Chapitre 7 : première piste

Maria nous fit signe de la suivre dans le couloir.

– Je vous ai également acheté quelques vêtements. C'est déjà miraculeux qu'Émilie ne se soit pas demandé pourquoi vous portez des bottines en cuir ainsi que des capes.

Personne ne dit rien. C'était vrai, nous avions eu de la chance qu'Émilie n'ait pas prêté attention à ce détail.

– Arwen, Anniah, vous partagerez cette chambre. Dylan et Loís, vous pouvez vous installer dans celle-ci. Clara et Alix, vous dormirez ici. Carl et Aris là-bas. Et toi, Lucie, tu récupères ta propre chambre, me dit-elle avec un sourire gêné. J'ai changé le lit pour un lit deux places, mais à part ça, je n'ai rien touché.

Je me fis la remarque que le duo Carl-Aris risquait d'être prometteur, car l'un faisait des efforts pour plus montrer son opinion tandis que l'autre cherchait au contraire à se calmer.

J'entrais dans ma chambre sans un remerciement à Maria. En effet, excepté le nouveau lit, tout était exactement comme dans mes souvenirs. Le papier peint rose pâle faisait ressortir tous les meubles en bois noir. Le bureau était légèrement poussiéreux - elle avait dû continuer de faire le ménage de temps à autre -, mais mes affaires étaient encore en place. Les livres de contes et d'images étaient toujours exposés dans la bibliothèque. Seul un n'y était pas avant : celui qu'Émilie m'avait offert pour mes dix ans, celui où le personnage principal s'appelait Elwen.

Je le pris avec précautions entre mes mains comme par crainte de l'abîmer. Je le lirais plus tard, mais cela me fit étrange de voir cet objet qui était resté cinq longues années sans jamais être ouvert.

Maria avait posé des vêtements sur le lit, un jean noir et un T-shirt à manches courtes bleu ciel. Je l'enfilais et pliais mes habits Gayleiens avant de les ranger dans mon armoire.
Dans cette tenue, j'étais normale. Je n'étais plus la princesse, je n'étais plus qu'une banale fille de quinze ans... si on oubliait mon super-bracelet, bien entendu.

***

Il avait fallu quelques jours aux autres pour maîtriser les bases du français. Je n'avais pas encore revu Émilie.

Nous étions dans la salle à manger pour prendre le petit-déjeuner. Le microondes sonna, annonçant que le chocolat chaud de Diane était chaud. On sursauta tous.

Décidément, nous avions du mal à nous habituer à l'électricité et à la technologie.

Hier, quand une voiture était passée près de la maison, Alix avait paniqué et mit un coup de poing à Dylan, qui a réagi en la poussant contre Anniah, qui a perdu l'équilibre et est tombée contre le bouton permettant de fermer le volet électrique du salon. Le bruit et la soudaine obscurité avaient fait paniquer Clara, qui était redevenue Éléa et avait giflé Aris car il l'énervait. Arwen s'était interposée, son frère l'avait poussée contre Carl qui passait par là, et Carl m'était tombé dessus. Or, je tenais un verre d'eau à la main et avant de tomber, je l'avais lancé sur Alix.

Après, nous étions retrouvés dans le noir total et tout le monde frappait tout le monde.

Heureusement que Maria était intervenue en nous disant d'aller dormir.

Tout ça pour vous dire à quel point notre adaptation était... hum... prometteuse ?

***

– Aujourd'hui, nous allons aller faire des courses au magasin, nous annonça Maria.

– Et croiser des gens ? s'enquit Éléa.

– Et croiser des gens, confirma t-elle.

– Cool, super, fis-je avec ironie.

Arwen me lança un regard désapprobateur.

– Ce n'est pas du tout comme si entendre une voiture au loin avait provoqué une bagarre collective. Mais oui, évidemment, allons en plein centre-ville là où plein de voitures passent.

Je quittais la table et regagnais ma chambre avant de claquer la porte.

– Ouuuh, se moqua Loís. Lucie est de mauvaise humeur, attention !

– C'est qu'elle ferait presque peur, railla Aris.

J'ignorais leurs voix que j'entendais encore à travers la porte et me jetais sur mon lit. J'étais certes de mauvaise humeur, mais c'était la faute de Maria. Elle m'avait demandé d'être plus agréable, mais sa remarque m'avait encore plus mise en colère.

Je lui en voulais vraiment de m'avoir laissé croire qu'elle était ma mère, et ce pendant six ans. Savoir qu'elle m'avait menti tout ce temps, ça m'énervait et me donnait envie de détruire des choses, mais je prenais sur moi et n'utilisais pas mes pouvoirs, comme convenu avec mon père.

Certes, Maria semblait gentille, et elle avait quand même accepté d'accueillir un troupeau d'adolescents hyperactifs dotés de pouvoirs pour leur apprendre à parler français, mais... non, je n'arrivais pas à me faire à l'idée que pendant six ans elle m'avait laissé l'appeler "maman".

Quelqu'un frappa à ma fenêtre. Je sursautais et tirais le rideau. Je croisais le regard pétillant d'Émilie. J'ouvris la fenêtre.

– Tu veux venir chez moi ? Je m'ennuie et mes parents sont sortis voir des amis. On pourrait discuter de ce qu'on a fait pendant ces cinq dernières années !

Je ne pus m'empêcher de sourire.

