Le centre de soins


-Keefe, appela doucement Elwin.

Il avait dû s'endormir, le médecin lui apparaissait floue et les griffons sur la tunique d'Elwin avaient l'air de vouloir le boulotter.
Échevelé et épuisé le Flascheur lui fit boire un élixir.

-Je dois m'occuper de ton bras et de ta jambe pour pouvoir te transporter.

Il sentit Elwin écarter le manteau et défaire le bandage. Le tissu adhérait à la plaie. Keefe souffrait le martyre.
Le Flascheur était blanc comme un linge.

-Eh bien, siffla-t-il, tu ne t'es pas arrangé!

-Je me suis "fosterisé"! ricana faiblement l'Empathe.

Il suait maintenant à grosses gouttes, il jeta un coup d'œil à sa blessure.
Keefe tourna la tête juste à temps pour vomir de la bile.
Ro le soutenait et lui essuya le visage.

-Tu va prendre ce sédatif, lui enjoignit le médecin, ensuite je pourrais te soigner.

-Pas avant d'avoir vu Sophie, déclara-t-il d'une voix pâteuse. Il faut lui donner la broche.

-C'est fait, lui assura l'ogresse.

-J'ai soigné sa cheville, elle va bien. Bois! ordonna le médecin.

Keefe secoua la tête, tremblant, fiévreux et plus malade que jamais, il fut prit de haut-le-coeur. Crachant hoquetant il demanda d'une voix croassante:

-Et le bébé?

Le Flascheur le regarda bouche-bée et redressa ses lunettes.

-Sophie est enceinte?

Keefe confirma d'un signe de tête.
Il fut à nouveau pris de vertiges.

Elwin les larmes aux yeux émut lui souria.

-Il ne craint rien à mon avis, mais je demanderai à Livvy de regarder.

Une lumière éblouissante illumina la nuit.

Ro et Elwin ébahis par la splendeur du spectacle levaient la tête au ciel.
La lumière scintillante et douce, semblait parcourir l'espace comme un voile et se rependait.
L'Empathe baigna un instant dans le soyeuse clarté et un sentiment de paix l'envahit. L'aube se levait, Sophie avait réussi.

🌟🌟🌟🌟🌟

Le médecin donna ses soins sur un Keefe à peu près conscient.
Il lui remit le bras en place.
Keefe, hurlant, jurant, pleurant, s'évanouit après avoir vomis.
Quand il s'éveilla en caleçon vingt minutes plus tard, sa cuisse était bandée et son bras plaqué contre son torse. Elwin le recouvrit d'une couverture et s'occupa des plaies de son visage. L'Empathe se sentait comateux, les sons lui paraissaient lointains.

Une douce main lui caressait la joue, il ouvrit des yeux brumeux.
Sophie en larmes était penchée sur lui, elle lui baisa les lèvres, mais il ne compris pas ce qu'elle lui disait.
Il referma les yeux.

🌟🌟🌟🌟🌟

Il se réveilla avec un mal de crâne épouvantable.L'éclairage lui transperçait le cerveau, il gémit.

De l'eau fraîche gouttait sur son visage, quelqu'un lui avait mis un morceau d'étoffe humide sur le front.
Tout lui apparaissait indistinctement.
Un orbe bleu lui tourna autour de la figure et disparut.

-Tiens, fit Elwin à voix basse en l'aidant à boire un élixir, c'est pour ton mal de tête.

Il lui versa dans le gosier une dizaine d'autres élixirs plus répugnant les uns que les autres.
Sa migraine avait presque disparut.
Puis il reconnu le Centre de soins.

-Je suis là depuis quand? demanda-t-il d'une voix éraillée.

-Depuis à peu près douze heures, répondit le Flascheur en s'asseyant sur une chaise à côté du lit. Et avant que tu me le demande, j'ai envoyé Sophie se coucher. Elle est rentrée il y a deux heures à Havenfield avec Grady, ton père et Ro. Ils reviendront demain après-midi.

Keefe sentit son moral s'effondrer, il était coincé là et il n'avait même pas vu Sophie.

-Allez, dit le Flascheur en lui pressant l'épaule, ça va vite passer.

Il se reprit et demanda d'une voix cassée:

-Qui d'autre est là? Qui est mort?

Elwin soupira et l'aida à boire un peu de Jouvence avant de répondre d'une voix fatiguée.

-Marella, Dex, Della, Wylie, Tam et Fitz sont rentrés dans la matinée. Leurs blessures n'étaient pas grave.
Pour ceux qui sont ici il y a:
Edaline, Bo, Aed, Lady Zillah, Spectre, Rohana, Cadoc, Bronte et toi. Biana est passée vous voir avec Alden, ils ont déposés des paniers de friandises. (Le Flascheur sourit).

Keefe redressa la tête, effectivement un gros panier l'attendait sur sa table de nuit. Edaline, Aed et Rohana dormaient sous l'effet des sédatifs.

-Livvy est dans la salle à côté.

