Chapitre 30 : avant la catastrophe

— Bien, au moins, nous savons à quoi ressemble Jonathan, décréta Arwen qui tentait de garder son calme.

Et pourtant, il y avait de quoi perdre patience, entre Loís qui était désormais constamment perdu dans ses pensées, Diane et Dylan qui se hurlaient dessus pour déterminer si la prostitution était "ignoble" et Anniah qui essayait de retenir Aris qui souhaitait frapper Éléa qui lui avait volontairement lancé un verre d'eau (plein) à la figure.

— VOTRE ATTENTION S'IL VOUS PLAÎT ! hurlai-je, lassée de voir Arwen tenter de parler sans y arriver depuis tout à l'heure.

Ce cri sembla les calmer puisque tous se turent. Tant mieux.

— Je disais, reprit Arwen, frustrée. Maintenant que nous savons à quoi ressemble Jonathan et que nous savons également dans quel lycée il se trouve, reprendre contact avec lui devrait se faire très rapidement.

— Comment ça, "dans quel lycée il se trouve" ?

Arwen eut un sourire d'excuse et sortit un cahier à la couverture verte de son sac à main.

— Je pense qu'il va pouvoir chercher encore longtemps son cahier de sciences, dit-elle sur un air gêné.

Je lâchai un petit bruit de surprise. À quel moment avait-elle réussi à attraper ce cahier, qui était pourtant dans le sac à dos fermé de Jonathan ?

— Il m'a simplement fallu profiter du fait qu'il revienne en annonçant qu'il avait perdu quelque chose, expliqua-t-elle. J'ai créé une copie approximative de son cahier que j'avais aperçu quand il a empêché une dispute entre le serveur et toi ; il était là-bas pour réviser. Je me suis dépêchée de récupérer l'original quand il s'est tourné vers Loís et je l'ai remplacé par un faux.

— Ah quand même, fit Carl, médusé par le talent d'Arwen.

Elle eut un sourire amusé et ouvrit le cahier, nous montrant la page de garde. Une écriture très élégante indiquait :

<< Jonathan Spencer, première F.
Sciences >>

Juste en dessous se trouvait le nom du lycée. Arwen avait vraiment assuré sur ce coup là.

— Nous n'avons plus du tout de temps devant nous, poursuivit-elle. À 17 heures, nous irons interpeller Jonathan à la sortie de son lycée pour lui expliquer la situation, et l'idéal serait de l'avoir envoyé sur Gayleri avant après-demain.

— Si on a si peu de temps devant nous, pourquoi ne pas tout simplement le traîner de force jusqu'à chez nous ? suggéra Aris.

— Vous tenez vraiment à rejouer l'épisode "Alan" ? s'enquit sa jumelle.

— Non, répondit-on tous en même temps.

— Donc la question est réglée.

Aris soupira, vaincu.

***

— Hé, Jonathan !

Ledit sursauta brusquement avant de se tourner vers Diane, puis porta une main à son cœur avec un sourire malicieux.

— Tu m'as fait peur. Et tu es... ?

— Diane. J'ai retrouvé ton cahier de sciences, dit-elle en lui tendant.

Il s'avança pour la rejoindre, dépassant un groupe de lycéens qui descendait les escaliers menant à leur établissement scolaire.

— Merci, fit-il en rangeant l'objet en question dans son sac de cours. On se connaît ?

— On s'est déjà croisés hier, dis-je en les rejoignant, suivie des aînés de l'Hiver.

J'étais venue avec Diane, Aris et Arwen. Le but de cette "rencontre" était de mettre au courant le descendant de Gayleri de son identité aujourd'hui - c'est pourquoi nous avions interdit à Loís de venir, pour éviter les malentendus.

— La fille à la chocolatine, se rappela-t-il avec un grand sourire amusé. Ravi de te revoir.

— De même, souris-je, amusée du surnom qu'il m'avait donné.

J'en profitais pour utiliser mon don de Sonde... et écarquillai les yeux, soudainement calmée. Sa puissance équivalait celle d'Anniah et de Loís.

D'Anniah et de Loís réunis.

— Au fait, pourquoi êtes-vous venus me parler ? Je me doute que ce n'est pas uniquement pour mon cahier.

