Chapitre 24: Je finis par faire un slow avec un zombi.
Je sors de la douche, enroulée dans une serviette jaune canari, ainsi que mes cheveux, fraîchement lavés.
Ce soir je vais aller m'amuser, ohé ohé! Au bal masqué, yeah yeah!
Antoine m'a bien expliquée l'idée, deux jours auparavant: costume d'Halloween ob-li-ga-toire! Et pourquoi? Parce que dans ce petit village de la Loire, on fête Halloween, déguisés et très souvent à moitié bourrés. Très rassurant non? J'imagine déjà une sorcière un peu ivre me frapper à coup de balai parce que j'aurais mis la musique un poil trop fort. De retour dans ma chambre, j'enfile ma merveilleuse tenue, qui va faire de moi la goule-vampirette-fantôme la plus jolie de la soirée. Oups, pardon, c'est pas bien de se vanter (même si j'ai raison!).
En deux temps trois mouvements, j'enfile un vieux top en dentelle blanc, que j'avais gardé de la troisième, une paire de collants massacrés aux ciseaux, ainsi qu'un robe bustier, m'arrivant aux genoux, taillée dans un beau velours noir. Elle appartient à la chérie de mon papa, et comme elle m'aime bien, elle m'a gentiment proposée de la mettre. Merci belle-maman!
De retour dans la salle de bains, préparez-vous Mesdames et Messieurs, transformation! En quelques coups de pinceaux (soit une bonne heure après mon annonce), me voilà blanche comme un cadavre, les yeux cerclés de cinq bon centimètres de noir, les lèvres rouge sang. Mes cheveux ressemblent à un nid d'oiseaux, tellement je les ai crêpés, et des fines veines noires parcourent le dos de mes mains et de mon cou.
Et grande première, j'ai mis des lentilles plutôt que mes lunettes! Pas parce que je ne veux plus jamais les voir, il en est or de question. Ce sont quand même mes petites lunettes chéries! Mais je me disais que ce serait moyen que de les casser, à cause d'une sorcière ivre et de son balai à poussière.
Et pendant que j'enduis mes ongles d'une couche de vernis rouge, que je vais me faire un plaisir de ravager, je repense à Sébastien. J'avais écouté tous ses messages, et lu tous ses SMS. J'en ai pleuré. Il m'aime, c'est sûr. Sinon, pourquoi aurait-il carrément craqué au téléphone, en me disant que c'était trop dur de ne pas avoir de mes nouvelles? Pourtant, je n'arrive pas à digérer le fait qu'il ne m'aie jamais parlée de Mélissa, même en tant qu'amie. C'est vrai, je ne peux pas me la sentir mais bon, c'est comme ça! Il aurait dû me faire confiance.
J'ai également dialogué avec ce fameux numéro inconnu qui m'avait laissé un message assez inquiétant: "Il faut qu'on parle". Roulement de tambour... C'était Mélissa. Au début, ça m'a un peu étonnée. Mais finalement... Pourquoi pas? Il est temps qu'on s'explique sur pas mal de choses...
Quant à Jeanne, aucune nouvelle d'elle. Et Guillaume ne m'en parle pas plus. J'espère qu'il n'y a pas eu de problèmes entre eux!
Tiens le vernis est sec! Je commence à gratter avec mon ongle la couche rouge qui s'effrite un peu, laissant ça et là quelques zones d'ongles nues. Voilà, ça donne un effet bien négligé, bien crado. Pile ce que je recherchais!
Tout à coup, une personne folle furieuse se met à tambouriner à la porte.
- CASSANDRE? ES-TU VIVANTE?
- Oui papa, tout va bien, répondé-je calmement.
Ah lala, ces hommes alors! Ils ne comprennent rien à la coquetterie féminine! Il leur suffit d'un coup de déo sur le tee-shirt et bim! ils sont prêts pour la journée suivante! Franchement, c'est assez sale. Mais alors le fait que certains ne changent pas de caleçon... STOP! Je m'égards.
Les hommes ne comprennent rien à l'hygiène. Et pas besoin de me citer votre cousin Kévin qui vit en Albanie et qui se lave trois fois par jour, je ferai semblant de ne pas entendre! La la la la la, je n'entends rien!
Cette fois, c'est une mitraillette qui s'attaque à ma porte.
- Cassandre, je dois me laver! alors, OUVRE CETTE PUTAIN DE PORTE!
Ah, je crois que c'est Antoine.
- D'accord mon frangin chéri, dis-je en passant un dernière fois un peu de crayon pour accentuer les cernes violettes que je viens de me dessiner.
