Chapitre 8 : loin de tout

Je soufflais doucement. Je devais tout bonnement être ridicule, à en vouloir à Maria alors qu'elle redoublait d'efforts pour me redonner le sourire. Mais c'était plus fort que moi.

Je haussais les épaules. Au même moment, quelqu'un frappa furieusement à la baie vitrée, m'évitant de devoir répondre à la question de mon frère.

- Lily ? Que fais-tu ici ? demandais-je en ouvrant à l'Entraînée.

- Il suffit que tu partes quelques semaines et ton ami a déjà pété un plomb, me dit-elle d'un ton sévère. Maintenant, Yeong Ji est entre la vie et la mort. Je me suis dit que tu avais le droit de savoir ce qu'il se passait.

J'écarquillais les yeux, ne comprenant rien.

- Je ne comprends pas pourquoi Akito a fait ça. Il a laissé un nombre incalculable de preuves prouvant sa culpabilité. Cela ne lui ressemble pas, pourtant il a bien agressé Yeong Ji et ne veut donner la raison de son acte à personne.

- Que... ce n'est pas possible, il n'aurait jamais fait une chose pareille sans bonne raison ! protestais-je faiblement.

Carl osa poser la question qui me brûlait les lèvres.

- Mais... que va t-il lui arriver ?

- On est toujours en train de l'interroger, mais s'il refuse toujours de parler, il sera accusé de tentative de meurtre sur un Entraîné, ce qui est extrêmement grave. Donc, il risque de finir derrière les barreaux, la durée de son emprisonnement dépendra de l'état de Yeong Ji.

Je me mis à trembler. Non, il y avait forcément une erreur. Akito n'aurait jamais été assez stupide pour attenter à la vie de quelqu'un et laisser un nombre incalculables de preuves contre lui, il y avait un problème.

- Je rentre tout de suite sur Gayleri, déclarais-je d'une voix tremblante.

- Non, Lucie, me contredit mon frère. On doit rester ici, ou au moins attendre Maria pour lui demander son autorisation !

- Je ne suis pas dépendante d'elle, répliquais-je. Je... je dois aller voir Akito.

- Vous pouvez y aller, soupira Lily. J'attendrais sagement que madame Almina rentre et lui dirais où vous êtes.

- Merci, lui dis-je en la serrant dans mes bras.

Je me rappelais qu'un jour, Sarah, la Première, m'avait dit qu'on pouvait se téléporter de la Terre vers Gayleri, mais pas l'inverse. Voilà qui m'arrangeait. J'aggripais le poignet de Carl et nous téléportais directement dans le château du Printemps.

- Princesse ? s'étonna un servant. Je vous pensais sur Terre.

- Où est Akito ?!

- Sûrement dans une cellule, s'il n'a pas été déplacé, mais-

Je n'attendis pas plus et descendis les escaliers sans lâcher mon frère.

- Je ne comprend pas ce que tu ne comprends pas, me dit-il doucement.

- Ce n'est pas le genre d'Akito, répondis-je en m'arrêtant. Je... je sais qu'il n'aurait jamais fait ça ! Je... je le sais.

- Calme toi, sœurette, me fit-il en me serrant dans ses bras.

Je lui rendis son étreinte, quelque peu soulagée par ce geste. Je me calmais légèrement.

- On va aller le voir, d'accord ? Mais s'il continue de s'accuser, on n'y pourra rien...

Je hochais la tête.

***

- Si tu continues, tu seras en prison avant la tombée de la nuit, dit la voix de Sarah.

Avec Carl, on s'arrêta sur les premières marches des escaliers, voulant connaître sa réponse.

- Ne cherchez pas plus loin. J'ai voulu le tuer. Et je l'assume. Il doit mourir.

J'écarquillais les yeux. J'entendis Sarah soupirer et venir à notre rencontre.

- Il ne répéte que ça, avoua-t-elle. Je ne comprend pas comment un garçon si fiable et honnête que lui puisse se retrouver dans une telle situation.

- Je ne comprend pas non plus, balbutiais-je en descendant les dernières marches.

Je me plaçais en face d'Akito et lui pris les mains à travers les barreaux métalliques.

- Dis moi ce qu'il se passe, Akito...

- J'ai voulu tuer Yeong Ji. Et je l'assume. Car il doit mourir.

- Pourquoi cela ? demanda calmement Carl en nous rejoignant.

- Personne ne m'a crû, vous non plus, ne me croiriez pas.

