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Makaroff, mon vieil ami,

Si tu lis cette lettre c'est que j'ai échoué... Échoué à protéger le trésor que m'avait confié Layla. Sans elle c'était dur, peut-être même trop dur... Je ne me suis jamais réellement remis de sa disparition, tu le sais. Mon seul réconfort était Lucy. Cette jolie petite fille devenue une belle jeune femme aujourd'hui, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau et qui, par ma faute, se retrouve face à un avenir incertain.

Ces dernières années j'ai effectué de mauvais placements. Je me suis fais manipuler par mes propres associés qui ont profité de ma confiance et de mon état dépressif. J'ai accumulé les dettes, les menaces... Et j'ai fini par tout perdre, ou presque. C'était un cercle vicieux duquel je n'arrivais pas à sortir. Tout ce qui reste de la fortune des Heartfilia, c'est Lucy qui l'a. Le manoir, l'argent. Tout est à elle.

À ma mort elle est devenue la maîtresse du domaine. La dernière héritière de notre famille. Et malheureusement mes anciens associés, qui se sont avérés être également mes créanciers, essayent de la marier de force pour tout récupérer. J'ai refusé leurs demandes à plusieurs reprises, cependant je les gênais, alors ils m'ont réduis au silence. J'espère que cette lettre te parviendra avant qu'ils n'en aient connaissance.

Je t'en supplie. Protège ma fille jusqu'à ce qu'elle trouve un mari qui l'aimera sincèrement, et qui je l'espère, la mettra à l'abris de leurs sombres manigances. C'est une demande d'un frère d'arme à un autre. À force de repousser les avances de leurs fils, ils pourraient lui faire la même chose qu'à moi. Je t'en conjure. Ne la laisse pas seule face à ces monstres...

Ton ami et frère d'arme,

Jude Heartfilia

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Mes doigts se resserrent sur le papier que je tiens, le froissant légèrement. Ainsi il a rejoins sa femme... Je leur adresse une prière silencieuse afin qu'ils puissent reposer en paix, ensemble et pour l'éternité, puis m'affale dans mon fauteuil. Les années se sont écoulées bien trop vite à mon goût. J'ai vu trop de camarades mourir sur les champs de bataille durant la guerre entre le Royaume de Fiore et l'Empire d'Arbaless. La paix est heureusement revenue il y a quinze ans... mais au prix d'innombrables morts sur plusieurs générations. Beaucoup de soldats et de généraux sont retournés auprès de leur famille, cependant... pourquoi la vie s'acharne t'elle sur certains d'entres eux ? D'abord mes premiers compagnons. L'un, porté disparu du jour au lendemain. Une, plongée dans un profond coma mais que la famille refuse de débrancher, préférant garder l'espoir qu'elle se réveillera un jour. Un autre, enfermé en hôpital psychiatrique à cause de toutes les horreurs qu'il a pu voir et qui ont brisé son esprit. Il n'y en a qu'un qui a été épargné et qui s'est retiré du monde pour vivre en autarcie, loin des hommes et de la mort qu'ils sèment... Mon père, Yuri. Notre fondatrice, Mavis, dont le but était, et est toujours j'en suis sûr, de protéger les innocents. Son second, Precht, qui a été le premier à enseigner le maniement des armes aux plus jeunes. Et Warrod, qui a transmis les secrets des plantes médicinales à notre médecin en chef... Ceux qui m'ont élevé et tout appris.

Et maintenant c'est au tour de ceux dont j'étais responsable. Mon fils d'abord, mort au combat après avoir désobéi à un ordre pour pouvoir sauver ses compagnons d'armes. Il a voulu appliquer les principes que je lui avais transmis, de toujours protéger sa famille, qu'elle soit de cœur ou de sang. Il a vécu dans l'honneur jusqu'à ses derniers instants avant de mourir auréolé de gloire. Son sacrifice a permis d'épargner toute son unité... Puis Jude... Que de malheurs. Forcé de quitter les rangs après avoir été victime de l'explosion d'une mine lors d'un banal transfert d'unités. Il a perdu l'usage de ses jambes puis sa femme deux ans plus tard, atteinte d'un cancer incurable. Et si j'en crois le message à peine voilé de cette lettre, il vient de se faire lâchement assassiner...

