Chapitre 23: Conseils sur conseils et citrouille hantée

Voilà déjà cinq jours que je suis en vacances. Cinq jours que je parle soit à Jeanne, soit à Guillaume. Surtout à Guillaume. Car dès que ma meilleure amie commence à évoquer Sébastien, j'arrête immédiatement de lui répondre. Shiva quant à elle, est pire que Jeanne: elle me demande sans cesse de répondre Sébastien. Il n'y a que Guillaume qui a compris mon envie de passer à autre chose... Pour le moment. Car voilà cinq jours que je me pose la question suivante: que se passera-t-il à la rentrée?

Il m'avait déjà harcelé de SMS que je laissais sans réponse et que je ne regardais même pas. Il essaye sans cesse de m'appeler et me laisse une tonne de messages sur mon répondeur que je ne prends pas la peine d'écouter.

Je n'ai pas encore la force, ni l'envie, ni même le courage de savoir ce qu'il s'est passé ce soir là au bar. Bien sûr, je ne l'ai pas vu l'embrasser! Mais ce n'était pas la première fois que je les voyais parler ensemble. Et puis je me suis souvenue de ce jour, avant la fête d'Alexandre: une fille l'avait appelé et il avait paru complètement  inquiet. Et il m'avait planté là, sans même m'embrasser. Quelque chose me dit que cette fille au téléphone, c'était Mélissa.

Hier, j'ai passé un coup de fil à mamie Grandy et lui ai expliqué la situation.

"- C'est bien simple ma chérie, m'avait-elle dit, très calmement. Tu ne l'as pas vu embrasser cette fille. Bien sûr, il ne t'a jamais parlé d'une relation amicale qu'il pourrait entretenir avec elle, ce qui doit t'énerver au plus haut point. Mais peut-être devrais-tu lui accorder une chance de s'expliquer avec toi. Il n'a pas l'air d'être un méchant garçon, et le fait qu'il insiste tellement pour te parler prouve qu'il tient à toi. Sinon, je suppose qu'il n'aurait pas autant insisté. Il doit vraiment t'aimer."

J'avais bien été obligée de la croire. Car après tout, elle a raison: si je ne comptais pas pour lui, il n'aurait pas cherché à me recontacter.

Néanmoins, ce qui me dérange le plus dans cette histoire, c'est qu'il ne m'ai jamais parlé d'elle comme une amie. Puis, je l'avoue, j'ai été jalouse quand je l'ai vu la serrer dans ses bras.

Mon poing se serre à se souvenir: c'est moi qu'il doit prendre contre lui, pas elle!

Ting!

Je regarde mon téléphone: Guillaume. Je réponds brièvement à son "Hey, tu vas bien?" et repose mon portable. Je fixe le plafond et pense à ma meilleure amie. Elle a quitté Axelle il y a deux jours. J'ai reçu un message de cette dernière qui me demandait pourquoi Jeanne l'avait quitté. J'avais répondu que je l'ignorais. Elle m'avait ensuite envoyé: "ça m'étonne d'elle, il y a une semaine encore, elle me disait qu'elle m'aimait. Et là, brusquement, sans raison, elle m'appelle en pleurant pour me dire que c'est terminé, qu'elle ne ressent plus rien pour moi. C'est pas normal non?"

Je m'étais efforcée à rester polie. Après tout, je n'allais pas l'envoyer bouler. J'étais polie et menteuse. Car je ne lui disais pas l'entière vérité. Puis je me voyais mal lui dire: "Jeanne te quitte car elle sort avec un garçon qu'elle va aussi plaquer parce qu'elle ne sait pas qui elle aime!". Moyen quand même.

Ting!

Qu'est ce qu'il me veut encore?

"La forme. On peut s'appeler?"

Je pousse un profond soupir avant d'appuyer sur la touche appel. Il décroche presque aussitôt.

- Je suppose que ça veut dire oui? glisse-t-il.

- La ferme, tu m'énerves déjà.

Il éclate de rire derrière le téléphone avant de me répondre.

- Sois pas violente princesse! Si tu veux, je raccroche hein!

- Ok, s'cuse-moi, marmonné-je. Pourquoi tu voulais m'appeler?

- Rien, juste pour discuter un peu avec toi.

Et pendant une bonne demi-heure, nous discutons de choses et d'autres, de nos projets de vacances etc... C'est vraiment sympa de parler de tout et de rien ave une personne qu'on apprécie. Néanmoins, je le sens tout de même un peu tendu. Je reste sur mes gardes.

