☆ Chapitre 15 : se battre contre soi-même ☆

Le plus jeune prince Scriruslèmien

Il erra longtemps dans les couloirs, pleurant silencieusement. Il était dépassé par les événements. Il s'était comporté comme... comme... comme un Scriruslèmien.

Comme ce qu'il faisait pour ne pas être.

Il se cacha quelques minutes dans la bibliothèque, et réussit à calmer ses larmes. Il avait agi comme le monstre qu'il devrait être. Il ne comprenait même pas ce qui lui était passé par la tête. Il ne s'était jamais énervé de la sorte auparavant.

– Est-ce que je suis en train de devenir comme eux ? se demanda-t-il dans un souffle.

Il ne voulait pas devenir comme eux, il ne le voulait absolument pas. Or, il s'était laissé emporté, rien qu'un court instant, et avait failli tuer son propre père.

Un peu comme s'il n'avait pas pu encaisser une humiliation supplémentaire, comme s'il avait atteint les limites de son endurance. Or, il se sentait calme, maintenant. Un peu comme s'il avait eu besoin d'évacuer tout ce qu'il réfrénait depuis tout ce temps.

Ayant besoin de réfléchir sans risquer de tomber sur quelqu'un d'autre, il opta pour la piscine intérieure du château. Il marcha d'un pas vif jusqu'aux vestiaires et enfila son maillot de bain, avant d'entrer dans la salle déserte et de plonger sans plus attendre. Dans l'eau, il se sentait plus à même de réfléchir sans paniquer ou s'énerver.

Il nagea aussi longtemps qu'il le put jusqu'à commencer à ressentir de la fatigue. Mais il suffisait qu'il repense au moment où il avait perdu le contrôle pour se remettre à nager de plus belle, comme si chaque longueur qu'il réalisait pouvait l'éloigner un peu plus de sa famille.

Quand il se retourna pour une énième longueur, un mouvement derrière les petites vitres rondes ornant les portes battantes de la pièce attira son attention. Trois servantes, rouges comme des tomates, gloussaient en le regardant nager et rougirent de plus belle quand elles se rendirent compte qu'il les avaient vu, puis elle partirent en courant.
Décidément, ce n'était pas car il souffrait que certaines personnes changeaient de comportement avec lui.

Il soupira doucement et regagna le bord de la piscine le temps de reprendre son souffle. Qu'avaient toutes ces servantes à venir le regarder en gloussant quand il venait nager (il devrait d'ailleurs sérieusement envisager de condamner les fenêtres de cette pièce) ? Quelque chose les amusait-elles ? Et pourquoi rougissaient-elles de la sorte ?

– Tu as toujours un fan-club, à ce que je vois, s'amusa Ayan en entrant.

Vexé de sa présence, le plus jeune sortit de l'eau en marmonnant :
– Je ne sais même pas ce qu'elles veulent ni pourquoi elles agissent toutes bizarrement.

Ayan, visiblement très amusé de la naïveté de son jeune frère, ne put s'empêcher de lancer :

– Elles te trouvent beau, idiot.

– Ne me traite plus jamais d'idiot, rétorqua t-il en se dirigeant vers les vestiaires, ignorant l'affirmation d'Ayan - il n'était pas particulièrement beau, son frère se trompait donc.

– Ou sinon tu m'étrangleras ?

Le châtain se figea net à l'entente de cette phrase. Il avait passé des heures à nager pour ne pas y penser et Ayan débarquait comme une fleur en gâchant tous ses efforts.

– Allons, ne fais pas cette tête, rit-il. De toute la famille, tu étais le seul à n'avoir jamais essayé d'étrangler notre père.

Le plus jeune serra les poings et l'ignora avant de s'engouffrer dans les vestiaires et de prendre sa serviette pour se sécher.

– Au fait, tu es toujours amoureux de la Gayleienne ? s'enquit le blond en entrant à son tour.

– Putain, fous moi la paix, Ayan ! hurla le plus jeune.

L'aîné rigola, indifférent à l'agacement de son frère.

– Je vois que tu te portes mieux qu'il y a quelques semaines, se moqua-t-il.

– Pas vraiment. Mais ce n'est pas la question. Laisse moi me changer et on en rediscute après... ou jamais, ce qui ne serait pas plus mal.

– Tss, petit insolent, railla le blond en sortant. Tu as de la chance que je sois de bonne humeur suite à ta petite démonstration de force, sinon je me serais vexé.

Le châtain se laissa tomber sur le banc en bois, accablé par l'attitude de son aîné. Il se prit la tête entre les mains. Ses cheveux encore mouillés gouttaient et trempaient le sol cimenté sous ses pieds.

Il commençait à avoir froid, mais il ne bougea pas pour autant. Ses pensées noires qui avaient précédé sa baignade lui revenaient en force.
D'un côté, il y avait celui qu'il voulait être, et de l'autre, celui qu'il devait être.