Grand frère haussa les épaules, pour lui montrer qu'il était ouvert à toutes les possibilités.

- C'est un Ailé.

Je sursautais, m'attendant à tout sauf à cette bombe orale.

- Pas physiquement, reprit Akito. Mais mentalement. Il est sous l'emprise d'un prince Scriruslèmien. Et je mise tout ce que j'ai sur Ayan. Même mon amour pour Alex, s'il faut dire des choses pareilles pour vous convaincre.

J'échangeais un long regard avec Carl, qui se décida le premier à prendre la parole.

- Et... qu'est-ce qui te pousse à penser cela ? demanda donc timidement l'ancien esclave.

Akito prit très mal cette question, car il me repoussa et s'éloigna dans le fond de la cellule. Il faisait les cents pas, comme un lion en cage. Le brun finit par mettre un coup de poing contre le mur cimenté avec un cri de rage.

Je ne l'avais jamais vu dans cet état. Et cela m'affecta énormément.

Je n'osais même pas imaginer comment se portait Alex.

- S'il te plaît, calme toi, le suppliais-je en me relevant.

- Foutez-moi la paix ! hurla-t-il. Il doit crever mais personne ne me croit ! Le jour où vous comprendrez que j'avais raison, il sera déjà trop tard !

En l'entendant crier, Carl avait reculé de quelques pas, visiblement terrifié.

Je ne savais plus quoi faire. Entre mon ami qui faisait une crise de colère et mon grand frère qui faisait une crise de panique, je me sentais totalement dépassée par la situation. Et je me sentais également inutile. Je ne savais pas comment apaiser les deux garçons.

Pour calmer Carl, j'aurais dû lui parler doucement et le rassurer, mais parler doucement aurait encore plus énervé Akito. Il aurait donc fallut que nous remontions. Mais en même temps, je ne voulais pas retourner dans le hall et laisser mon ami dans sa cellule.

- Le mur des Regrets, souffla cette voix agaçante qui ne me quittait toujours pas. Il pourra t'apporter une réponse.

- Je... balbutiais-je. Je...

- Je vais remonter, dit Carl d'une voix blanche. Je vais parler à papa. Fais... fais ce que tu veux. On... on se revoit plus tard.

Ce fut le bruit des portes qui se refermaient qui me ramenèrent à la réalité.

Je me dirigeais vers l'endroit où j'étais sûre d'être entrée dans ce fichu tunnel, quatre ans plus tôt. Je fermais les yeux quelques secondes. Quand je les rouvris, l'escalier s'enfonçant dans le sol était bien là, juste devant moi.

Je respirais un grand coup et descendis lentement les marches. Mes pas résonnaient sur la pierre. Il me sembla que je descendis cet escalier en colimaçon pendant plusieurs dizaines de minutes, minutes pendant lesquelles j'étais nerveuse à l'idée de renverser l'une des très nombreuses torches qui éclairaient le passage ou encore de toucher une toile d'araignée - berk.

Enfin, j'arrivais dans l'étrange couloir. Comme la première fois, je ressentis ce sentiment d'être renfermée, oppressée. Je me concentrais plutôt sur la particularité des murs et du sol mous pour me calmer. Je passais quelques secondes à essayer de comprendre comment des parois visiblement molles pouvaient soutenir le poids des cachots, des vingtaines de mètres au-dessus.

Je continuais d'avancer dans cet étroit couloir. Au bout, les trois bifurcations étaient toujours les mêmes. Mais, peu désireuse de tomber sur des choses que j'aurais préféré ignorer, je pris le même chemin que la dernière fois. Pendant que je marchais, je m'extasiais sur les petites sphères blanches qui éclairaient ce lieu si étrange.

Les petites sphères furent de moins en moins régulière, et bientôt, il n'y en eut plus aucune. La seule source d'éclairage venait de cette magnifique grotte que je redécouvris en tournant à droite.

Je fus subjuguée par les magnifiques cristaux de toutes les tailles et de toutes les couleurs qui brillaient dans cette grotte m'étant inaccessible à cause de la paroi translucide.

Je pris néanmoins quelques secondes pour tout regarder avec attention. Entre chaque cristal lumineux coulait une très fine couche d'eau qui ne respectait pas la gravité puisque le plafond en était également recouvert. Cela reflétait encore plus la lumière émise par les cristaux, illuminant encore plus cette grotte.

Je me reconcentrais sur la paroi translucide.
《Seuls ceux qui sont épargnés par les regrets et la culpabilité pourront espérer passer》. Je détestais cette phrase. Agacée, je mis un coup de pied rageur contre le mur, qui bougea comme si j'avais frappé de la gelée comestible, ce qui était très perturbant.

