Chapitre 47


Samedi – Deux jours avant l'affrontement

- Les tests vitaux sont normaux, madame la directrice. Le contrôle moteur est revenu.

- Très bien, mais qu'en est-il de son activité cérébrale ? Elle n'a pas l'air de réagir.

- Les examens sont bons, madame, mais avec l'influence totale de la puce, son comportement sera forcément altéré.

- Je sais, imbécile. Je connais le dispositif mieux que personne.

- Bien sûr, madame. J'ai examiné sa main, la plaie s'est entièrement refermée. Etes-vous certaine de ne pas désirer poser une prothèse ?

Une lumière brusquement braquée droit dans mon œil m'aveugla. Le corps raide, je ne bronchai pas et ne clignai pas des paupières. Un voile noir recouvrait mon champ de vision, comme d'épais nuages dans un ciel d'orage. Privée de toute résistance, de toute volonté de me révolter, je laissai des mains étrangères se saisirent de mon bras gauche et tâter mes doigts. Je n'éprouvai rien, même lorsque ces mains palpèrent l'espace vide entre mon pouce et mon annulaire.

- C'est inutile, assura la voix d'Irina, dont je distinguais à peine les traits à travers le voile. Vous pouvez disposer. Je m'occuperai de la suite seule.

- Rappelez-vous qu'il ne faut pas trop la solliciter pendant les prochaines heures, madame, son cerveau...

- Je vous ai donné congé, me semble-t-il. Sortez.

L'autre s'en fut en refermant délicatement la porte. Incapable de tourner la tête pour le regarder, j'ignorais tout de son visage. Je n'avais perçu que ses mouvements, ternis et floutés. Tout me paraissait épais, englué dans une masse sombre qui obstruait ma tête. Je ne ressentais plus rien. Ni colère. Ni peine. Ni regrets.

Lève-toi.

Mes jambes se mirent en mouvement avec fluidité et je me retrouvai face à Irina Malcolm. Elle ne portait pas sa blouse blanche mais une tenue de cuir souple destinée au combat. Elle me détailla des pieds à la tête et indiqua la porte.

Viens.

Je la suivis.

La remontée du couloir se fit dans un silence total jusqu'à la porte qu'Irina poussa pour me laisser passer.

Le dos raide, figé, la nuque traversée d'une pulsation régulière, je sortis dans la cour, sous la pluie.

- Tu vois Luna, je t'avais dit que j'allais gagner, prononça Irina en m'accompagnant. Cela aurait été tellement plus simple de coopérer. Désormais, tu es condamnée. Dans moins d'une semaine, tu seras morte.

Ses paroles glissèrent sur moi, lointaines. Je fixai sans la moindre émotion l'attroupement massé à quelques pas de nous. L'Armée Noire dans son intégralité était là. Vingt-mille Soldats Noirs, prêts à tuer, en rang d'oignons et en uniforme impeccable. Les quelques cent mille militaires français n'auraient aucune chance, même si des alliés se joignaient à eux.

- Ange Noir !

Un cri déchira la foule plus désordonnée constituée par les agents de terrains – les rares à ne pas être encore contrôlés par la puce étaient tout juste deux cents. Quelques-uns bousculèrent leurs camarades pour me voir marcher vers eux et l'un deux tomba même à genoux, vite imité par trois ou quatre autres GEN.

- Commandante !

- C'est l'Ange Noir !

La main d'Irina dans mon dos me fit avancer encore un peu, jusqu'à ce qu'un petit groupe d'agents ne s'écarte, révélant une silhouette prostrée sur le sol. Dans mon crâne embrumé, la lumière se fit un bref instant pour me permettre d'identifier l'homme.

- Soldats !

Je détournai les yeux dès le premier mot d'Irina, pilotée comme un automate. La doctoresse faisait face à son Armée, les bras écartés.

- Soldats ! L'Ange Noir nous est revenu ! Notre heure de gloire est arrivée !

Parle.

J'entrouvris les lèvres avec l'impression qu'on m'avait vissé les mâchoires mais les mots sortirent immédiatement, d'une voix rauque, presque inconnue. Le regard fixé au-dessus des têtes, je laissai le discours d'Irina se déverser hors de ma bouche :

- Soldats ! Nous avons attendu pendant des décennies, dans l'ombre, pour prendre la place qui nous revient de droit dans ce monde ! Mais nous avons fini de nous cacher ! Plus jamais nous ne baisserons l'échine devant les humains, car c'est à eux de se soumettre à notre supériorité ! Que nos ennemis tremblent et regrettent de nous avoir rejetés ! Qu'ils périssent sous nos balles et souffrent sous nos coups ! Pour les GEN !

- Pour notre règne ! scandèrent les Soldats Noirs comme un seul homme.

Montre-le.

Je pivotai et soulevai d'une seule main le GEN qui n'avait pas bougé d'un pouce, sur le sol. Ismaël Sallah m'adressa un regard chargé d'horreur, le teint blême. Ainsi, Irina n'avait pas été si dupe que cela devant ses agissements. Elle avait compris qu'il n'avait pas réglé la puce comme elle le lui avait ordonné, sentit son hésitation à s'opposer à moi quand j'avais voulu prendre la fuite.

- Mes amis, reprit Irina avec force. Aujourd'hui est venu le temps pour notre communauté d'avancer, unie, vers la victoire. Nous n'avons pas de place pour les traitres, pas de pitié ! Ismaël Sallah ici présent a fourni des informations confidentielles à nos ennemis Revenants ! Il est coupable de trahison ! Quelle sera votre sentence ?

Un frisson exalté parcourut l'assemblée.

- La mort !

Tue.

- La mort, répétai-je.

Un craquement suivi d'un bruit de déchirure accompagna mon geste et je balançai la tête d'Ismaël aux pieds d'Irina Malcolm. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top