20.Sophie

Écrit par Potato_0607 ❤️

PDV SOPHIE

"Vous croyez qu'elle dort ?"

Je relève la tête de mon oreiller, apercevant soudain la lumière que le battant entrouvert de la porte fait entrer dans la pièce. Je ne sais pas quelle heure il est, mais tous les lits autour de moi sont vides, et il fait apparemment grand jour dehors, si j'en crois les rayons du soleil que la porte me fait parvenir.

Aujourd'hui, c'est censé être le jour de la guerre. Ça fait deux semaines qu'on nous entraîne à renforcer nos capacités, à nous battre et à utiliser nos talents de manière offensive, et je reconnais qu'on s'est améliorés, même si je dois dire qu'entre nous plus rien ne va. Tout le monde se déteste entre les filles et les garçons, les disputes volent à chaque fois que les adultes nous laissent seuls, et je ne sais plus où mettre les pieds alors que je suis chez moi.

Mais en vrai, ce n'est pas ce bilan qui me fait rester au lit sans aller me préparer pour un assaut de je ne sais qui venu de je ne sais où. C'est ma relation avec Keefe qui me fait rester là, ou plutôt, la disparition de notre relation. Depuis qu'il m'a repoussée, la semaine dernière, il ne m'a plus parlé et m'ignore royalement, quand il ne me regarde pas pour se moquer de moi en lui-même -- et le plus blessant n'est pas nécessairement qu'il le fasse, mais qu'il ne s'en cache pas.

Avant que tout ça ne commence, on avait pourtant une amitié précieuse à mes yeux, amitié qui allait même un peu plus loin, mais...

Mais il a tout gâché, et je ne sais pas pourquoi.

"Sophie ? On peut entrer ?"

Je lance un petit "oui" à travers la pièce pour que les filles entrent, ce qu'elles font sans tarder, et sans manquer d'allumer la lumière surtout.

"Sophie, on a bien réfléchi, dit Biana la première, et si on veut que la guerre n'arrive pas entre toi et Keefe, il faut vous réconcilier !"

J'essaie d'estimer la probabilité qu'on vienne m'attaquer dans mon lit comparée à celle d'aller me mesurer à Keefe directement, mais Marella reprend :

"Et puis ça fait de la peine de te voir te morfondre sur toi-même alors que tu n'as rien fait. C'est lui qui s'est montré bizarre depuis qu'on est ici, il faut que tu ailles lui parler."

Les quatre filles hochent la tête de concert, les bras croisés, et je soupire en me redressant, regardant ma chambre maintenant éclairée, mais dont les coins me paraissent toujours être dans la pénombre. Ça aussi, c'est un changement. Les jours ne m'ont jamais parus aussi noirs que depuis qu'on est enfermés, et on dirait que ça s'accentue le temps passant. Personne n'a encore fait de commentaire à ce sujet, mais peut-être que ça veut dire que je vois des choses aussi.

"Tu accepterais ? Me rappelle Maruca à l'ordre, tirant mon regard d'un recoin sombre de la pièce. On a beau s'être tous entraînés, personne n'a envie de se battre."

Les autres acquiescent, et je les comprends. Je me lève pesamment, partant vers la porte pour aller parler à Keefe.

" Euh, par contre tu ne vas certainement pas le voir comme ça, me retient Biana d'un geste pour attraper mon épaule. Tu es aussi puante que si tu sortais de la gueule d'Iggy."

Je retiens mal un sourire, appréciant ce franc-parler.

"Donc je pars à la douche, déduisis-je en changeant de trajectoire pour plutôt partir vers la salle de bain.

-- Et nous on te trouve une tenue digne de ta mission, complète Linh avec un sourire adorable, ayant déjà hâte d'éplucher mon dressing -- et vu leurs têtes, les autres en ont tout autant envie. "

Ça achève de me faire sourire. Ces filles ne sont décidément pas faites pour une guerre.

J'espère que la prophétie ne va pas s'enclencher dès que j'aurai mis un pied dans la chambre de Keefe. Ce serait embarrassant de commencer à se battre à l'intérieur.

En moi-même, je me dis que même si ma relation s'est dégradée avec Keefe, une guerre ne risque pas de se déclarer entre nous deux. On s'engueulera peut-être, mais il n'est pas du genre à m'attaquer moi, ni à attaquer quiconque sans bonne raison.

{°}

"Keefe ? Je peux entrer ?"

Personne ne me répond, et je manque soupirer, toquant à nouveau. Déjà que je me sens stupide à aller le voir, si en plus il me refuse l'entrée...

J'entends les filles piaffer du haut de l'escalier, ravies de la tenue qu'elles m'ont fait enfiler de force. Une longue tunique beige cintrée à la taille dont le bas se fend en deux pans au niveau des hanches, un pantalon pattes d'eph venant cacher mes jambes. Les manches de la tunique sont suffisamment longues pour couvrir mes mains, et s'évasent légèrement au bout. Et pour les cheveux, j'ai réussi à les faire me coiffer d'une queue de cheval, parce qu'autrement c'était FORCÉMENT avec une broche couverte de joyaux ou À LA LIMITE une coiffure à étages.

"Keefe, j'entre, le préviens-je en abaissant la poignée, me retrouvant tout de suite dans une pièce aussi sombre qu'une grotte, et sans aucun doute la pièce la plus sombre de la maison. Oh là, tu n'allumes pas la lumière ?

