouvelle des médecins me perturbe, je ne suis pas censée avoir peur, car ils avaient l'air ravis de m'annoncer cette nouvelle, mais je doute que cela me soit bénéfique sur le long terme.
Lorsque j'arrive dans ma chambre, Louise m'attend, assise sur mon lit, je me mets en pyjama et je lui raconte mon petit séjour sans elle.

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