10. L'Empire du Milieu
Nous avons fait plusieurs escales. Doria, c'est le nom de ma mystérieuse transporteuse, j'ai fini par l'apprendre il y a deux jours, devait s'arrêter à plusieurs endroits avant la Chine pour récupérer de la marchandise de plus ou moins bonne qualité. Au final, j'ai appris que j'avais séjourné plusieurs mois en pleine jungle d'Amazonie sans le savoir.
- Jane ! Nous sommes bientôt arrivées, me crie Doria depuis le cockpit du jet.
- D'accord !
Je suis à la fois heureuse et terrifié. Cette parenthèse de plusieurs jours m'a fait le plus grand bien. J'étais hors de danger tout la haut dans le ciel, mais maintenant je vais devoir affronter mes peurs et les souvenirs des anciennes Gardiennes. J'ai tellement hâte de revoir Coal. Rien qu'à y penser j'explose de joie.
Ces derniers jours je me suis aussi entraînée à la maîtrise de mes pouvoirs, peine perdue... J'ai beau me concentrer de toutes mes forces, je n'arrive à rien.
Sans prévenir, un bourdonnement étrange vient me déranger. Je cherche sa provenance et découvre qu'il vient du cockpit ou se trouve Doria. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer. Le bourdonnement devient une voix et des dizaines d'images me viennent en tête.
Les différents souvenirs défilent parfois si vite que je ne distingue que des formes ou des couleurs. D'autres restent quelques secondes et je découvre des lieux, des gens, des différentes tranches d'âge de la vie de Doria. Tant d'images défilent les uns après les autres dans ma tête. Une petite fille jouant en pleine ville avec une magnifique femme. Un enterrement, un cimetière. Une cargaison de bijoux et de pierres précieuses. Je sais qu'il s'agit de ses souvenirs. Un souvenir me passe rapidement sous les yeux avant de disparaître. Il faut que je le voie ! Je fronce les sourcils pour essayer de mieux me concentrer. Finalement je le retrouve parmi la multitude de souvenirs de Doria. C'est un des plus récents. Étonnement il brille plus que les autres, comme si on l'avait saupoudré de paillettes d'argent.
Devant moi, des dizaines -voir des centaines- d'autres souvenirs défilent sans cohérence temporelle, certains ont également cette couleur brillante. Sans hésiter plus longtemps, je me plonge dans le souvenir qui m'intéresse.
※※※
- Coal ! Que fais-tu-la ?
Doria est appuyé contre la carlingue de son avion. Une sensation étrange me parcours. Contrairement aux souvenirs de Sirielle, où je voyais sa vie à travers ses yeux et ses pensées, j'assiste à la discussion de Coal et de Doria comme une spectatrice.
- J'ai eu un problème, annonce Coal après quelques secondes comme s'il cherchait ses mots.
Je le regarde de haut en bas. À part le fait, très déstabilisant pour moi, qu'il est en train de me porter, j'ai remarqué qu'il avait plutôt maigri. Tout comme moi, il a dû souffrir de ces deux semaines de course poursuite.
- Il faut que tu m'aides, reprend-t-il.
Doria fait une légère moue contrarié. Je me rappelle qu'elle m'a accepté à bord de son jet uniquement parce que Coal lui a donné de l'argent.
- Ton histoire sens très mauvais, la coupe la pilote. Écoute, mon commerce est florissant et je ne tiens pas à être trempé dans tes affaires louches, merci bien !
Coal soupire d'énervement et regarde nerveusement autour de lui. Je suppose qu'il a déjà dû se débarrassé des traîtres de l'armée mais qu'il a peur que des renforts arrivent.
- Écoute Doria, c'est très important, c'est même plus que ça. C'est une affaire de vie ou de mort.
- C'est pour cette raison que je refuse, répond à nouveau la pilote en commençant à monter dans son jet.
- Je peux t'offrir beaucoup, assène mon entraîneur au comble de la frustration.
- Combien ? demande l'intéressée soudain beaucoup plus réceptive au danger de la situation.
Sans lui répondre, Coal sort une liasse de gros billets étroitement ficelé. Les yeux de la marchande de bijoux se mettent à briller autant que les pierres précieuses qui tintent de chaque côté de son visage. Elle hausse la tête et plante son regard dans celui de mon sauveur.