-- Elle est allumée, me répond sa voix depuis l'autre bout de la pièce, moqueuse."

Je regarde le plafond, et en effet, la lumière est allumée, mais on dirait qu'un filtre l'empêche d'éclairer la pièce. C'est très étrange. Je dois être fatiguée.

" Tu voulais me voir ? Reprend Keefe en se retournant sur son lit, restant assis en tailleur.

-- Euh... Oui. "

Blanc. Je ne sais pas par où commencer. Les filles m'ont dit de m'excuser pour ce qui arrive depuis qu'on est là, mais je ne sais pas comment il compte réagir ; dans le doute, et parce que le silence qui s'étire me met très mal à l'aise, je me lance quand même.

"Excuse-moi si depuis le début de notre... enfermement ici -- appelons un chat un chat --, je t'ai brusqué, ou mis mal à l'aise, et euh, ça m'attriste que tu m'en veuilles pour... Euh... Bref, tu sais pourquoi tu m'en veux."

Moi je ne sais pas, mais son regard que je sens me scruter depuis l'autre bout de la pièce me met atrocement mal à l'aise, alors je continue.

" Et je suis navrée que notre relation se soit dégradée au point qu'on ne se parle plus, parce que personnellement j'appréciais beaucoup ce qu'on avait, et... Il me semblait qu'il y avait un début de quelque chose entre nous, mais visiblement plus... Je suis désolée si c'est de ma faute."

Je me souviens encore du Keefe du premier soir, et il était si gentil, serviable et normal que j'ai du mal à croire qu'en deux semaines, il puisse se montrer comme je l'entrevois à travers cette chambre sombre. Moqueur, condescendant et surtout, complètement désintéressé de ce dont je lui parle.

Un silence passe, et je baisse la tête, me préparant à retourner dans mon lit. Bon, bah on va attendre cette guerre bien gentiment-

"De quoi tu parles exactement ?"

Je veux relever ma tête, mais la stupéfaction me cloue au sol. Attends, quoi ?

"Hé, je te parle."

Mes yeux s'ecarquillent, et je le regarde en face. Depuis quand est-ce qu'il parle comme ça ?

"Je n'ai aucun souvenir d'une relation particulière entre nous. Rassure-moi, tu ne pensais tout de même pas que ce que tu me portes était réciproque ?"

Son ton est si narquois que je serre les dents, mes épaules tremblant d'indignation.

"Non, vraiment, même si j'essaye de me forcer, je ne vois pas comment j'aurais pu, ne serait-ce qu'un peu, tomber amoureux de toi, dit-il en faisant mine de réfléchir. Franchement, il faudrait avoir de la merde dans les yeux."

Je sens mon cœur rater un battement. C'est si méchant. Et il le dit si calmement que je sens qu'il le pense.

" Une pleurnicharde de première classe, qui rate tout ce qu'elle entreprend, faible comme pas deux alors qu'elle a plus de talents que tout le monde, et qui en plus se paye le luxe d'être l'arme secrète d'une organisation mal foutue dirigée par des guignols incapables. "

Le Cygne Noir n'est pas mal foutu !

" Parce que tu es mieux, peut-être ? Retorquai-je sans réussir à démentir ce qu'il m'exposait au visage.

-- Qui parle de moi ? Dans cette guerre, c'est nous contre vous, et ma mère n'aura aucun mal à tous vous mettre à terre. Vos dirigeants ne vous font rien faire de significatif, ils vous couvent comme des poussins sans cervelle, et vous ne savez rien faire d'autre que de leur obéir ! Une telle équipe de bras cassés est si simple à anéantir que ma mère n'aura besoin que d'un geste."

Je reste muette. Il comptait les rejoindre depuis longtemps, alors ? C'est pour ça qu'il s'isole tout le temps, depuis qu'on est là ? Il allait les rejoindre en cachette ?

Il ricane, sa tête posée dans sa main.

" Regarde-toi. Tu es incapable de te battre. Mais au fond je te comprends, ce n'est pas à ce monde que tu appartiens. En fait, tu n'en as même pas, de monde, à part celui qu'on réserve aux monstruosités génétiques, mais ça tu dois connaitre."

Je commence à en avoir assez, et je sens ma langue parler toute seule.

" Alors c'est moi l'erreur ? Qui ne fait rien de ses journées, ici ? Tu pourras dire ce que tu veux, la larve ce n'est certainement pas moi."

Il prend son temps pour me regarder, et mes poils se hérissent tant c'est désagréable. Il sourit lentement, et je ne suis pas assez proche pour voir ce qu'il pense, mais je sais que c'est mesquin.

" Allons. Tu peux essayer de te débattre, on sait bien tous les deux que la faible c'est toi."

Sans que je ne puisse me contrôler, je traverse la pièce et me jette sur lui pour le faire taire. C'est alors que mon visage arrive au niveau du sien que je remarque que ses yeux sont d'un violet vif hypnotique.

Dans un mouvement de surprise, je me recule, mais je suis pratiquement sur lui, et il est aisé pour lui de me retenir par les bras pour m'empêcher de m'éloigner, un horrible sourire aux lèvres alors qu'il m'attire plus près.

Prise de panique, sentant la force anormale avec laquelle il me serre les bras, j'essaye de me dégager, mais il est trop fort. Un réflexe me fait activer ma téléportation, pour que le choc le fasse me lâcher et que je puisse partir, mais il se cramponne trop solidement, et on bascule ensemble sur le sol, puis dans le néant.

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