Je comprends mieux. Le train c'est le voyage, un voyage à travers mes pensées. C'est aussi l'histoire de ma vie qui défile à mesure que le train avance. Je commence à y voir clair. Et la vitre représenterait mes yeux, les yeux par lesquels, toutes ma vie, j'ai tenté de comprendre mes contemporains. Quelques fois je portais des lunettes ; une vitre sur une autre vitre. Pour autant le monde ne m'apparaissait pas plus clair.

Maintenant j'y crois, je crois en ce voyage – sans savoir où il me mènera, je veux bien me laisser porter, faire confiance et croire.

La croyance est d'abord intime. En se multipliant, les Hommes ont créé des croyances communes. Tout le monde croit. Certains croient en l'avenir d'autres croient au père noël. Certains croient en une divinité à l'image de l'humain, une entité possédant quatre têtes et quatre bras, ayant vécu des milliards d'années et étant à l'origine de toutes choses. Nous sommes des milliards à croire en l'argent, bien qu'elle ne soit que le fruit d'une imagination collective. Certains croient qu'il y a 2000 ans un homme d'abord mort est revenu à la vie. Nous sommes nombreux à croire qu'un monde parallèle nous attends après la mort.

Nous avons tous en commun le fait de croire en des choses non pas imaginaires ou inexistantes, mais imperceptibles par nos sens.

Pas un jour ne passe sans que les Hommes se rassemblent dans des lieux de cultes. Ensemble, ils prient et parfois même ils chantent. Puis ils se confessent ; ils avouent qu'ils ont volé et menti, et finissent pas jurer qu'ils ne recommenceront plus. Mais en sortant de là, ils volent et mentent de nouveaux.

Les religions à en croire leurs textes apportent la paix et la tolérance entre hommes et femmes, en donnant un sens leur existence. Mais en réalité, de nombreux conflits ont pour origine la religion. On a tué et on tue au nom de la religion. Il semblerait finalement que cette dernière ne soit pas si saine qu'elle veut nous le faire croire. Et malgré cela des milliards d'hommes et de femmes y adhèrent. Ces religions ne sont pourtant pas si différentes des états : il y a une hiérarchie, tous les adhérents ne semblent pas jouir des mêmes droits. Bien souvent, à la tête d'une religion, à l'instar des régimes politiques, on trouve une figure masculine toute puissante accaparant tous les pouvoirs et prêchant la bonne parole que lui seul est habilité dire.

En réalité la religion est une affaire d'hommes, c'est une création collective à notre image ; elle est donc faillible. C'est une invention formidable qui permit de légitimer toutes les mauvaises actions que l'on commettait envers la nature et sa faune. Une invention qui nous rendait pures et unique car choisit par Dieu. Ainsi, encore aujourd'hui nous nous croyons supérieur aux animaux, nous oublions même que sommes des animaux ; et de temps à autres au détour d'une guerre, d'une exécution ou d'un discourt haineux certains veulent bien se rappeler que sommes des animaux.

Et nous oublions une chose très importante. Les religions ne sont pas l'affaire de quelque siècle ; elles existent depuis la préhistoire. A la vue des croyances de nos ancêtres qui ont perdurés pendant des millénaires, nos religions contemporaines sont relativement récentes.

Les égyptiens croyaient que le Pharaon était le représentant des Dieux sur terre. Ils passaient un temps conséquent à construire et travailler pour la religion. Ils étaient donc polythéistes, ils priaient et honoraient plusieurs Dieux. Les égyptiens étaient-ils fous lorsqu'ils croyaient en Hathor Dieu aux cornes de vaches mi-homme mi-animal ? Ou avaient-ils tort de momifier la dépouille de leur pharaon en vue du voyage qui l'attendait après sa mort ?

Ils croyaient eux aussi en une vie après la mort. De nos jours, il est de coutume de narguer les croyances de nos ancêtres en se pensant plus intelligents, plus malin. Dans l'histoire des Hommes il n'y a que peu de temps que nous croyions en un Dieu unique, encore nous ne sommes toujours pas d'accord sur le bon. Partant de là, pourquoi nos croyances actuelles seraient plus légitimes que ceux de nos grands-parents ? Dans un plan purement intellectuel, on ne peut trouver de réponse ; car d'une part, la croyance ne semble pas être expliquée par les capacité intellectuels et surtout comment pourrait-on savoir si les égyptiens étaient plus intelligents que nous ? Les pyramides et autres grandes structures sont les preuves visibles qu'à cette époque, les égyptiens maitrisaient des techniques architecturales avancées. Les hiéroglyphes nous apprennent beaucoup sur eux, leurs cultures et la manière dont s'agençait leur société. Il est évident qu'il s'agissait d'une civilisation intelligente. En ce sens qu'elle était structurée. Aujourd'hui, avec l'accumulation de connaissances dont une partie nous viennent des égyptiens, nous avons ¨ inventé¨ des méthodes et des structures qui rendent nos vies beaucoup plus simples. Nous possédons des machines qui ont pour rôle d'être intelligents à notre place. Nous mesurons le progrès à la taille des monuments et à la puissance des robots. Alors peut-on parler de société intelligente ou s'agit-il plutôt de civilisation sous assistance robotique ?

Les croyances des anciens égyptiens sont-ils moins sensés que les nôtres ? Assurément que non. Les mœurs ont simplement évolué, et tenter de hiérarchiser les différents courants religieux inter-contemporains, inter-géographiques ou même inter-époques serait stériles. Si l'on avait dit à un scribe des temps anciens que dans 2000 ans, les Hommes ne croiront qu'en un seul Dieu, il aurait réagi de la même façon que nous aujourd'hui écoutant la mythologie grecque. Qui sait, peut-être qu'en l'an 4023, les hommes et les femmes de cette époque, s'il l'on veut bien croire qu'il y en aurait encore, croirons tous qu'aucun Dieu n'existe. Ce serait un monde où l'Homme passerait alors comme une divinité où la loi du plus fort régisserait les civilisations, une situation pas si différente de nos sociétés vous me direz, mais gardons à l'esprit qu'eux ne croient en aucun Dieu. Alors ils observeraient le passé avec le même regard que nous avons envers les égyptiens, et penseront que nous étions bien idiots de croire en une entité invisible. Ils se poseraient alors, à leur tour des questions quant à notre aptitudes intellectuelles. Mais ils auront tort car comme on vient de le voir, la croyance ne semble avoir aucun lien avec l'intellect.