Chapitre 13 - Comme la dernière fois

L'atmosphère était tendue devant le siège du Conseil.

Tout le peuple elfique semblait rassemblé pour entendre l'annonce des conseillers. Il y avait une foule immense. Des gens de tous les âges étaient présents.

On pouvait voir des anciens comme Fallon Vacker ― qui faillit s'étrangler et s'évanouir en voyant Froyjan ―, mais également des nouveaux-nés dans les bras de leurs parents.

Sophie reconnut beaucoup de ses camarades de Foxfire. Il y en avait tellement à qui elle n'avait jamais parlé. Bien sûr, tous la connaissaient...

Les conseillers ne semblaient pas s'inquiéter du fait que tout le monde attendait depuis une heure. Ils n'avaient pas proposé de collation ou de boisson.

Dans une quinzaine de minutes, ce serait l'heure. L'heure de cette annonce qui changerait peut-être tout. Peut-être le conseil allait-il déclarer l'état d'urgence et placer des gardes de toutes les espèces (surtout gobelins) un peu partout.

Sophie était aux côtés de Grady, Edaline et Froyjan. Elle cherchait ses amis du regard, mais il y avait tant de gens que c'était comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

Elle commença à s'arracher un cil. Puis deux. Son père biologique l'interrogea du regard. Elle haussa les épaules.

― C'est un tic que j'ai depuis toute petite, expliqua-t-elle.

Il écarquilla les yeux.

― Cesse donc de te martyriser ainsi, Sophie, lui dit-il d'un ton faussement outré.

Cela eut pour mérite de faire sourire la jeune fille.

Elle sentit une main se glisser dans la sienne et se retourna, ses yeux rencontrant une certaine paire d'yeux bleus-verts.

Fitz.

― Oh, fit-elle, c'est toi. Tu n'aurais pas vu les autres ?

― Ma soeur s'est arrêtée pour parler avec Dex et Keefe. Ils ne devraient pas tarder à arriver. Mes parents aussi.

Justement, Keefe s'approchait aux côtés de Dex et Biana.

― Salut Foster, lança-t-il. Ah, je vois que Fitzou m'a devancé.

― Si tu ne t'étais pas arrêté pour parler avec Dex de la prochaine couleur que vous allez donner à Iggy...

Sophie le coupa :

― Une minute... Je refuse que tu lui donne une couleur telle que le vomi ou toute autre chose horrible, Keefe.

Il leva les mains en l'air, comme pour se rendre.

― Je ne discute pas les ordres de la grande, puissante et mystérieuse Mademoiselle F, s'inclina-t-il.

Ils éclatèrent de rire.

Soudain, les portes du Conseil s'ouvrirent en grand et les conseillers arrivèrent en lévitant. Oui, en lévitant. On aurait dit des super-héros en train de faire leur entrée ― plutôt leur sortie en l'occurrence.

Le conseiller Emery, porte-parole du conseil de son état, s'avança vers la foule. Des petites barrières avaient été érigées pour contenir la foule afin de laisser l'espace aux conseillers pour leur discours. Mais les elfes savaient se tenir à carreau et tous se tenaient à une bonne distance des barrières.

― Bonjour tout le monde, dit le conseiller Emery. Merci d'être venus en cet instant si important. Comme vous le savez sûrement, la lutte contre ce groupe hors-la-loi que sont les Invisibles n'est pas finie. Or nous avons appris il y a peu de source sûre (il jeta un regard appuyé à Sophie) que les Invisibles préparent une attaque de grande envergure.

Des exclamations fusèrent dans la foule. Des gens criaient. Le conseiller Noland s'avança et hurla :

― Silence !

En tant que Vociférateur, son cri fit taire tout le monde. Sophie dût plaquer ses mains sur ses oreilles pour faire cesser le bourdonnement de ses tympans.

― Je disais donc, poursuivit le porte-parole du conseil avec un calme olympien, que les Invisibles préparent une attaque. Mais ne vous inquiétez pas : nous les repousserons et nous les vaincrons. Nous avons déjà demandé à la reine Hylda de nous venir en aide si besoin. Mais je suis persuadé que grâce à tous les gobelins déjà présents et aux talents de certains elfes qui nous aideront, nous parviendrons vite à les repousser.

