21. La porte-parole des Ailes Blanches

Je sens que mon dos frappe une surface dure avec violence. Je mets quelques secondes pour comprendre que je viens d'atterrir dans de l'eau. Je secoue la tête pour me remettre les idées en place et remonte à la surface. Les sons autour de moi sont comme plus faibles, comme si j'avais du coton dans les oreilles.

Je ne mets pas longtemps pour trouver les restes de notre bateau. Une des planche de bois qui servait de siège à miraculeusement survécu. Elle flotte un peu plus loin, une des seules traces encore visible de notre ancienne embarcation.

J'essaie de me tenir un maximum en dehors de l'eau, pour ne pas recevoir de vague en pleine figure quand je respire... peine perdu. Je rejoins la planche de bois en toussant, à moitié noyé. Je me suis toujours considérée comme une bonne nageuse, mais, dans ce genre de situation, j'ai l'impression d'apprendre à nager.

Au prix d'un effort considérable, j'arrive à me hisser à moitié sur le bois. Je reste couché sur le dos à tousser pendant quelques minutes. Mes bras me tirent douloureusement mais heureusement, mes oreilles vont mieux. Le bruit des vagues qui s'écrasent contre ma frêle embarcation me parvient à pleine puissance. Je ferme les yeux et respire profondément. Les inspirations me font mal aux poumons mais je continue. C'est vrai que je suis plutôt bien sur ce bout de bois... Je pourrais flotter jusqu'à l'infini. C'est vrai que ce serai bien...

Tout à coup, une pensée s'insinue dans la brume de mon esprit en pleine récupération. Les autres !
Je me redresse si vite que ma tête se met à tourner mais je m'en fiche. La panique s'infiltre en moi comme du poison.

- Dalila ! Noah ! Vous êtes là ? Ma voix est caverneuse et chaque mot qui sort de ma bouche est comme une centaine d'aiguilles qui se plantent dans ma gorge.

Je n'obtiens aucune réponse mais je n'arrive pas à m'arrêter. Ce n'est pas possible, c'est un cauchemar. Tout ne peut pas se finir comme ça, pas maintenant... Pas ici.

- DALILA ! NOAH !

Je crie à m'en rendre muette. Il n'y a plus rien à faire, plus d'espoir...
Une goutte d'eau s'écrase sur ma planche déjà trempé. Je mets quelques secondes à me rendre compte que ce n'est pas de la pluie. Je porte mes mains à mon visage pour pleurer. J'ai tout perdu.
Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?

Je lève la tête et observe à travers mes yeux baignés de larmes la côte Grèque. Elle n'est pas si loin que ça. Si je nageais au moins une trentaine de minutes j'y arriverai peut-être.
Mais est-ce que j'ai envie d'y arriver ?

Je replie mes bras autour de ma poitrine, j'ai froid et je claque des dents. Mais je n'ai pas envie de me réchauffer.

Alors que c'est comme ça que tout se termine ?

Je laisse mon regard dérivé sur l'immensité de l'océan. Le doux roulis des vagues s'est calmé depuis que je suis sur mon embarcation. À une vingtaine de mètres, je remarque des algues brunes. Une seconde... Des algues brunes qui bougent étrangement...

- JANE !

Et qui parlent ?
Je penche la tête sur le côté pour observer ce drôle de spectacle. Sauf que le tat d'algue à une tête qui me rappelle quelqu'un...

- Noah, ma voix n'est qu'un murmure.

Je me mets une claque pour me remettre les idées au clair.

Le froid ne me réussit pas beaucoup...

- NOAH !

Sans réfléchir plus longtemps, je plonge dans l'eau et nage en direction du survivant. Les mètres qui me séparent de lui me semblent être des kilomètres. Quand j'arrive à lui attraper le coude, je l'aide à nager jusqu'à ma sauveuse. On se hisse avec difficulté sur la planche de bois et on prend notre temps pour reprendre notre souffle.

- Dalila...tu...vue ? me demande Noah entre plusieurs inspirations.