Quand je quitte la salle de bains, je le vois la mine furax, m'attendant de pied ferme.
- La prochaine fois que tu mets autant de temps, je te tue.
- C'est pas gentil de dire ça, couiné-je en allant m'enfermer dans ma chambre.
On ne sait jamais, il pourrait vraiment vouloir me tuer!
Le temps que Monsieur-la-Princesse se prépare, je lis à plat ventre sur mon lit "1984" de George Orwell. C'est trop bien. Point. Et que ceux qui pense le contraire... Aille manger de la "Marmite". C'est anglais et c'est infect.
Finalement Antoine arrive, déguisé en un espèce de pirate-fantôme. Il est très craquant avec ses cheveux blonds dépassant de son bandana et ses yeux gris cerclés de noir. Il me tend son bras et, avec un accent écossais (enfin, je crois) me lance:
- Je peux vous amener quelque part ma p'tite dame?
- Avec plaisir!
Dans le halle d'entrée, j'enfile rapidement un perfecto et des bottines noirs (merci belle-maman!) et glisse mon téléphone dans ma poche. Quelques recommandations paternelles ainsi que des bisous conclut notre préparation.
On peut y aller!
****
Comment dire?
Vous avez déjà dansé au milieu de monstres ivres? Non? Vous devriez essayer. C'est assez drôle. Nan je rigole, c'est carrément flippant.
Déjà je ne connais personne et en plus, j'ai perdu Antoine. Quand je dis perdu, je signifie "qu'il drague des nanas avec un verre de punch à la main, et l'éloquence d'une personne pas très très nette et qui a dû se torcher derrière le buffet". Je m'ennuie carrément... Oh et puis zut!
Je m'approche à mon tour du buffet surnommé "de la Mort qui enivre". Message très explicite.
Bon alors euh... Le "punch du diable"? La "vodka capable de réveiller un mort"? Le "rhum pom-pom-pom, man down"? Mais c'est pas possible! C'est quoi tous ces noms pourris?
Finalement je prends la "pomme empoisonnée de Blanche-Neige" et... Cul sec! Wow, ça arrache! Au milieu du chaos alcoolisé qui empoisonne mes papilles, je sens un vague goût de pomme. Un alcool à la pomme? Euh.. La manzana! Oui bon ben, je vais essayer de sociabiliser maintenant...
Aïe!
- Excuse-moi! dis-je, en me frottant l'épaule.
- Pas de problème! Eh, c'est toi qui est arrivée avec Antoine non?
- Euh, oui.
La sorcière avec qui je parle me tend la main.
- Je m'appelle Céline, je suis sa meilleure amie. Enchantée!
Je lui serre la main, le cerveau un peu embrouillé.
- Moi c'est Cassandre.
Elle me sourit. Elle à l'air plutôt jolie, mais à vrai dire, c'est difficile de le savoir sous les couches de maquillage et le déguisement.
- Viens, me dit-elle en m'attrapant par le bras, je vais te présenter aux autres!
Ni une, ni deux, me voilà avec pleins de filles et garçons qui me parlent et qui font comme si on se connaissait depuis longtemps. Il doit être quoi, vingt-deux heures? Tout le monde danse, les gobelets se vident et se remplissent aussi sec, les cigarettes et aussi d'autres produits illicites tournent tranquillement.
Une fille avec le visage tout vert et les cheveux plaqués en arrière m'attrape par le bras.
- Goûte ça, c'est trop bon!
Grisée par la soirée, l'ambiance, la musique et par la "pomme empoisonnée de Blanche-Neige", j'avale d'une traite un liquide bleu sans me poser de question. Wow, cette fois, c'est carrément fort!
- C'est quoi? demandé-je, la bouche un peu pâteuse.
- Vodka-boisson énergisante, me dit-elle avec un clin d'œil.
On se met ensuite à danser ensemble. C'est dingue, je me sens complètement désinhibée! Les gobelets tournent, j'en vide et en remplis d'autres. Je ne suis pas totalement sûre d'avoir les idées claires mais bon, est-ce vraiment important? J'ai l'impression que tout m'appartient, ma vie, mon destin et que je ne risque rien.
La tête commence à me tourner un peu. Je décide d'aller prendre l'air et sors dans le jardin. Je m'affale sur une chaise, le regard vague et un sourire idiot sur les lèvres.
- Salut.
Un zombi vient de me taper sur l'épaule. En temps normal, j'aurais dit au gars d'aller se faire voir, mais là, j'ai bien envie d'un peu de compagnie. Du menton, je lui désigne une chaise qu'il saisit aussitôt et rapproche de moi. Il me tend un petit cylindre en papier blanc.
