Chapitre 15
- Allô ? dis-je avec prudence.
- Luna ?
La voix de Geb, à n'en pas douter, mais ce simple mot ne me permettait pas de savoir s'il était dans son état normal ou animé d'intention particulières.
- Qu'est-ce que tu veux, Geb ? demandai-je sans pour autant confirmer mon identité.
- Est-ce que tu es en lieu sûr ? Est-ce que tu peux parler sans risques ?
- Ça peut aller.
- Super..., soupira Geb avec un soulagement palpable. Nous... On s'est fait du souci, tu sais ?
- Ne me dis pas que tu m'as appelée uniquement pour prendre des nouvelles, grommelai-je.
- Non, bien sûr. J'ai l'intention de t'aider.
Je laissai échapper un ricanement incrédule et étendis mes jambes devant moi. De son côté, P.I.A analysait la provenance de l'appel, et s'assurait que je ne risquais toujours rien.
- Quoi ? fis-je. C'est une mauvaise idée, Geb, ça te mettrait dans une position délicate. De toute façon je me débrouille très bien toute seule et...
- Laisse tomber, coupa l'autre, j'ai des infos pour toi. Cela concerne les puces.
Je levai les yeux au plafond et rouspétai dans ma barbe. Doué comme il était, Geb avait forcément trouvé plus que moi, et il me permettrait d'avancer.
- D'accord, dis-je enfin.
- Eh bien voilà, triompha Geb sans retenue. J'ai enquêté sur les puces électroniques défectueuses – je suppose que tu as déjà trouvé le dossier là-dessus. En analysant l'une d'elles, j'ai pu retracer leur activité, et les différents signaux qu'elles ont pu recevoir.
- Laisse-moi deviner, certains d'entre eux ne proviennent pas du portable de Tari, ni de celui de Marx ?
- En effet, on les a piratés, et j'ai pu isoler l'un de ces signaux pour trouver sa source. Il s'agit de l'adresse IP d'un ordi portable, et j'ai même localisé l'endroit.
Un bruissement me fit tourner la tête et je me figeai, le portable à la main. Une enveloppe jaune vif reposait sur le paillasson à l'entrée, là où il n'y avait rien une seconde plus tôt.
- Luna ? s'inquiéta mon ami.
Je posai l'appareil sans répondre et descendis du lit pour me précipiter vers la porte que j'ouvris à la volée. Personne. Je jetai un coup d'œil de chaque côté, non sans avoir assuré ma prise sur mon arme accrochée à ma ceinture, mais l'escalier d'accès aux chambres et le parking s'avérèrent déserts. Jugeant inutile de fouiller toute la zone et de me faire repérer, je refermai derrière moi et ajoutai un tour de clef.
L'enveloppe en main, je repris le téléphone :
- Geb ? Tu es toujours là ?
- Bon sang, qu'est-ce qui s'est passé ? tempêta le GEN. J'ai cru qu'on t'attaquait !
- Non, mais on m'a déposé du courrier.
- Tu es sûre que c'est pour toi ?
J'examinai le papier jaune qui constituait l'enveloppe, mais il n'y avait pas de nom, ni d'expéditeur. Avec lenteur, je commençai à décoller l'arrière.
- A moins qu'il ne s'agisse d'un mot d'amour pour ma voisine de palier et que son admirateur ne se soit trompé de porte, je dirais que oui, répondis-je. Ecoute, je te rappelle plus tard, okay ? Envoie-moi l'adresse, et, en attendant, sois discret et ne creuse pas plus loin. Je ne veux pas t'impliquer inutilement.
- Luna, attends !
Je lui raccrochai au nez, bien consciente que je ne lui avais même pas dit merci, et m'assis du bout des fesses sur la chaise usée.
Une simple petite carte était glissée à l'intérieur de l'enveloppe, une petite carte en papier glacé blanc sans aucune fioriture. Je lus ce qu'elle contenait, ignorant mon portable qui sonnait une nouvelle fois.
Rendez-vous à la soirée de charité organisée à l'hôtel Cour des Loges de Lyon
Samedi soir, 20h
-A-
A ? Qui cela pouvait-il bien être ? A comme "abruti", sans doute, pour se permettre de me convoquer de cette façon à une soirée mondaine au beau milieu du gratin de la société humaine.... Mais, et si cette personne était un Revenant ? On cherchait sans aucun doute à entrer en contact avec moi, mais la question était de savoir si c'était un piège ou un allié potentiel.
***
Le lendemain était un vendredi, celui qui devait précéder le fameux samedi du rendez-vous. Après avoir cherché des empreintes sur la surface de la carte, passé au crible le message et finalement admis que même P.I.A ne pouvait pas m'aider, j'avais décidé de me focaliser sur la piste donnée par Geb, et je ne savais pas encore si je devais prendre au sérieux l'invitation.
Il était environ dix heures du matin, et je déambulais d'un pas que je souhaitais décontracté dans les rues de Clermont-Ferrand. La ville était agréable et grouillante d'étudiants, le sac sur l'épaule, si peu de temps après la rentrée scolaire.
