Chapitre 12
Retour en arrière...
Un silence glacé envahit brièvement la salle de réception pendant que chacun prenait conscience du cadavre gisant au milieu de la foule. Même Nina, qui tentait par tous les moyens de me tailler la gorge en rondelles, se calma un peu, comme si elle sentait ce qui se passait. A plat ventre sur elle, ma robe remontée jusqu'aux cuisses à la suite de notre corps-à-corps, j'échangeai un regard avec Allan, puis avec Irina qui semblait se dire qu'elle avait fait une belle boulette, tout ceci en un quart de seconde.
Et, d'un coup, la panique reprit le dessus et les invités se mirent à crier, se bousculant vers la sortie. Délaissant le spectacle de ces riches transis de trouille guidés par Allan à l'extérieur, je retournai Nina – que toute force semblait avoir quitté – à la manière d'une crêpe et lui maintins les mains dans le dos. Elle était toute molle, les yeux tout à fait normaux.
- Nina, ma petite Nina, s'étouffa Duquesne, à genou sur l'estrade.
Il était le seul à ne pas se sauver, terrassé par les émotions, et me regarda d'un air absent relever Nina et la faire avancer vers Marx et lui. La salle, désormais ne contenait plus que nous, et je savais que mon ancien mentor se chargeait sans doute d'organiser la suite au mieux pour que les forces de l'ordre ne nous trouvent pas ici, et que personne n'en raconte trop. Cela dit, avec les humains, il était facile de suggérer à un groupe une chose qui devenait la réalité parce que nul n'était sûr de ce qu'il avait vu...
- Agent Deveille, on peut dire que vous êtes intervenue juste à temps, commenta Marx quand j'arrivai à sa hauteur tout en le laissant hors de portée de Nina – juste au cas où.
- Monsieur le directeur, nous n'avons pas beaucoup de temps, le pressai-je. Quelqu'un aura sans doute averti la police.
- Il est évident que nos plans sont quelque peu bouleversés, admit-il en lissant sa veste de costume, un regard amer posé sur la nouvelle GEN. Que suggérez-vous ?
Je sentis les iris du docteur Malcolm vriller les miens et vis ses lèvres se pincer. Depuis que je n'étais plus pour elle une banque de sang sain potentielle pour son malade de mari, nos relations s'étaient quelque peu modifiées, mais nous n'étions pas les meilleures amies du monde. La rivalité et la soif de pouvoir caractérisait souvent les GEN puissants, et Irina ne dérogeait pas à la règle, comme Rick et bien d'autres. Hors, voir Ulrich Marx me demander conseil avant même de s'adresser à elle ne lui plaisait sans doute pas, elle qui faisait tout pour maintenir sa place de bras droit et être aussi proche de lui que possible. Et dire que, pour moi, la confiance de Marx n'était qu'un moyen pour qu'il me laisse la bride sur le cou...
- Vous avez un moyen de quitter cet endroit rapidement ? lançai-je à la doctoresse.
- J'ai ma voiture. Et N.I.A pourrait se charger des caméras.
- Dans ce cas, vous devriez partir, et prendre Nina avec vous.
Un gémissement sortit de la bouche de Paul Duquesne qui ne pipait mot même s'il suivait toute la conversation.
- Elle est dangereuse et incontrôlable, nota Irina.
- Une cellule dans la zone des Déformés devrait la retenir, répliquai-je. On ne peut pas se permettre d'avoir deux cadavres sur les bras. Celui-là est déjà suffisamment difficile à justifier.
- Vous n'allez pas la tuer ? bafouilla Duquesne, le teint de craie.
Je l'ignorai et attendis que la doctoresse opine de mauvaise grâce. Elle attrapa Nina par le coude et l'attira à elle sans que la jeune femme ne résiste, les yeux perdus dans le vague.
- Très bien. Je pars immédiatement. Directeur Marx, souhaitez-vous rentrer ?
- Je vais rester à Paris pour la suite des opérations, ma chère, sourit mielleusement Marx, sa contrariété presque envolée. Je saurais me débrouiller avec la police. Luna, vous savez ce que vous avez à faire, n'est-ce pas ?
- Oui, monsieur. Mais il me reste un détail à régler.
Je saisis le maire de Paris par le col de sa veste. Je n'entendais pas encore les sirènes dehors – décidément les forces de l'ordre humaines ne brillaient pas par leur rapidité.
- Vous, dis-je sèchement en plongeant mon regard dans le sien. Regardez-moi et écoutez-moi bien.
- Que... ?
- La police va arriver et vous interroger. Pas un mot à propos du programme GENESIS et de ce qui est arrivé à votre fille. Vous avez été contacté par un laboratoire étranger qui vous a proposé un traitement expérimental pour votre fille. Vous ne savez pas comment les contacter, ce sont eux qui vous appellent pour les modalités du traitement et le paiement. C'est clair ?
- Oui, mais...