- C'est d'accord.
※※※
Au même moment le souvenir désagrège et je rouvre les yeux dans un des sièges du jet.
J'ignore combien de temps a passé depuis que je me suis plongée dans les souvenirs de Doria. Je me penche légèrement sur la droite afin de voir à travers le hublot. Le jour commence doucement à se lever et tour est calme. Quand je fronce les sourcils, quelques points lumineux apparaissent dans mon champ de vision beaucoup plus bas. Doria à raison, nous sommes bientôt arrivées.
Mais cette affirmation fait naître en moi de nombreuses questions.
Comment vais-je sortir de l'aéroport sans papiers d'identité ?
Excellent question auxquels je n'ai pas encore trouvé de réponse. Cependant, il va falloir que je trouve rapidement une solution.
Je me lève et m'approche du cockpit, tout est silencieux. Doria le casque vissé sur les oreilles, affiche une mine concentré qui ne me dit rien qui vaille.
Je m'assoie à côté d'elle et prends le deuxième casque disponible. Une voix robotisé répète la même phrase toute les dix secondes.
Veuillez-vous identifier... Veillez-vous identifier... Veillez-vous identifier... Veillez-vous identifier...
Mon regard passe de mes jambes tremblantes au visage de la pilote.
Veuillez-vous identifier... Veillez-vous identifier... Veuillez-vous identifier... Veuillez-vous identifier...
Quand son regard croise le mien, elle affiche un grand sourire et aborde un visage confiant.
- Bonjour, ici de jet 2003 en provenance d'Amazonie demande l'autorisation d'atterrir.
Doria débite sa phrase dans un chinois parfait. Pendant quelques minutes, un flottement nous fait patienter. Pendant que nous attendons notre réponse, je réfléchis à toute vitesse. Il faut que je trouve le plus rapidement possible le moyen d'éviter le contrôle d'identité une fois atterri.
- Met ta ceinture Jane, nous allons atterrir, m'ordonne Doria.
Je me dépêche d'enclencher le mécanisme de fermeture de la ceinture et attends les premières secousses. Mes yeux tombent le deuxième manche.
Il n'y est pas censé avoir un copilote ?
Je ferme les yeux quelques secondes pour me rappeler des souvenirs de Doria. Elle effectue toujours ses voyages seuls, elle a l'habitude de ce genre de manœuvre. Quand j'ouvre les yeux les souvenirs disparaissent de nouveau comme par magie. Je trouve cette nouvelle capacité à la fois étrange et fascinante. Il suffit que je me concentre entièrement sur Doria pour avoir accès à son passé. Vraiment fascinant. À défaut de maîtriser ma magie, je me suis découvert un nouveau don.
Lentement, je sens mon corps se faire plaqué contre le dossier du siège. Nous commençons à descendre. J'ai l'impression que si j'ouvre la bouche, tous mes organes vont se faire la malle par cette dernière. Je garde donc mon angoisse pour moi-même et attends avec appréhension que les roues du jet finissent par toucher le sol.
Quelques minutes après, le premier crissement de pneu sur le sol se fait entendre. Une fois le jet arrêté, Doria pousse un long soupir de soulagement.
- Le plus dure est fait, clame-t-elle en souriant.
Elle défait rapidement sa ceinture et quitte le cockpit.
- Attend !
Elle se retourne vers moi et lève un sourcil interrogateur. Je peux enfin poser la question qui me fait tourner en rond depuis hier.
- Je n'ai pas de papier d'identité.
Doria éclate subitement de rire. Quand je lui demande ce qu'il lui prend, elle m'explique qu'elle a atterri dans un aérodrome clandestin.
- Le gouvernement actuel pense qu'il est désaffecté depuis une bonne dizaine d'années, m'explique-t-elle en riant.
Je suis à la fois rassuré et encore plus terrorisé qu'avant.
Aller Jane ! Ce n'est pas un petit aérodrome clandestin qui va te faire peur ! T'as clairement vu pire.
Quand je descends avec Doria je vois déjà des gens décharger la cargaison du jet.
- Les affaires n'attendent pas, répond la pilote en riant à ma question silencieuse.
