~VI~

La caserne était poussiéreuse et les couloirs étroits. Il y avait quelques soldats qui discutaient autour d'une table, armes posées sur celle-ci. Ils buvaient une boisson étrange, qui ressemblait à de la bière mais avec quelques teintes de bleu. Tous regardaient les nouveaux d'un regard hautain. Les nouveaux mercenaires étaient très mal vus par les plus anciens, nul ne sait pourquoi. Ici, il n'y avait ni dieux ni sous-dieux. Les dieux considéraient ces personnes comme des serviteurs ou plus vulgairement dit: comme des esclaves. Pourtant, ils n'avaient pas l'air de se plaindre. Ils pouvaient profiter de Zénith, mais pas autant que les entités divines. Les humains devaient utiliser des toilettes différentes, ne pouvaient pas manger avec les dieux ou même aller voir un spectacle organisé par Expressionus, dieu de l'art. L'hôtel d'Hostia, par exemple, était le seul hôtel accessible par les mercenaires. Malgré tout cela, leur rôle était très important. Ils avaient une mission: retrouver Ventis.

Ben trouvait l'endroit un peu trop petit pour héberger une armée. Le jeune fermier changea vite de perspective lorsque la centaine de mercenaires rentra dans la caserne et que le sol de celle-ci commença à descendre, comme un ascenseur. Ben eut la chance d'être près d'un mur afin de pouvoir observer tout ce qui se passait autour de lui, car les quatre murs de l'ascenseur étaient en fait d'épaisses vitres. Lors de la descente, il remarqua qu'il y avait un grand nombre de salles telles qu'une salle d'entraînement, une cantine et même une salle de sport hautement équipée. Au dernier étage, le plus profond, il y avait les dortoirs. C'était là que Ben allait devoir s'installer pendant deux semaines. Sa nouvelle maison, loin de la ferme.

L'ascenseur s'arrêta. Guerrus, Batalla et les mercenaires descendirent de la plateforme. Autour d'eux s'étendait un vaste espace rempli de petits chambres, comme une place publique où s'étaient installés divers commerces. Batalla se tourna vers l'escouade Nova et annonça:

« C'est ici que vous dormirez. Vous serez deux par chambre. Sachez qu'il est préférable de bien s'entendre avec son colocataire car durant la plupart des missions, vous devrez travailler ensemble. Les filles avec les filles et les garçons avec les garçons. Si de nouveaux couples se sont formés récemment, c'est fort dommage pour vous. Aucune distraction n'est autorisée, donc vous faites avec. Allez, et que ça saute! »

Tout le monde se mit à courir vers les chambres. Cinquante hommes et cinquante femmes. Vingt-cinq chambres par sexe. Ben se faufila dans la foule pour atteindre la chambre 7. Il ouvrit la porte et fut étonné de voir qu'il n'était pas le seul à aimer ce chiffre.

Quelqu'un venait de s'installer. C'était un homme mesurant près d'1m80 et qui possédait une barbe mal rasée et des yeux bleus avec des touches de jaune. Il s'était installé dans un lit couvert d'un tissu blanchâtre et légèrement sale. Sur la table, il y avait un écouteur sans-fil. En voyant Ben rentrer, l'homme le salua timidement:

« Buongiorno. Mi chiamo Leonardo. E tu? »

Ben était gêné. Il ne parlait pas l'espagnol. Il ne parlait que français, malgré ses origines britanniques du côté de son père. Près de l'écouteur, il y avait une note où était écrit:

« Traducteur linguistique. Fonctionnant pour près de 67 langues terrestres. Modèle AM56. Rechargeable, fragile.
Signé: Mairie de Zénith.»

Ben n'avait jamais mis ses mains sur une telle technologie. Il avait vu plus de technologie en deux jours qu'il n'en avait vu en dix neuf ans. Il prit l'écouteur et le fixa dans son oreille gauche. Des fils s'infiltrèrent dans l'intérieur de son oreille. Cela le chatouilla légèrement, mais quelques secondes plus tard, il ne sentait plus rien. Il se tourna vers son colocataire et Léonardo répéta:

« Bonjour...Je m'appelle Léonardo... », dit il en soupirant, s'imaginant l'ennui que lui procurerait ce nouveau compagnon pendant deux semaines s'ils n'arrivaient pas à communiquer correctement.

- Excuse moi, je n'avais pas encore mis l'engin bizarre dans mon oreille. Moi c'est Ben, ravi de te rencontrer, Léonardo, répondit Ben.