- Ce soir, le coupai-je, votre fille a eu une sorte de crise de violence. C'était déjà arrivé mais pas avec autant de force, et elle s'est enfuie. Quant à la femme qui a été abattue, quelqu'un a tiré, mais vous n'avez pas vu qui. Tenez-vous en à cela.
- Mais, et vous ?
- Ulrich Marx va rester avec vous, ainsi qu'Allan. Pour ce qui est de moi et d'Irina, nous n'étions pas là.
Duquesne chercha à fuir mon regard mais n'y parvint pas. Il tremblait de tous ses membres à chaque mot prononcé, luttant contre toute l'autorité que je dégageais. Si tout allait bien, il serait incapable, le moment venu, de dire autre chose que la version que je venais de lui servir.
- D'accord, fit-il d'une voix blanche.
- Rappelez-vous que nous avons Nina. Rien ne nous force à la garder en vie après ce qu'elle a fait.
Il hocha la tête, muet. Je relâchai la pression sur son col de chemise et m'écartai de lui.
- Monsieur le directeur, saluai-je Marx.
Je tournai les talons, fouillant ma pochette et en tirai mon portable.
- Allô ?
- Sam, c'est moi. Fais décoller le jet le plus rapidement possible.
- La fête est finie ?
- C'est ça. On va passer à l'offensive.
***
Le ventre plaqué sur le toit, je me penchai en avant et observai la rue en contrebas. Le Gaumont Parnasse regorgeait de spectateurs venus se distraire et chercher un peu de fraîcheur dans une salle de cinéma climatisée. Scrutant le noir autour de moi, je distinguai mes hommes, les Soldats Noirs en combinaison, dissimulés de la même manière que moi. Ils attendaient les ordres.
Il n'avait pas fallu beaucoup de temps à Samuel pour débarquer avec l'Armée Noire à Paris, flanqué de Tribal. Tous deux connaissaient le plan aussi bien que moi.
L'incident à la réception de Duquesne avait déjà fait le tour de la capitale, et des bruits courraient. On assimilait déjà le laboratoire censé avoir fourni des cachets expérimentaux à sa fille avec des terroristes, et le moment venu était de donner raison aux informations humaines. Bien sûr, Marx aurait pu attendre que les choses se tassent et approcher un autre politique important dans quelques mois, mais cela aurait été long. La phase diplomatique était terminée pour l'instant, et le directeur souhaitait enfin permettre à ses sbires de répandre la peur parmi les humains.
Je me redressai dans le noir et agitai la main vers la droite. Dans le silence le plus complet, les silhouettes sombres qui m'accompagnaient se levèrent et nous glissâmes jusqu'au sol. Quelques-unes se dispersèrent autour du bâtiment à l'enseigne lumineuse, et j'entraînai moi-même un petit groupe vers une porte de secours. Si nous la franchissions, nous nous retrouverions directement dans une salle de cinéma. Je portai la main à mon oreillette, le cœur battant comme avant toute attaque.
- Maintenant ! prononçai-je distinctement.
D'un coup de pied, un Soldat Noir de mon équipe emboutit le battant et je fonçai à l'intérieur.
La salle était bondée, le son fort lors d'une scène d'action, mais les spectateurs du premier rang sursautèrent et une enfant cria. Je pointai mon arme en avant, et sans hésiter, tirai. Plusieurs fois.
Ce fut le chaos. Des hurlements, des courses effrénées vers la porte. Ravalant l'acidité qui montait dans ma gorge devant cela, j'enclenchai un autre chargeur. Tuer ne me posait pas de problème, mais cette attaque n'était que la première d'une longue série. Le monde à venir, façonné par une rivalité sans nom entre les humains et les GEN, promettait d'être laid.
Les Soldats Noirs se déployèrent, abattant tout ce qui bougeait. Alors que je traverserai la salle pour me diriger vers les toilettes, une personne me heurta de plein fouet et je m'immobilisai, revolver braqué sur elle.
La fille se jeta à genoux devant moi en hurlant et agrippa son cou orné d'un pendentif en argent. Elle l'arracha d'un geste précipité et le plaqua contre ma cuisse en même temps que la pochette pailletée qui devait contenir son portefeuille.
- Je vous en supplie, ne me tuez pas, gémit-elle. Prenez tout ! Tout ce que vous voudrez, mais ne me tuez pas...
Je baissai les yeux sur elle et constatai que – malheureusement pour elle – cette humaine n'était pas franchement jolie. Des yeux rapprochés, marrons et quelconques, un menton proéminent, et pour couronner le tout, des cheveux colorés en blond platine ne lui allaient pas du tout au teint, et laissaient voir de grosses racines brunes. Cela dit, je n'étais pas là en tant que juré d'un concours de beauté, et après m'être débarrassée de sa main sur ma jambe, je fis ce pour quoi j'étais là.
Je l'abattis d'une balle en plein front.
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