PREFACE
Une biographie est une histoire sur la vie d'une personne relatée dans un récit. Mais, dès l'instant où le récit se fait à la première personne du singulier, la biographie devient autobiographique.
Coincé entre le désir d'écrire une biographie et la nécessité de produire un récit à la première personne du singulier ; j'ai finalement écris une biographie à la première personne du singulier – une autobiographie sur une personne différente de moi. Si cela vous parait confus et étrange, écoutez ceci :
J'ai passé plus de deux ans à tenter de comprendre mon personnage...
Il y a quelque jour, en fouillant mon grenier, je suis tombé sur un cahier datant de 2015. Et à ma grande surprise, j'ai trouvé à l'intérieur de ce cahier, entre des dessins et des calcules arithmétiques, une dizaine de pages écrites au crayon à papier ; les prémisses de mon roman.
Je me rectifie : J'ai passé plus de quatre ans à tenter de comprendre mon personnage.
Trouver les documents sur lui ne fut pas une tâche ardue. J'ai consulté tant d'archives ; j'ai regardé tant de reportages, de ciné-fictions et de films. Et que dire du nombre d'écrits sur lui ? J'ai lu tant de biographies, qu'envisager d'écrire à mon tour une énième biographie aurait été stérile. Mais le désir ardent d'écrire cette biographie était plus fort que tous.
Le biographe, pour écrire son récit, doit récolter des informations sur son sujet ; ainsi le plus gros de son travail se trouve dans la recherche. Il doit relater des faits en y associant des dates ; mais il lui faut toujours vérifier ses sources car le pire qui puisse lui arriver serait qu'il y ait une contre vérité dans ses mots.
Celui qui écrit sa biographie doit surtout se concentrer sur la rédaction ; comment amener les choses est sa principale préoccupation. En générale, il connait son histoire et n'a nul besoin de faire de grandes recherches. Il peut lui arriver, afin d'étoffer son récit, de recueillir des anecdotes d'enfances auprès d'une tante ou d'une grand-mère. Il peut aussi questionner son entourage dans le but d'avoir leur ressentit.
Pour moi l'autobiographe écrit sur lui et le biographe se contente de recueillir des informations.
Sans négliger leur travail qui est nécessaire et dans la plus part des cas rigoureux je pense notamment à ... ; mon travail était différent. Il y a des biographes qui accomplissent un travail formidable tant dans la qualité rédactionnelle que dans la somme de témoignages pertinents qu'ils ont pu assembler.
Mais, mon travail était tout autre.
Pour écrire ce livre j'ai dû m'approprier la notion d'autobiographie. Au péril de l'erreur j'ai voulus faire autrement.
La première étape a consisté comme chez le biographe en une cueillette. Au lieu des champs et des jardins, je me promenais à travers les étagères des bibliothèques – cueillant les ouvrages qui m'intéressaient. Il m'arrivait de m'allonger au sol, juste à coté des étagères, un livre à la main ; au lieu de l'herbe humide, c'était le parquet dur de la bibliothèque qui supportait mon poids. Il me fallait comprendre mon personnage ; un personnage qui n'était pas que le fruit de mon imagination mais aussi un personnage historique. Ainsi le souci du détail, la volonté de connaitre son histoire et son parcours nourrissaient un seul véritable but chez moi – d'abord caché, ignoré et surtout renié, il finit par me revenir à la face.
Plus j'absorbais son histoire et plus elle devenais mienne. Pendant ces années de recherches discontinues, j'ai redécouverts mon personnage, de nouveaux traits de sa personnalité me sont apparus ; je connaissais déjà plus ou moins son histoire, mais, encore une fois, la collecte d'information est une étape ardue qui peut conduire, durant le croisement de donnés à l'émergence d'une nouvelle grille de lecture. La seconde étape arriva sans que je ne m'en rende compte.
Je me mis à écrire un premier jet de la biographie, et à la lecture de ce dernier je me rendus compte que la narration était faite à la première personne du singulier. Il m'a fallut quelque mois pour le remarquer.
Il ne s'agit donc ni vraiment d'une autobiographie, ni vraiment d'une biographie. Il s'agit d'autre chose.
