25. Retour au point de départ
Les Ailes Blanches guidés par Siera et Isildor s'avancent vers nous en slalomant ou en bousculant les touristes. Je jette un coup d'œil inquiet à Noah qui me lance un regard que je traduis par : je te l'avais bien dit...
Mais ce n'est certainement pas le meilleur moment pour lancer une dispute. Noah et moi nous élançons en courant le plus loin possible des Ailes Blanches. Mon regard balaye la foule à la recherche du visage familier de Dalila.
Je me retourne une microseconde pour évaluer le danger des Ailes Blanches. Ils nous ont repérés puisqu'ils nous suivent à la trace. Je ne lâche pas Noah des yeux. Je sens mon cœur battre à cent à l'heure dans ma poitrine. Le stress hache ma respiration qui devient petit à petit plus laborieuse.
Des cris de protestations s'élèvent dans mon dos et je devine que l'armée n'y va pas de main morte pour dégager la foule de son passage. Je ne sais pas où Noah m'emmène mais je continue à le suivre, mes yeux passant d'un visage inconnu à l'autre en espérant trouver celui que je recherche. La panique monte en moi à mesure que les Ailes Blanches s'approchent.
Je l'aperçois soudain, qui court vers nous, poursuivie par trois Immortels. Je n'ai pas le temps de prévenir Noah pour Dalila que le temps semble s'arrêter. Un silence pensant s'abat sur l'Acropole, tout le monde s'est tut et semble attendre quelque chose.
Je m'apprête à partir en courant quand une violente secousse me propulser au sol. Des gens hurlent, c'est le chaos. Je vois avec horreur le Parthénon s'écrouler là où j'étais il y a seulement quelques minutes, emportant dans sa chute d'innocentes âmes.
Au moment où je parviens à me relever, une seconde secousse plus forte encore que la précédente me fait tomber à genoux. Les cris recommencement, les gens essaient de quitter l'Acropole le plus vite possible, poussant et piétinant les malheureux qui ne sont pas assez rapide.
- Jane, debout !
Je sens la main de Noah me serrer le bras et me relever sans ménagement. Dalila nous rejoins, la moitié du visage en sang. Je m'approche spontanément pour l'aider mais elle place sa main entre sa blessure et moi.
- Ce n'est pas le moment, me dit-elle sur un ton dur mais absent de toute méchanceté.
J'acquiesce quand une nouvelle secousse fait trembler l'Acropole.
- Mais qu'est-ce qu'il se passe à la fin ? demandé-je à haute voix.
- Ce sont les Immortels de la terre qui utilisent leur magie, répond sombrement Noah, le visage inquiet.
Je le regarde avec des yeux ronds. Les Immortels peuvent créer de tels dégâts ?!
Soudain je comprends la phrase d'Alec. "Nous ne sommes pas assez, mais nous pouvons faire plus de dégâts qu'une dizaine d'armées réunies." Je réalise avec horreur ce que cela veut dire. Jusqu'ici, la véritable puissance des Immortels m'avait paru incommensurable. Mais là, ce n'est plus pareil, ils arrivent à créer des tremblements de terre !
Noah et Dalila m'entraînent à leur suite. Je cours à contre-sens, entre les gens paniqués qui se bousculent vers la sortie. De tous les côtés, les bâtiments antiques s'effondrent comme des châteaux de cartes. Un pan entier d'une culture s'effondre mais personne n'y pense, l'heure est à la survie.
Je réussi enfin à m'extirper de la foule sans trop de mal. J'aurais sûrement quelques bleus mais ce n'est rien par rapport à certains.
Je cherche quelques instants Noah et Dalila des yeux puis finit par les trouver près des remparts. Mais où veulent-ils que l'on aille ? La sortie est de l'autre côté !
Je les rattrape et monte quatre à quatre les énormes marches de pierre polie. Une fois en haut, je me retourne mais il n'y a aucune trace de Siera ou d'autres Immortels.
Mais où ont-ils pu aller ?
Une secousse plus puissante que toutes les autres me fait partir en arrière. Sans que je ne puisse me rattraper nulle part, je bascule vers l'arrière et tombe dans les escaliers.
Je dévale la dizaine de marche des remparts roulé en boule. Un choc violent me coupe la respiration.
Je roule sur le dos, j'ai l'impression que ma tête va exploser tellement la douleur est puissante. Je reste, ce qu'il me semble une éternité, à regarder le ciel et à reprendre ma respiration. Je ne sais plus pour quelles raisons je suis ici.
Une autre secousse et des cris d'effroi m'électrisent et je me rappelle pourquoi je suis là. Il faut que je bouge.
Quand je finis par m'assoir, la douleur s'amplifie. C'est une véritable torture de se lever mais je finis par y arriver. À peine ai-je posé le pied parterre que j'étouffe un cri de douleur. Ma hanche droite, déjà mal en point par le pic de glace, est en bouillie. Je monte doucement l'escalier à cloche pied tout en respirant à chaque marche pour éviter de m'évanouir.
