une allumette et un bidon d'essence

Les flammes m'entourent et je suis là, statique, incapable de faire quoi que ce soit. Je plaque mes mains sur mes oreilles pour pas entendre le bois des poutres craquer sous l'effet de la chaleur, pour pas entendre le crépitement des flammes, alors que les larmes coulent sur mes joues. Le château de cartes s'effondre et l'instant est critique. J'ai le choix entre crier, hurler comme un putois, jusqu'à m'en rompre les cordes vocales ou la fermer et espérer que les flammes de l'enfer m'emportent moi aussi. Sauf que cette chienne de vie s'accroche à moi comme une espèce de maladie vénéneuse, une gale. Une poutre s'effondre juste devant mon nez. Je gémis, je deviens blême, mais je ne bouge pas. La vérité ce n'est pas que je suis une connasse d'ado suicidaire, mais plutôt que j'en suis incapable. Je réalise deux choses à cet instant, primo je suis foutrement dans la merde, deuzio, je suis une putain de phobique du feu. Les flammes ravagent tout. Tout, le corps inerte de ma mère qui ne se réveille même pas, celui de mon père qui a le temps de hurler et se débattre sous mes yeux, même celui de mon insupportable petite sœur, mais elles me délaissent, m'entourent, me caresse sans vraiment m'avaler tout entière. Le mur finit par s'effondrer, l'air frais s'engouffre et je peux respirer. Quelqu'un doit me voir, je ne sais pas, on finit par me tirer de là.

Mais nous sommes en 2027, et le monde a cessé de fonctionner normalement. Personne ne viendra s'occuper de la pauvre petite orpheline. Aucune assurance ne viendra m'offrir une quelconque somme, d'ailleurs jamais aucune banque ne s'ouvrira pour moi. La fortune de la famille s'est envolée dans les flammes et dans la ruine. On avait survécu je ne sais trop comment, on ne vivait pas trop mal, mais on sortait plus, et j'ignorais ce qui m'attendais dehors. Certains pays ne s'en sont pas trop mal sortis. Je vivais alors en Serbie. Etre riche là-bas, c'était être le roi du pétrole, même avant la crise, après, tout s'est empiré. J'étais la gosse de riche et on a été ravie de me voir le nez dans la merde. Incapable de me vendre, j'ai fini dans la rue, à mendier pour un bout de pain. Le pire dans tout ça, c'est que je ne pouvais haïr personne. C'était la faute à pas de chance s'il y a eu une fuite de gaz, que notre chauffage n'avait pas été contrôlé parce qu'après la crise plus personne ne contrôlait le foutu chauffage, la faute à pas de chance si le feu à démarrer si rapidement, la faute à pas de chance si ma famille entière est morte brûlée vive sous mes yeux, mais j'vais vous dire une bonne chose, au fond j'ai jamais cherché à savoir ce qu'il s'était passé. J'ai tout laissé se consumer, je n'ai pas cherché à comprendre ou à me débattre.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top