Je secoue la tête de gauche à droite et observe à nouveau les flots.

- Elle est peut-être juste en dessous de l'eau, dit Noah avec espoir.

Il se penche en avant mais au moment où il allait plonger dans l'eau, je l'attrape par le col de son T-shirt et le ramène sur la planche.

- Qu'est-ce qu'il te prend ?

Son cri me fait mal au coeur mais je ne peux pas le laisser y aller... S'il ne revenait pas... Je n'ai plus que lui. De la colère s'inscrit sur les traits de mon ami.

- Tu veux laisser Dalila mourir ?!

Ce mot me fait l'effet d'une claque. Non ! Je ne veux pas ça. Mais si Noah coule en la cherchant, qu'est-ce que je ferais seule ?

Avant que Noah ai pu crier à nouveau, une vague plus grosse que les autre retourne le seul morceau du bateau qui n'avait pas encore coulé. Je ressors la tête de l'eau en toussant.

Noah continu à regarder autour de lui avec espoir. Je tourne la tête et observe la côte, elle encore plus proche que tout a l'heure. Les vagues ont dû nous rapprocher de la terre. L'eau fait des bulles à quelques mètres de moi et la planche refait surface, mais pas Dalila. Je sens Noah m'attraper par une épaule et m'aider à remonter sur la planche.

En voyant son visage, rempli de douleur et de peur, j'aimerai lui dire que je comprends, que je suis désolé, que j'aimerais faire quelque chose pour lui. Mais je me tais et l'observe en silence. Il ferme ses yeux bruns quelques secondes. Je suppose que c'est sa façon de faire ses adieux. Je regarde la mer avec l'espoir qu'elle me rende mon amie.

"L'océan est cruel Jane, il ne rend jamais ce qu'il prend."

J'imagine que ma grand-mère était bien placée pour le savoir. Son corps repose à côté du cercueil de son mari, vide.

Je me reconnecte à la réalité quand je sens l'eau nous pousser vers la plage à grande vitesse. Je me penche pour observer le fond de plus en plus visible puis le visage de Noah, crispé par la concentration. Il déplace la terre pour faire bouger l'eau dans la direction qu'il souhaite. Je laisse le vent fouetter mon visage et emmêler mes cheveux. Je suis ailleurs. Le souvenir de la rencontre avec Dalila surgit dans mon esprit.

Je me concentre de toutes mes forces pour penser à quelque chose d'autre quand nous nous arrêtons brusquement.

Je me retourne pour regarder où nous avons accosté. Une plage de sable nous accueille avec ennuie. Des dizaines de parasols sont rangés, pliés, en haut de la plage, à côté d'un bar qui m'a l'air fermé. D'ici, j'arrive à remarquer le nom de l'établissement, Bolivar Beach Bar.

Le décor aurait pu être agréable si mon esprit n'était pas préoccupé par autre chose et si le temps se prêtait à une baignade. Mais le soleil de ce début d'après-midi à laisser place à des nuages d'orage qui s'accordent parfaitement à mon humeur.

- Il ne faut pas qu'on reste ici, me chuchote Noah en s'approchant de moi.

- Ou veux-tu aller ?

L'immortel regarde les immeubles et les structures du front de mer.

- Si nous sommes à côté d'une place dans une grande ville, il y a forcément un hôtel pas loin. Affirme Noah. Il faut juste le trouver.

J'admire la façon dont il prend les choses en main pour s'empêcher de penser à Dalila. Il sort son téléphone portable de sa veste et fait une grimace.

- Foutu, m'annonce-t-il en me montrant l'engin ayant rendu l'âme.

Je sors le mien de ma poche en attendant pas grand-chose non plus. Je pousse une exclamation de surprise quand je remarque qu'il est totalement secs malgré ma veste trempé. Je tends le téléphone à Noah et fouille les poches à la recherche du collier et de l'argent.

- Le code ?

Noah attend avec un sourcil levé que je lui donne mon mot de passe.