Le médecin se leva et fit le tour de ses patients. Keefe s'était endormi.

-Vous n'avez pas répondu à ma question, fit remarquer faiblement l'Empathe quelques heures plus tard après avoir bu un verre d'eau.

-Très bien, soupira le médecin.
Le Conseiller Noland, la Conseillère  Zarina, Quinlin Sonden, Brume, l'instructeur Bora et Lovise sont morts ainsi que six nains et deux trolls.

Keefe sentit les larmes lui monter aux yeux. Elwin reprit d'une voix tremblante:

-Tarina s'est sacrifiée pour protéger Sophie, Tam et Wylie. Cadfael est mort aussi. Quant à Stina, nous ne l'avons pas retrouvée.

-Comment ça, pas retrouvée? demanda l'Empathe d'une voix blanche.

-Je ne sais pas, avoua le Flascheur en secouant la tête une larme coulant sur sa joue. Des recherches ont été entreprises, nous savons qu'elle s'est battue et a été blessée mais rien d'autre.

-Sophie sait tout ça? demanda Keefe la  gorge nouée.

Le Médecin aquiesça.

-Elle a beaucoup pleurée et était épuisée. C'est à ce moment-là que je l'ai renvoyé à la maison, j'ai dû batailler ferme avec l'aide de Livvy et de Grady. (Il secoua la tête et sourit doucement). Elle ne voulait pas te laisser, elle t'a tenu la main tout du long.

Keefe s'essuya les yeux avec sa manche.

-Et la bataille de la station de métro?

Elwin grimaça.

-Ça n'a pas été jolie, jolie.

Il lui répéta ce qu'il avait apprit.
Keefe tremblant vomis deux fois, il avait la migraine, son bras et sa cuisse lui faisaient à nouveau mal.
Après s'être occupé de lui le Flascheur lui tendit un sédatif.

-Tu vas prendre ça, indiqua le médecin. Je ne t'en donne qu'une demie dose comme ça tu pourras parler avec Sophie quand elle viendra cet après-midi.

Keefe aquiesça et avala sans broncher. Il ne voulait pas faire de cauchemars.

🌟🌟🌟🌟🌟

Ce n'était pas Sophie à son chevet, mais son père.

-Keefe comment te sens tu? demanda Lord Cassius avec inquiétude.

-J'ai soif, dit le jeune homme d'une voix enrouée.

Son père l'aida à boire un peu de Jouvence.

-Merci, ça va mieux. Et toi comment vas tu?

Son père d'habitude impeccable était presque aussi ébouriffé que son fils. Il avait les yeux rouges et cernés et ses habits étaient froissés.

Lord Cassius secoua la tête et haussa les épaules.

-Je ne sais pas. Je suis désolé Keefe, je ne pensais pas que ça se terminerai de cette manière et que ta mère...

-Je suis désolé, répéta-t-il les larmes aux yeux.

-Tu n'y est pour rien, dit doucement Keefe, chacun choisi sa voie.

Son père hocha la tête et se reprit.

-Sophie est avec Edaline qui s'est réveillée avant toi. Ro doit être aussi dans le coin. Je vais te laisser, on se reverra dans quelques jours.
Prends soin de toi.

Il lui serra tendrement l'épaule.

-Toi aussi.

🌟🌟🌟🌟🌟

Il s'était assoupi, on était au milieu de la nuit et il avait manqué la visite de Sophie. Se maudissant, désespéré, il alluma une petite lampe.
La chaise à côté de son lit était vide.
Il avait chaud, il se débattit avec le draps pour le repousser.

Mme Schlinguette dégringola du lit.
Il devrait attendre qu'Elwin lui donne sa peluche, il ne pouvait pas bouger.
Il regarda le bandage qui l' enveloppait du poignet à l'épaule et qui le démangeait.
Puis il sourit en reconnaissant Krakie le kraken qui était agrafer sur son bras. Sa compagne lui manquait encore plus.

Il ne put retenir ses sanglots, un bras sur les yeux.
Il avait envie de rentrer chez lui et de retrouver Sophie, Iggy et Ro.
Il ne voulait pas dormir tout seul, ni penser aux cauchemars de ses derniers jours et à ceux qui n'étaient plus.

Il sentit qu'on lui glissait Mme Schlinguette dans les bras.
Une main fraîche dégagea son front et y déposa un petit bisou.
Il découvrit Sophie qui lui souriait avec tendresse les larmes aux yeux.
Elle se pencha sur lui pour l'embrasser avec douceur, il l'entoura de son bras valide, il avait besoin de la sentir près d'elle.

-Grimpes, lui souffla-t-il d'une voix fragile.

Elle se faufila dans le lit et se nicha contre lui sous la couverture.
Le corps chaud de la jeune femme, appliquait une douce pression contre sa cuisse blessée et soulageait ses tourments.
Il l'enlaça davantage de peur qu'elle ne s'efface dans la nuit.
Il y avait trop à dire.
Longtemps, il méla ses larmes aux siennes.

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