Nous atteignons la sortie de l'aérodrome en silence. J'appréhende ce moment car je sais que je vais devoir quitter Doria. J'ai beau savoir que Coal me rejoindra, je m'étais quand même attaché au caractère de ma compagne de route. Cette dernière met sa main sur mon épaule et me sort de mes réflexions.
- Je crois que c'est ici qu'on se quitte.
Je lève les yeux vers elle et lui sourit.
- Merci Doria.
Elle me fait un clin d'œil suivit d'un grand sourire avant de faire demi-tour et de repartir à l'intérieur de l'aérodrome. Quant à moi, je prends le chemin de ma destinée. Les souvenirs de Kumiko m'attendent.
Une fois dehors, je plisse les yeux à cause du soleil. Il a beau être bas dans le ciel, il brille déjà très fort. La chaleur commence lentement à me faire transpirer.
À quel période de l'année sommes-nous ?
Je réfléchis. Je sais qu'en partant de la France, c'était l'hiver. Le gros trou était l'Amazonie. Il fait chaud même en plein hiver alors comment savoir ?
En essayant des calculs de décalage horaire, je me dis qu'en Chine, cela doit être la fin de l'été.
En attendant de trouver Coal, il fallait que j'avance dans la recherche des souvenirs. Si je me rappelais bien, Tao avait parlé, dans son journal, du lieu de son ancienne maison, ou plutôt ancien palais ou il a passé sa jeunesse.
Sauf qu'un problème dont j'ai sous-estimé la valeur vient me titiller. La Chine est immense. Si le palais dont parle Tao est complètement à l'opposé de l'endroit où je me trouve, cela risque de poser problème. Je m'éloigne de la route de l'aérodrome et sors le journal de Tao. Je feuillette rapidement les premières pages en espérant tomber sur un nom ou une description qui puisse me m'indiquer de quoi il s'agit. Les minutes passe mais toujours rien. Le désespoir commence à m'envahir. Surtout que la liste des pages ou le jeune Tao est encore en Chine s'amenuise... Si ! Shenyang ! Shenyang ?
Il me faut une carte.
Je sors rapidement mon portable de la poche arrière de mon jean et cherche la ville.
Heureusement qu'il a survécu à tous ce qu'il m'est arrivé. Il ne manquait plus que le saut d'une cascade pour avoir tout ce qu'il faut...
Une page internet s'affiche, je l'ouvre et lis rapidement la description du lieu. Apparemment c'est de notoriété publique que le palais a abrité une Gardienne Immortelle. Il est d'ailleurs visitable, ce qui va grandement faciliter mes recherches. Si le palais est ouvert au public, je pourrais me glisser parmi eux sans problème.
J'explose de joie. Non seulement le palais n'est pas loin d'ici mais je n'aurai aucun problème à y entrer.
La chance me sourit enfin !
Il faut que je trouve un moyen de transport, à moins de marcher jusqu'à ma destination. Sauf que dit moyen de transport, dit argent. Ce que je n'ai évidemment pas. Il me vient alors l'idée d'attendre Coal. Il n'est pas venu avec nous sûrement pour tout préparer. Je n'ai aucun mal à croire qu'il trouvera ce qu'il faut, après tout c'est Coal.
Mon portable vivre dans la poche de la veste que j'ai pris à Doria. Je le prends, légèrement étonné. Je n'ai pas reçu de notification depuis tellement longtemps. J'ai reçu un mail. Intrigué, j'appuie sur la notification et le mail s'affiche.
Jane c'est Coal.
Je viens d'arriver en Chine. Je te cherche, où es-tu ? Je suis au même aérodrome que celui que vous avez utilisé avec Doria.
Coal.
Je souris de toutes mes dents. Coal est là, je ne suis plus seule. Je rebrousse chemin et cours à en perdre haleine vers l'aérodrome. Dire que j'ai passé mon temps à fuir les hommes de l'armée et qu'à présent, je cours vers un de ses anciens chefs. Je m'arrête les mains sur les genoux et un point de côté. Il est la ! Il ne porte plus la tenue classique des hommes de l'armée mais un jean délavé et un T-shirt noir qui fait ressortir sa musculature. Il dégage la même impression de puissance que la première fois que je l'ai vue. Son regard brun passe de voyageurs en voyageurs jusqu'à tomber sur moi. Dès qu'il m'aperçoit, ses yeux se voilent une demi-seconde avant qu'un sourire franc vienne illuminer son visage. Nous nous fixons quelques instants. Nous nous rapprochons l'un de l'autre mutuellement. Arrivée à moins d'un mètre de lui, je me fige. Cela fait si longtemps que j'espère le voir ! J'ai même du mal à y croire. Il est la, en chair et en os devant moi. Après quelques secondes, je vois son expression du visage changer. Il semble plus dur et plus dangereux. Je saute dans ses bras et il me serre contre lui.
