Chapitre 20: Conseils de grand-mère.
Lorsque je sors du studio, je suis toute chamboulée. Je regarde le ciel en marchant. Faudrait pas que je dérape tout de même.
Ma main se dirige vers mon téléphone. Je le prends et m'arrête. Je cherche le numéro de Jeanne pour l'appeler. Je m'y résigne et finalement passe un coup de fil à ma grand-mère. Au bout de trois sonneries, elle décroche.
- Allô mon petit coeur! lance-t-elle chaleureusement.
- Coucou mamie! Dis, j'ai besoin de te parler. Je peux venir chez toi?
- Ok, vas-y, je te rejoins, je ne suis pas chez moi.
Je la remercie puis raccroche. Je mets les mains dans les poches et avance un peu plus rapidement. L'air s'est rafraîchit ces derniers temps et on sent les vacances de la Toussaint arriver à grand pas. J'ai hâte de partir chez mon père. Il a dit qu'il a plusieurs choses à m'annoncer.
Je sautille d'excitation.
Mon téléphone vibre tout à coup et je vois s'afficher le nom de Guillaume. Je cherche un endroit où m'asseoir et vois des marches. Je m'y installe et décroche.
- Oui Guillaume?
Mon ton est sec. Je ne veux pas lui laisser entrevoir la moindre possibilité entre lui et moi. Je ne referai pas la même erreur.
- Ça va bébé? Tu as l'air de mauvaise humeur.
- Je ne suis pas ton bébé, dis-je, les dents serrés.
Pourtant, son petit surnom fait fondre mon coeur. J'ai toujours voulu qu'on m'appelle comme ça. Sébastien ne l'a jamais fait, ni mes autres petits amis d'ailleurs.
- Bon OK euh...
Il paraît gêné. Puis il reprend, sur le même ton:
- On est pas parti sur de bonnes bases toi et moi...
- Wow, tu nous fais quoi là? Tu vas pas me sortir aussi que tu veux que nous devenions amis, que tu regrettes ce que tu as fait et toute la clique si?
Silence à l'autre bout du fil.
- Plus ou moins... Disons que je souhaiterai que nos rapports soient meilleurs et...
Je le coupe immédiatement.
- Guillaume, on sait pertinemment que tout ce que tu veux, c'est draguer.
- Je n'ai pas dis le contraire! se défend-t-il. Écoute moi!
Je me tais et il poursuit.
- J'aimerai juste qu'on se parle normal, qu'à la rigueur on se fasse la bise. Je ne suis absolument pas désolé pour ce qui s'est passé dans le couloir la première et la deuxième fois. Je te draguerai ouvertement si j'en ai envie. Tu n'as qu'à m'ignorer si ce te dérange.
- Écoute, je...
- Non laisse moi finir. T'es en couple, mais ça ne t'interdis pas de parler à d'autres garçons! Et puis Sébastien se gêne pas lui.
Je soupire.
- Bien sûr, il a des amies, répondé-je aussitôt. Je suis pas la petite copine jalouse qui va lui pourrir la vie parce qu'il fait un câlin à une autre qui était là bien avant moi.
Je l'entends siffler.
- Je suis en admiration devant ta façon de penser Miles.
- Je t'en remercie.
Je souris malgré moi.
- D'ailleurs, c'est pas un nom de famille américain ça? demande-t-il.
- Si, ma grand-mère paternelle est née là-bas. Elle est venue vivre ici en France à l'âge de dix-huit ans.
Nous discutons encore quelques minutes avant que je ne raccroche.
Je fais le point: il va continuer sa vaine tentative à me séduire mais souhaite que nous nous rapprochions. Pourquoi pas? Après tout, on peut bien avoir quelques amis...
Je reprends ma marche jusqu'à la maison de ma grand-mère. Perdue dans mes pensées, j'avance sans me soucier des gens que je bouscule. Je repense à la proposition de Sam. Très tentante à vrai dire. Mais est-ce que ma mère serait d'accord? Et puis certes je chante bien. Mais pas non plus comme une diva! Et si le stress me faisait perdre mes moyens?
Je pose mes index sur mes tempes et ferme les yeux. Le bourdonnement de mes questions se tait peu à peu. Chaque chose en son temps. D'abord en parler à Mamie, puis appeler ma mère pour avoir confirmation.