Une fois en haut, je ne trouve aucune trace de mes amis. Ils n'ont peut-être pas remarqué que je ne les suivais plus.
Je m'agrippe au rempart qui ont vu sur la ville en sentant un malaise venir. Je déglutie avec difficulté et mes yeux tombe sur Athènes.
De la fumée s'échappent de certains bâtiments, les belles maisons colorés se sont écroulées les unes sur les autres et une gigantesque faille s'est ouverte en coupant la ville en deux partie. Une moitié est entière et l'autre est détruite.
Mais le pire n'est pas la ville. La mer s'est retirée tellement loin que je n'arrive plus à la voir. Tout est détruit mais c'est étrangement calme.
Je détourne les yeux de ce paysage désolé et me met à avancer. Chaque pas réveillent la douleur et avancer est de plus en plus dur.
Soudain, une réplique du tremblement de terre fait tomber des maisons dans l'énorme faille. Un bruit d'enfer se fait entendre. Ce n'est pas les immeubles qui s'effondrent. Je reconnais avec horreur le bruit de vagues multipliée par dix. Je lève les yeux et ce que je vois me fige sur place. Une vague immense s'approche implacablement de la ville, prête à tous ratisser que son passage, que ce soit maison, ruinés ou habitants.
Tout de passe en quelques secondes mais cela me paraît passer au ralenti. En même pas quelques secondes, la vague a déjà traversée la moitié d'Athènes et se dirige vers l'Acropole sans avoir rétrécit d'un centimètre.
Quand les premiers vagues frappent la colline, je parviens à rester debout. Mais une vague encore plus grande frappe l'Acropole, envoyant des éclaboussures par-dessus les remparts.
Ma hanche cogne contre le mur et je perds la notion du temps.
- Aïe.
C'est la première pensée qui sort de ma bouche. Ma voix est enrouée et j'ai du mal à la reconnaître. Ma hanche est en feu. Je mets plusieurs minutes à me rappeler ce qu'il s'est passé et il me faut encore plus de temps pour comprendre que je ne suis plus sur l'Acropole. Les événements passent en boucle dans ma tête sans que je ne puisse faire quoi que ce soit pour les arrêter. Je revoie la chute du Parthénon, le tsunami et le froid qui m'a envahie.
Je me redresse doucement et m'appuie sur le mur derrière moi.
Je suis dans une minuscule pièce qui doit avoisiner les dix mètres carrés. Une grille partant du sol pour se rendre au plafond est solidement fixée au mur en face de moi. Une odeur infecte de moisi me brûle le nez et la gorge. Je ne mets pas longtemps à comprendre que cette odeur provient des champignons et de la mousse verte et brune qui tapisse chacun des murs.
Je suis emprisonnée. Cette certitude s'amplifie à mesure que mes souvenirs reviennent. Il y avait des Ailes Blanches. Noah m'avait prévenue que c'était eux qui utilisaient leur magie pour créer ce tremblement de terre et peut-être même le tsunami. La puissance de leur pouvoir ne m'avait jamais paru aussi réelle. Je me rends compte qu'à présent, si j'ai survécu, c'était surtout de la chance. J'ai tout simplement rencontrée les bonnes personnes aux bons moments. Même si ma magie se développe jours après jours, je suis toujours vulnérable face aux combats magiques quel qu'il soit.
Je me concentre et réussi à faire apparaître une flamme entre mes doigts plus rapidement que la dernière fois. Certes, ce n'est pas une boule de feu mais c'est déjà ça. Je grimace en me rappelant qu'il suffit à Tao de claquer des doigts pour invoquer une flamme.
Un bruit de ferraille me fait sortir de mes pensées. Quelqu'un approche. Je n'aperçois qu'une longue ombre me livrant certains détails sur son propriétaire, avant que celle-ci disparaisse de nouveau dans l'ombre.
Je suis certaine qu'il s'agissait d'une fille, c'est à peu près tout.
Un détail de mon voyage en Grèce me revient en tête. Nous étions suivit par les Ailes Blanches, ce qu'il veut dire que je me trouve certainement à l'épicentre de leur organisation.
Je me rappelle soudain que Noah et Dalila avaient mystérieusement disparus avant le tsunami. Je n'ai absolument aucune idée de la chance de suivi qu'ils ont eu. Avec un peu de chance, ils sont prisonniers non loin de moi.
Je m'approche de la grille de la cellule en glissant sur les fesses. Chaque mouvement de ma hanche est difficilement supportable.
- Noah, Dalila ? demandé-je d'abord en chuchotant avec ma voix cassé puis avec plus d'assurance. Noah, Dalila ?
Seul le silence me répond. Cela veut donc dire qu'il y a trois explications. Soit ils ont tous les deux réussi à échapper aux Ailes Blanches et au tremblement de terre, soit ils sont emprisonnés dans d'autre couloirs, soit...
Je n'ose même pas imaginé la suite. J'avais retrouvé Dalila depuis à peine une journée qu'elle avait déjà à nouveau disparue.
