Chapitre 13


Samuel se redressa dans son lit en hurlant, le corps agité d'incontrôlables tremblements. Désorienté, il regarda autour de lui sans comprendre où il était et cligna des paupières. Il allait essayer de se lever, étrangement engourdi, lorsqu'une GEN entra dans son champ de vision.

- Agent Pidet, heureuse de vous revoir parmi nous !

Anna Savanny était l'un des meilleurs médecins de l'Institut et, dans sa jeunesse, on avait longtemps pensé qu'elle succéderait à Marx au laboratoire, mais elle avait préféré être auprès des gens et les soigner. A plus de quarante ans – un humain ne lui en aurait pas donné trente, elle était séduisante, avec ses cheveux noirs flottants sur ses épaules et ses yeux sombres. Elle adressa un large sourire à Samuel qui se frotta les yeux.

- Me revoir ? dit-il d'un voix rauque. Combien de temps suis-je resté endormi ?

- Cinq jours, répondit le docteur Savanny. On vous a placé en inconscience temporaire pour vous éviter la douleur de la guérison.

- Aussi longtemps ? Mais... Je n'étais pas blessé si gravement, non ?

Le GEN ne pouvait en croire ses oreilles. Jamais Luna n'aurait frappé aussi fort, jamais elle ne l'aurait abîmé à ce point-là, c'était impossible.

- Non, non, le rassura la femme en blouse blanche, mais il s'agit là d'un nouveau moyen médical que nous avons, et nous avons jugé que cela vous simplifierait les choses. Mais à présent, vous vous portez comme un charme, soyez en sûr !

Anna Savanny contourna le lit de Samuel et sortit de l'une des grandes poches de sa blouse sa tablette de travail. Elle tapota l'écran et le jeune homme ressentit un tiraillement au creux du coude, là où sa perfusion était installée.

- Je vais vous prendre un peu de sang pour faire des examens complémentaires, dit-elle en recueillant une gouttelette de l'autre-côté du tuyau. Pour vous faire patienter, vous avez un visiteur.

Elle fit un signe à quelqu'un derrière le dos de Samuel et s'éloigna en sifflotant.

Tribal s'approchait à grandes enjambées, achevant de zipper la fermeture de sa combinaison, ses longues tresses rassemblées en queue de cheval sur son épaule. Il sourit de toutes ses dents à son ami :

- Salut mon pote ! Tu as l'air en forme, dit-il, ravi.

- On dirait, oui. Qu'est-ce que j'ai raté ?

- Oh, rien de spécial, hormis une petite soirée à la Cascade.

Le grand Noir se laissa tomber au pied du lit avec un grand soupir. Samuel lui trouva l'air soucieux et las, ce qui n'était pas dans les habitudes d'une personne aussi joviale que lui.

- Tu vas quelque part ? s'enquit-il.

Tribal se racla la gorge, mal à l'aise et hésita un instant.

- Ecoute, Sam, il faut que je te dise un truc. Luna est partie en mission le soir du Jour de l'Arène. Le directeur a demandé le transfert des recrues dans l'ancienne base de l'Institut et elle a fait partie du convoi avec Allan et quelques autres.

Samuel haussa les épaules :

- Quel est le rapport avec toi ?

- J'ai été affecté à la deuxième équipe de secours qui sera envoyée sur place dans la journée. Le directeur s'est également rendu là-bas juste après Luna, et les survivants ont...

- De quoi tu parles ? coupa Samuel, glacé d'effroi.

- Il y a eu une attaque, chuchota presque le grand GEN. Un bain de sang, à ce qu'on m'a dit. Les recrues elles-mêmes se sont retournées contre leurs accompagnateurs. Ce serait l'œuvre des Revenants, mais rien n'est certain pour le moment.

- Luna ?

La voix de Samuel dérailla et il ne put en dire plus. Son cœur lui parut soudain trop gros pour sa poitrine.

- Elle va bien. Enfin, on n'en sait rien, mais on n'a aucune raison de penser le contraire.

- Comment ça ? Putain, accouche, mec !

- Allan m'a appelé il y a trois jours. Lui aussi va bien, mais il ne sait pas où est Luna. Elle s'est volatilisée juste après l'attaque et n'a prévenu personne. Je n'ai pas tout compris, Sam, mais il y a eu une histoire de morts suspectes là-bas, et d'indices qui accusaient Luna...

- Ce n'est pas elle, affirma aussitôt le GEN blond. A quoi est-ce que ça rimerait ?