Quelques minutes après, j'arrive enfin devant la maison de ma grand-mère. Sa voiture est garée et le porte est ouverte. Je la pousse précautionneusement et entre.
- Cassandre c'est toi?
- Oui Mamie!
Je referme à clé derrière moi et entre dans la cuisine. Elle m'embrasse sur le front, posant momentanément son bol et sa spatule. Je la réprimande.
- Mamie! Tu n'avais pas besoin de préparer un goûter!
Elle râle et me dit que ça lui fait plaisir. Je hausse les épaules et pars dans le salon, où je m'asseois sur le canapé. Elle me rejoins un quart d'heure plus tard, alors que j'explose mon meilleur score sur Temple Run.
Je pose l'appareil à côté de moi, et elle s'asseoit juste en face.
- Alors? Quel est le problème?
Je lui parle de la journée d'aujourd'hui. De Shiva, de Rob, de la musique, de la proposition de Sam, de la chanson qu'a choisit Sébastien, de mon inquiétude et de mes doutes. Elle m'écoute patiemment jusqu'au bout, me coupant seulement quelques fois pour glaner des détails supplémentaires.
- Tu portes le pull de ton grand-père, dit-elle pensive.
Je me sens brusquement très mal à l'aise. Elle avait eu beaucoup de mal à surmonter le décès de Papi et porter ce pull doit lui rappeler des souvenirs. Néanmoins elle poursuit et sa réponse me surprend.
- J'ai remarqué qu'il t'arrive toujours des choses importantes quand tu le portes. Alors écoute moi bien: c'est vrai que tu n'as pas une voix à la Amy Wihnouse mais tu chantes très bien. N'aie pas peur. La dernière fois, tu as fait une pièce devant toute ta classe et ça s'est bien passé. Le plus important, c'est que tu aies confiance en toi. Vis chaque expérience que la vie t'offre. Et puis, cette apparition de quelques minutes ne t'engage à rien. Tu es libre d'oublier, d'arrêter après. Ou de recommencer.
Je me tords les poignets: elle a raison. Pourtant, une part de doute subsiste en moi. Mais je ne dis rien et me contente de baisser les yeux. Mamie Grandy soupire.
- Essaye. Tu n'as rien à perdre.
Elle se lève et retourne à la cuisine. Je réfléchis: c'est vrai que je n'ai rien à perdre. À par ma dignité si je me plante en beauté.
N'y tenant plus, j'appelle ma mère. Je sais qu'un appel à l'étranger va coûter un bras. Mais j'en ai rien à faire.
- Allô maman?
- Allô Cass'? Ça va?
- Oui euh, maman, faut que je te demande un truc...
- Je me disais bien que tu ne m'appelais pas par hasard... Enfin bon, qu'y a-t-il?
Je prends une profonde inspiration et me lance.
- Sébastien a un groupe et il vont faire un petit concert dans un bar samedi et il voudrait que je chante à l'occasion un morceau et je voulais savoir si tu es d'accord.
J'ai dit tout ça d'une traite et je manque de tomber raide morte sur le canapé.
- Quoi?
Je crois que je vais m'étrangler.
- Mon petit ami a un groupe et il veut savoir si je peux chanter samedi avec eux.
Ma mère lâche un "euh" en soufflant. Puis elle dit finalement:
- Non.
- Eh mais pourquoi!
- Je rentre vendredi soir et j'aurais aimé qu'on passe le week-end ensemble avant que tu ne partes chez ton père et...
- Mais maman!
- Y a pas de "mais"! Une prochaine fois si tu veux. Mais pas dans un bar non plus. C'est mal-famé et personne n'est là pour te surveiller!
- Me surveiller! éclaté-je, énervée. Me surveiller! Vraiment? Alors que tu n'es jamais à la maison? Et que lorsque tu y es, tu es avec Paul?
- Laisse Paul en dehors de tout ça! Et en plus, je t'ai déjà parlé de ma reconversion professionnelle et...
Je la coupe.
- Tu veux garder le même job, mais seulement en national. Génial hein? Au moins, je pourrais te voir tous les vendredis soirs! craché-je.
- Cassandre!
- Allez, salut.