Sophie n'en était pas vraiment convaincue, mais elle ne dit rien. Le peuple avait besoin d'être rassuré.

Tout à coup, une grande lumière les aveugla et, aux côtés des conseillers, une silhouette apparut. Une silhouette dont le manteau était orné d'un signe que tous ne connaissaient que trop bien. Le symbole des Invisibles.

Les gens se mirent à hurler. Des gobelins montèrent sur la scène pour essayer de neutraliser l'individu et mettre les conseillers à l'abri. Mais avant que les gobelins n'arrivent à sa hauteur, l'Invisible avait ôté sa capuche et sa cape d'un geste.

Le sang de Sophie se figea et elle sentit la main de Fitz se crisper. Des elfes hurlèrent. Les gobelins s'arrêtèrent net.

Car l'Invisible n'était autre qu'Alvar Vacker, lui qui avait disparu depuis tout ce temps et que Sophie croyait mort. Il avait un appareil fixé dans le dos. Et en main, il tenait ce que Sophie compara à un interrupteur. Pas un interrupteur pour allumer la lumière, mais plutôt un interrupteur comme on pouvait en voir dans ces films policiers que ses parents humains regardaient quand elle était petite. Un interrupteur pouvant actionner une bombe. Le doigt d'Alvar était collé par un ruban adhésif ― un produit humain ! ― sur l'interrupteur.

― Qu'est-ce qu'il a dans le dos ? demanda Sophie à Fitz.

― Un catakane, répondit Fitz d'une voix froide et sans émotion. Un appareil que tu pourrais comparer aux bombes chez les humains. Une seule pression sur cet interrupteur et on meurt tous.

Les elfes commencèrent à paniquer. Ils n'avaient sans doute pas l'habitude d'être menacés par un kamikaze.

― Calmez-vous ! cria Alvar. Que personne ne bouge.

Tout le monde se tut et s'immobilisa, plus par peur que par respect.

― Que voulez-vous ? demanda le conseiller Bronte derrière son garde du corps.

― J'ai un message à vous transmettre, répondit-il. De la part de Lady Gisela. Comme vous le voyez, je me suis fait capturé par les Invisibles alors que je fuyais d'Everglen après l'incident du festival céleste. Et aujourd'hui, ils ont décidé de me coller ce fichu appareil et cet interrupteur permettant de le faire sauter en main. Oh, mais n'essayez pas de décoller mon pouce : ils ont aussi un interrupteur avec eux pour me faire sauter quand ils veulent. Je pense qu'il sera mieux pour tout le monde que nous restions tranquilles. Voici donc mon message.

Il sortit un rouleau de parchemin de sa poche et commença à lire :

― Mes frères, mes soeurs, entendez mes mots. Je m'adresse à vous en ce jour pour vous ouvrir les yeux. Vous ouvrir les yeux sur le conseil. Ces gens vous manipulent et vous font croire que vous êtes en sécurité. Mais la vérité est qu'ils sont incapables d'assurer votre protection. Ils ne font qu'assurer leur pouvoir. Car lorsque l'on détient le pouvoir, la seule chose qui nous fait encore peur est de le perdre. Ne leur faites pas confiance. Alors je vous le demande haut et fort, mes amis : rejoignez-nous. (Alvar sortit un cristal de saut de sa poche) Nous pouvons vous protéger. Il vous suffit de vous rendre près de notre envoyé Alvar. Il ouvrira un sentier lumineux qui vous conduira immédiatement près de nous. Et n'essayez pas de voler ce cristal. Si vous le faites, je serai obligée de faire exploser Alvar. Alors, qui veut être en sécurité ?

Alvar releva la tête pour observer la foule. Il transpirait à grosse goutte. Pas étonnant avec ce qu'il avait sur le dos. Sophie aurait presque eu de la peine pour lui. Presque.

― Jamais personne ne se joindra à vous, cria un elfe dans la foule.

Des clameurs d'approbation s'élevèrent. Personne ne s'avança pour rejoindre Alvar. C'était sans doute parce que les conseillers les déconseillaient fortement du regard. Ou encore car tous se rappelaient des agissements passés des Invisibles.

Alvar soupira et baissa la tête sur le parchemin.

