6. Fuir ou mourir

Sar se tourne vers moi.

- Tu le connais ? Me demande-t-il suspicieux.

Je ne sais pas quoi dire. Mentir ou dire la vérité. Petit à petit tous les regards se tournent à nouveau vers moi.

- Oui, je le connais, dis-je de ma voix la plus assurée, c'est lui qui doit m'apprendre à me battre.

Sar me regarde, puis Coal. Il fait ça pendant quelques secondes avant de s'arrêter et de me fixer.

- Depuis combien de temps fait tu partie des recrues de l'armée ?

Je réfléchis à toute vitesse.

- Depuis plus d'un mois. Enfin, je crois.

Il me regarde sans rien dire. Ses mains se crispent sur son pantalon en toile déchiré. Je sais qu'il réfléchit à ce qu'il va faire de moi.

- Je ne te tuerais pas, me dit-il d'un air grave, je ne tue pas les enfants.

Je me retiens de pousser un soupir de soulagement. Maintenant je m'inquiète pour Coal. Tous les villageois ont de nouveau tourné la tête vers lui. Qu'es ce que Sar va dire ?
Je m'apprête au pire.

- Nous n'allons pas le tuer non plus. Il pourra nous donner des informations sur l'armée quand il sera réveillé. Emmener le dans la grotte réservé aux invités.

Ouf.

Le chef du village me fait signe de suivre les hommes qui emmènent mon mentor. Je le remercie et les suis sans rien dire.

Je me lève précautionneusement en faisant mon possible pour ne pas avoir mal tout en marchant.

Je suis assise sur une chaise en bois dans la grotte depuis plusieurs heures. Je réfléchis au moyen de partir d'ici. Si les traîtres de l'armée arrivent ici je suis morte.

Coal ne s'est toujours pas réveillé. Je ne peux pas partir sans lui et je ne peux pas le transporter tant qu'il n'est pas réveillé. En un mot comme en cent, je suis coincée ici.

Je regarde quelques secondes l'entrée de la grotte, l'histoire que m'a raconté Sar me laisse perplexe. On m'a toujours appris que les Immortelles nous protègent et protègent notre savoir. Mais les Immortelles ne sont jamais intervenues pendant n'importe quel conflit. Elles n'ont jamais pris parti non plus. De quoi nous protègent-t-elles alors ? Des traîtres de leurs rangs ?

Sauf que la seule personne à qui je pouvais poser la question est morte hier soir...

Je me lève en soupirant et marche jusqu'à l'entrée de la grotte. Les hommes et les femmes dehors vivent ici depuis plusieurs siècles. Ils étaient toujours seuls sans technologie, ils vivent de ce qu'il y a autour d'eux. Ils ont déjà combattus conte une Immortelle avec une magie extraordinaire. Je n'ai aucune chance face à eux. Je suis dans une impasse.

Je réfléchis à une solution qui ne vient pas. Sirielle m'a parlé des pouvoirs des Immortelles. Des pouvoirs fantastiques que je ne possède pas...
J'en hurlerais de rage si j'avais assez de force et d'envie pour le faire. Je possède juste le don de voir le passé. Très utile dans ce genre de situation.
J'expire un grand coup avant de me prendre la tête dans les mains. Je ne sais pas quoi faire. Depuis que je suis arrivée ici je ne sais pas quoi faire.

J'ai passé le début de ma préadolescence aux États-Unis. J'ai vécu en France quand j'étais petite, jusqu'à la fin de la primaire. Ma vie est un éternel déménagement.

Penser à mon enfance me fais penser à mes parents. J'avais pris l'habitude de les appeler tous les deux jours. Ils doivent être morts d'inquiétude. Je n'ai pas de réseau dans la forêt et je n'ai aucun moyen de les joindre.

Et je mourais certainement dans très peu de temps.

Je baisse les yeux sur mon uniforme. Il ressemble de plus en plus à celui de mon futur. Je serre rageusement les poings sur les genoux. Je ne vois aucune solution. Rien du tout.

Heureusement mon épaule et guérie et je peux à nouveau courir malgré ma jambe. La médecine des villageois fait des miracles.

