Chapitre 42


Jeudi – Quatre jours avant l'affrontement

Albert Niels croisa les bras sur son torse et dévisagea le président Hubert qui paraissait épuisé. Une course contre la montre comme n'en avait jamais connu le pays était engagée. Une course à l'armement, une course aux alliés. Et pour l'heure, l'ennemi semblait résolu à la gagner haut la main.

- Le premier ministre britannique a rendu réponse, déclara Hubert en se massant les tempes. Il ne s'engagera pas dans ce combat. J'ai envoyé Marissa parlementer avec le chancelier allemand mais je n'ai guère d'espoirs.

- Tant qu'il n'a pas explicitement dit non, il reste une chance, assura Niels. Et Florez ?

- L'Espagne réfléchit encore. Je suis désolé, Niels, mais les amitiés politiques ne sont plus ce qu'elles étaient. Le danger nous menace pourtant tous.

Le président se recula sur sa chaise et balaya du regard le bureau du chef Revenant. Il avait la sensation de voir défiler le compte à rebours devant ses yeux et une angoisse sourde lui nouait le ventre.

- En refusant d'envoyer leurs armées en France, vos homologues ne font que reculer pour mieux sauter, commenta amèrement Niels. Ils préfèrent gagner un peu de temps pour préparer leur propre défense et ainsi tenter de repousser l'ennemi quand ce pays sera tombé. La peur rend les gens égoïstes, Hubert.

- Vous ne croyez pas que le problème vient d'ailleurs ? Qu'ils n'ont pas conscience du danger et de la réalité de l'existence des Améliorés ?

- Oh, non, ils savent très bien ce qui risque de leur arriver droit dessus sous peu. Ils ont eu assez de preuves comme cela, le chancelier allemand a même demandé à rencontrer l'un des nôtres ! Il ne s'agit que de stratégie, monsieur le président. Protéger les autres ou se protéger soi-même.

Hubert frappa du poing sur la table avec un mélange de colère et de résignation :

- On ne peut pas gagner cette guerre seuls ! Nous avons l'avantage du nombre, mais cela ne fera pas une grande différence et nous mourrons tous ! Il nous faut plus de temps, Niels, ne pouvez-vous pas négocier avec le docteur Malcolm ?

- Je n'ai aucun contact avec cette femme, tempéra fermement Niels. Et elle ne voudra rien entendre, son plan se déroule exactement comme elle le voulait.

L'autre poussa un gros soupir.

- Avons-nous au moins de bonnes nouvelles ?

- Les deux tiers des civils sont en route pour un autre pays et seront temporairement en sécurité. Un dernier convoi est prévu pour ce soir, demain matin dernier délai.

- Merveilleux, ironisa le président.

- Tous nos soldats sont également solidement armés, insista Niels. C'est plutôt un progrès comparé à la situation d'il y a quelques jours. Nous sommes mieux préparés et le lieutenant Matthews m'a fait part du bon déroulement des entrainements dont il a la charge. Vos hommes apprennent vite, monsieur le président.

Las, Hubert opina docilement du chef. Il paraissait envahi de regrets – sans doute parce qu'il réalisait qu'il aurait dû se lancer dans la bataille beaucoup plus tôt. A la place des dirigeants des nations contactées, il aurait probablement réagi de la même manière en prenant le temps de la réflexion. S'il avait cherché des alliés des semaines auparavant... Le président étudia le visage soucieux du Revenant, notant ses coups d'œil fréquents vers le téléphone.

- Un problème ?

- Disons simplement que je me demande où est passé mon meilleur élément, celui sur qui reposent nos chances.

- La commandante Deveille ?

- Oui. Sa mission a été un succès puisque nous avons reçu les fonds nécessaires à notre effort de guerre, mais elle n'est pas encore rentrée.

- Personne ne peut tuer Luna Deveille, Niels. Vous le dites vous-même.

Albert sourit faiblement. Il n'avait pas de moyens à gaspiller pour retracer le parcours de la jeune femme. Il faudrait qu'elle s'en sorte seule.