- J'ai crue ne jamais te revoir, dis-je des sanglots dans la voix.
- J'ai cru que tu resterais là à me dévisager pendant l'éternité, me taquine-t-il.
J'éclate de rire contre son épaule et me détache de lui.
- J'imagine que tu as beaucoup de chose à me raconter, me dit Coal en souriant.
- Tu ne saurai même pas l'imaginer.
Finalement nous quittons tous les deux l'aérodrome. Je n'ai jamais été aussi heureuse de retrouver quelqu'un.
Je lui raconte tout ce qu'il m'est arrivé, depuis sa disparition près d'Amilys à l'aérodrome en passant par l'histoire de Tao et mes nouveaux objectifs. Tout. Parlé de ce qu'il m'est arrivé m'angoisse, c'est encore trop frais dans la mémoire pour que je puisse avoir le recul nécessaire pour mieux analyser ce qu'il m'est arrivé.
Pendant mon récit, il ne l'interrompt pas une seule fois. Il fronce ou plissé les yeux à certain moment où détails qu'il l'étonne. Mais son regard exprime une concentration totale quand je lui parle de l'immortalité de Tao. Je ne lui montre pas son journal que je trouve bien trop personnel, surtout qu'il m'avait interdit d'en parler à qui que ce soit. Je ne souhaite pas parlé de mon nouveau don, j'ai trop peur que Coal ne prenne la fuite, je n'ai pas envie qu'il croit que je souhaite voir ses souvenirs... À la fin de mon histoire il hausse les sourcils et sourit.
- C'est tout ? Je m'attendais à mieux, me taquine Coal, comme un combat contre un dragon ou une chimère ! Mais bon, je dois avouer que c'est plutôt pas mal pour une fillette.
C'est à mon tour de hausser les sourcils. Je roule des yeux avant d'éclater de rire. Coal a vraiment un don pour détendre l'atmosphère. Il a dû sentir que je n'allais pas très bien.
- Et toi ? Qu'est-ce que tu as fait monsieur le tueur de dragon ? demandé-je à Coal en souriant.
Son visage s'assombrit légèrement et un voile obscure tombe sur ses yeux. Il finit par se tourner vers moi.
- Quand le camp a été attaqué, commence-t-il, je faisais un tour de garde. Quand les premiers traîtres sont arrivés vers moi, je les ai combattus. Cependant ils étaient bien trop nombreux pour moi et j'ai dû fuir. J'ai héré pendant une semaine en te cherchant, mais sans succès. Finalement j'ai marché jusqu'à tomber sur la ville et surtout sur l'aérodrome. J'ai hésité à partir mais je ne pouvais pas te laisser seule sans savoir comment tu allais. C'était mon devoir mais pas seulement. J'ai eu très peur pour toi. J'ai donc fait demi-tour pour continuer à te chercher. Les jours s'écoulaient lentement sans que je ne croise personne jusqu'à ce que je te trouve. Je t'ai vu sauter de la corniche et je t'ai suivi pour te protéger. J'ai combattus les hommes pour te laisser du temps. Je n'ai pas pris l'avion avec toi car il fallait que j'envoie les hommes d'Isildor sur une fausse piste. Après j'ai volé un avion et je t'ai rejoint. À présent je vais pouvoir t'aider.
Grâce au souvenir de Doria, je comprends mieux la scène de l'aérodrome. Quand je pense qu'il aurait pu partir sans moi mais qu'il est resté quand même, j'en suis très heureuse. Je suis, à présent, certaine que Coal est mon plus fidèle allié.
- Où devons-nous aller exactement ? me demande mon compagnon avec intérêt.
- À l'ancien palais de Kumiko pour que je puisse...
