☆ Chapitre 14 : "Bienvenue dans notre famille" ☆

Le plus jeune prince Scriruslèmien

L'adolescent aux cheveux châtains se sentait profondément mal. Il avait déjà réessayé trois fois de mettre un terme à sa vie, mais à chaque fois, quelqu'un le repérait et l'en empêchait.

Mais s'il se sentait encore plus mal que d'habitude, c'était à cause de ce que venait de lui dire sa mère.

– Déjà que ta princesse te détesteras en apprenant qui tu es, tu ne penses pas qu'elle mériterait des explications de ta part ? Elle se sentirait encore plus mal si elle l'apprenait alors que toi, tu reposerais tranquillement en paix. Elle souffrirait et tu ne pourrais rien faire contre, avait-elle dit.

Puis elle était sortie, laissant le jeune prince totalement désemparé.

Till, son esclave attitré, avait essayé de lui remonter le moral, mais il lui avait demandé de le laisser tranquille. Il l'avait... menacé. Il avait menacé la seule personne qui prenait sa défense. Il se dégoûtait au plus haut point.

Il avait l'impression d'osciller entre deux états d'esprit. Le premier voulait absolument cesser de souffrir, quitte à y laisser la vie, tandis que le deuxième redoutait le futur mal-être inévitable de sa princesse.

Mais, même s'il souffrait énormément, il avait décidé de rester en vie, de survivre, au moins jusqu'à ce qu'elle n'apprenne sa véritable identité. Mais il souffrait. Chaque coup bas de sa famille l'avait marqué, et ces marques ne s'effaceraient jamais. D'Ayna le forçant à considérer les Gayleiens comme des pions jusqu'à son père lui hurlant dessus après sa première tentative de suicide, tous l'avaient plus ou moins blessé, et ces blessures ne voulaient pas se refermer.

La seule chose qui aurait pu réparer son cœur et son âme aurait été de revoir sa princesse, sa moitié, mais il ne le pouvait pas sous peine d'être démasqué. Il n'arrivait pas à avancer sans ses sourires, sans son adorable attitude protectrice, sans elle.

Mais même si un jour on se revoit, ce sera qu'elle aura été capturée, pensa-t-il. Alors, on ne se reverra sûrement jamais. Où alors, on se reverra, mais elle me haïra et aura peur de moi.

Il serra les poings. Des larmes roulèrent sur ses joues. La simple pensée de ne plus jamais partager la même relation avec sa moitié qu'avant son rapatriement précipité le rendait malade. Il avait besoin d'elle, elle était son oxygène.

Elle avait un jour été la flamme et lui le papillon de nuit, et il s'était brûlé les ailes à trop s'en approcher. Et ils avaient été séparés, et le stupide et malheureux papillon errait désormais sans aucun but.

Mais de son côté, la magnifique flamme continuait de brûler, inconsciente du désespoir du papillon. De son côté, la belle flamme vivait et souriait, tandis que le papillon disparaissait peu à peu, s'effaçait, mourrait.

Sans la lumière du feu, le papillon de nuit n'était rien, juste une créature qui cherchait désespérément sa flamme. Mais il ne la trouvait pas et ne la trouverait sûrement plus jamais. Car en apprenant son identité, la flamme s'éteindrait, disparaîtrait, et le papillon aussi.

Je dois survivre, se dit-il. Je dois tenir encore un peu, le temps de trouver un moyen de la revoir.

Même si leur relation n'était pas vraiment officielle ou encore approuvée, ils s'aimaient. Ou du moins, s'étaient aimés. À ce moment, l'Ailé fut envahi par la crainte qu'elle ait trouvé une autre personne qui la rendrait plus heureuse. Il n'arriverait pas à le supporter.

Il se leva et sortit de sa chambre, le regard vide. Il se heurta à Amana, qui marchait dans le couloir.

– Salut, petit frère, lui dit-elle.

Il ne répondit rien.

– Si tu cherches Kensaku, il est à l'infirmerie. Ayan est parti kidnapper un médecin Gayleien pour lui et Ayna est partie chercher un médecin dans la ville, l'informa-t-elle.

– Laissez les Gayleiens tranquilles, répondit-il dans un souffle.

– T'inquiète, on ne veut que leur meilleur médecin. Kensaku va vraiment mal.

– Je suis désolé...

– Ce n'est pas vraiment de ta faute, calme toi.

Il la poussa légèrement et reprit son chemin. Il se rendit à l'infirmerie où se trouvait son frère et entra sans toquer.

Kensaku était allongé sur le côté pour ne pas rouvrir sa plaie. Il était extrêmement pâle et de grands cernes noirs se trouvaient sous ses yeux. Sa blessure avait dû s'infecter.

Le suicidaire s'assit sur une chaise à côté du lit où reposait son frère, pour le moment inconscient. Le blond respirait mal, et quand le plus jeune posa une main sur son front, il constata qu'il était brûlant de fièvre alors qu'il grelottait de froid.

– Je suis vraiment désolé, lui souffla son jeune frère en lui prenant la main. Ne t'inquiète pas, Ayan et Ayna sont partis chercher des médecins pour que tu aille mieux.