Il était piégé entre les deux, car il avait de plus en plus de mal à réfréner sa véritable nature tout en continuant de penser qu'être gentil et attentionné valait mieux que d'être violent.

Il ne savait plus quoi faire.

– Tu vas finir par attraper froid, fit alors la voix d'Ayan derrière la porte. On a déjà assez de Kensaku sur un lit d'hôpital !

– Laisse moi tranquille, articula-t-il lentement.

Il se rendit compte qu'il avait changé... en mal. Il y avait quelques semaines, il avait fait preuve de faiblesse et pleuré devant ses frères (après sa première tentative de suicide). Maintenant, il se sentait froid et distant, il se sentait devenu... mauvais. Il s'énervait facilement.

Peut-être est-ce car je suis anxieux ? se demanda avec espoir le châtain.

Mais non. Depuis qu'il avait agressé son père, quelque chose avait changé en lui. Quelque chose qui ne pourrait pas être réparé ; aucun retour en arrière n'était possible. À moins que...

Il se hâta de se changer et sortit, avant de se planter face à son aîné et de le regarder droit dans les yeux avec une détermination effrayante.

– Je veux retourner sur Gayleri.

Ayan fut visiblement prit au dépourvu par cette requête.

– Tu ne peux pas. Ou ta princesse connaîtrait ton identité.

– Je le peux. Il suffit que je prenne une autre forme. Ou alors que je me rende sur Terre pour la croiser. Cela demanderait beaucoup d'efforts, mais c'est faisable. Après tout, c'est un privilège autorisé aux princes ? Je n'ai jamais rien demandé, alors maintenant, je veux.

Un sourire satisfait flotta sur les lèvres de son frère.

– Je sais pertinemment qu'en faisant ça, tu cherches à te rassurer, à te dire que tu n'es pas comme nous. Sauf qu'en rusant de la sorte, tu te montres digne de notre famille.

Un éclat d'incompréhension brilla dans les yeux du châtain, qui se ressaisit bien rapidement. Son frère devait bluffer. Il ne rusait pas comme eux, il se contentait de se servir de ses avantages pour-

Il rusait comme eux.

Pourtant, il ne baissa pas le regard. Autant laisser Ayan croire qu'il avait raison.

– Et là, tu crois qu'en soutenant mon regard tu me donnes raison ? Un classique. Tu trouveras mieux bien vite.

Cette fois-çi, le châtain ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux et de reculer d'un pas, blême.

– Ton comportement est pour l'instant si prévisible ! enchaîna Ayan. Tu agis exactement comme Ayna, puis moi, puis Kensaku, puis Amana. Nous avons tous déjà agi de la sorte. Nous avons tous eu ce "déclic", et nous avons réagi de la même manière, tu n'échappes pas à la règle.

Le plus jeune déglutit difficilement et baissa les yeux. Ayan bluffait. Il bluffait. Il bluffait. Il n'y avait pas d'autres raisons possibles. Il bluffait. Car lui n'était pas comme sa famille c'était impossible. Il les détestait. Il ne pouvait pas être comme eux. Non. Il bluffait.

– Je ne bluffe jamais, sursurra Ayan comme s'il avait senti son désarroi. Jamais aussi bien, du moins.

Le châtain sentit sa gorge se nouer. Si, il bluffait !

– Néanmoins, tu peux en effet retourner sur Gayleri sous une forme animale pour voir ta belle de loin. Ou de près, si tu es malin. Voire même te faufiler sur Terre quand ils y seront.

Le châtain s'en moquait légèrement, à ce moment. Il se répétait en boucle ce qu'il lui avait dit plus tôt. "Nous avons déjà tous agi de la sorte". Non. Il n'était pas comme eux. Il n'était pas comme eux ! Pas comme eux ! Il était différent ! Ce n'était pas un monstre ! Pas un monstre !

Ayan posa la main sur l'épaule du plus jeune.

– Hé. Calme toi. Tu n'as pas à paniquer comme ça pour si peu, petit frère. Ça te prendra du temps à l'accepter, mais tu es bien notre frère et le fils de nos parents. Il n'y a rien de mal à être toi-même.

Et il le serra rapidement dans ses bras comme pour l'apaiser, même si le plus jeune ne lui rendit pas son étreinte.

__________

Alors, que pensez-vous de ce prince qui lutte contre lui-même ?
Quelle partie de sa personnalité va t-il choisir ? Va t-il cesser de luter et accepter pleinement sa nature de Scriruslèmien, ou continuer de résister pour sa princesse ?

*inspire longuement*

*hurle*
L'AMOUR VAINCRAAAAAAA !!!

*voix au loin*
Peut-être paaaaaaas !!!

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