- Je suis d'accord avec toi, et Allan aussi. Il m'a demandé de me joindre à l'équipe pour tirer cela au clair et tenter de découvrir ce qui l'a poussée à partir, et surtout ce qu'elle compte faire, maintenant. Il pense qu'elle est en danger.

Samuel repoussa vivement sa couverture et posa les pieds au sol sous les yeux ronds de son ami.

- Attends, mec, tu fais quoi, là ? protesta Tribal. Tu dois te reposer !

- Je vais bien, le docteur Savanny a dit que je pouvais sortir.

- Tu devrais rester, de toute façon, personne ne t'a demandé de venir avec nous. Tu n'as pas d'autorisation ! Amanda vient avec moi, mais Victoire est ici et...

- Victoire ? se moqua Samuel. Quelle consolation, je ne peux pas blairer cette garce. Et ne me parle pas de Marc, ce type est stone toute la journée depuis la mort de Guilhem.

- Il a semblé touché quand Amanda lui a appris la nouvelle.

Le GEN blond balaya l'argument d'un revers de main et arracha sa perfusion. Il fut sur ses jambes en un rien de temps, soulagé de se sentir parfaitement en forme. Tribal lui barra le chemin pour le retenir.

- Où comptes-tu aller comme ça ? grimaça le GEN Noir. Réfléchis deux secondes, mec, tu es en chemise de nuit avec le cul à l'air !

Samuel le foudroya du regard, agacé par cette piètre tentative et ne bougea pas d'un pouce. Tribal finit par secouer la tête, vaincu, et fit volte-face en direction de la doctoresse occupée plus loin.

- Ça va, ça va, mais tu ne viendras pas te plaindre si tu te sens mal. Je vais demander aux infirmières si elles n'ont pas un slip à te prêter. Ce sera déjà un début.

***

La chambre 31 du Motel des Rives empestait le renfermé et le tabac froid. L'atmosphère étouffante était accentuée par le peu de lumière qui y entrait par le biais de la minuscule fenêtre située près de la porte, et les couleurs sombres de la décoration. Les murs étaient recouverts de lattes de bois et le sol d'une moquette rongée aux mites. Le lit deux places occupait pratiquement tout l'espace, avec ses couvertures râpeuses et ses draps d'un jaune douteux, et, pour tout autre mobilier, la chambre comptait une table et une chaise à l'assise défoncée. De plus, une petite table de nuit se trouvait près du lit, avec une lampe qui avait au moins le mérite de fonctionner contrairement au lustre principal dont l'ampoule avait grésillé avant de rendre l'âme. Au fond de la pièce, un recoin avait été aménagé en salle de bain, sans la moindre porte pour séparer celle-ci du reste, et l'endroit ne réservait pas meilleur accueil. La baignoire, le cabinet de toilettes et le petit lavabo donnaient une impression de propreté tant qu'on n'y regardait pas de trop près et que l'on ne passait pas ses doigts n'importe-où – et ne parlons pas de la poubelle. Quant à la teinte verte foncée du carrelage, ne me demandez pas pourquoi, mais elle me filait des frissons et la certitude qu'un crocodile pouvait à tout moment jaillir d'un recoin.

Éreintée, je posai mes clefs et le sac de courses sur la table et m'avachis sur le lit, rêvant d'un repas chaud et d'une sieste. Je n'avais pas dormi depuis des jours, mais l'heure n'était pas au repos et j'avais du pain sur la planche.

Je me redressai à contrecœur et déballai le contenu du sac. Des affaires de toilette, des vêtements, de la nourriture sous forme de boites de conserves et de plats préparés... Je jetai le tout sur la table et me saisis du dernier objet, dissimulé tout au fond, et qui s'avérait être un ordinateur dérobé dans le véhicule qui m'avait servi à fuir.

Je l'allumai et branchai aussitôt la clef USB que j'avais toujours avec moi, et contenant une version simplifiée – mais non moins performante – de P.I.A, l'ancêtre de N.I.A. Il me fallait brouiller rapidement le signal de l'appareil pour que l'on ne puisse pas me retrouver. Tandis que le programme travaillait, je glissai une main dans ma poche et en sortis une puce électronique arrachée à une recrue dans la mêlée. Celle-ci étant implantée à la base de la nuque, l'extraction n'avait pas dû lui faire du bien, mais son malheureux propriétaire n'était désormais plus de ce monde pour se plaindre...

J'avais des recherches à mener, et j'allais commencer par-là. 

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