— Nous souhaiterions discuter avec toi, c'est important. Et ne va pas t'imaginer de sens implicite à cette phrase, surtout, dit Arwen.

— Compris, dit-il, légèrement perplexe. Cette discution sera-t-elle longue ?

— Tout dépendra de ta capacité à nous croire, dit Diane.

— Très bien, je dois simplement appeler mon patron pour lui dire que je n'irai pas travailler ce soir, dans ce cas, dit Jonathan en sortant son téléphone.

Sans prendre la peine de s'éloigner, il tapa un numéro et appuya sur le bouton d'appel.

— Allô, Thomas ? Je ne pourrais pas venir ce soir.

De l'autre côté du fil, le dénommé Thomas se mit à hurler des reproches. Je saisis les mots "contrat", "clients" et "soirée capitale".

— De toute façon, se contenta de répondre Jonathan en nous regardant, je crois bien que je ne viendrais plus travailler du tout.

Pardon ?! s'époumona l'autre. Je te rappelle que tu...

Jonathan raccrocha.

Et il jeta son sac au sol pour s'alléger, avant de partir en courant, se mêlant à une foule de lycéen quittant leur établissement.


Arwen fut la première à réagir. Elle s'élança à sa poursuite sans perdre une seconde, bousculant sans scrupules les lycéens qui se trouvaient sur son passage. On la suivit sans perdre une minute.

— Il a un don de Sonde, comme moi, informai-je les autres sans cesser de courir. Il n'a dû y prêter attention que maintenant, et il a prit peur.

Pour toute réponse, je reçus des hochements de tête.

À peine quelques mètres devant nous, Jonathan enjamba un muret et se propulsa de l'autre côté. Aris fut le plus réactif de nous tous sur ce coup là ; il enjamba le muret mais au lieu d'atterrir sur le sol, il rebondit contre un mur pour enfin atterir juste devant le lycéen effrayé à qui il fit un croche-patte.

— Putain de merde, qu'est-ce que vous me voulez ?! s'écria celui-ci, totalement paniqué, en se relevant.

— On veut juste que tu écoutes ce qu'on a à te dire ! dit Diane, qui finissait de passer par dessus le muret.

— Je ne veux pas entendre ce que vous voulez me dire, dit Jonathan, dissimulant ses mains tremblantes dans les poches de son sweat.

— Tu sais déjà de quoi on veut te parler, non ? demanda Arwen d'une voix calme.

Comment pouvait-elle être si calme après la course-poursuite que nous venions d'avoir, d'ailleurs ?!

— Oui, souffla le brun aux yeux d'émeraudes, le regard fuyant. Mais je ne veux pas aborder ce sujet.

— Pourtant, il va bien falloir, Jonathan.

Il resta longuement silencieux.

— Les autres personnes avec qui vous étiez, hier, elles aussi, elles sont... comme ça ?

— Oui, elles aussi ont des capacités particulières.

— Et... pourquoi ? osa enfin demander Jonathan.

— Tu vois que tu veux en parler, fit Aris avec un sourire amusé.

Le concerné soupira doucement. Il ne se sentait plus menacé, en tout cas.

— Je veux des réponses, c'est tout, dit-il.

— Et c'est bien pour t'en donner que nous sommes là, fit Arwen. Veux-tu continuer cette conversation ici ou dans un lieu qui te convient ?

— Je préférerais en effet aller dans un lieu plus fréquenté, admit-il.

***

— Vous êtes sérieusement en train de me dire que vous venez d'une autre planète ? s'enquit Jonathan, un air perplexe sur le visage en reposant sa tasse de café qu'il n'avait finalement pas porté jusqu'à ses lèvres.

— C'est bien cela, confirmai-je.

Il resta quelques secondes silencieux.

— Le pire, c'est qu'il y a environ 79% de chance que ce soit la vérité, souffla-t-il en se passant une main sur le visage. C'est plutôt simplet pour explication, mais cela justifierait bien des choses.

— Sur quoi bases-tu ce pourcentage ? s'enquit Arwen, curieuse.

— Je préfère ne pas le révéler. Sachez juste que je n'ai pas choisi de me lancer dans des études scientifiques par hasard. Enfin, je suppose que je ne pourrais jamais les poursuivre... ici, du moins.