– Ça me va, surtout que je m'énerve pour un rien contre les autres, dis-je en désignant la direction du salon.

J'écrivais sur un papier "suis chez Émilie", et enjambais le rebord de ma fenêtre. Elle m'aida à ne pas glisser dans les fleurs qui poussaient au pied du mur, puis on sortit par le portail avant d'entrer dans son jardin. Il n'avait pas vraiment changé d'il y a cinq ans, cela me rassura légèrement.

On entra par la porte principale qui était restée déverrouillée.

– Alors ! Où est-ce qu'il vit, ton père ? Comment il s'appelle ? me demanda-t-elle, surexcitée, en m'invitant à m'assoir à côté d'elle sur le canapé.

Je la rejoignis et réfléchis à toute allure à ce que je pouvais lui dire sans dévoiler la vérité.

– Mon père s'appelle William, fis-je donc. Là où il vit, il est très influent, donc il a préféré que je ne répète à personne la ville d'où je viens pour éviter un raz-de-marée de journalistes.

Ce qui, d'un côté, était vrai. Je m'imaginais mal des journalistes venir interviewer tous les Gayleiens après que quelques uns aient étés disséqués dans un laboratoire pour comprendre comment nous fonctionnons.

– Tu es la fille d'une célébrité ?!

– Pas vraiment, mais presque, dis-je en haussant les épaules.

– C'est trop génial ! Et tu vis dans une villa ?

- Oui, confirmais-je. C'est immense, là-bas !

– Et les autres, qui sont-ils ? me demanda t-elle en faisant allusion aux autres Gayleiens.

– Carl, c'est mon demi-frère. Tous les autres sont des enfants des amis de mon père, expliquais-je.

Encore une fois, ce n'était pas totalement faux mais pas totalement vrai non plus.

– Et toi, tout va bien dans ta famille ? demandais-je pour détourner la conversation de mon sujet.

– Oui, c'est même presque ennuyeux. Je suis rentrée en seconde cette année, mais qu'est-ce que je m'ennuie en cours !

Je souris devant son agacement. En effet, Émilie n'avait jamais été très fan des études malgré ses notes brillantes, et ce depuis son plus jeune âge.

– Et au fait, vous restez ici pendant combien de temps ?

– Quelques semaines au moins, soupirais-je en m'affalant sur le canapé. C'est assez long de leur faire apprendre le français, mais au moins, on pourra rester quelques temps en France après.

– Et vous revenez ici pour une occasion spéciale ? Je ne sais pas, vous auriez pu demander à des professeurs de vous donner des cours, fit-elle.

– Nos parents ont préféré qu'ils viennent l'apprendre directement en France, rigolais-je. Plus direct et plus rapide.

Elle haussa les épaules et attrapa la télécommande avant d'allumer la télé.

– Tu veux regarder quoi ?

– Ce que tu veux, lui dis-je.

C'était surtout car je n'avais aucune idée de ce qui passait à la télévision, en réalité. Elle mit donc une chaine au hasard. On tomba sur la publicité d'un cirque. Elle fit pause et me montra quelqu'un sur l'écran :

– Regaaaaaaarde, c'est lui le plus beau de tous les magiciens du mooooonde !

Je pris quelques secondes pour détailler le magicien en question. Il semblait un peu plus jeune que moi, et était blond avec des yeux d'un bleu incroyable. Au moment où la photo avait été prise, il regardait la caméra avec malice. Entre ses mains luisait... une sphère de pouvoir, une arme Gayleienne de base !

– Comment s'appelle t-il ? demandais-je avec surprise.

– Alan, il a 14 ans. C'est le plus beauuuuuu ! Tu ne trouves pas ?

– Si, dis-je avec un léger rire amusé, mais mon cœur est déjà prit.

– Ow, trop mignon, me fit-elle. Il s'appelle comment ?

– Tom, dis-je en me forçant à sourire.

Alan... le quinzième prénom de la liste établie par Arwen. Ça correspondait. Surtout que jouer le magicien dans un cirque lui permettait de se défouler sans attirer l'attention... oui, plutôt malin, en effet.

On regarda la télévision quelques dizaines de minutes, jusqu'à ce que quelqu'un frappe à la porte. Émilie alla ouvrir.

– Je m'appelle Carl, fit-il en français avec un drôle d'accent. Où est Lucie ?

Je les rejoignis.

– Ici, pourquoi ? fis-je.

– On te cherchait, fit-il en gayleien avec un soupir de soulagement.

– J'avais laissé un mot avant de passer par la fenêtre, me défendis-je également dans notre langue natale.

Il haussa les épaules.

– Au fait, j'ai déjà une piste pour le numéro 15, Alan. Il travaille comme magicien dans un cirque.

– Ça veut dire quoi, tout ça ? Vous pouvez arrêter de parler dans votre langue bizarre ? Même si elle est vachement plus agréable et chantante que le français ?

– Désolée, m'excusais-je en français. Mais je dois y retourner. On se voit plus tard !

– Oui, à plus tard, me dit-elle en fermant la porte derrière nous.

On retourna dans la maison de Maria.

– Les autres viennent de partir au supermarché, m'annonça Carl en fermant la porte. Maintenant, on va pouvoir discuter... enfin, si ça ne te dérange pas ? Je voudrais savoir pourquoi tu sembles en vouloir au monde entier, Lucie...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top