Partie 2

De 1904 à 1915, c'est joué l'avenir du monde, ou devrais-je plutôt dire l'émergence d'un nouveau monde. J'ai construit un monde différent, je ne l'ai pas inventé, il existait déjà. Je l'ai seulement découvert. Au fil, des calculs s'est dessiné une nouvelle architecture de l'univers singulière et magnifique. Il me fallait démolir, casser les idées que l'on se faisait du monde, puis avec les gravas, construit un monde nouveau.

Lorsqu'un homme tombe dans le vide, il ne sent plus son poids, tout se passe comme s'il n'avait plus de poids. Depuis Galilée, on sait que tous les corps tombent à la même vitesse, ainsi, on peut extrapoler en affirmant que tous corps, pendant une chute, perd son poids.

Pour la petite histoire, le jeune homme défenestré était âgé de 23 ans et avait fait les gros titres des journaux, car il avait survécu à sa chute. Je dois avouer qu'à plusieurs reprises, j'ai pensé le rencontrer. Mais il apparaissait impossible qu'il puisse satisfaire mes questionnements ; comment le pouvait-il ? Ce gamin avait sans doute eu la peur de sa vie.

Prenons deux corps, un homme et un parapluie, et balançons-les du haut d'une tour. Oui, c'est aussi ça la science, la prise de risque et le sacrifice ; tant pis pour le parapluie. Oublions les frottements de l'air et mettons qu'il n'y a plus d'air ; tant pis pour l'homme. Ils tombent en même temps et à la même vitesse ; tous les deux toucheront le sol en même temps. Ça, nous le savons depuis le seizième siècle – mais ce que Galilée et Newton ne savaient pas, c'est le pourquoi. Pourquoi les objets, malgré leur différence de poids, tombent en même temps ? Comment expliquer qu'une plume, face à la chute, réagit de la même façon qu'un tronc d'arbre ? Si Newton a apporté un élément de réponse avec la mise en évidence d'une force dite gravitationnelle, le mystère reste entier. D'où vient cette force invisible et insaisissable, pourtant omniprésente autour de nous ? Comment agit-elle ?

Reprenons l'exemple de l'homme et du parapluie et tentons de pousser le raisonnement. L'homme tombe en même temps que le parapluie et inversement ; donc l'homme voyant le parapluie tomber avec lui remarque une chose étrange : le parapluie ne tombe pas ! En réalité, il serait plus juste de dire que le parapluie ne tombe pas par rapport à l'homme ; ce qui est finalement logique – ils subissent tous les deux la même chute alors l'un par rapport à l'autre ils se voient comme statiques. Pour l'homme, le parapluie ne tombe pas, il lévite devant lui. Pour le parapluie, l'homme ne tombe pas, il flotte. Tout cela n'est qu'un prolongement des idées de Galilée ; je n'invente rien, j'interprète et je déduis. Je pense sincèrement qu'il avait déjà compris tous cela, mais, pour des raisons que j'ignore, il n'a pas poussé l'idée jusqu'au bout.

Un problème cache souvent un autre. Comment expliquer que nous observons ces deux corps tomber, mais qu'en même temps, ces derniers se voient statiques ? En relativité restreinte on dirait que tout est relatif, mais la solution n'était pas là. Je sentais bien qu'il pouvait y avoir un rapport avec la perte de poids des corps en chute libre. Mais, bien que ce soit une conviction personnelle, l'histoire du poids reposait plus sur une intuition qu'autre chose.

Il me fallait réfléchir autrement.

Je repense encore à ces longs moments de flottement sur mon transat à penser le monde ; des milliers d'idées voguaient dans ma tête et disparaissaient l'instant suivant, une fois analysées. Le contraste abyssal entre la quiétude de la chaire et le chaos de l'esprit. Je repense encore à ses lignes de calcul sans fin ; aux nombreux ouvrages empilés sur mon bureau. Je repense encore à ce tableau noir que je remplissais avec ma craie, puis que j'effaçais pour remplir de nouveau. La patience est le meilleur allié du chercheur ; ça tombait bien pour moi, j'en avais à revendre. Je n'ignorais pas la longue et sinueuse route qui m'attendait, au contraire je la voyais clairement et à chaque fois qu'elle m'apparaissait à l'esprit, je lui offrais mon plus beau sourire.

Newton disait de la gravité qu'elle était une force attractive qui attirait n'importe quel corps ; de la plume au tronc d'arbre, la lune et même du soleil. Moi je me méfiais de cette force d'où l'on voyait les conséquences, mais dont la cause nous échappait.

Toutes les explications qui vont suivre sont des expériences de pensées, des voyages imaginaires à travers mon esprit qui m'ont permis de comprendre le monde. Alors je vous demanderais une attention toute particulière à ce qui va suivre. Pour voir l'univers il m'a fallu fermer les yeux ; faites en autant, fermez les yeux et suivez-moi dans ce grand voyage intergalactique.

Je parlais plus haut du principe d'équivalence, voilà de quoi il s'agit :

Imaginez un l'ascenseur, vous montez à l'intérieur, appuyez sur le bouton 5 qui vous mènera au cinquième étage ; l'ascenseur se met en marche, vous montez. Mais pendant cette montée, une chose vous fait sentir plus lourd. N'avez-vous jamais ressenti comme une force qui vous tire vers le bas, comme si vos jambes devenaient plus lourdes ? Je crois bien que nous avons déjà tous vécu cela. Et plus l'ascenseur monte vite, plus cet effet est accentué, plus nous semblons nous enfoncer dans le sol de l'ascenseur. Les portes s'ouvrent, vous êtes arrivé au cinquième étage, mais vous rendant compte que vous vous êtes trompé d'étage, vous appuyez sur le bouton 1. Et pendant la descente vous sentez l'effet inverse ; vous vous sentez plus lègé, et plus la descente est rapide, plus votre corps perd du poids, si bien qu'en allant encore plus vite votre corps quittera le sol pour l'éviter dans l'ascenseur ; dans cette situation, votre poids a disparu et on sait avec l'expérience du parapluie et de l'homme qu'en chute libre le poids disparaît – vous est donc en chute libre dans l'ascenseur et toute chose dans l'ascenseur flottera avec vous. Dans le premier cas, lorsque l'ascenseur monte, il y a une certaine vitesse à laquelle vous ne sentez plus la monter, tous vous parait normale, comme si vous aviez les pieds sur la terre ferme – comme si c'était la gravité qui était en jeu, or, vous êtes bien dans l'ascenseur.

Tous semblent nous faire penser qu'il est possible de créer de la force gravitationnelle ou, au contraire, de l'annuler. Pour la simuler, il suffirait d'accélérer un ascenseur vers le haut, et pour l'annuler il faudrait le faire chuter.

Lorsque l'ascenseur descend et qu'il finit par vous faire léviter, on est dans une situation où la gravité ne semble plus jouer sur vous ; on comprend qu'en l'absence de gravité les corps ne tombent pas. Donc, en absence de toutes forces, les corps n'ont naturellement pas de poids et sont en perpétuelle lévitation ; on parlera d'apesanteur. Ensuite, une autre chose nous parait flagrante ; on fait une expérience d'où l'on réussit à effacer les effets de la gravité, puis une autre nous permet de simuler ses effets. On a finalement l'impression que la gravité n'existe pas, que cette prétendue force n'en ait pas une.

Suivez-moi. Faites-moi confiance et laissez place à votre imaginaire. 

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