- Vous avez raison, fit-il. Venez, Hubert, allons prendre l'air. Je tenterais de rappeler le président espagnol en fin de journée.

La porte s'ouvrit brusquement, faisant sursauter le président mais pas Niels qui avait entendu les bruits de pas. Il fut cependant étonné de découvrir Steve Marx, l'air fébrile et un ordinateur portable serré contre lui.

- Messieurs, pardonnez-moi, j'ai oublié de frapper, s'excusa le jeune homme. Il faut que je vous montre quelque chose et ça ne peut pas attendre.

Niels fronça les sourcils et invita Steve à s'approcher. Avec des gestes trop rapides pour être suivis par les yeux d'un simple humain, ce dernier déplia l'ordinateur et se mit à pianoter énergiquement dessus.

- Encore une catastrophe ? souffla Hubert, les jointures blanchies sur le rebord de la table.

- Non, monsieur.

Steve Marx acheva sa manipulation sur le clavier puis tourna l'écran vers les deux hommes.

- Ce sont les plans trouvés sur le disque dur, dit aussitôt Niels. Vous en avez tiré quelque chose, alors ?

Un mouvement de tête négatif ponctua sa question :

- Ce ficher est complet, monsieur. Il nous a été envoyé il y a tout juste dix minutes.

- Mais par qui ? voulut savoir le président, se levant à moitié de sa chaise pour mieux voir.

- Une taupe, chuchota Niels comme si le fait de le dire avait pu mettre en péril l'informateur. Quelqu'un entre leurs murs a décidé de nous aider.

- C'est peut-être un piège, fit remarquer Hubert.

- Je ne crois pas, s'autorisa Steve. Je connais celui qui a fait ça, monsieur.

- Vous étiez déjà en contact avec lui ?

Steve plongea son regard dans celui du demi-GEN, imperturbable. Le chef Revenant en avait certainement deviné beaucoup mais il lui laissait la possibilité de se montrer honnête.

- Oui, confirma le jeune homme. Je crois sincèrement qu'il est de nôtre côté.

- Mais qu'est-ce qu'ils racontent, ces plans ?

Décidant de se concentrer sur l'interrogation du président pendant que Niels ruminait sa réponse, Steve se pencha sur l'écran et zooma sur le schéma de ce qui avait été au départ prit pour un prototype de balle. Toutes les informations étaient là, sous le descriptif de l'objet.

- Monsieur le président, ceci est un missile.

- Pour détruire quoi ?

- Rien du tout, le détrompa le GEN. vous voyez cette cavité au milieu ? Elle est destinée à contenir quelque chose, liquide ou gaz. Lorsque le missile explosera, il libérera cette substance. Ce truc doit faire deux mètres de haut, avec une capacité de plusieurs litres.

- L'Institut prépare une arme chimique, comprit Hubert.

- C'est ça, appuya Steve. Je pense qu'Irina le lancera pendant la bataille, mais j'ignore dans quel but et ce qu'il contiendra. Un gaz pour tous nous tuer, peut-être. Il existe un poison qui tue les GEN.

Le silence se fit dans le bureau. Niels tapotait nerveusement le bois, le regard dans le vague, puis il se reprit :

- Allons prévenir nos équipes pour qu'elles se penchent sur cette question. Nous avons besoin de savoir d'où Irina pourrait faire partir ce missile pour anticiper son action. Marx, vous vous en chargez ? Je passerai vous voir plus tard.

- Oui, monsieur.

Steve récupéra son ordinateur et se dirigea prestement vers la sortie sans demander son reste. Prévenir Niels avait été la première chose à laquelle il avait pensé en réceptionnant le message d'Ismaël, mais il s'était figuré que le chef Revenant allait se méfier de lui, voire le balancer directement dans une cellule. Contournant Madeleine Maturet et le Premier ministre qui parlaient avec animation au beau milieu du couloir, il fonça tout droit à la salle des opérations stratégiques.

Si Ismaël avait envoyé le fichier, c'était parce qu'il comptait les rejoindre, à n'en pas douter. Steve ne s'était pas senti aussi léger depuis qu'il était arrivé à la base. 

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