Chapitre 4 : bataille de nourriture

Je n'arrivais pas à dormir, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, j'avais toujours peur que Carl ne disparaisse. Deuxièmement, je cherchais encore à déterminer si je devrais essayer de retrouver de trouver le lieu étrange qui m'avait sapé le moral quand j'avais onze ans. Et enfin, je me demandais toujours qui était ce troisième foutu ancien infiltré.

La seule chose qui m'aurait permit de le démasquer aurait été de reconnaître sa voix, quand je l'avais entendu chuchoter, sur Arkalèle. Or, je ne m'en souvenais pas assez exactement pour pouvoir affirmer quoi que ce soit avec précision.

Bon. J'allais essayer de me souvenir du visage des Scriruslèmiens pour voir si je connaissais une personne leur ressemblant. Le père. Brun, les yeux bleus. D'ailleurs, comment s'appelait-il ? À bien y réfléchir, je l'avais toujours appelé "le roi", "le Scriruslèmien" ou "le pigeon".

Bon, ne changeons pas de sujet. Ensuite, la mère. Blonde aux yeux verts. Blonde... aux yeux verts. Je me relevais et me frappais volontairement le front contre le mur. Comment avais-je pu ne pas faire le lien plus tôt ? Des jumeaux blonds aux yeux verts, on n'en voyait pas partout.

Purée, à onze ans, j'étais vraiment naïve et j'avais confiance en tout le monde !
Évidement que les deux infiltrés étaient Amana et Kensaku. Et moi qui parlais de tout ce que je faisais sans me soucier d'eux à la F.A.M !

Je soupirais lassement. Quelle idiote avais-je été !

Je me rendis compte que cela ne m'avançait en rien sur la recherche de l'identité du troisième. Un sentiment de panique m'envahit alors. Et si c'était quelqu'un que j'appréciais beaucoup ? Est-ce que je serais quand même capable de le détester quand je le découvrirais ?
Je grimaçai, et espérai que son petit jeu d'infiltration n'avait pas pris trop d'ampleur dans ma vie.

- Tu vas bien ? demanda alors Carl à voix basse. Il est très tard et tu ne dors toujours pas...

Je me retournai vers lui, qui avait pris le lit le plus près de la porte. Il me regardait soucieusement.

- J'essaie juste de comprendre qui est le plus jeune prince de Scriruslème.

- Ils ont bien fait attention à ne jamais évoquer son nom devant moi au cas où je réussirais à m'échapper, dit-il en baissant les yeux. Désolé de ne pas pouvoir t'aider.

Je me retins de lui dire qu'il devait arrêter de s'excuser. Néanmoins, je n'étais pas trop déçue, car évidement, je me doutais que les Scriruslèmiens avaient tout prévu pour que la partie dure encore un peu. Satanés pigeons.

- Même loin de toi, ils arrivent à t'exaspérer.

- Tant qu'ils existeront, j'aurais une bonne raison de me réveiller en colère en me disant qu'ils m'ont pris mon petit ami, répondis-je en serrant les poings.

- Oh... je... je suis désolé pour toi, murmura t-il.

Je me laissai tomber sur mon lit, chaleureusement accueillie par les doux oreillers. Cela ne me servait à rien de me priver de sommeil pour trouver quelque chose dont je n'avais pas la possibilité de trouver la réponse.

- Dors bien, petite soeur, me souffla Carl en s'enroulant dans sa couette, dos à moi.

Je fis de même en me retournant pour être face à la fenêtre, et dis également :

- Bonne nuit à toi, grand frère...

***

- On doit vraiment... ?

- Fichu parisien, fichu bar, fichu John, marmonna Aris. Il ne pouvait pas être boulanger ?

- On veut juste parler à Jonathan, insistai-je auprès du vigile.

Il rit.

- Mais oui, mais oui, ils disent tous cela. Vous ne payez pas, vous n'entrez pas.

J'échangeais un regard dépité avec les autres. Nous avions largement les moyens de nous payer une entrée, c'était juste que notre amour propre allait en prendre un sacré coup. C'était une situation très... non, extrêmement gênante.

- Bon, on ne va pas abandonner pour si peu, décréta Loís en sortant son portefeuille.

- C'est sûr que toi ça t'arrange, ricana Alix.

- Oh, tais toi, lui dit-il en donnant la somme requise pour passer au vigile.

Je rigolais un peu.

- C'est donc la personne qui a failli détruire un restaurant pour une chocolatine qui se permet de se moquer ? En attendant, moi, je vais essayer de parler à John. À vous de voir si vous préférez me suivre ou rester plantés ici comme de parfaits idiots.

Cette provocation nous fit réagir. On mit donc notre égo de côté avant de payer et de suivre Loís.

***

En me réveillant, je me demandais qui était ce "John", quel était le lieu de ce rêve et pourquoi nous étions tous si gênés.


Puis je me dis que ce n'étaient que des questions en plus parmi toutes celles que je me posais déjà, donc je cessai d'y réfléchir.

- Bien dormi ?

Je sursautai en me retournant vers Carl, qui semblait levé depuis longtemps car il était en train de refaire son lit. Je me levai et sautai dans ses bras, le faisant sourire.

Pendant que je dormais, je n'avais pas pensé une seule fois à lui (ce qui était quand même logique), donc le serrer dans mes bras me fit du bien.