- Heu, dis-je un peu embarrassé, c'est Chouchou.

Mon ami à un petit rire et je rougis légèrement. Chouchou est le nom de la peluche que je traîne avec moi depuis toujours.

En voyant Noah utiliser mon portable, je me demande pourquoi ce dernier n'a pas pris l'eau... Les billets, le journal de Tao et le collier aussi sont parfaitement sec. Peut-être que la magie à protéger ceux à quoi je tenais le plus de l'eau.

Elle n'a pas protégé Dalila, me chuchote une petite voix dans ma tête.

Je secoue la tête et m'approche de Noah. Je me prends à remercier silencieusement Sirielle pour avoir "ensorcelé" mon téléphone pour que je puisse utiliser de la connexion partout sur la terre sans payer.

- J'avais raison, m'annonce Noah avec une pointe de soulagement dans la voix. L'hôtel est par-là.

Il montre du doigt une rue parallèle à celle du front de mer. Il s'élance vers la sortie de la plage et je le suis comme je peux. Le sable s'enfonce sous mon poids et s'incruste dans mes chaussures.

Nous quittons la plage et longeons la route vers un passage piéton pour traverser la route. Il y a très peu de circulation. J'écoute le ressac pour éviter de penser, je dois prendre exemple sur Noah. Au bout de deux minutes, nous nous engageons dans la rue ou se trouve notre hôtel.

La devanture est blanche et en pierre, des arbres cachent une partie de l'entrée. A côté de la porte d'entrée trône en lettre d'or le nom de notre futur hôtel.

Noah pousse la porte et entre sans hésiter. Une fois à l'intérieur, j'observe la décoration à l'ancienne.
Des murs jaunes citron viennent immédiatement me taper dans l'œil. Je fais une grimace quand je remarque un canapé rose posé sur un tapis jaune.

Je détourne le regard vers le comptoir quand Noah engage la discussion avec un membre du service de l'hôtel.

- Une chambre pour deux s'il vous plaît, demande-t-il.

L'employé affiche un sourire poli avec de prendre une carte magnétique quand une boite derrière le comptoir et de la poser à plat devant moi.

- La nuit coûte quarante-huit euros par personne, dit-il avec monotonie, comme s'il s'agit de la seule phrase qu'il sait dire.

Je souris aimablement en sortant quelques billets de ma poche. L'employé regarde les billets avant de relever la tête dans notre direction et de nous fixer un par un.

- Carte d'identité ou passeport.

Je vois Noah grimace et jurer silencieusement. J'ouvre une de mes poches et cherche mon faux passeport et celui de Noah dans le journal de Tao.

J'affiche le même sourire poli mais mes mains tremblent légèrement quand l'employé saisit les passeports. Je suis presque sûre qu'il est indiqué mon vrai âge sur le passeport -à savoir seize ans. Je prie silencieusement pour que Noah ai eu la bonne idée de se déclarer majeur, sinon l'employé nous refusera à coup sûr l'entrée et appellera peut-être la police...

Il hausse les sourcils en regardant le passeport de Noah puis Noah.

- J'ai toujours fait plus jeune que mon âge, précise mon ami en essayant de paraître sûr de lui.

L'employé détourne le regard, encaisse l'argent et nous rend nos passeports.

- Chambre 110, nous dit-il en nous tendant la carte magnétique.

Noah la récupère avec un sourire et me pousse dans le couloir.

- On l'a échappé belle, murmure-t-il.

J'hoche la tête pour montrer mon approbation mais je suis sûre que l'homme de l'accueil a remarqué quelque chose. Noah a beau être grand, il n'a pas vraiment le visage d'une personne majeure.

- John a mis que tu as quel âge sur ton passeport ? demandé-je curieuse.

- Dix-neuf ans, presque vingt.

- Tu m'étonnes qu'il ne t'as pas cru, dis-je en levant les yeux au ciel.

Noah s'arrête devant la porte et l'ouvre grâce à la carte.

