Chapitre 4


- 17 ans, née le 27 Octobre. Fille de Gérald Deveille et Myriam Deveille, respectivement 40 et 42 ans. Un frère de 19 ans, Nathan, en fac de maths.

Chaque mot semblait ravir le Dr Malcolm, à moins que ce ne fut mon expression atterrée. J'avais beaucoup plus froid que tout à l'heure et je me sentais sur le point de défaillir. Une sueur glacée inonda mon dos quand je réalisai qu'elle savait tout de moi.

- Bien, dit Irina Malcolm, je verrai ceci en détail plus tard. Passons aux résultats scolaires... Des notes correctes dans chaque matière, une petite faiblesse en sport. Il va falloir corriger cela, si tu es sélectionnée pour nos expériences.

Elle arrêta la tablette et se leva d'un mouvement fluide.

- Je vais t'examiner, assied-toi sur la table.

La doctoresse me fit me déshabiller et m'étudia sous toutes les coutures. Tour de taille, de cuisse, de poitrine, taille, test de respiration, analyse de sang, tout y passa. Je me laissai faire passivement. Qui pouvaient bien être ces gens, pour savoir autant de choses en un rien de temps ? Ils étaient sans aucun doute puissants, avec beaucoup de moyens à disposition. Pour finir, Irina Malcolm m'autorisa à remettre mes vêtements. Je m'aperçus que je sentais mauvais.

- Passes par la porte du fond. Des agents vont te conduire à ton dortoir pour la nuit.

- Docteur ?

- Oui ?

- Qu'en est-il de ma famille ? me risquai-je à demander, le cœur battant.

- Jeune fille, tes parents ne se feront pas de souci pour une personne qu'ils croient morte.

Je déguerpis, les larmes aux yeux. Une main me guida dans une petite pièce carrée et je dus cligner des paupières pour chasser le brouillard qui obstruait ma vue. J'essayai de ravaler la boule de chagrin dans ma gorge et de me reprendre. Hors de question de me laisser impressionner si vite.

Le dortoir me fit davantage penser à une cellule de prison. Il pouvait contenir quatre personnes grâce à des lits superposés, et deux filles étaient déjà là. Elles me dévisagèrent en silence, et je songeai qu'elles ne devaient pas avoir beaucoup parlé avant mon arrivée. En même temps, nous étions bien loin de la colonie de vacances et de l'ambiance conviviale.

- Salut, lâchai-je.

Je montai dans un des lits en hauteur et y trouvai une boite avec de la salade de pâte en conserve et des biscuits secs. Il y avait aussi une pile de vêtements dont je m'emparai. La douche était située dans un coin, sans même un paravent pour l'intimité. Comme aucune de mes colocataires ne faisaient mine de s'en servir, je me glissai dedans et refermai la porte à la vitre heureusement floutée. Je retirai mes loques et allumai l'eau.

Aussitôt, je me détendis. J'allais réfléchir à une façon de sortir de là, ou au moins d'appeler mes proches. La situation n'était sûrement pas si terrible que ça.

Je me frottai activement avec un savon de Marseille et du shampoing bon marché. Une lumière bleue piquante éclaira alors la cabine. Mes mains se mirent à me gratter, et j'allais sortir en vitesse de la douche, mais je remarquai une chose étrange. Les griffures que je m'étais infligées durant ma cavale en forêt disparaissaient.

- C'est impossible soufflai-je, la bouche pendante devant le phénomène.

La lumière cessa et l'eau fut par la même occasion coupée. Je pestai intérieurement et m'enroulai dans la serviette râpeuse fournie, en redescendant sur Terre. Pour tous vêtements, le colis était composé d'une culotte blanche très élégante dans la catégorie sac à jambon, d'un bas de jogging gris délavé dans lequel j'aurai pu inviter une amie pour le remplir tellement il était large et d'un t-shirt noir tout étiré. La sensation de froid m'avait quittée, mais j'aurais bien aimé un pull pour couvrir mes bras.

Je sortis de la cabine pour voir mes camarades de chambre se coucher, indifférentes à ma présence. Le dernier lit était toujours vide. Je grimpai dans le mien et me forçai à avaler une bonne moitié de salade de pâtes, en gardant les biscuits au cas-où on ne nous donnerait pas de petit déjeuner. J'étalai ensuite les draps et la couverture sommairement pour me couvrir et m'allongeai. Je devais absolument dormir et me préparer à la suite des événements.

Les yeux au plafond, je demeurai longtemps éveillée et sombrai dans le sommeil sans m'en rendre compte.

***

Une sonnerie électronique se chargea du réveil et je sortis du lit de mauvaise grâce. Dans la pièce, mes deux camarades d'infortune étaient debout, les cheveux en bataille et les yeux gonflés. Je me figeai en inspectant le dernier lit, vide la veille.

- Victoire !

- Ne crie pas si fort, j'ai encore sommeil.

Toute à ma joie, je sautai sur le sol et la secouai.

- Ça va ? Ta jambe ?

- Oui, tout va bien, ne t'en fais pas, soupira mon amie en rejetant ses cheveux en arrière. Je suis comme neuve, regarde.