Presque aussitôt, les lettres s'effacèrent pour être remplacées dans la seconde qui suivit.
《Tu as passé une Culpabilité. Tu as le droit à une question》.

Sur ce, le mur de gelée s'ouvrit au milieu avec un bruit écœurant. Je compris que je devais entrer dans la grotte pour avoir le droit à ma question. Je grimaçais, et passais dans le trou de la paroi... qui se referma aussitôt que je fus passée.

Le pire fut que ma porte d'entrée venait d'être recouverte par de l'eau puis des cristaux lumineux, me privant de points de repères.

Il ne me fallut que quelques secondes à tourner sur moi-même pour me rendre compte que j'étais désormais incapable de repérer l'endroit par lequel j'étais entrée.

- Hé, ce n'est pas juste ! m'énervais-je en mettant un coup de pied contre un cristal, ma voix résonnant contre les parois de cette magnifique grotte.

Dans toute l'histoire, ce fut mon pied qui souffrit le plus, car le rubis n'eut même pas une légère fissure.

- Approche donc.

Je sursautais. C'était la voix de l'homme qui commençait à me taper sur les nerfs. Sauf que cette fois, je ne l'avais pas entendu uniquement dans ma tête, l'écho de sa voix me le prouvant bien. Il était donc... ici ?

- Oui, je suis bien ici.

Sa voix semblait venir du fond de la grotte. Je me dirigeais vers lui. Un couloir s'ouvrait à droite, je ne l'avais pas vu avant car il était aussi couvert de cristaux et se fondait à merveille dans le décor. Au fur et à mesure que je remontais le couloir, les cristaux se faisaient de plus en plus rares, et il faisait donc de plus en plus sombre.

Puis, j'entrais dans une salle entièrement sphérique. Comme je ne l'avais pas remarqué tout de suite, je glissais sur le sol qui descendait vers le centre. Je remarquais que l'éclairage provenait de petits triangles gris et roses qui flottaient un peu partout. Et au milieu de la pièce se trouvait un cube doré, qui flottait au même titre que les triangles. Cette salle était un cours de géométrie à elle seule.

Je remarquais avec un temps de retard que deux personnes étaient assises sur le cube doré. Je ne pus pas voir leur visage car je glissais de nouveaux. L'une des deux personnes rit, et la pièce prit une forme cubique et basique. Le cube doré se posa au sol et les deux personnes se levèrent.

La femme avait physiquement l'âge d'une petite grand-mère. Mais une grand-mère très bien entretenue. Elle avait la peau bronzée, de doux yeux gris rieurs, et semblait même plutôt musclée pour son âge. Les détails qui indiquaient qu'elle n'était plus toute jeune étaient les quelques rides sur son visage ainsi que ses longs cheveux blancs qui touchaient presque le sol. Elle dégageait une aura qui intimait le respect.

Un homme lui tenait la main. Il semblait dans la même tranche d'âge que la belle vieille femme. Lui avait des yeux d'un doré captivant, rappelant ceux de Dame Gayleri. Il était également bien bronzé et aussi musclé que sa femme. Lui aussi, il dégageait un petit quelque chose qui forçait le respect.

- Bonjour, Lucie, me dit la femme avec un sourire heureux.

L'entendre parler me perturba au plus haut point. Elle avait une voix très similaire à celle de Dame Gayleri, et, si on regardait bien, l'homme présentait de nombreux points communs avec elle sur le physique.

- Euh... bonjour ? fis-je d'une voix hésitante.

Étaient-ce des enfants de Gayleri ? Où, au contraire, Gayleri était-elle l'une de leurs enfants ?

Les deux options semblaient toutes illogiques. Selon toute logique, ils ne seraient pas en vie et encore moins en parfaite santé étant donné que Gayleri avait vécu il y a plus de 300 ans.

Oh, je m'y perdais, avec toutes ces personnes qui semblaient figées dans leur temps.

- Je m'appelle Aranaèle, se présenta la femme.

Sa voix était très élégante, semblant résonner tout en restant unie.

- Et moi Sèrtio, mais tu me connais sûrement sous mon surnom, dit l'homme d'une voix à la fois grave et douce - un mélange très intimidant.

- Votre... surnom ?

- Oui, fit-il avec un sourire amusé. De nos jours, les gens ont oublié mon nom et me surnomment le Fondateur.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top