Je traversai la route, fouillant des yeux le quartier à la recherche de l'immeuble qui m'intéressait. L'adresse fournie par mon ami correspondait à celle d'un homme appelé Julien Lecatte, habitant au troisième étage sans ascenseur d'une petite résidence. Enfin, j'aperçus l'endroit et stoppai devant le portillon de l'entrée. Comme je m'y attendais, celui-ci ne s'ouvrait que sur présentation d'un badge, et ma seule chance d'entrer de manière conventionnelle résidait dans l'interphone placé contre le mur. Bien évidemment, j'aurais pu revenir de nuit, forcer la porte ou passer par le toit...
Je sonnai une première fois en ayant sélectionné le nom de Julien Lecatte, sans succès et réitérai ma tentative. Soit il était absent, soit il ne voulait voir personne. J'appuyais une dernière fois sur le bouton quand une petite vieille traînant un cabas apparut sur ma droite. Elle portait des lunettes aussi épaisses que des culs de bouteilles et une espèce de fichu affreux décoré de grosses fleurs.
- Bonjour, mademoiselle, dit-elle gaiement. Vous cherchez quelqu'un ?
- Oh, c'est sans importance, je reviendrai plus tard, fis-je d'un air ennuyé. Monsieur Lecatte me donne des cours d'informatique de temps à autres, mais il a l'air d'avoir oublié celui d'aujourd'hui.
- Mais non, ma petite, montez, montez. Je vais vous ouvrir ! Entre nous, ce jeune homme reste beaucoup trop enfermé, il ne répond même pas au téléphone – je l'entends sonner depuis chez moi.
- C'est gentil, souris-je. Je vais vous aider, donnez-moi votre sac.
La vieille femme, ravie, me confia ses affaires et déverrouilla le portail, sans cesser de babiller sur la jeunesse et ses défauts. Intérieurement, j'étais assez contente de moi, car l'histoire des cours d'informatique était inventée de toutes pièces, mais puisque cet homme était censé avoir piraté les puces, il devait bien avoir du matériel adéquat chez lui et les connaissances requises.
- Je l'ai croisé, l'autre jour, continua, sans se préoccuper de mon silence, la petite vieille. Il était blanc comme un cachet d'aspirine. Je lui ai dit qu'il devrait sortir un peu, vous savez ? Regardez-vous, par exemple ! Une fille superbe, avec un beau bronzage, on voit que vous prenez soin de vous.
- Merci.
J'esquissai un sourire gêné, bien consciente que ce n'était pas mon bronzage qui lui faisait de l'effet mais mon charisme naturel de GEN. Pourtant, la vieille n'avait pas l'air de trouver ma beauté suspecte et je me demandai si elle y voyait si clair que cela, avec des lunettes pareilles. Réprimant une envie de rire, je m'engageai derrière elle dans le dernier escalier avant le troisième étage.
- Voilà, nous y sommes. Merci pour votre aide, ma chère, je peux vous offrir quelque chose ?
La petite mamie me fit déposer son cabas sur le pas de sa porte et je déclinai gentiment son offre.
- Ça ira, merci. Au revoir, madame, et passez une bonne journée.
- Au revoir, ma petite.
Sitôt sa porte refermée, vérifiai les noms inscrits sur celles de ses voisins, jusqu'à trouver celle de Julien Lecatte, tout au fond du couloir. Le moment était venu de savoir à qui j'avais à faire. Je frappai du bout des doigts et patientai sans rien dire. Seul le silence me répondit. Je jetai un coup d'œil alentour, vérifiant que personne ne m'espionnait puis recommençai.
- Monsieur Lecatte ? appelai-je d'une voix douce et avenante. Vous êtes là ?
Un cliquetis étouffé se fit entendre, mais le pirate informatique demeura muet. Je collai mon oreille au battant, confirmant ma certitude d'avoir perçu une respiration. L'oiseau était bien dans son nid, mais il refusait d'en sortir.
- Monsieur Lecatte, j'ai besoin de vous parler, s'il vous plaît. C'est important.
- Laissez-moi tranquille, couina quelqu'un à l'intérieur. Partez tout de suite !
- Je ne vous veux aucun mal, me justifiai-je. S'il vous plaît, ouvrez-moi.
Une chaise fut repoussée dans l'appartement et des pas se rapprochèrent de la porte. Une main dans le dos, à portée de mon arme, je reculai un peu. Julien Lecatte était soit très prudent, soit totalement parano, car de nombreuses serrures grincèrent avant que le battant ne s'écarte légèrement.
- Ne bougez pas, ordonna-t-il. Ne bougez surtout pas.
Je ne vis qu'un œil bleu terrifié avant que n'apparaisse quelque chose de bien plus inquiétant. Julien Lecatte glissa alors dans le mince interstice de la porte une arme de gros calibre et la pointa sur mon front.
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