On descendit ensuite pour prendre le petit-déjeuner. Dylan, qui courait aussi vite qu'un boulet de canon, nous doubla et entra dans la salle à manger en hurlant :

- PREMIEEEEEEEEEER !

Carl écarquilla les yeux devant son comportement, surpris.

- Et il a... ?

- Seize ans, fis-je avec un sourire amusé.

- Ah oui, quand même, dit-il en souriant légèrement.

En surprenant le regard de Dylan sur lui, il s'excusa en ajoutant qu'il n'aurait pas dû se moquer. J'eus une envie de meurtre envers les pigeons. Depuis quand devait-on s'excuser de rire en voyant Dylan se comporter comme un gamin de 5 ans ?

On entra dans la salle à manger. Carl regarda les nombreuses chaises vides avec hésitation, donc je lui fis signe de s'assoir à côté de moi. Comme on attendait encore les autres pour manger, Dylan finit par dire :

- Au fait, Alix est rentrée hier. Elle s'est encore embrouillée avec Misa. Je vous jure, elles sont insupportables !

- Je te crois. La dernière fois qu'elles se sont disputées, elles ont détruit toute une partie du château.

- Qui sont Alix et Misa ? demanda nerveusement Carl.

- Oh, ce sont deux soeurs venant du Nord. Misa régnera avec Erwan sur le clan de l'Automne, et Alix n'est qu'une princesse du clan de l'Été.

- "Rien qu'une princesse" ? se moqua Loís en entrant. Elle serait deux fois plus énervée si elle t'avait entendue.

- Je confirme, fit Diane, derrière lui, avec un sourire amusé aux lèvres.

- Désolée de dire la vérité, rigolai-je.

Ils rigolèrent aussi (sauf Carl, qui n'avait visiblement rien compris de toute la conversation). Diane s'assit en face de moi, et Loís en face de mon frère.

- Donc, tu t'appelles... ? lui fit-il.

- Carl, répondit-il précipitamment. Je m'appelle Carl.

- Cool. Moi, c'est Loís.

- D-d'accord, répondit-il, visiblement très inquiet.

Anniah et Arwen arrivèrent quelques minutes plus tard, mettant fin au silence gênant qui s'était installé.

- Hé, fit la plus âgée en s'asseyant. Je n'ai pas dormi de la nuit mais je crois que j'ai trouvé où habite le dernier descendant.

- Depuis combien de temps tu n'as pas dormi, Arwen ? lui demanda sa sœur.

- Je ne sais pas... deux jours ?

Sous notre regard peu convaincu, elle avoua :

- D'accord, peut-être une cinq.

- Tu dois dormir, lui reprocha Loís.

- Tu dis ça juste car tu n'as pas envie d'aller sur Terre, répondit-elle en bâillant. Dommage pour toi, nous partirons bientôt.

- Pourquoi faire ? demanda Carl après une longue hésitation.

- Pour faire clair, les Scriruslèmiens s'en prennent à la Terre par le biais de descendants de Gayleri, donc on doit aller les chercher pour les ramener ici et sauver la Terre, résuma Arwen, qui avait d'énormes cernes sous les yeux.

- Et... vous... allez devoir vous rendre sur Terre ?

- Oui, et tu peux même dire "nous" car ce sera un travail d'équipe pour la nouvelle génération !

Carl écarquilla les yeux, surpris.

- "Nouvelle génération" ? répéta mon père avec amusement en entrant. Pourriez-vous cesser un court instant de me rappeler que je ne suis plus très jeune, s'il vous plaît ?

On rigola tous. Mon frère ne put retenir un sourire amusé non plus, même s'il baissa les yeux pour ne pas que cela se voit.

- Et, plus sérieusement, Carl, évidemment que tu pourras y aller avec eux. Ils auront bien besoin de quelqu'un de responsable pour leur éviter de jeter des cailloux sur les pigeons... les vrais, je veux dire.

- Vas-y, fais nous passer pour des êtres immatures, rigolai-je en lui jetant un bout de pain à la figure.

Il le rattrapa d'une main et me le relança.

- Vas-y, continue de me faire passer pour un vieil homme. Et on ne joue pas avec la nourriture, jeune fille.

Je rattrapai le pain et le posai entre Carl et moi. À ma grande surprise, il le prit et le garda quelques temps dans sa main, hésitant. De l'autre côté de la longue table, notre père parlait avec Arwen. Enfin, il se leva, un sourire joueur sur le visage, et lança le pain sur notre père, qui écarquilla les yeux.

Dylan lâcha un cri de joie et fit voler une assiette remplie de salade de fruit dans la direction d'Anniah, qui répliqua avec une tartine beurrée qui se colla sur le mur, ayant frôlé les cheveux du prince de quelques centimètres.

Cela dégénèra vite en une bataille de nourriture dans laquelle tout le monde prit part. On forma vite deux clans bien distincts : d'un côté, papa, Arwen, Anniah et Diane, tandis que du nôtre se trouvaient Carl, Dylan, Loís, et moi-même.

Évidemment, ce fut mon groupe qui réussit à chasser les autres de la salle à manger sous un bombardement de cerises... mais ce fut aussi mon groupe qui se retrouva obligé de nettoyer. Un peu moins cool, je l'admets volontiers.

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