Je reste appuyée sur le mur en réfléchissant. Le noir permanent m'a fait perdre la notion du temps. Je peux être là depuis plusieurs jours sans même m'en être rendu compte...
À force de faire apparaître des flammes, je finis par apercevoir d'étranges gravures sur le mur.
Je me rapproche du mieux que je peux en faisant en sorte de minimiser ma douleur pour chacun de mes déplacements.
Une fois plus proche des gravures je comprends qu'il s'agit de dessins et d'écritures.
Le symbole est presque effacé mais j'arrive à voir les traits grossiers d'une femme en robe. Au bout de ses doigts, des flammes semblent crépiter.
Une inscription est tracée en dessous.
"Le démon des flammes de l'enfer".
Je plisse les yeux de concentration, je reconnais la forme d'une robe ancienne, de style chinois je dirais. Elle ressemble à la robe que portait Kumiko dans le souvenir que j'ai vue d'elle.
Le visage du personnage est à moitié recouvert de mousse. Au moment où je pose ma main sur la gravure pour la nettoyer, une sensation désagréable m'envahit.
※※※
Je me lève doucement et observe le cachot. La pièce, si je puis dire, est neuve. Les Ailes Blanches ont fini d'aménager toutes les prisons ce matin. Mon emménagement dans le Palais du Crépuscule ne date que de quelques mois. Bien que je sache que Lania a beaucoup d'ennemis, c'est tout de même la chef de ce groupe, ces prisons sont beaucoup trop grande pour ce qu'elle m'a assurée.
Derrière moi, Alinore pousse un soupir excédé.
- À quoi cela sert de regarder des prisons ? Ce sont des prisons !
Je me retourne vers elle en masquant mon sourire. Elle est beaucoup trop jeune pour comprendre les enjeux qui se cachent derrière l'aide que je fournis aux Ailes Blanches.
- Je fais cela pour être certaine qu'aucuns prisonniers gardés ici ne puissent s'échapper.
Lania à l'intention de m'éliminer, je le sais. Et la fuite de prisonniers qui tuent leur geôlière ne causera aucun tort à Lania.
Alinore ne me répond rien et quitte la cellule. Elle n'aime pas les Ailes Blanches, je sais très bien que la seule chose qu'elle me reproche, c'est ma collaboration avec cette organisation.
Mais elle n'a pas encore compris toutes les nuances, contrairement à ce qu'elle croit, ma méfiance envers Lania n'a pas diminuée, elle augmente même au fil des années. Adelina m'a appris beaucoup de chose sur cette organisation, je sais mieux que quiconque qu'il faut se méfier de Lania. Sa puissance et son pouvoir au sein des Ailes Blanches la rend plus dangereuse que le tyran le plus sanguinaire.
※※※
Je rouvre les yeux. Je suis debout devant la marque. C'est la première fois que je voie un souvenir partagé par deux Gardiennes. Kumiko connaissait Alinore. C'est sûrement elle qui lui a appris à utiliser sa magie, comme Sirielle a essayé de le faire pour moi. Je me replonge dans la tête de Kumiko pour essayer de comprendre où je me trouve. "Mon emménagement dans le Palais du Crépuscule ne date que de quelques mois."
Une connexion se fait toute seule dans mon cerveau. Je suis au Palais du Crépuscule !
Je pousse un soupir. Je suis de retour à mon point de départ, ni plus ni moins.
J'ai fait le tour du monde en cherchant des souvenirs alors qu'il y en avait un sous mes pieds qui me fournissait tout ce dont j'avais besoin.
Un frisson de dégoût me parcours. Lania a tué Sirielle, a détruit son palais et tué son armée pour pouvoir habiter là. Il y a quelque chose qui cloche.
Pour la première fois depuis mon voyage, je me demande pourquoi Lania à tuer Sirielle. Je repense au journal de Tao. Ce dernier en voulait à Sirielle de ne pas être intervenu lors des deux guerres mondiales... Les Ailes Blanches se battent contre la violence et les guerres. Puisque Sirielle n'a pas réagi, Lania a dû lui en vouloir.
Je cherche le journal de Tao dans ma poche, à la recherche d'autres partie de son journal intime, mais je ne le trouve pas. Il a disparu. Soit les Ailes Blanches me l'ont pris, soit je l'ai perdu pendant la catastrophe d'Athènes. La deuxième hypothèse semble plus logique. Pourquoi Lania aurait-elle besoin d'un journal intime ?
Je réfléchis toujours à cette question quand j'entends du bruit. Je lève la tête et me prépare à utiliser ma magie.
La même ombre que tout à l'heure refait son apparition dans le couloir et se dirige droit vers ma cellule. Je recule dans l'ombre, prête à agir.
La forme noire s'arrête devant ma prison et pose ses mains sur les barreaux.
- Jane ?
La voix est un doux murmure remplis de peur.
Je ne réponds pas et attend la suite.
- Je suis là pour te faire sortir.
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