- Bon princesse, faut qu'on parle de deux choses importantes là.

Je ne relève même plus les surnoms qu'il me donne. Bébé ou princesse. C'est affectueux venant de lui. Sans sous-entendu. Du moins avec moi. Enfin, j'espère.

- Si c'est pour parler de Sébastien, je n'en ai aucune envie.

Ma voix est certainement très lasse, car il semble hésiter.

- Il faut qu'on en parle, finit-il par dire. Sinon, tu vas faire quoi quand tu vas le voir? Te défiler? Je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Dis moi au moins s'il a essayé de te recontacter.

Dans un souffle, je lâche un "oui" à peine audible. Il se tait quelques instants, comme s'il était entrain de peser le pour et le contre.

- Et qu'est-ce qu'il te disait?

- Je n'en sais rien, je n'ai ouvert aucun de ses messages, que ce soit sur ma messagerie ou sur mon répondeur.

Je l'imagine très nettement lever les yeux au ciel.

- Parfait Cassandre, continue! Je comprends mieux pourquoi je ne t'aimais bien que physiquement hein... Une vraie godiche!

- Hé! protesté-je, sans autre argument plus pertinent.

Je suis du genre brillante comme nana, vraiment.

- Non mais sérieusement: même si ton mec est un peu un abruti sur les bords, il a l'air de tenir à toi. Mais fais attention: à trop jouer les pauvres victimes fragiles, il va en avoir ras le bol et va te plaquer. Je te garantis, ce sera beaucoup plus douloureux que de l'avoir vu prendre une autre dans ses bras. 

Il n'a pas tort. 

- Bon, tu sais quoi? Je vais y réfléchir. En tout cas, merci pour la causette, c'est très gentil de ta part!

- De rien, et au fait...

Je tends l'oreille, mon instinct féminin soudain en alerte.

- Oui?

Il soupire et attend un peu. OK, il veut me faire une confidence. Peut-être va-t-il m'avouer qu'il est gay, ou encore que c'est un travesti ou même qu'il vient du futur ou encore...

- Tu te rappelles, quand je t'ai dit que j'aimais bien une fille là?

- Je me souviens que tu l'as évoqué mais j'arrive plus à me souvenir si tu m'as dit son nom ou pas. C'était au moment où j'ai vu l'autre avec la pouffiasse.

"L'autre", c'est le nouveau surnom de Sébastien. 

- Bon t'es prête? Ne t'énerve pas d'accord?

"Et merde, il va me dire que c'est Mélissa. J'en suis sûre" pensé-je, l'estomac brusquement noué.

- Elle s'appelle...

Biiip.

Plus rien. Je regarde avec horreur mon téléphone. La communication a coupé! Serait-il passé sous un tunnel?

Je le rappelle immédiatement, frustrée.

"Bonjour, votre crédit est épuisé. Pour le recharger...". Saloperie de nouvelle technologie!

Mon portable sonne aussitôt et je décroche, soulagée, en voyant le nom de Guillaume. 

- Ça a coupé, dit-il d'une voix blanche.

- Non sans rire? répliqué-je, plus qu'impatiente. Bon c'est quoi son nom?

- Jeanne.

- Quoi Jeanne?

Silence au bout du fil. Lui aussi n'a plus de crédit?

- J'ai des sentiments pour Jeanne.

- Jeanne comment? demandé-je, avant de réaliser.

Jeannou. Ma meilleure amie. La nana bi, qui vient d'envoyer paître son copain et sa copine. 

Pourquoi ce n'est qu'elle qui vit les situations les plus marrantes? C'est pas juste! On pourrait écrire un bouquin avec sa vie! Tiens, c'est une bonne idée ça...

- Tu m'écoutes?

- Hein? répondis-je d'une voix où perce intelligence et rapidité d'esprit. 

- Bon Cass' tu m'aides vraiment pas là, fait-il, l'air désespéré. Comment je m'y prends avec elle? Je te jure, je la tromperais pas tout de suite! Promis, un mois de fidélité absolue!

Je lève les yeux au plafond. Quel acte courageux, vraiment! Néanmoins, j'ai un peu de peine pour lui. Parce que je ne suis pas sûre que Jeanne ait envie d'une nouvelle relation amoureuse après ces derniers mois plutôt chaotique. Alors je lui raconte tout. Jeanne et Axelle, Jeanne et le frère de Shiva, son pétage de plomb, sa récente rupture avec l'un et le future séparation avec l'autre. Pourtant, Guillaume n'en démord pas.