- Jane ?

Je sursaute et regarde le lit. Coal s'est réveillé. Je bondie sur mes pieds et fais en quelques secondes les quelques mètres qui me sépare de lui.
Je le regarde quelques secondes. Il n'a pas l'aire trop souffrant.

- Tu vas bien ?

- J'ai connu pire, me répond-t-il mystérieusement.

Je hausse un sourcil.

- On dirait un réplique d'un vieux film épique.

Il sourit quelques secondes puis son visage se trouble. Mon entraîneur s'assoit lentement sur le lit, il regarde la grotte où nous sommes avec inquiétude.

- Nous sommes à Amilys ?

J'acquiesce doucement.

- Je m'en doutais, dit-il seulement, le visage soudain sombre.

- Pourquoi ?

- Ce n'est pas le moment, me coupe Coal brusquement.

Je ne suis pas habituée à ce genre de phrases de ça part. Il doit se douter de mes pensées.

- Je t'expliquerai plus tard.

Son ton est calme et rassurant. Pourtant la peur brillant au fond de son regard me paralyse. Si Coal à peur et ne sais pas quoi faire, nous sommes mal.

Il se lève et marche vers l'entrée. Il passe la tête dehors puis la rentre brusquement.

- Ils sont là. Il faut partir.

Voyant que je ne réagis pas il me prend par les épaules et me secoue comme un prunier.

- Vite !

En clin d'œil je récupère deux épées et un arc laissé dans la grotte. Je dois dire que ce n'est pas très malin de laisser des armes à ses ennemis... Coal à fait de même avec tout ce qu'il a pu trouver d'important.

En une minute nous sommes près. En bas j'entends des cris de victoire. Les traîtres sont arrivés. Il faut que l'on se dépêche. Nous sortons discrètement sur la corniche. La grotte est à une dizaine de mètres du sol. Vu d'ici les gens rassemblés semblent si petit et insignifiant.

Coal me fait passer devant lui. Je mets doucement un pied devant l'autre pour ne pas tomber. Le chemin principal est de l'autre côté de la grotte.

Nous marchons sur la corniche depuis quelques minutes quand une sensation très familière me fait tourner la tête.

Pas maintenant !

Je n'arrive pas à empêcher le souvenir d'arriver, il est beaucoup trop fort. Je m'accroche à la pierre de la paroi mais je me coupe sans pouvoir me retenir.

                             ※※※

Il fait nuit. Les étoiles brillent de milles feu entre la cime des arbres. Je reste la à les regarder. Elles sont tellement près vues d'ici. Pourtant des milliards de kilomètres nous séparent, voire plus. Aujourd'hui est un jour particulier, les étoiles brillent bien plus que d'ordinaire. Cela rend la fête dans le village bien plus magique.
Cette lumière m'apaise.

- Une nuit magnifique n'est-ce pas ?

Je sursaute et me tourne vers la voix. Isildor me regarde en souriant. Ses yeux vert pétillent. Son uniforme de soldat de l'Armée Immortel fait ressortir son corps sculpté pour le combat. Ses cheveux noirs ébouriffés reflètent la lumière du ciel. Je sais qu'il m'aime depuis qu'il m'a vue. Mais pour éviter de le contrarier j'avais fait mine de ne pas savoir.

- Amilys te plaît ?

Je souris à la nuit. Le château avait beau être magnifique et très confortable, les petits villages perdus au milieu de nulle part me manquait. Surtout mon village me manquait.

- Ce village est parfait, répondis-je avec nostalgie.

- C'est toi qui es parfaite, m'assure-t-il.

Je ris doucement. Isildor a toujours une phrase enfantine pour me faire la cour.

- Sirielle, je suis très sérieux.

Il m'attrape doucement par le bras et serre fort les mains. Il plonge ses yeux dans les miens.

- Je t'aime, m'annonce-t-il d'un air solennel.

