On passa donc une bonne partie de la matinée à nettoyer la salle à manger.

– Au moins, on s'est bien amusés, dit Loís en haussant les épaules.

– C'est vrai, confirma Dylan qui essayait de décrocher une tartine à la confiture qui avait fini sa course au plafond à l'aide du manche de son balai.

– Qui aurait crû qu'une clémentine pourrait faire tellement de dégâts ? demanda Carl en désignant une fenêtre brisée.

On rigola tous. J'étais heureuse de voir à quel vitesse il redevenait "normal".

– À part ça... vous pensez qu'on ira sur Terre dans combien de temps ?

– Déjà, remarquai-je, il faudrait que nous apprenions à parler couramment le français. Ça ne devrait pas être trop dur pour moi, mais vous si.

– Encore heureux que les quinze personnes à chercher soient toutes en France, je me voyais mal apprendre le russe, le polonais et l'algérien, répondit le blond, qui avait réussi à faire tomber la tartine du plafond.

– Oui, confirma l'autre. Heureusement que les Scriruslèmiens n'ont pas cherché trop loin pour nous compliquer la vie.

J'attrapais un balai et regroupai tous les détritus que je pûs.

– Vous avez besoin d'aide ? demanda alors Carl.

Avec stupéfaction, on constata qu'il avait déjà intégralement nettoyé et rangé la partie qu'il s'était assigné.

– Comment...

– J'ai l'habitude, dit-il en haussant les épaules. Ce... ce serait mentir que de dire qu'Ayan et Ayna ne se sont jamais battus avec de la nourriture.

Avec son aide, il ne nous fallut qu'une dizaine de minutes supplémentaires pour terminer de remettre en état la salle à manger.

– Au fait, comment va Clara ? finis-je par demander à Loís. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vue.

– Ces derniers temps, elle s'appelle Éléa, donc elle ne veut voir personne, me répondit-il en haussant les épaules.

Devant le regard totalement perdu de mon frère, il ajouta :

– Éléa est ma sœur aînée. Elle change de prénom selon son humeur, elle s'appelle soit Clara soit Éléa.

– J'avais oublié à quel point la notion de prénom était souple ici, répondit-il.

En effet, sur Gayleri, on pouvait changer de prénom sans s'embarrasser de papiers longs et inutiles. Déjà qu'il n'y avait pas de noms de famille ici, il fallait rester en contact avec ses amis pour être sûr de ne pas gaffer !

Par exemple, Léon, le Flamien, s'appelait à l'origine Léonard, mais a abandonné ce nom pour marquer la fin d'une période. En revanche, Éléa restait un mystère à mes yeux. Sa famille ne s'étendait jamais sur le sujet, donc je ne préférais pas insister, mais ce serait mentir d'affirmer que je n'étais pas curieuse d'en savoir plus.

On alla voir mon père pour lui dire qu'on avait fini. On le trouva, sans surprise, dans la salle du château dédiée à la recherche des descendants de Gayleri terriens. Il était en pleine discution avec Arwen mais ils se turent quand on entra.

Je pris quelques secondes pour observer la pièce en elle-même. Les murs étaient recouverts de cartes, reliées par des fils rouges et des punaises. Il y avait aussi des actes de naissances et d'autres papiers du même genre que des Entraînés avait vol... récupérés dans les mairies Terriennes. Dans le fond se trouvait un tableau blanc sur lequel étaient écrits des noms.

Je trotinnais pour aller voir les nouvelles informations qu'Arwen avait écrites.

1 :
Ville : Bordeaux
Prénom : Nina
Âge : 18 ans

2 :
Ville : Bordeaux
Prénom : Amy
Âge : 19 ans

3 :
Ville : Saintes
Prénom : Romain
Âge : 16

4 :
Ville : Saintes
Prénom : Cassandra
Âge : 21 ans

5 :
Ville : Nantes
Prénom : Zoé
Âge : 19 ans

6 :
Ville : Le Havre
Prénom : Marina
Âge : 15 ans

7 :
Ville : Lyon
Prénom : Valentine
Âge : 17 ans

8 :
Ville : Lyon
Prénom : Corentin
Âge : 18 ans

9 :
Ville : Paris
Prénom : Jonathan
Âge : 17 ans

10 :
Ville : Paris
Prénom : Nino
Âge : 21 ans

11 :
Ville : Marseille
Prénom : Milo
Âge : 16 ans

12 :
Ville : Marseille
Prénom : Jean
Âge : 17 ans

13 :
Ville : Nantes
Prénom : Louis
Âge : 15 ans

14 :
Ville : Le Havre
Prénom : Lotus
Âge : 24 ans

15 :
Ville : La Rochelle
Prénom : Alan
Âge : 14 ans

– Ça fait beaucoup de monde, grimaçai-je. Ça va nous prendre une éternité pour tous les ramener !

– Je confirme.

Je réalisai que je m'entendais plutôt bien avec Loís depuis que nos fiançailles avaient étés annulées. Il était même plutôt sympa quand il arrêtait de râler pour un rien, à vrai dire.

– Je crois que j'ai fait un rêve dans lequel il était question d'un John, dis-je alors en désignant les informations du numéro 9. C'est peut-être lui ?

– C'est fort probable, me dit mon père. Dans ce rêve, tu as pu voir quelque chose nous donnant plus de précisions sur le garçon ?

– On était tous gênés et il fallait payer pour aller lui parler. À part ça, je n'ai pas d'autres infos.

Un long silence plana.

– Déjà, il faut que vous appreniez à parler français avant d'y aller.

– Et qui va nous l'apprendre ?

– Cela risque de fortement te perturber, Lucie, mais je pensais que vous pourriez passer quelque semaines chez Maria pour qu'elle vous apprenne ce qu'il faut pour vous fondre dans le décor. Après, vous reviendriez prendre vos affaires pour enfin aller chercher les descendants de Gayleri.

Je clignai plusieurs fois des yeux, éberluée. Passer quelques semaines chez Maria ? Celle que je pensais être ma mère jusqu'à mes 10 ans ?

– Mais, on reverrait aussi Émilie, et elle se poserait des questions, protestai-je.

– Maria a raconté à tout le monde que tu étais partie vivre chez ton père pour expliquer ta disparition, expliqua t-il, ce qui, d'un côté, est la vérité. Mais passer quelques semaines avec une Gayleienne vivant sur Terre pourrait vous être très pratique, autant pour apprendre la langue que pour vous habituer aux français.

– Euh... ouais, si tu le dis, répondis-je, perturbée.

– Je comprends que tu sois perturbée, mais c'est la meilleure solution, tu ne penses pas ? De plus, elle saura comment vous obtenir de faux papiers, car il vous faudra un nom de famille terrien.

– Euh... ouais.

– Toi et Carl, vous pensez le nom de famille "Almina", donc celui que tu avais déjà sur Terre. Maria en trouvera pour les autres.

Je tentais de calmer mon appréhension. Retourner chez celle que j'avais longuement crû être ma mère, revoir mon amie Émilie et lui mentir... cela risquait d'être compliqué à gérer. Mais bon, je devais faire avec.