― Je me doutais bien que vous feriez le mauvais choix, lut-il. Alors laissez-moi vous parler en face.

Alvar plia le parchemin et le rangea dans sa poche. Soudain, la lumière commença à se condenser pour former une image devant Alvar. Comme une sorte de projection holographique. Des Ooh ! retentirent dans la foule. Car sous leurs yeux se tenait Lady Gisela.

Les gobelins sortirent leurs étoiles gobelines, prêts à les lancer sur elle.

― Je vous déconseille de faire ça, gobelins, ricana la mère de Keefe. Vous voyez bien que je ne suis qu'une image créée par une habile manipulation de notre flasheur. (Les gobelins regardèrent partout dans la foule pour chercher quelqu'un en train de bouger les mains ou faire un autre signe pouvant le trahir) Vous ne le trouverez pas, leur dit-elle. Mais bon, je tenais à mieux vous expliquer le contenu de ma lettre de vive voix.

Elle fit une pause pour examiner les visages des elfes en face d'elle. Presque tous terrifiés, certains plus téméraires ou courageux que d'autres. Son regard s'arrêta sur le visage de son fils.

― D'ici peu, reprit-elle, une attaque d'une grande envergure ciblera les cités perdues. Je ne vous dirai bien sûr pas quelle cité, ce serait moins drôle. Mais sachez que si vous nous rejoignez, vous ne risquerez plus rien. Nos alliés sont puissants. Je ne souhaite pas tous vous tuer. Moins il y aura de mort, mieux ce sera. Tout ce que je veux, c'est la chute du conseil. Nous souhaitons instaurer un ordre nouveau fondé sur l'ordre, la discipline et la vérité...

― La vérité ! hurla Keefe. Vous passez votre temps à mentir, même à vos propres membres. Vous avez laissé Ombre mourir. Vous avez collé un explosif dans le dos d'Alvar !

Elle rit.

― Mon cher enfant, dit-elle, tu comprendras un jour que tout ça, c'est pour toi que je le fais. J'ai de grands projets pour toi. Si tu voulais bien accepter de nous rejoindre...

Il secoua la tête, la défiant du regard. Elle soupira.

― Personne ne veut la vie sauve ?

Trois personnes s'avancèrent dans la foule. Les elfes qu'ils bousculaient pour passer les regardaient avec un air outré.

Sophie n'avait jamais vu cette famille. Elle ne connaissait ni le fils unique, ni les deux parents. Ils avaient la tête baissée par la honte et le regard que les autres portaient sur eux. Quand ils arrivèrent devant Alvar, Lady Gisela prit la parole :

― Bien, enfin des gens lucides.

Elle sourit et fit un signe de tête à Alvar. Ce dernier leva le cristal de saut à la lumière du soleil pour ouvrir un sentier lumineux, puis la famille entra dedans.

― Quelqu'un d'autre ? demanda Lady Gisela.

Emery s'avança.

― Arrêtez tout de suite ! Jamais nous ne céderons au chantage. Nous aussi avons des alliés puissants et nombreux. Jamais vous ne parviendrez à détruire le conseil.

La cheffe des Invisibles sourit et Alvar leva une nouvelle fois son cristal à la lumière du soleil pour ouvrir un sentier lumineux.

― Nous verrons... Sachez que dès maintenant, nous ne retiendrons plus nos coups, dit-elle aux conseillers. À partir d'aujourd'hui, nous sommes en guerre !

L'image se brouilla puis disparu et Alvar sauta.

― Tout recommence... C'est comme la dernière fois... murmura Froyjan.




Bon, cela faisait très longtemps que je n'avais pas sorti un aussi grand chapitre...

1836 mots !

J'aurais pu continuer pour faire les 2000, mais je ne le trouvais pas nécessaire.

Donc j'espère que ce chapitre très spécial vous aura plu, que l'intégration d'un kamikaze ne vous a pas choqué et que vous n'avez pas fait de crise cardiaque.

Sachez en tout cas que vous n'êtes pas au bout de vos surprises. J'ai cruellement manqué d'imagination ces derniers jours, mais je crois qu'elle m'est revenue aujourd'hui !

Bref je vous laisse et vous dis à très bientôt pour le chapitre suivant.

Ninofr

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