J'avais déjà rencontré sa famille quelques temps avant l'accident. La petite Lucy restait blottie dans les jupes de sa mère la première fois que je l'ai vu. Plusieurs années plus tard, c'était une adolescente pleine de vie, le regard tourné vers le ciel et passionnée par les astres... Et c'est maintenant cette même jeune femme qu'il me demande de protéger. Pauvre enfant. À peine majeure qu'elle se retrouve orpheline, à la merci des vautours...

Je pousse un soupir et replis la lettre pour la ranger dans un tiroir du bureau puis je croise mes mains sur celui-ci. J'ai besoin de réfléchir. Je ne peux pas la laisser sans défense. Ce serait renier ma propre philosophie de vie, renier mon ami... Non. Je ne peux pas l'abandonner à son triste sort.

J'ai plusieurs équipes à ma disposition. En un sens, pour une fois, je suis bien heureux d'être à la tête d'un groupe paramilitaire. En dehors des périodes de guerre nous pouvons accepter tout genre de missions que nous n'aurions sans doute pas eu la possibilité d'effectuer si nous faisions partis de l'armée du Royaume. En général nous sommes payés mais là... Il s'agit d'un cas vraiment très spécial et épineux que je ne peux pas confier à n'importe qui...

Il y a bien l'équipe d'Erza qui est redoutable mais je doute qu'elle convienne dans le cas présent. Les membres qui la compose sont beaucoup plus dans l'action que dans l'attente. Ils ne sont pas assez disciplinés et rigoureux. Ils ont tendance à foncer dans le tas et à poser les questions ensuite... Je ne vois cependant pas les autres groupes assez intimidants ni assez nombreux pour effectuer cette tâche. À part peut-être une... Sa précédente mission s'est achevée il y a une semaine et elle est en attente d'une nouvelle affectation.

Je décroche mon téléphone et compose un numéro. J'attends quelques secondes et enfin, à la dernière sonnerie, quelqu'un répond. Je le convoque dans dix minutes, lui ordonnant de réunir son équipe en prévision d'un départ imminent. Cette dernière a toute ma confiance. Ils font parti de l'élite de cette base et n'ont jamais échoué.

Oui, je pense que c'est la meilleure solution. Même s'ils doivent partir longtemps, je ne peux qu'accéder à la dernière volonté de mon défunt protégé. Mes pensées retournent auprès de cette jeune femme désormais seule au monde. Je me rappelle de son sourire éclatant. Le même que celui de sa mère. Le monde perdrait l'un de ses trésors s'il venait à se faner.

Des coups portés à ma porte me ramènent au présent. J'invite la personne à entrer puis à refermer derrière elle. Face à moi, un soldat exceptionnel, blond, avec une musculature impressionnante qu'il a façonné au prix de longues heures d'exercices au fil des ans. Son regard est perçant, analysant son environnement pour déceler la moindre anomalie, le moindre danger, afin de pouvoir réagir en conséquence. Il dégage une aura sauvage, dangereuse. C'est un tacticien hors pair mais également un excellent tireur bien qu'il soit un spécialiste du combat au corps à corps. Quand il se bat ce n'est jamais à moitié. Il y met toute sa force, utilisant autant ses bras que ses jambes. Et il est rapide. La puissance de ses coups alliée à sa célérité en font une arme vivante.

Il se met en position d'attente, les bras croisés dans le dos, le regard droit et fier. Aucun mot n'est échangé alors que nous nous jaugeons mutuellement. La patience n'est pas son point fort mais il respecte l'autorité. Il commande sa propre escouade d'une main de fer.

- J'ai une mission pour ton équipe et toi, commençais-je d'une voix grave.

- Nous l'accomplirons avec succès, m'assure t'il d'une voix grave bien qu'il n'en connaisse pas encore les détails.