L'espace d'une centaine de pages, je me suis mis dans la peau de mon personnage.
Lorsque j'ai commencé ce roman j'avais 22 ans, aujourd'hui, j'en ai 25. J'ai énormément changé, ma vision du monde a elle aussi évolué. Je pense avoir gagné en maturité. Je suis au moins sure que mes écrits ont gagné en maturité. Je constate maintenant que durant ce laps de temps, ma vie a complétement changé. En écrivant ce roman, des questions me sont apparus – mon personnage m'a permis de répondre à certaines d'entre elles.
Je n'ai pas vu le temps passé ; parfois j'avais l'impression d'avoir commencé à écrire il y a peu, et d'autre fois il me semblait avoir écrit le premier mot il y a dix ans.
Au moment où j'écris cette préface, j'ai déjà mis un point final à mon récit. Ceci est mon premier roman et jamais je n'aurais imaginé qu'il me demanderait autant d'énergie et de temps. Ce fut surtout pour moi une longue séance d'introspection – j'ai appris autant sur moi que sur mon personnage ; et quelque fois je nous trouvais même des points communs. Je l'ai aussi vu comme un long tunnel mal éclairé dont j'ignorais tous ; ni sa longueur, ni sa géographie, ni ce qui s'y trouvait. Mon champ de vision ne dépassait jamais quelques mètres – chaque pas était incertain, il me fallait lui faire confiance et accepter d'avancer vers l'inconnu. Ce fut aussi un moment de philosophie, de nombreuses fois je me suis vu cogiter avec mon personnage sur l'Homme.
Si j'écris cette préface ce n'est pas tant pour expliquer la genèse du roman mais pour expliciter les changements qu'il a opéré en moi. S'il y a bien une chose dont je sois sure, c'est que je ne suis plus le même homme aujourd'hui.
Des changements idéologiques se sont fait, certains étaient plutôt des confirmations. Il y eu des changements dans ma vie quotidienne dont je m'efforçais de croire en vain qu'ils n'avaient aucun lien avec l'écriture de mon roman. J'étais tellement dans mon histoire que la frontière avec la réalité devenait de plus en plus floue. Je ne faisais qu'un avec mon personnage ; pris de peur je m'écartais de mon roman pendant des mois. J'alternais entre le dégout et l'excitation. J'écrivais pendant quelques mois à en devenir quelqu'un d'autre, puis, en me rendant compte que je n'étais plus moi-même, je devais m'en écarter. J'eu une relation très spéciale avec mon roman – parfois malsaine mais des milliers de fois enrichissante.
Pendant ces années, j'ai eu mon premier appartement ; c'était très étrange – moi qui me vois toujours comme un enfant. Mon rapport avec l'alimentation et la nourriture a complètement été bouleversé – j'ai retiré toute source de viande animal de mon plat ; avec le jeune intermittent, ma façon d'interagir avec la société a changé, j'appris à prendre soin de mon estomac et j'ai réalisé à quel point nous mangeons plus que nécessaire. Tous ces changements s'ils ne vous paraissent pas conséquents, l'ont été pour moi ; si bien que j'ai décidé de vous en parler. De nature discrète, je suis de ceux qui préfèrent écouter que parler – je suis de ceux qui perçoivent dans le silence une musicalité.
Dans ce livre je me suis mis à nu – paradoxalement, sans parler directement de moi, c'est aussi mon intimité que je vous dévoile. Parce qu'il m'est impossible d'écrire sur un sujet dont j'aurais aucune affinité. Je suis incapable d'imaginer un personnage totalement différent de moi ; en cela, je ne suis peut-être pas un bon écrivain. Ce n'est pas grave c'est une caractéristique que j'assume complètement.
A la toute fin du livre, juste avant que je ne mette le point final, est survenu le plus gros changement de ma vie. Ce changement est survenu durant un cours à l'université ; c'était un cours d'ethnologie. Ce bouleversement je le dois à ma professeure.