- Voir ces souvenirs j'ai compris, me coupe-t-il sèchement, c'est comment on y va exactement ?
Je reste interdite quelque secondes puis hausse les épaules. Son comportement doit être dû au stress.
- Ce n'est pas très loin d'ici. On peut y arriver à moins d'une journée de marche, il y a un chemin à travers la forêt, ou louer une voiture.
- Nous y allons à pied.
Son ton est sans appel. Je retiens difficilement un soupir, j'en ai assez de marcher. Il doit forcément y avoir une autre solution. Sauf que Coal s'est déjà levé et à quitter la route, il a l'air de savoir où il va. Je me lève rapidement et nous commençons à marcher.
Allongé a proximité d'un ruisseau, je profite de cette courte pause pour me reposer. Nous avons marché plusieurs heures sans s'arrêter dans une ambiance plutôt tendue. J'essayais de détendre l'atmosphère, mais sans grand succès... Coal a l'air très inquiet et préoccupé. Mon regard tombe sur lui assis sur un rocher à quelques trois mètres de moi, il ne cesse de regarder autour de lui. J'imagine qu'il surveille les alentours à la recherche d'un quelconque signe suspect. J'ai beau savoir qu'il a envoyé l'armée sur une fausse piste, je ne peux m'empêcher de stresser. Surtout que je ne suis plus armée. Depuis la clairière ou nous nous sommes arrêtés, je peux voir le soleil haut dans le ciel. Il est midi. Malgré les dangers, je me sens bien ici. À l'abri pendant quelques heures futiles avant d'affronter de nouveau le monde. Je souris et regarde Coal. Je me demande à quoi il pense. Et si je lisais ses pensées grâce à mon don ?
Ma conscience me crie d'arrêter que c'est privé et que je n'ai sûrement pas le droit il est trop tard. Mon esprit est déjà parti à la conquête de celui de Coal. Une multitude de souvenirs affluent de nouveau dans la tête.
Je revois rapidement le souvenir avec Doria. Des gens, des lieux... Toujours plus de souvenirs passent devant les yeux. Une maison en feu, un jeune garçon à moitié mort devant. Une grande femme au visage sévère mais aux yeux remplis d'amour. Sa mère. Sirielle, debout devant son trône lui sourit. Un enfant dans l'armée. Un hurlement strident me vrille les tympans, la maison en feu viens de s'écrouler sur la famille de Coal. Je plaque ma main sur ma bouche, choquée. Toute sa famille à péri dans l'incendie de sa maison.
- Jane !
J'ouvre brusquement les yeux et me retrouve nez à nez avec Coal, le visage inquiet.
- Ils arrivent.
Je bondis sur mes pieds et suis Coal a travers la forêt. La luminosité à étrangement baissé. Quand je lève les yeux, je comprends pourquoi. De gros nuages noirs comme de l'onyx cachent à présent le soleil. Mes mais tremblent, je n'ai pas envie que cette course poursuite de termine comme la dernière. Je ne veux plus perdre Coal.
Nous courons toujours plus vite, esquivant branche, pierre et racines se trouvant sur notre chemin. Je ferme les yeux, le bourdonnement familier est de retour. Ce n'ai vraiment pas le moment ! Sans que je ne puisse faire qui que ce soit, je suis à nouveau projeté dans les souvenirs de mon ami.
D'énormes colonnes de marbre blanc, certaines détruire composent le décor de ce souvenir. Ce sont les colonnes de la salle du trône et Coal se tiens au milieu de ce carnage. Il n'y a plus un bruit, la bataille est terminée, seul un râle d'agonie me parviens d'ici. Je frissonne malgré moi. Je ne veux pas revivre ce cauchemar. Pas un seconde fois. Les hommes restés fidèles à Sirielle ont tous péri. La vision de ce palais détruit me donne la nausée.
Des voix et des martèlement de pas percent le silence des lieux. Isildor, le responsable de l'attaque entre, suivit de ses sbires et fond face à Coal. Tous sont pleins de sang, j'imagine qu'ils s'en sont donnés à cœur joie pendant la bataille. Mon cœur se met à accélérer à mesure que le groupe s'approche de lui. Je sais qu'il a survécu mais je n'arrive pas à me calmer pour autant. Pourtant il reste calme et indifférent comme si tout cela ne le concernait pas.
