Le soir était tombé, et l'établissement s'emplissait des conversations animées et des rires feints des clients. Aya, comme à son habitude, se tenait discrètement dans un coin, observant sans s'impliquer plus que nécessaire. Elle maîtrisait maintenant l'art de paraître présente sans se laisser happer par ce monde.

C'est alors qu'elle remarqua un homme différent des autres. Il ne semblait pas chercher à impressionner ni à se pavaner comme la plupart des clients. Akira, comme il se présenta plus tard, avait une présence calme, presque apaisante.

- Tu n'as pas l'air à ta place ici, lui dit-il doucement lorsqu'elle s'approcha pour prendre sa commande.

Aya releva les yeux, surprise. D'ordinaire, les remarques des clients ne faisaient que la rabaisser ou l'objectifier, mais celle-ci sonnait différemment. Akira semblait la voir, elle, et non le rôle qu'elle jouait ici.

- Je fais ce que je peux pour m'adapter, répondit-elle en haussant légèrement les épaules, sur la défensive.

Il ne la pressa pas. Au fil de la soirée, il engagea une conversation légère, lui posant des questions simples sur ses goûts et ses rêves, sans aucune arrière-pensée apparente. Aya, méfiante, hésitait à se livrer. Mais il avait une manière d'écouter qui désarmait ses réticences.

- Pourquoi tu t'intéresses à moi ? finit-elle par demander, troublée.

- Parce que je vois quelqu'un de bien, qui mérite mieux, répondit-il, sans détour.

Ces mots la frappèrent comme un coup de tonnerre. Elle détourna le regard, incapable de cacher l'émotion qui montait en elle. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas entendu quelqu'un lui parler avec une telle sincérité.

Les jours suivants, elle repensa souvent à cette rencontre. Akira revint, et peu à peu, une forme de complicité se développa entre eux. Il n'insistait jamais lorsqu'elle devenait silencieuse, et sa présence semblait plus douce que pesante.

Mais pour Aya, cette relation naissante était un combat intérieur. D'un côté, elle sentait un léger espoir naître en elle, comme si un avenir différent devenait soudain possible. De l'autre, elle restait enfermée dans ses doutes et ses peurs.

- Je ne suis pas quelqu'un qu'on peut sauver, murmura-t-elle un soir à Akira.

Il lui répondit simplement :

- Tu n'as pas besoin d'être sauvée, Aya. Tu as juste besoin de te retrouver.

Ces paroles la hantèrent. Aya savait qu'il avait raison, mais se retrouver demandait une force qu'elle n'était pas sûre d'avoir.

Pourtant, au fond d'elle, un changement s'opérait. La flamme qu'elle avait cru éteinte s'intensifiait doucement. Peut-être qu'il y avait une chance, un avenir où elle pourrait être plus que cette image brisée qu'elle renvoyait. Mais pour cela, il lui fallait d'abord affronter ses peurs et accepter que, malgré tout, elle méritait ce futur.