L'homme sourit, rassuré. Sur son torse, Ben pût apercevoir un chiffre: 13. Sur le blouson de Ben il y avait un 14. Ils étaient même matriculés. En rentrant dans la chambre, une machine avait détecté leur arrivée et avait imprimé ces chiffres sur leurs uniformes neufs. Léonardo s'allongea dans son lit et continua:

« Je suis italien. De Naples, plus précisément. Je vivais avec mes parents dans une jolie maison en ville. Mon père était banquier. Un jour, en commerçant dans le marché, un artisan me propose de goûter un haricot multicolore. J'ai croqué. Puis je suis arrivé là. Étrange, non? »

Ben hocha la tête. Il se souvenait d'un scénario similaire. Leur convocation était planifiée et non accidentée. Pourquoi eux? Léonardo lui demanda:

« Et toi? Comment es tu arrivé ici? En snowboard? »

- Non, en surf, répondit ironiquement Ben.

Le courant passait bien entre les deux mercenaires. Ils rigolèrent à pleines dents. Ben redevint sérieux après la rigolade et justifia son arrivée en allant chercher ses souvenirs qui étaient enfouis au fond de sa tête:

« Je suis français et je viens du Tarn, qui se trouve dans le sud de la France. Mon père nous a abandonné avec ma mère, qui ne travaille pas. Je m'occupais personnellement de nous nourrir par le biais de la pêche et de la chasse. Comme toi, j'ai croqué dans cet haricot multicolore après l'avoir cueilli d'un arbuste. »

Léonardo acquiesça puis regarda le plafond, allongé sur son lit.

« J'imagine qu'on va devoir casser la gueule à ce Ventis. Je me demande de quoi ils sont capables, ces dieux. A part leur taille, je n'ai pas remarqué grand chose. Ils n'utilisent jamais leurs pouvoirs. », continua Léonardo.

Ben acquiesça. Il s'installa lui aussi sur son lit et attrapa une tasse posé sur un tabouret. Il la remplit d'une poudre marron et remua le tout avec de l'eau chaude provenant d'une carafe qui brûla légèrement le jeune homme lorsqu'il essaya de se servir. L'eau devint marron. Il goûta le liquide. C'était amère et extrêmement chaud. Il cracha le liquide sans réfléchir, laissant une grosse tâche sur le mur. Léonardo se mit à rigoler, et lui dit:

« T'as jamais goûté du café? Punaise... Tu dois t'ennuyer dans ta ferme. »

Ben posa la tasse, se leva et s'avança vers la porte de la chambre. Il n'y avait personne à l'extérieur. Un silence gigantesque régnait dans le hall du dortoir. Il remarqua que les chambres étaient insonorisées, ce qui était très réjouissant, surtout pendant les nuits. Il soupira et se pencha vers la fenêtre de la porte, s'appuyant sur le rebord de celle-ci. Au bout de la salle, il y avait une chambre matriculée 32. Une femme était elle aussi penchée sur la fenêtre. Ben plissa les yeux pour la voir davantage, car elle devait se trouver à plus d'une vingtaine de mètres. Il abandonna très vite, très peu patient. Il recula vers Léonardo et s'assit sur son lit. Il lui dit:

« Va falloir commencer à monter vers la salle d'entraînement. Tu te reposes trop. »

Léonardo se leva lentement en regardant Ben d'un oeil narquois. Il répondit:

« T'es un peu chiant, toi...Allez, je vais te faire plaisir. », dit-il en se levant.

Leonardo s'avança vers la porte et l'ouvrit, après avoir bousculé Ben gentiment. Il courut vers le centre du hall et mit ses deux mains autour de sa bouche. Il gueula:

« Debout! Ordre de Ben! »

Il y eut un étrange silence. Personne ne semblait se soucier du boucan provoqué par Léonardo. La porte de la chambre 32 s'ouvrit. Deux filles sortirent. Et ainsi, tout le monde commençait à sortir peu à peu. Toutes les chambres étaient vides en moins de cinq minutes. Léonardo se tourna vers Ben et lui fit une révérence, fier de son acte.

« Cadeau. Appelles moi Léo, par contre. Si ça te fais plaisir, tu peux même m'appeler Léo le Gigolo. », proposa Léo, un grand sourire aux lèvres.

