Prentice

Ils attérirent devant la porte d'un chalet, le temps que Wylie ouvre ils étaient trempés.
Il pleuvait fort à présent et le tonnerre semblait plus proche quand il claqua à nouveau.

La Télépathe frissona, la peur la tenait.  Son instinct lui soufflait qu'en rentrant cette nuit auprès de Keefe, elle ne serait plus la même.

Ils entrérent dans un salon  confortable et chaleureux.
Une grande cheminée avec un feu ronflant jetait sur l'épais tapis des reflets dorés. Le canapé et les fauteuils de cuir brun luisaient.
Une belle bibliothèque parcourait deux des murs et l'on voyait la pluie tomber par la fenêtre.
Une petite table en bois ronde trônait au milieu de la pièce.

-Je vais mettre ta cape à sécher, proposa le Flascheur en prenant le vêtement mouillé que lui tendait Sophie gênée.

Il l'accrocha sur un porte-manteau près de la cheminée.

-Merci, dit la jeune femme.

Une silhouette se leva d'un fauteuil qu'elle n'avait pas remarquée.

-Bienvenue Sophie.

La Télépathe resta bouche-bée devant l'apparition. Prentice portait toujours ses quatre tresses, mais son visage était serein et un sourire chaleureux illuminait ses traits.
Il était chaussé de bottes noir, vêtu d'un pourpoint bleu ciel, d'un pantalon blanc et d'une cape de la même couleur. 

il était assuré, vif, s'était redressé et non plus baveux et tremblottant.
Constatant sa stupéfaction, le Gardien  rit: un rire grave et doux comme une coulée de miel.
Il prit sa main, elle était chaude.

-Installe-toi, dit-il en la conduisant sur le fauteuil en face du sien.

Wylie reparut avec un plateau contenant deux verres, une bouteille de vin d'herbes et un bol de friandises.

-Tu ne reste pas? lui demanda-t-elle inquiète, en voyant le Flascheur se retirer.

-Non, répondit-il avec un doux sourire, avant de sortir de la pièce.

Prentice s'assit avec nonchalance et servit la boisson.

Dehors un éclair fourchu traversa les nuages et illumina le salon, le bruit de la pluie se fit plus fort.

-Sophie, commença le Gardien d'une voix douce, si j'ai demandé à Wylie de te faire venir ici, c'est que le temps des révélations est venu.

La Télépathe s'arracha un cil. Le tonnerre roula, semblant souligner la déclaration.

-Autant commencer par le commencement, lui dit-il avec un sourire aimable. Tu sais bien sûr que je suis un des Gardiens des Cités perdues, n'est-ce pas?

Sophie hocha la tête les yeux baissés, avant de tremper ses lèvres dans son verre. Le vin était délicieux, très peu alcoolisé et lui réchauffa l'estomac.

Le feu crépitait, offrant un contraste apaisant face au tonnerre et aux éclair qui zébraient le ciel.

-Fille d'une Empathe et d'un Télépathe. Ils ont accepté de donner naissance au changement que notre monde en déclin avait besoin. Un regard neuf, des idées nouvelles, quelqu'un qui pointe du doigt le problème et qui peut y apporter une solution. Tu t'en es bien sortie sur ce plan.

-C'est pour cette raison que vous m'avez laissée chez les humains, non? C'était ce que Mr Forkle m'avait dit.

-En partie, mais si j'ai sacrifié mon esprit, c'est pour ton statut unique de Gardienne. Il me fallait te mettre à l'abri, préserver ta vie pour que tu atteigne ta pleine puissance. Il y a eu des fuites cependant, nos ennemis ne savent pas à quoi tu es destinée, ils savent juste que tu incarnes le changement qu'ils ne veulent pas.

-Je ne comprends pas, marmonna Sophie.

-Tu as été créée, pour devenir mon successeur. Si tu l'accepte, tout mon savoir sera tiens. Je ne te cache pas que c'est une lourde responsabilité, ça ne se fera pas non plus sans douleurs, mental et physique. Tu en sera changée, mais n'oublie jamais que tu n'es pas seule.

La Télépathe écarquilla les yeux.
Mais la crainte, vint vite remplacer sa stupéfaction.

Un puissant coup de tonnerre fit trembler la demeure et le salon s'assombrit un instant.
Sophie sursauta et se recroquevilla.

Le regard perdu dans les flammes, il  reprit d'une voix lointaine:

-La plus puissante des Gardiennes, dotée de multiples talents essentiels à la tâche. Une mémoire que personne ne peut briser et qui peut guérir ceux qui le sont. Un talent unique soit-dit en passant. (Il la regarda avec douceur). Merci de m'avoir rendue ma vie.

-De rien, chuchota la Télépathe, vous ne méritiez pas ce qu'ils vous ont fait.

Le vent soufflait et les arbres gémissaient comme une femme en couche.  

-Je ne pourrais pas t'en dire plus à ce sujet, tu t'en doutes, si tu ne choisis
pas cette voie, reprit-il franchement.
Je suis désolé mais tu va devoir prendre ta décision rapidement, bientôt, il sera trop tard.

La Télépathe déglutit la gorge serrée et demanda d'une voix mal assurée:

-Pourquoi ne pas m'en avoir parlé plus tôt?

-Le temps n'était pas venu, ce n'est pas moi qui édicte les règles.

La Télépathe tremblante demanda:

-Qu'est-ce qui se passera si je refuse?

Prentice haussa les épaule.

-Nul ne le sait. Et même si tu l'acceptes rien n'est jamais gravé dans le marbre. D'un côté ou de l'autre, tout peut toujours basculer.

La Télépathe insista:

-Mais il n'en ressortira rien de bon n'est-ce pas?

Prentice soupira.

-C'est une possibilité.

Il inclina la bouteille vers elle en haussant un épais sourcil noir.

-Volontiers.

Ils bûrent en silence, Sophie réfléchissait, elle était submergée par l'angoisse et la pression qui pesait sur ses épaules. Elle se leva de son fauteuil et sirota son verre devant la fenêtre dégoulinante de pluie.

La décision qu'elle devait prendre maintenant, changerait tout.
Elle risquait aussi de modifier sa relation avec Keefe, ses amis, sa famille. Elle aurait souhaité en ce moment être une humaine comme les autres et n'aurait jamais entendu parler des Citées perdues.
Terrifiée à l'idée de tout ce que cela allait impliquer, elle fit ce qu'elle savait devoir faire. Elle se tourna vers Prentice.

-J'accepte.

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