Elle se mit debout pour me montrer son état et fit quelques pas. On avait dû utiliser sur elle la même technique que pour mes coupures, mais c'était tout de même incroyable. Ressouder des os ! Le déclic d'ouverture de la porte nous coupa dans nos retrouvailles. Je passai la tête par l'ouverture pour examiner le couloir. Des dizaines de jeunes sortaient de dortoirs identiques à celui où j'avais dormi. Ils suivaient le couloir jusqu'au bout, le regard vide, apeuré ou empli de colère. Je m'empressai de boire une bonne gorgée au robinet puis avalai les gâteaux secs. Peut-être allait-on nous servir un petit déjeuner, mais je préférais être prudente.

Victoire me pris la main et nous nous décidâmes à sortir en silence. Les deux autres filles étaient déjà parties. Le couloir me parut bien trop court, et nous entrâmes enfin dans une nouvelle pièce – encore une – meublée de tables individuelles avec un plateau de verre, comme celui d'Irina Malcolm. Nous nous assîmes près de la porte et attendîmes.

Sur la petite estrade apparurent deux hommes et une femme, la fameuse doctoresse qui s'était occupée de moi à mon arrivée. Un sentiment curieux, entre fureur et intimidation s'empara de moi. Je serrai les doigts sur le rebord de la table. Après tout, cette femme avait été mon seul contact ici, et elle pouvait très bien être responsable de tous mes problèmes !

- Bonjour à tous, dit-elle avec un sourire figé. Ne perdons pas de temps en discours inutiles et commençons tout de suite. Afin de connaître les candidats potentiels au programme, nous avons effectué vos tests physiques il y a quelques heures. Nous allons maintenait procéder à votre évaluation intellectuelle, et vous aurez les résultats immédiatement après. Vous avez deux heures.

Ma tablette s'alluma d'un coup.

Question 1 : Quelle est la capitale de l'Allemagne ?

Bon sang, mais ils nous prenaient vraiment pour des débiles ou quoi ? Ma colère bouillonnait dans mes veines, accentuée par la fatigue et le manque de réponses à mes interrogations. Je respirai longuement. Vu l'allure des gardes placés aux portes, munis d'armes à feu et de grosses matraques, ce n'était pas le moment de péter un plomb. Je sélectionnai sagement la réponse et passai à la suivante. Le test contenait un mélange de questions de culture générale, de logique, de maths et parfois même, il fallait rédiger un petit texte argumenté. Je ne m'en sortis, à mon avis, pas trop mal et tombait des nues lorsque l'appareil s'arrêta. Je n'avais pas rempli la moitié du questionnaire. Cela altéra fortement mon moral et je me laissai aller en arrière sur ma chaise, abattue.

Irina et ses sbires revinrent, et je me tendis. Si je n'avais pas terminé l'épreuve, aucune chance d'être retenue. Mais que voulais-je vraiment ? Que l'on m'intègre de force à des expériences bizarres ou que l'on ne me choisisse pas ? Lorsque la doctoresse avait parlé du sort réservé à ceux rejetés par les tests, elle avait semblé penser à quelque chose de fort peu agréable.

- Nous allons annoncer les noms des candidats admis. A l'appel du vôtre, veuillez-vous présenter à la porte sur ma droite.

Elle se racla la gorge :

- Hiraud Romane. Jaquin Simon. Ibrahim Salim.

Elle poursuivit son énumération. Victoire fut appelée en cinquième et me quitta avec un regard incertain. Mon cœur cognait dans mes côtes.

- Brandt Tristan. Deveille Luna.

Moi. C'était moi. Je devais me lever. Mes jambes, lourdes comme du plomb refusèrent temporairement d'obéirent. Difficilement, je titubai vers la porte. Je voyais flou sous l'effet du stress et ne pus que sentir une main sur mon bras qui me poussait en avant. Clac. Enfermée.

Je me repris tant bien que mal, mais la situation n'étais pas brillante. Retour à la case départ, avec une toute petite cellule blanche verrouillée.

- Injection dans dix secondes, lança une voix artificielle. Dix, neuf, huit....

Comme un lion en cage, je fis le tout de l'endroit. Une petite douche faisait l'angle du fond mais c'était le seul mobilier. Le décompte était terriblement angoissant.

- Trois, deux, un. Injection effectuée.

Une seringue jaillit de nulle part et la douleur me vrilla l'épaule. Je sautai sur place, l'arrachant tel un fauve fléché par le vétérinaire.

Un somnifère ? Un sérum de vérité ? Du poison ?

Je m'assis, au cas où les effets du produit me feraient perdre l'équilibre. La réaction ne se fit pas attendre.

Mon corps fut tout d'abord inondé de sueur et je me sentis faiblir. Puis vinrent les démangeaisons sur les jambes, le ventre et les bras. Un coup d'œil sous mon jogging me révéla des plaques rouge vif qui progressaient sur ma peau. La douleur se renforça, gagnant mes muscles en même temps que la panique envahissait mon cerveau. A quatre pattes par terre, je tremblais de tous mes membres, le cœur battant fort et irrégulièrement. Je voyais trouble, mes oreilles se bouchèrent. Et d'un coup, milles lames chauffées à blanc me transpercèrent de part en part et je hurlai. Du sang coula sur ma peau, dans ma gorge, étouffant mes cris et mes pleurs. Je m'effondrai, incapable de faire répondre mes bras pour me soutenir.

Je ne voyais plus, n'entendais plus. J'avais peur.

Je ne veux pas mourir. Aidez-moi, ne me laissez pas là. Je ne veux pas. Je ne veux pas mourir.

Les sensations me quittèrent, je n'étais plus qu'une conscience flottant dans le vide. Et je cessai de respirer.

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