Il n'était pas sûr que son frère l'entendait, mais il lui parlait quand même.

– Tu as intérêt de te remettre rapidement, dit-il avec un demi-sourire dénué de joie. On est cinq enfants dans cette famille et on restera cinq, tant bien que mal. Mais toi, tu ne dois pas mourir. Tu es fort - plus que moi.

Derrière la porte restée entrouverte, la reine Annabelle sourit doucement, ce qui changeait de ses habitudes. Son plus jeune enfant était une exception à lui tout seul, qui n'hésitait pas à dire ce qu'il pensait tout en restant adorable et enfantin. Ces derniers temps, il allait très mal. Mais ce serait peut-être le déclic qui lui manquait pour, comme sa famille, réussir à tirer sa force de sa tristesse. S'il y arrivait, il serait tout simplement invincible.

Dans l'infirmerie, l'adolescent sentit la main de son frère serrer faiblement la sienne. Il ne put retenir un petit sourire triste.

– Bats toi et réveille toi encore plus fort qu'avant, lui murmura-t-il en se levant. Tant bien que mal.

Il quitta l'infirmerie en essayant d'oublier l'énorme culpabilité qui lui rongeait le cœur.

***

– Père, j'ai à vous parler, dit-il timidement au roi.

– Je n'ai pas de temps à perdre avec toi.

Le plus jeune sentit une colère qui lui était inconnue monter en lui. Il était épuisé. Mais il devait lui parler.

– Je n'en ai pas pour longtemps, dit-il lentement.

– Discuter deux minutes avec toi sera deux minutes de perdues sur mon emploi du temps surchargé, rétorqua son père en passant à côté de lui.

Le châtain réagit au quart de tour et saisit le poignet du roi avant de le pousser contre le mur.

Il ne contrôlait plus rien.

– IL SUFFIT ! hurla-t-il. CESSEZ DE ME TRAÎTER COMME UNE PETITE CHOSE FAIBLE ET INCONSCIENTE DU MONDE QUI L'ENTOURE ! JE SUIS UN PRINCE, AU MÊME TITRE QU'AYAN ET KENSAKU !

Sa tirade terminée, il garda le silence en respirant fort, guettant la réaction de son père qui ne se fit pas attendre.

– COMMENT OSES-TU ME PARLER SUR CE TON ?! cria-t-il en le poussant violement. TU N'ES PAS DIGNE D'ÊTRE UN SCRIRUSLÈMIEN ! TU N'ES PAS DIGNE D'ÊTRE MON FILS, AVEC UN COMPORTEMENT PAREIL !

L'adolescent reprit son équilibre de son mieux, fulminant. Il n'avait jamais été autant énervé de toute sa vie.

Plus aucun contrôle, plus rien. Il n'était plus lui-même.

– VOUS VOULIEZ QUE J'APRENNE À M'ÉNERVER, NON ?! ET BIEN IL SE TROUVE QUE VOUS AVEZ TROUVÉ LES LIMITES DE MON ENDURANCE ! MOI, PAS DIGNE D'ÊTRE VOTRE FILS ? CAR JE NE SUIS PAS UN MEURTIRER SANGUINAIRE ? TRÈS BIEN, JE VAIS CORRIGER CECI DE SUITE ! hurla le châtain en sortant un couteau de sa ceinture.

Il s'élança sur son père. Si ce dernier n'avait pas eut le réflexe de se décaler, il aurait fini transpercé par la lame du prince. Le couteau se figea dans le mur, à à peine quelques millimètres des côtes du roi.

Christopher écarquilla les yeux, stupéfait, en sentant les mains de son fils s'enrouler autour de sa gorge et le relever de quelques centimètres au-dessus du sol.

Le prince ne savait même plus ce qu'il faisait. Rien qu'un mot lui venait à l'esprit : tuer. Il avait ce besoin violent de faire payer à son géniteur toutes ces années de supplice qu'il avait enduré en silence. Il en avait besoin. Si lui ne pouvait pas mourir, son père le pouvait.

Je ne mourrais pas. Lui, si. Connard, connard, connard.

Il resserra son emprise autour du cou de son père qui se débattait de plus en plus faiblement. En arrière-plan, il entendait sa mère lui hurler de le lâcher.

Deux personnes attrapèrent le plus jeune par les bras et le tirèrent durement en arrière, à quelqud mètres de sa potentielle victime. Le roi tomba au sol en inspirant longuement.

Le châtain releva les yeux vers ceux qui le tenaient, et reconnut ses aînés, Ayna et Ayan, qui ne le lâchaient pas pour lui éviter de retourner étrangler leur père.

Il réalisa alors ce qu'il venait de faire. Il croisa le regard de chaque membre de sa famille présent. Ils ne le regardaient plus comme avant. Même son père le regarda un peu moins méchamment.

Il étouffa un sanglot horrifié et plaqua sa main sur sa bouche, reculant de deux pas. Il avait faillit... tuer. Tuer son propre père.

Il était redevenu lui-même, et rien n'allait plus.

– Bienvenue dans notre famille, dit nonchalamment Amana en haussant les épaules.

Pour toute réponse, le plus jeune s'enfuit en courant, des larmes roulant sur ses joues.

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