- Dis-moi Coal, où est Sirielle ? demande le chef du groupe.
- Morte, répond placidement Coal, je l'ai tué.
Un large sourire s'étend sur le visage d'Isildor. Il s'approche de Coal et lui met la main sur l'épaule.
- Tu as bien fait mon ami.
- Je le sais.
Le souvenir s'efface et le brouillard devant mes yeux se dissipe. Mon cerveau ne fonctionne plus. Coal a tué Sirielle ? Pourquoi ? Comment ? Autant de questions mais aucune réponse. Une seule certitude vient bousculer mes pensées. Je ne suis pas en sécurité avec lui. Je ne l'ai jamais été. Il faut que je parte. Je ne peux pas rester avec celui qui a tué ma predécétrice, je risque de subir le même sort. Je fais demi-tour et cours à toute jambe loin de lui. Il s'est peut-être déjà rendu compte que j'ai disparu.
Comment a-t-il pu faire ça ? Mon seul ami, mon aide, mon frère... Il n'a jamais essayé de me protéger. Un monstre ! Il est de leur côté.
Un élan de tristesse et de colère s'empare de moi. Pourquoi... J'essuie avec ma manche le torrent de larme qui coule sur mes joues. Je ne vois plus rien. Soudain je me cogne au torse de quelqu'un avant de tomber sur les fesses.
- Tiens tiens, mais qui avons-nous là ?
L'homme sur lequel je me suis cognée me soulève du sol comme si je ne pensais rien. Je remarque avec horreur son vêtement. Un fantassin !
Au moins cette fois Coal n'avait pas menti...
Sans plus de cérémonie le guerrier me balance au sol, au centre du cercle qu'il a formé lui et ses pairs. Je ne réagis pas, je ne peux pas réagir. Il se passe bien trop de chose pour que je puisse espérer comprendre. Après tout la mort ne serait-elle pas plus reposante ?
Cette question me fait comme un électrochoc. Non ! Je ne veux pas mourir, pas sans m'avoir battu ! De la rage à remplacer ma peur dans mon cœur. Je me mets sur un genou et défie du regard le chef de la troupe. Une force mystérieuse s'empare de moi. Une force qui m'interdit de plier.
Toujours attendre que l'autre fasse la première erreur.
Il faut croire que Coal avait encore raison. Le guerrier perd patience. Tant mieux. Ils veulent ma mort, je veux la leur. Il n'y aura qu'un seul gagnant.
Et ce sera moi !
Je me sers de cette mystérieuse force pour me lever. Je me sens capable de tout. Des fourmillements naissent dans tous mon corps. Que se passe-t-il ?
Au moment où le chef des guerriers essaye de me frapper, je pousse un hurlement de rage pure. Une gigantesque vague de flamme part de tout mon corps et frappe mes assaillant qui s'effondrent un par un en hurlant, leurs vêtements en feu.
Je m'effondre au sol et reste ainsi sans bouger pendant un jour, un mois ?
La fatigue physique mais surtout moral pèsent de tous leurs poids pour que je m'écroule définitivement. Une silhouette à ma gauche me fait tourner la tête. Coal est là et me regarde. Il a raison d'être revenu, il est tant que l'on règle nos différents.
Je ramasse une épée tombé à côté du cadavre du chef de la troupe. La clairière est éclairée par les six hommes brûlant lentement et le feu carbonisant herbe et buissons. À cinq mètres de diamètre autour de moi, il ne reste que quelques touffes d'herbe roussie au milieu d'une terre de braise. Coal se place devant moi, épée au clair. J'ai vécu ce sénario une centaine de fois mais rien d'aussi réel, d'aussi concret. Je me bats pour ma vie et Coal pour la sienne.
Je suis comme dans un rêve, j'ai l'impression de ne rien contrôler. Les fourmillements ont disparus mais la sensation de puissance, elle, est restée. C'est comme s'il bougeait au ralenti. Il bouge lentement son épée et je pare le coup.
La dureté du coup me remet les pieds sur terre et je prends conscience de la situation. Lui et moi, face à face dans une danse mortelle. Je pars et donne des coups à une vitesse ahurissante pourtant Coal suit.