Un excès de confiance mais que je sais justifié. Il est capable de mettre sa vie en jeu pour la mener à bien, comme toutes celles qui ont précédées. La cicatrice qui orne le côté droit de son visage en est la preuve. Il aurait pu perdre son œil mais miraculeusement celui-ci a été épargné. Il n'était pas tout à fait remis de cette blessure que déjà il repartait. L'adrénaline, le goût du danger. Ce sont des choses auxquelles il est accro.

- Je te préviens, cette mission ne ressemble à aucune autre que tu as déjà effectué. Tu n'as pas à exfiltrer quelqu'un ou à infiltrer une organisation ou un pays. Ni à retrouver des criminels de la pire espèce ou à faire des transferts de prisonniers. Il ne s'agit pas non plus de mener une guerre à l'autre bout du monde. Ta mission sera longue, très longue même... Je ne sais pas combien de temps tu vas rester là-bas, expliquais-je pour qu'il comprenne bien que c'est un point important à prendre en considération. Tu devras protéger quelqu'un. Une jeune femme. Son père était un officier sous mes ordres...

Il reste tout ouïe, le visage fermé, indéchiffrable comme d'habitude, alors que je pousse un soupir lasse avant de poursuivre.

- J'ai reçu une lettre ce matin. Le mot qui l'accompagnait était très clair. Elle ne devait m'être envoyée que dans le cas où il lui serait arrivé quelque chose... Ses associés en affaires se sont débarrassés définitivement de lui après l'avoir dépouillé de presque tous les biens de sa famille. Maintenant ils en ont après sa fille, l'héritière de leurs dernières richesse. Il me supplie de la protéger jusqu'à ce qu'elle trouve un mari, qu'elle aura elle-même choisi, dans l'espoir que ça la mette à l'abris de leurs intrigues. Il ne veut pas d'un mariage forcé ou sans amour pour elle, ce qu'elle aura si ils parviennent à leurs fins...

Un long silence s'installe tandis qu'il analyse ce que j'ai dis.

- Tu te rends compte que le fait qu'elle soit mariée n'éliminera sans doute pas la menace ? me fait-il remarquer.

- J'en ai conscience effectivement. C'est pourquoi je ne te donne aucune instruction concernant la manière de traiter cette menace. J'ai confiance en ton jugement. Tu feras ce qui sera nécessaire, je le sais.

- Tu la connais n'est-ce pas ? Cette femme, comprend t'il.  Tu n'entres pas autant dans les détails d'habitude.

- On ne peut rien te cacher hein ? Oui, je la connais. Je l'ai rencontré deux ou trois fois en rendant visite à mon ami. Elle ne mérite pas d'être utilisée comme une simple marionnette, soupirais-je.

- D'accord. Transmets-nous les infos nécessaires et vire l'argent sur le compte habituel. Je briefe mon unité et on va se préparer à partir dans la foulée... dit-il en se dirigeant vers la porte pour prendre congé.

- Bien. Emportez autant de matériel que tu juges nécessaire et continuez de vous entraîner. Je vous interdit de vous relâcher. Considère cette mission comme étant classée S.

- Permission d'apprendre à la gamine à se défendre ? demande-t-il après s'être arrêté, la main sur la poignée.

- Oui, tu peux lui enseigner l'autodéfense. Ça peut toujours servir... Mais évite de la malmener ou de la qualifier de gamine, elle n'en est plus une, le grondais-je.

- Okay... J'espère juste que ce n'est pas une de ces bourgeoises sans cervelle... marmonne t'il en sortant.

- Tu pourrais être surpris, murmurais-je le sourire aux lèvres alors qu'il referme la porte de mon bureau.

Tu vas rapidement découvrir que sous la douceur du visage d'une femme peut se cacher une véritable lionne. Mais Lucy est semblable à une rose. Belle, par contre ses épines sont piquantes.

J'ouvre mon ordinateur portable et effectue l'ordre de virement sur le compte associé à son unité. D'habitude, l'argent viré est un acompte versé par le client pour pouvoir effectuer la mission et palier aux diverses dépenses, mais dans le cas présent il n'y en a pas. C'est mon propre argent que je transfère. C'est la moindre des choses que je puisse faire après tout... Je prépare également un dossier contenant toutes les informations concernant leur mission et lui envoie par mail.

Mavis... puisses-tu protéger tous tes enfants...