- Allez, donne moi un truc. Je ferais attention à elle au début, je la brusquerai pas. Et ne cherche pas à me choquer; j'ai fait pire. 

C'est vrai qu'il n'a pas tort. Je réfléchis rapidement.

- Je peux te donner son numéro si tu veux. Par contre laisse lui beaucoup de temps.  Et si jamais, je dis bien jamais, tu lui fais un peu de mal...

- Tu me découpes en petits morceaux avec un couteau de boucher avant de les servir à ton chat?

- Euh... oui.

Après un petit moment de silence, il finit par me dire au revoir et à raccrocher. Je m'allonge sur mon lit, les yeux fermés. Je me ferais bien une petite sieste moi... Tout à coup, quelqu'un frappe à ma porte. Papa?

- Entrez.

Eh non, ce n'est pas mon père, mais le fils de sa copine, Antoine. Rha la la, il est bien mignon celui-là! Franchement, on se serait rencontrés dans des circonstances différentes, j'aurais bien pu avoir une attirance pour lui, autant sentimentale que physique.

Ce grand blond aux yeux gris, à la moue boudeuse et aux traits de lutin est assez taquin. Et même s'il a un an de plus que moi, il a parfois ce côté enfantin et innocent qui fait craquer le monde entier, à commencer par sa petite amie, Rose, que j'ai rencontré cet été.

- Coucou petite, lance-t-il avant de s'asseoir sur mon lit.

- Dégage Antoine, j'ai pas envie de te parler, répondis-je en ronchonnant, la tête enfouie dans un coussin. Très moelleux d'ailleurs.

Mais bien sûr, il n'en fait qu'à sa tête. Et là... Non, non... Je vous en prie, non... Non... NOOON! PAS LES CHATOUILLES! Je me tords alors comme un asticot, essayant d'éviter les doigts guiliteurs de mon demi-frère. Au passage, j'ignore si "des doigts guiliteurs" veut bien dire quelque chose... Quoi qu'il en soit, ça ne résout pas mon problème...

- Je t'en supplie, s'te plaît arrête! Je ferais ton tour de vaisselle!

Il s'arrête, visiblement intéressé.

- Trois fois?

Saleté de lutin.

- OK, trois fois si tu veux, concédé-je, vaincue.

Il m'aide à me redresser et se met en tailleur.

- Alors, demande-t-il. Un copain?

C'est vrai qu'il n'est au courant de rien: il n'a pas de téléphone, il ne sait pas pour Sébastien. Je décide donc de tout lui raconter: l'extrait de Roméo et Juliette; quand j'ai reniflé sa veste; quand on s'est mis ensemble; la représentation; les doutes de Jeanne; la soirée chez Alexandre; son groupe et enfin le concert qui a viré au désastre.

J'ai sans doute passé une heure à parler sans m'arrêter. Et Antoine m'écoute, attentif. Sans m'interrompre une seule fois dans mon long monologue. Quand je termine enfin, il détourne le regard, l'air pensif.

- Je pense que tu devrais lui parler, dit-il enfin, d'une lenteur calculée. Cette situation est vraiment bizarre. Peut-être est-il proche de cette Mélissa depuis un bout de temps? Ce ne sont peut-être que des amis. Regarde, même si je suis avec Rose, ça ne m'empêche pas d'avoir des amies, de leur faire des câlins de temps à autre.

Ouais bon en gros, si j'ai bien compris, tout le monde veut que je lui parle. Personne n'aurait pu me dire : "quel imbécile! Laisse le tomber"?

Bon ben dès que j'aurais l'envie ou le courage alors!

Antoine quitte ma chambre, en me rappelant que ce soir, j'aurais de la vaisselle à faire.

- Oh je suis bête, dit-il tout à coup en se frappant le front. Dans deux jours je vais à une soirée pour Halloween. Tu aimerais venir?

- Excellente idée! Je demande à mon père!

Je bondis de mon lit et le suit, toute excitée.

J'ai hâte d'y être!

Et ce n'est que le soir, après un repas plus que convivial et l'autorisation de mon père que je ne vois un message venant d'un numéro inconnu.

"Il faut qu'on parle, toi et moi".


Hey!

Bon voilà, voilà... Il ne reste que trois chapitres et un prologue avant la fin... J'ai également pensé à faire quelque chose, mais vous ne le saurez qu'à le fin!

Je vous remercie tous, Geek in Love n'aurait pas existé sans vous.

Bisous <3



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