Je reste sans réponse. Je ne m'attendais pas à cela ! Je réfléchis, depuis que je suis ici Isildor est mon plus grand ami et allié. Je sais que cela vient de notre âge proche. Mais est-ce que je l'aime ? Je sais qu'Alinore me dit toujours d'aller chercher les réponses à mes questionnements au plus profond de mon cœur.

Je regarde Isildor, son visage est crispé, il attend je lui donne ma réponse. Je sais qu'il redoute une réponse négative. Sauf que je sais ce que je veux.

- Je t'aime également Isildor.

Les traits de mon ami d'enfance se détendent soudain, laissant place sur son visage, à un gigantesque sourire.

- Isildor ? Chère Choisie ? Nous vous attendons pour commencer le repas.

Avec un sourire charmeur dont il est si fier, mon amant crie au villageois que nous arrivons.

                             ※※※

J'ouvre les yeux. Le souvenir est gravé dans ma mémoire. Je voyais à travers les yeux de Sirielle. Ce souvenir était totalement différent des autres que j'avais vue. Si je vivais des souvenirs de Sirielle car elle est morte ? C'est peut-être celà la transmission d'informations dont elle m'a parlée.

Soudain, je comprends quelque chose. Je ne suis plus sur la corniche. Je m'assois sur la mousse qui me sert de lit et regarde autour de moi. J'ai quitté Amilys. Non, nous avons quittés Amilys. Coal ne doit pas être loin.

Je n'arrive pas à voir le ciel a travers les arbres, impossible de dire quelle heure il est.

J'attends, à l'affût du moindre bruit. Finalement Coal arrive avec un lapin sauvage. Je me demande dans quelle partie du monde nous sommes pour avoir des lapins en pleine jungle...
Dès qu'il me voit assise, il me sourit.

- Alors ? Bien dormi ? Me demande-t-il d'un air sarcastique.

- Je n'ai pas dormi figure toi, j'ai eu un souvenir.

- Sur quoi ?

Je vois à son visage que ma réponse l'intéresse. Mais je n'ai pas envie de parler du souvenir.

Je hausse simplement les épaules pour lui faire comprendre que ce n'était pas bien important. Il ne dit rien et va s'asseoir sur une pierre en face de moi. Il allume un feu avec trois brindilles.

Pendant que Coal dépece le lapin, j'en profite pour me concentrer sur le souvenir. Sirielle n'était pas encore une Immortelle quand le souvenir à lieu. Je me concentre sur son ressenti. Son village lui manquait. Elle était à Amilys, à l'endroit exacte où je me trouvais quand je l'ai reçu. Sauf que la plateforme était bien plus grande que maintenant.

Mais surtout, qui est Isildor ? Je n'en sais rien. Sar m'a bien parlé d'un Isildor, chef de la rébellion étant à l'origine de la chute d'Alinore mais je doute que cela est un quelconque lien.
Je suis dans le flou total.

- À table J.

La voix de Coal me tire de ma rêverie

- J ? Depuis quand tu m'appelle J ?

- Depuis maintenant, me répond-t-il en souriant.

Je prends le morceau de lapin qu'il me tend en le remerciant. Le repas se déroule en silence sauf qu'une question trotte dans mon esprit depuis un moment déjà.

- Dit-moi Coal. Comment tu as fait pour quitter Amilys sans te faire remarquer ?

- Je me suis fait remarquer. Et je pense que c'est d'ailleurs à cause de toi. Après t'avoir empêché de tomber, les hommes de l'armée ont débarqués et j'ai dû fuir. Heureusement je les ai semés dans la forêt à la sortie du village.

Je regarde autour de moi avec crainte. S'ils nous retrouvaient nous serons morts.

- Ne t'inquiète pas. J'ai veillé à ce qu'ils ne nous retrouvent pas.

Après avoir mangé, je me couche sans rien faire d'autre. Je suis tellement fatiguée. Je n'ai pas le courage de lui poser d'autres questions. Je le ferais demain matin.

J'entends des pas et des voix dans la nuit quasi-totale de la jungle. Coal bondit sur ses pieds et me prend le bras pour que nous partions le plus vite possible.

Ils sont là. Les hommes et l'armée nous on retrouvés.

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