« Léo le Gigolo » tendit sa main vers le jeune fermier. Ben l'agrippa de suite tout en ricanant. Ils étaient devenus amis. De très bons amis.

~~~

Arrivés à la salle d'entraînement, les mercenaires se mirent en ligne. C'était le protocole. Guerrus ne pouvait pas être présent car il devait discuter avec Créos dans son bureau qui se trouvait dans le Parlement de Zénith, où eut lieu la réunion antérieure. Batalla, le second du dieu de la guerre, allait s'occuper d'eux. Batalla était le dieu de la stratégie militaire. C'était le neveu de Guerrus mais aussi le cerveau de l'ancien, en quelque sorte. Un sous-dieu reconnu pour avoir formé les plus grands héros de Zénith, tel que Balthazar « L'Intrépide », aujourd'hui mort, qui avait réussi à balayer une horde de trois cent créatures à lui tout seul. Batalla retroussa ses manches et commença à parler:

« Bien. Écoutez moi bien, les terriens. Ici, c'est moi qui donne les ordres. Vous m'écouterez à la lettre ou sinon vous irez faire un tour dans la cage de Gargantua, ma mascotte qui n'a pas mangé depuis une bonne décennie. J'ai beau être le « toutou » de Guerrus à vos yeux, mais faites attention: je vous aie à l'oeil. Vous devez réussir cette mission coûte que coûte, et je vais m'en assurer. Préparez vous, car l'entraînement va être laborieux. »

Les gouttes de sueur glissaient sur les visages de certains, pétrifiés de peur. Batalla se dirigea vers une grande caisse verte. Il brisa les cadenas et l'ouvrit. Il sortit un fusil d'assaut rechargé. Il enleva la sécurité.

« Les humains pensent que les dieux sont ruraux et qu'ils ne font que festoyer et s'amuser jour et nuit dans leur « Paradis » si convoité par la vermine qu'ils sont. Et bien c'est faux, et j'espère que vous, en tant qu'humains intelligents, vous l'ayez compris. Les armes à feu sont notre création. Les dieux lisent dans vos pensées et vous aident à inventer et créer des choses nécessaires à votre survie. Sans nous, vous n'êtes rien. », ajouta Batalla tout en jouant avec son arme.

Le sous-dieu se retourna et prit son arme avec ses deux mains. Il visa des cibles positionnées derrière lui et il se mit à tirer. Les balles percutaient les têtes des cibles métalliques, créant presque des trous à force de viser au même endroit. Il ne ratait aucune balle. Quand son chargeur fut vidé, il posa l'arme sur la caisse.

« Vous en prenez une chacun et vous visez une cible. Je veux voir des creux dans chaque partie du corps de ces mannequins. Vous avez un quart d'heure. »

L'escouade Nova se rua sur la caisse et ramassa les fusils d'assaut. Ben prit une arme chargée et en passa une autre à Léonardo. S'il fallait faire une impression, c'était le moment. Il se positionna devant la 14ème cible comme l'indiquait son matricule et visa la cible. Il souffla un grand coup et retira la sécurité. Il appuya sur la gâchette et une balle percuta le mur. Il comprit que la lunette servait à quelque chose et n'était pas seulement là pour décorer. Il se mit à tirer, et très vite, il dut recharger.

~~~

Ben avait adoré l'expérience, malgré l'étrange sensation de recul. De plus, il avait fait un très bon travail. Batalla était revenu pour contempler le travail des jeunes apprentis, car quinze minutes étaient passées. Il marcha longtemps, un cigare dans la bouche, et passa entre Ben et Léonardo sans rien dire. Il s'arrêta au 20ème couloir de tir.

« Ton arme est vachement chargée, dis donc. Explication? », ordonna t'il au jeune homme.

- Je n'ai pas eu la force de tirer, chef. Je ne pense pas être fait pour ce genre de choses. Je m'excuse, je-

Batalla fit une grimace. Il attrapa le jeune homme par le col et le balança dans la ligne de tir. Il lui dit:

« Je te comprends totalement, ne t'en fais pas. Mets toi devant le mannequin. Écarte tes bras et redresse la tête. »

Le 20ème mercenaire obéit. Batalla enleva la sécurité et visa. Il tira une fois. Deux fois. Trois fois. Les trois balles avaient touché la cible, mais pas le jeune homme. Miracle. L'homme sourit et expira l'air retenu dans ses poumons, soulagé. Batalla visa l'homme à nouveau. Il tira. Numéro 20 s'effondra, la balle ayant traversé son crâne.

« Défaillance. Si vous êtes là, c'est justement parce que vous n'êtes pas comme lui. Nous nous sommes trompés à son sujet. », ajouta Batalla.

Tous les guerriers regardèrent le sol, gênés par la situation et attristés par la situation. Ben comprit vite la philosophie de tout cela: obéir ou mourir. Léonardo regarda Ben d'un air inquiet et lui chuchota:

« Qu'est-ce qu'on fout là? Je veux rentrer, Ben... »

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