- T'en veux?
Méfiante (mon instinct de survie est toujours en marche) je lui demande ce que c'est.
- Un truc qui va te faire planer ma jolie.
- Euh non merci, sans façon. Par contre, si tu as une cigarette...
Pourquoi j'ai demandé une cigarette? Je croyais que c'était quand on était enceinte qu'on avait des envies bizarres, pas quand on était bourré! Immédiatement, il m'en fourre une entre les mains, avec un briquet. Mince, je vais m'étouffer devant lui, je vais avoir l'air d'une imbécile!
- Euh excuse-moi...Tu m'expliques comment on fait?
Il se met à rire bruyamment et tape sur l'accoudoir de sa chaise. Maman, j'ai peur. Il reprend tout le bazar qu'il m'a donné et me montre. Sous mes yeux, il allume MA cigarette, qu'il met dans SA bouche, avant de me la rendre. Bizarrement, je n'en fais rien et écoute ses explications. A mon tour! J'applique soigneusement ses conseils et pour la première fois de ma vie, je fume. J'ai l'impression d'avoir inhalé la fumée d'une cheminée. C'est assez... "bof" comme sensation. Je rends sa clope au zombi, qui la termine, sans rien dire.
- C'est quoi ton prénom au fait?
Il me sourit et répond:
- Appelle-moi simplement Ben. Et toi c'est...
- Cassandre.
Il m'adresse un petit sourire en coin et lâche un espèce de petit rire muet. OK. D'accord.
- T'es la petite amie d'Antoine?
Argh!
- Non non! Nos parents sont ensemble mais... Y a rien hein!
- Tant mieux.
Il me prend par la main et me plaque contre lui. Je ne sais pas comment je suis passée de la position assise à "prise en otage par un zombi" mais ça ne me choque pas plus ça. Il est plutôt mignon ce zombi...
- On retourne à l'intérieur? me chuchote-t-il.
Bam, frissons dans la colonne vertébrale. J'hoche la tête, très lentement et presque imperceptiblement. Ses mains me tiennent les hanches et son souffle chatouille mon cou. Il me fait un très léger baiser dans le cou, et là, je manque de défaillir. Il recule un peu, de façon à me dévisager. Je l'observe à mon tour, me mordant légèrement l'intérieur de la joue. Euh... ça va pas un peu vite tout ça?
- On... On rentre?
Il acquiesce et m'entraîne dans le salon, où la musique bat son plein.
- Attends moi ici.
Il disparaît dans la foule, et moi je m'envoie un petit verre de... je-ne-sais-quoi, quand un air assez doux, un peu langoureux, s'entame.
Ben réapparaît aussitôt. "Un slow" pensé-je, sentant mes joues passer du blanc cadavérique au rouge tomate.
Il me saisit par la taille et je passe mes bras autour de ses épaules. Alors que l'ambiance se fait de plus en plus intimiste, le visage de Sébastien ne cesse de me hanter. Oh mais ça va, je ne suis pas entrain de le tromper! Pis ce zombi est super agréable... Je suis bien là, contre lui, à danser.
- Cassandre.
Qui est-ce qui vient m'embêter? Je fais mine de ne rien entendre et continue mon slow avec Ben.
- Cassandre.
Cette fois-ci, la voix se fait plus insistante et une main me serre fermement l'épaule. Je me retourne, furieuse et... je tombe nez à nez avec Antoine.
- Quoi? craché-je, énervée.
Il me lance un regard désolé.
- Il faut qu'on rentre.
- Ah non, hors de question! Pour une fois que je m'amuse!
Je serre les poings, en colère. Les larmes me montent aux yeux. Au fond de moi, je sens que ma réaction est disproportionnée, mais sous l'emprise de l'alcool, je ne maitrise rien.
- Cassandre.
Putain, mais il a quoi à répéter mon prénom toutes les quinze secondes?
Il prend son inspiration.
- Cassandre, ton père m'a appelé. Ta grand-mère est à l'hôpital. Il veut que tu rentres maintenant pour que vous partiez le plus vite possible.
Cette fois, les larmes coulent vraiment.
Mamie Grandy est à l'hôpital. Si ça se trouve, c'est grave.
Peut-être même qu'elle est entre la vie et la mort.
Coucou (se cache derrière son ordinateur), ça va?
Bon ben euh... BISOUS (s'enfuit en courant, en essayant d'éviter les divers projectiles)...
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