Je raccroche et balance mon téléphone sur la table. La colère bouillonne en moi. J'en ai marre, marre et encore marre! Je fulmine, rumine, et broie du noir. Ma grand-mère arrive juste après, un gâteau au citron entre les mains.
Elle me propose de venir manger. Je me lève à contrecoeur et m'asseois à ses côtés dans la cuisine. Elle me coupe une tranche qu'elle dépose sur une petite assiette bleue. Je regarde dépitée le gâteau et me lève.
- Désolée mamie, mais je vais y aller.
Elle me jette un drôle de regard mais n'insiste pas.
- Je t'emballe quelques parts tout de même?
J'acquiesce et prends mon téléphone. J'envoie un message à Jeanne.
Je peux passer dormir chez toi ce soir? J'ai pas le moral :(
La réponse ne tarde pas et ma grand-mère revient avec plusieurs tranches de gâteau emballés dans du papier aluminium.
Ma mère est d'accord! Viens quand tu veux!
- Dis mamie, tu peux me ramener chez moi pour que je prenne des fringues propres? Je vais passer la soirée et la nuit chez Jeanne.
- Je peux même t'amener chez elle! dit-elle gaiement. Tu pourras apporter le gâteau à ton amie!
Je l'embrasse et nous partons vers sa voiture. Nous montons dedans et roulons jusqu'à chez moi où je monte quatre à quatre les escaliers. J'ouvre rapidement la porte d'entrée et la referme aussi sec en voyant Garfield se pointer.
- Désolée, mais ce soir, je ne suis pas à la maison!
Je cours dans ma chambre et ouvre mon armoire. Un cyclone est passé par là.
Je sors le chino moutarde que j'avais acheté il y a un bon mois avec Mamie, des sous-vêtements propres, un vieux pyjama et je fourre le tout dans un sac à bandoulière. Puis je me dirige vers la salle de bains et prends brosse à dents et dentifrice. J'ajoute ma brosse pour les cheveux et un vernis rouge foncé. Je retourne dans le couloir, ôte mes baskets et enfile ma seule paire de chaussures mi-saison: mes bottines en cuir marron, aux talons larges et pas très hauts. Dans le vestibule, je m'empare de mon écharpe noire et m'y emmitoufle. Je passe mon manteau gris et mon sac et ouvre la porte quand...
- Miaou.
Je me retourne vers Garfield qui me regarde les yeux grands ouverts, la queue enroulée autour de ses petites pattes blanches et les oreilles baissées. On dirait qu'il est complètement abattu. Je me sens fondre pour cette horrible boule de poil rousse.
"Lui résister, lui résister, lui résister..."
- Allez, viens là que je t'embarque.
Je referme la porte, mets dans deux sacs plastique distincts les croquettes et la litière que je glisse dans mon sac. Puis j'attrape le chat et le tiens fermement contre moi tout en réouvrant la porte. Je tourne la clé dans la serrure et descends lentement les escaliers, ne voulant pas effrayer mon chat qui ronronne à plein régime.
Lorsque ma grand-mère me voit débarquer avec Garfield dans les bras, elle ouvre de grands yeux mais ne dit rien. Puis finalement, elle éclate de rire. Je me joins à elle.
***
- J'ai une idée. Une mauvaise idée, me dit Jeanne, allongée, tout en caressant Garfield.
La venue de mon chat avait suscité beaucoup d'étonnement mais Sabine, qui adore les animaux, l'a immédiatement chouchouté. Là où ça a un peu coincé, c'est avec le père de Jeanne. Laurent a toujours eu horreur des chats. Alors, on s'est engagé à garder le monstre poilu avec nous toute la nuit. Ça a parut le satisfaire.
- Vas y, dis moi tout.
- Tu n'as qu'à dire à ta mère que tu viens dormir chez moi. Et moi, je dis à la mienne que des copains à nous nous invite à les voir jouer quelques morceaux de musique. Le risque...
-... C'est que nos deux mère s'appellent entre temps et découvre la supercherie, je complète.
Un silence s'installe avant qu'elle ne le rompe par sa citation préférée.
- Qui ne tente rien n'a rien. Au mieux, tu chantes, je m'éclate et c'est génial... Au pire, on est séquestré à vie chez nous.
J'hoche la tête.
C'est quitte ou double.
Coucou! Bonne rentrée à tous!
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