- J'ai quand même dix-sept ans, bougonne-t-il en me laissant passer devant.

Je souris mais n'ajoute rien. Je passe les cinq premières minutes de notre arrivé à visiter les lieux. Nous avons un grand balcon mais en revanche, la salle de bain est minuscule.

Cela ne devrait pas être un gros problème, nous n'allons sûrement pas rester plus de trois jours.

Le salon est tout ce qu'il y a de plus classique, un canapé gris, une table basse en bois et une télévision un peu vieillotte.
Quand j'ouvre ma porte de la chambre, je pousse un soupir.

- Il y a un problème ? me demande Noah.

- On va devoir cohabiter, si tu vois ce que je veux dire...

- On dort ensemble ?

Exactement... A part le lit et deux tables de nuit dans la chambre, il n'y a pas grand-chose d'autre. Un lit double, pour deux personnes seulement. L'image de Dalila le vient en mémoire.

Je referme avec un claquement la porte et reviens dans le salon. Noah regarde les informations. Je m'assoie à côté de lui que le canapé et regarde avec intérêt la télévision.

"- En plus de celle effectué sur les usines chimiques, plusieurs autres attaques similaires ont eu lieu dans la nuit et dans la journée. Ces attaques visent systématiquement plusieurs types de structures, que cela soit des usines de construction de voiture à des fabrications de produit pharmaceutiques. Il est impossible de savoir si ces actions sont en lien les unes avec les autres pour le moment.
Une page sport pour conclure ce journal..."

Je regarde Noah à la recherche d'un avis mais il est plongé dans ses pensées.
Depuis que je suis certaine que ces attaques sont un coup des Ailes Blanches, je me sens de moins en moins tranquille. Elle doit chercher à attirer l'attention du monde entier pour que tous soit à l'écoute de sa proposition. J'en fois qu'elle aura fait peur à la terre entière, elle aura quartier libre pour faire ce qu'elle veut. La même question tourne toujours dans mon esprit.
Qui est elle ?

Un coup de coude dans mes côtes me fait lever la tête vers la télévision qui affiche un écran noir. Noah semble figé, en attente de quelque chose, la main sur la télécommande.

- Tu as éteint la télé, Noah, dis-je agacé.

Il me fait non de la tête et à ce moment précis, l'écran se rallume pour montrer le même visage que sur le bateau en quittant la Chine. Le visage de la porte-parole des Ailes Blanches.

Ses cheveux crépus semblent moins bien coiffé que lors de la première interruption de la télévision. Ses yeux bruns, tellement foncé qu'ils se confondent avec le noir de ses pupilles, sont chargés de triomphe.

- Alors, alors, alors... commence-t-elle.

J'échange un regard de peur avec Noah, que va-t-elle nous annoncer ?

- Il me semble que depuis que nous avons commencé à nettoyer ces usines, vous nous prenez un peu plus au sérieux. Elle marque une pause, comme pour laisser le monde entier digérer cette nouvelle. Oui, ce sont bien nous, les Ailes Blanches qui avons détruit ces usines.

Noah crispe sa main sur la télécommande mais ne pipe mot.

- J'interviens auprès de vous en tant que porte-parole pour l'organisation dont je fais partie. Notre chef, une lueur d'amusement s'allume dans ses yeux, tient à vous dire que ces destructions ne sont pas terminées. La seule façon de les arrêter est de coopérer. Chaque pays signant un accord avec nous sera protégé de toutes attaques futures.

Elle s'arrête pour fixer intensément la caméra des yeux et j'ai la désagréable impression qu'elle m'observe à travers l'écran de la télévision.

- Certains, reprend la porte-parole, doivent se demander ce qu'il nous pousse à faire tous cela. Sachez que j'ai déjà répondu à cette question durant notre premier échange. Les Ailes Blanches veulent la paix, c'est la seule chose que nous voulons. La paix, à tous prix.

La télévision s'éteint et, quelques secondes plus tard, le programme reprend comme s'il ne c'était rien passé.

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