Pour enseigner, le professeur dispose d'une large palette de documents qui traitent de sa discipline et il dispose surtout de ses années d'expériences. Ceci est sa matière première ; à lui ensuite de la modeler pour la rendre audible et séduisante à son auditoire. Ce n'est pas chose facile. Bon nombre de spécialistes, malgré la quantité fantastique d'informations qu'ils ont emmagasiné au cour de leur vie, malgré les années d'activités qui ont fait d'eux des experts dans leur domaine, ils ne parviennent pas à transmettre leur passion.
Ce n'était pas le cas de ma professeure. Je suis tombé amoureux d'une discipline qui de nom m'était étrangère mais dont les modalités m'ont tout de suite été familières. Petit, je regardais des documentaires historiques ; c'était une activité infiniment jouissante – je dévorais chaque bouquin, chaque catalogue et chaque revue qui parlait de l'histoire. J'ai toujours aimé m'imaginer comment vivaient les Hommes d'avant. Et j'avais un intérêt tout particulier pour la Préhistoire et l'Archéologie. Les images que je voyais des anciens Hommes, ceux qui chassaient le mammouth et vivaient dans les grottes me faisaient très peur. J'ai fais de nombreux cauchemars sur ces Hommes tous poilus qui ressemblaient à des singes. J'en avais une peur phobique et pourtant, caché devant mon téléviseur, je n'ai jamais cessé de les observer. Curieux et intrigué cette partie de l'histoire, me travaille depuis que j'ai 8 ans. Aujourd'hui encore ces Hommes me font peur.
J'ai passé plus de la moitié de ma vie à écrire. Vous aurez donc compris la place qu'occupe l'écriture dans ma vie. Il ne se passe pas un jour sans que le besoin impulsif de coucher des mots sur un papier se manifeste.
L'Ethnographie est l'étude descriptive des activités d'un groupe humain déterminé (techniques matérielles, organisation sociale, croyances religieuses, mode de transmission des instruments de travail, d'exploitation du sol, structures de la parenté). Elle consiste principalement en une observation rigoureuse des activités d'un groupe humain localisé tout en recueillant ces observations par écrit.
En écrivant de manière quotidienne sur le monde qui m'entoure, je faisais de l'ethnographie sans le savoir.
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été fasciné par l'Homme. Je voulais comprendre sa genèse, comprendre comment il fonctionnait, qu'est ce qui le sépare des animaux ? Je voulais savoir d'où il venait et vers où se dirigeait-il. Comment les sociétés ont-ils émergé ? Je cherchais une explication au fait que nous croyons tous en des choses invisibles sans toutefois être irrationnels. Tous cela m'inspiraient et nourrissaient mes écrits, je me voyais spéculer et philosopher sur la complexité de l'Homme.
L'anthropologie est une science, située à l'articulation entre les différentes sciences humaines et naturelles, qui étudie l'être humain sous tous ses aspects, à la fois physiques (anatomiques, biologiques, morphologiques, physiologiques, évolutifs, etc.) et culturels (social, religieux, psychologiques, géographiques, etc.). Enfin je pouvais donner un nom à ce que je voulais faire. Cette discipline regroupait tous mes centres d'intérêts, elle englobait toutes les questions qui ont toujours animés mon esprit.
Voila ce que m'a apporté ma professeure : un métier.
Je vais maintenant m'adresser à vous madame.
C'est avec la balance la plus sensible que je pèse mes mots ; le moment le plus important de ma vie fut le jour où j'ai ouvert la porte de votre cours pour la première fois.
Parce que vous m'avez transmise votre passion ; mon chemin professionnel s'est révélé à moi. Parce qu'il existe dans ce monde des hommes et des femmes dont la vocation est de transmettre leur passion et que vous faite partie de ceux-là. Parce que, finalement la joie d'avoir enfin trouvé ma voie, rend tellement dérisoires mes années sombres.
Parce que je suis de nature pudique et peu démonstrative, je suis de ceux qui écrivent à défaut de parler.
Parce que je suis incapable d'exprimer ma gratitude autrement que par écrit.
Parce que vous êtes, vous Raphaëlle ; parce que j'ai eu la chance de croiser votre route, malgré les embouteillages de la vie.
Je vous dis merci – ce livre vous est dédié.
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