Chapitre 11 : vidéo compromettante

J'attendais nerveusement, assise sur le canapé, et tressais les cheveux de Flora pour m'occuper les mains. Émilie revint quelques minutes plus tard, trois tasses de chocolat chaud à la main. Flora prit la sienne avec un petit cri de joie, tandis que je me contentais de remercier Émilie à voix basse.

– Donc, j'ai visé juste ? demanda-t-elle.

– Oui, admis-je en hochant la tête. Cela ne sert plus à rien de nier. Je suis bien une Gayleienne, les autres et Flora aussi.

Pour pour lui prouver, je fis flotter ma tasse dans les airs pendant quelques secondes avant de la récupérer.

– Pourquoi êtes-vous sur Terre ?

– C'est... pour apprendre à parler français, et pour nous habituer au monde.

– Pourquoi faire ?

– Je... je ne crois pas pouvoir te le dire, murmurai-je.

– J'ai le droit de savoir ! s'énerva-t-elle.

Je baissais les yeux. Je ne savais pas vraiment à quel point je pouvais lui faire confiance pour garder le silence.

– Je n'en dirais rien à personne, insista-t-elle.

Je soupirais doucement, et lui racontais tout, absolument tout ce qu'il s'était passé, depuis mon arrivée sur Gayleri jusqu'à la petite sœur d'Akito. Quand j'eus fini, elle se tut longuement, et dit :

– Je... je te remercie de la confiance que tu me portes, Lucie...

Je lui pris la main et répondis :

– Et merci de me croire, Émilie.

Elle me serra dans ses bras, et je lui rendis son étreinte. À côté de nous, Flora nous observait avec curiosité car elle n'avait pas comprit ce que nous venions de dire, comme nous parlions français.

Surprenant mon regard sur l'enfant, Émilie me dit :

– Ne t'inquiète pas pour elle, je pourrais la cacher pendant une semaine. Mes parents ont été appelés en Angleterre pour un dossier compliqué à résoudre.

Je me souvins que le père d'Émilie était avocat et sa mère policière.

– D'accord, approuvai-je. Je me disais... tu voudrais parler aux autres ?

– Je ne sais pas, ils ne t'en voudraient pas de m'avoir tout dit ?

– S'ils m'en voulaient, je les ignorerais et serais encore plus mauvaise qu'eux, rigolai-je.

– Alors, je veux bien, dit-elle après avoir rit.

– Flora, tu restes ici, compris ? fis-je en Gayleien.

– Compris !

On sortit et on alla frapper chez Maria, qui nous ouvrit presque aussitôt.

– Lucie, je ne pensais pas que tu rentrerais si tôt ! Et bonjour, Émilie.

On entra. Dans un coin de la pièce, je vis Clara et Dylan se disputer, un peu trop près de l'interrupteur de la lumière. N'ayant pas très envie de rejouer l'épisode "bagarre dans le noir", je me téléportais et les séparais. C'était très épuisant de se téléporter sur Terre.

Ils me regardèrent tous avec des yeux scandalisés et tout le monde se mit à crier sur tout le monde en Gayleien.

– Ne vous disputez pas, dit Émilie dans un Gayleien simple. Je sais qui vous êtes.

Sa phrase eut l'effet escompté et tous se turent.

– Elle peut parler le Gayleien, il faut juste ne pas employer de mots trop compliqués, expliquai-je. Et puis, je lui fait confiance.

Maria se pinça l'arrête du nez, exaspérée.

– Je vous jure que vous m'agacez tellement que je pourrais... argh, vous avez bien de la chance d'être de sang royal, je n'aurais pas été si polie sinon, grimaça-t-elle. Il faut vraiment que vous fassiez un effort, ou on n'arrivera à rien.

***

Après qu'elle nous ait passé un savon et reproché notre immaturité, Émilie s'étant éclipsée au milieu de la conversation pour ne pas être la future cible des reproches de Maria, j'avais pu retourner sur Gayleri.

Mon père vint aussitôt à ma rencontre.

– Là, tu me dois des explications. De plus, Akito a été remit dans sa cellule en attendant ton retour.

– Je vais le voir, répondis-je simplement.

Je vis qu'il voulut me suivre, mais je lui fermais la porte des cachots au nez.

Je descendis rapidement les marches glissantes à cause de l'humidité.
Quand Akito me vit, il se releva d'un bond.

– Où est-elle ?

– En sécurité, j'ai trouvé où la cacher pour une semaine.

À cette nouvelle, il se détendait légèrement, mais s'assis contre le mur et se mit à pleurer.

– Elle risque des ennuis par ma faute, sanglota-t-il.

– Non, le contredis-je. Tu en a déjà fait énormément pour elle.

Je voulus ouvrir sa cellule, mais elle était fermée. Frustrée de ne pas avoir les clés, je fis fondre la serrure et entrais. Je m'accroupis et serrais mon ami dans mes bras. Il lui fallut quelques minutes pour se calmer.

– Bon, quand aurons-nous droit à des explications ? demanda mon père, furieux.

***

À part une dizaine de minutes de reproches, on n'obtint rien de la part de mon père. Il avait lancé des recherches pour retrouver Flora afin qu'elle assume ses actes, mais j'avais lu dans son regard qu'il arrêterait rapidement de la considérer comme coupable de quelque chose.

– Maintenant, tu retournes chez Maria et tu fais des efforts pour t'habituer à la vie sur Terre, m'ordonna-t-il également.

C'est en soupirant que j'obéis. Comme il se faisait tard, on passa à table dès mon retour.

Au bout d'un moment, le portable de Maria vibra. Elle l'attrapa et le déverrouilla. Elle regarda quelque chose qui lui fit écarquiller les yeux.

– Mais à quoi ils jouent ? demanda-t-elle à voix basse.

– Qu'est-ce qu'il se passe ? demandai-je, intriguée.

Elle tourna son écran vers nous et remit la vidéo au début. On voyait clairement un adolescent sauter d'une falaise. Il tomba dans l'eau. Alors que le filmeur appelait à l'aide, la caméra vacillant dans tous les sens, deux failles noires typiques des Scriruslèmiens apparurent ; l'une sur une petite plage et l'autre dans le ciel. Je crus reconnaître Ayan qui sortit de la seconde et sauta dans l'eau avant de ressortir avec l'adolescent qui avait voulu mettre fin à ses jours.

La qualité de l'image était très mauvaise donc on ne voyait pas les détails, mais on put voir Ayan porter le garçon jusqu'à l'autre Scriruslèmien resté sur la plage qui s'activa à lui faire un massage cardiaque. Le suicidaire finit par se réveiller.

La vidéo portait le titre "montage réussi ou extraterrestres ?" et avait déjà été vue des millions de fois.

On échangea tous un regard sidéré.

– C'est le plus jeune, celui qui a quinze ans, dit Carl d'une voix tremblante en désignant le suicidaire. C'est une bonne personne. Il m'a aidé à m'enfuir.

Ses yeux se remplirent de larmes, et il quitta la table pour dissimuler son accès de "faiblesse". Il s'était visiblement très attaché à cet Ailé malheureusement suicidaire.

On baissa tous les yeux. Cette "bonne personne" avait fini par craquer, ce qui était même prévisible en raison de sa famille. Prévisible, mais horrible.

Ah, que les Scriruslèmiens étaient horribles.

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