Bien sûr c'est lui qui m'a tout appris...
Le combat s'éternise, je bouge mes jambes et les bras à la recherche d'une quelconque baisse dans sa garde mais je ne trouve rien. À ce rythme-là, aucun de nous deux ne gagnera. Le bruit des épées qui se croisent me font toujours plus mal aux tympans et mes bras commencent à faiblir.
Soudain Coal se jette au sol et me jette quelque chose au visage. Ça brûle ! De la braise, il m'a jeté de la braise ! Mon œil et la partie gauche de mon visage le brule atrocement. Un hurlement de douleur sort de ma bouche. Je me un genou au sol, j'ai tellement mal ! De mon seul œil valide je vois l'ombre de Coal sur ma gauche. Prise de colère, j'attrape mon épée tombée au sol et frappe en direction de Coal de toute mes forces en me relevant. Mon arme décrit une courbe parfaite avant de se s'enfoncer dans l'épaule de mon agresseur. Pris de surprise, il lâche son arme avant de se transformer en ombre et quitter la forêt. Cependant j'ai eu le temps de voir son regard remplir de hargne, de douleur et de fureur.
Je prends la direction du ruisseau, il faut que je m'occupe de mon visage. Chaque mouvement de mon visage me tire et me brûle encore plus qu'auparavant. J'ai l'affreuse impression que la douleur empire de minutes en minutes. La sensation qui m'avait éteinte pendant le combat a disparue, je suis de nouveau seule et faible. Sauf si j'ajoute le fait que j'arrive a créé un véritable incendie à partir de rien...
Il manque plus que j'arrive à le contrôler et ça sera génial...
Arrivée devant le ruisseau, je plonge ma tête entièrement dedans. Je sens l'eau glaciale apaiser la morsure du feu. Je suis très inquiète pour mon œil gauche, je ne vois plus rien avec. Une fois la tête sortie de l'eau, j'examine mon reflet dans l'eau mouvante du ruisseau. J'ai perdu une mèche de cheveux, brûlé à cause des braises. Je grimace quand mon œil droit contemple mon visage. Le côté gauche de mon visage est boursouflé et rouge à cause des brûlures mais ce n'est pas tout. J'ouvre tout doucement mon œil blessé, je pourrais hurler tellement la douleur est puissante. Le côté droit de mon œil est devenu rouge braise tandis que l'autre côté est resté le même. Je le referme aussitôt. Cela fait si mal. Mais cette couleur est très étrange. Serait-ce ma nature de Gardienne ?
La mystérieuse force qui me guidait pendant le combat m'a définitivement quitté. Il n'y a plus que moi et mon reflet. Les images du combat me reviennent, un seul constat s'impose à moi. Je suis un monstre ! J'ai tué six personnes et j'étais prête a tuer mon compagnon de sang froid. Je suis un monstre... Les hurlements de douleur des guerriers prenant feu tourne en boucle dans ma tête et refuse de partir.
Je suis capable de faire ça ?
Je suis capable de tuer des gens... Cette dernière affirmation me tord l'estomac, une irrépressible envie de vomir s'empare de moi. Sans plus de cérémonie, je marche à quatre pattes vers un buisson et je vide mon estomac. Sauf que cette action ne m'aide absolument pas à me sentir mieux. Je ne peux plus rien faire pour ces hommes, ils sont morts.
Finalement je me console en me disant qu'après tout, ils essayaient de me tuer. C'est un peu comme de la légitime défense non ?
Mes pensées reviennent vers Coal et je pousse un soupir chargé de tristesse.
Coal, qu'à tu fais ?
J'avais confiance en toi. Je ne t'ai pourtant rien fait.
Pas toi mais les autres.
Les Gardiennes ? Pourquoi pas. Après tout Isildor aussi à une dent contre nous. Je secoue la tête mais la douleur me fait m'arrêter net. Je me lève, le soleil perse les nuages et illumine le chemin vers le palais.
Si ça ce n'est pas un signe.
Je construis un mur dans ma tête pour empêcher les questions de passer. Ce n'est pas le moment, plus tard peut-être. J'avance résigné vers la destination avec une seule certitude. Tous ceux qui m'ont fait du mal allait payer. Promis juré !
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