On garda tous le silence quelques temps. Il avait parfaitement raison ; c'était inenvisageable de le laisser sur Terre pour qu'il puisse devenir médecin ou je ne sais quoi.

— 91%, décréta-t-il alors. Il y a 91% de chance que ce que vous avancez soit vrai. Ce qui signifie que ça l'est très probablement.

— C'est cela.

— En revanche, vous m'avez parlé de ces "Ailés", ou je ne sais quoi. Eux sont une véritable menace. Si j'ai bien compris les enjeux de votre présence ici, actuellement, il y a 45% de chances qu'il passent à l'attaquent ce soir. Demain, cela sera 55% de chances, et cætera. Chaque jour augmentera les probabilités qu'ils passent à l'attaque d'environ dix pourcents.

C'était fichtrement effrayant.

— Bien vu, fit Arwen. C'est pour cela que nous devons rentrer dans les plus brefs délais.

À l'entente de ces mots, Jonathan resserra son emprise sur la tasse qu'il tenait toujours, les yeux baissés vers celle-ci. Il avala sa salive avec difficulté.

Le pauvre. Par la faute des Scriruslèmiens, nous étions obligés de le forcer à déguerpir sans délai.

— J'ai besoin de temps.

— Mais tu l'as dis toi-même, c'est cela qui nous manque.

Il souffla longuement, tremblant.

— Par la faute des Ailés, commença Aris, ta présence est en train de nuire à l'écosystème déjà bien fragile de la Terre. Tu es le dernier de leurs victimes à toujours être là, maintenant, il faut que...

— Stop, lâcha Jonathan d'une voix glaciale. Tais toi. Je sais déjà tout ça. Arrêtez de vous répéter. Contentez vous de vous mettre à ma place.

Il avait fermé les yeux et les maintenait tels quels avec force et résignation. Dans sa tasse, la surface du chocolat chaud s'agita légèrement.

— Calme toi, dit Arwen, une légère teinte de panique perçant dans sa voix.

— Vous ne pouvez pas juste comprendre que ce que vous me demandez est beaucoup trop ? Je ne peux pas juste abandonner ma vie pour aller ailleurs !

Ce qui devait arriver arriva : sa tasse explosa, la pression qui y était contenue étant devenue trop forte pour la faible céramique de basse qualité. J'eus juste le temps de placer mes avants-bras en croix devant mon visage pour que les quelques éclats venant dans ma direction se fichent dans ceux-ci au lieu de me blesser au visage.

Je lâchai un juron en baissant mes bras blessés. Jonathan avait causé plus de dégâts que ce que j'avais pensé : si nos puissances équivalentes et supérieures à la sienne nous avaient rudimentairement protégés, ce n'avait pas été le cas de l'endroit du café où nous nous trouvions.

Les quelques clients qui se trouvaient là sortirent en criant, rapidement imités par les serveurs présents. Une alarme incendie stridente se déclencha.

Il y avait beaucoup de fumée, ce qui me fit tousser. De son côté, Jonathan avait rouvert les yeux et semblait médusé.

— Putain, souffla-t-il. C'est la deuxième fois, ce mois-ci.

Ses mains se mirent à trembler.

— Ces derniers temps, j'arrive plus à contrôler ce problème, avoua-t-il d'une voix tremblante, au bord des larmes. Je vais finir par tuer quelqu'un.

— Il n'y a aucun blessé, fit Aris en revenant vers nous - il avait été le plus réactif. Enfin, aucun Terrien.

— Lucie, je t'ai déjà dis d'utiliser tes dons pour te protéger, me sermonna doucement Arwen. Tu es blessée.

— Je sais, soupirai-je en osant regarder mes bras.

Je grimaçai. Plusieurs éclats de céramique s'étaient enfoncés dans mes avants-bras, et putain, ça faisait mal.

— Il faut vraiment qu'on te ramène sur Gayleri, souffla Diane à Jonathan.

Il ne la contredit pas.

— Par contre, là, j'ai vraiment mal, donc si quelqu'un pouvait utiliser ses dons pour me soigner je ne serais pas contre ! grommelai-je.

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