Infiltration et esclandre

Point de vue de Luxus...

Durant le trajet, j'ai passé en revu les rôles que nous devrons tenir le temps de la mission. Ever deviendra une dame de compagnie pour la nouvelle maîtresse du domaine. De cette manière personne ne trouvera étrange qu'elle soit constamment accompagnée par la même personne. Freed et Bixrow feront des patrouilles et surveilleront les écrans des caméras de surveillance pour prévenir les intrusions éventuelles. Et moi je me taperai le boulot de protéger le petit cul de cette dame... Je vais devoir passer mon temps à supporter des conversations de gonzesses. Je m'en réjouis d'avance. Ça se voit pas, c'est intérieur...

- Hey Boss ! Nous serons sur place dans treize minutes exactement, me prévient Bixrow dans le casque.

- Bien reçu. Ever, tu vas échanger ta place avec lui, annonçais-je. Freed, tu vas nous trouver une clairière dans la forêt derrière le manoir et te rapprocher du sol pour que Bix et moi puissions descendre avec le filin. Ensuite tu reprends de l'altitude et vous restez en stand-by.

- Compris, clament-ils dans mes oreilles.

Ever et moi remettons les casques à leur place dès la fin de l'échange. Il est temps de me remettre en mouvement. Je détends mes muscles rendus raides par le voyage tandis qu'elle se détache et se lève pour exécuter mes ordres, nous priant d'être tout de même prudents. Bixrow lui laisse la place de copilote et vient se préparer pour le saut avec moi. Nous enfilons nos cagoules qui ne laissent visible que nos yeux. Mon équipier met des lunettes de protection en plus avant de vérifier une dernière fois l'équipement que nous prenons sur nous et d'accrocher chacun le mousqueton à la corde par mesure de sécurité. Je revérifie une dernière fois que nous sommes bien harnachés. Un accident arrive bien trop vite si on est inattentif et mon équipe est sous ma responsabilité. C'est mon devoir de les ramener vivant et de préférence indemne.

- Nous sommes sur zone, m'informe Freed d'une voix forte pour couvrir le bruit des pales et du moteur. En position, ajoute-t-il au moment où je sens l'appareil se stabiliser.

- Ouverture de la porte, indique à son tour Evergreen en se tournant vers nous.

Je regarde Bixrow et hoche la tête tout en lui faisant signe de me suivre. L'instant d'après, je saisis la corde et fais un pas dans le vide avant de me laisser glisser le long de celle-ci jusqu'à la terre ferme, mon coéquipier me rejoignant presque immédiatement avec le second filin.

- Je décroche, annonce mon pilote dans l'oreillette une fois nos mousquetons retirés.

- Bien reçu. Silence radio jusqu'à nouvel ordre. Terminé, j'ordonne d'une voix ferme et sans appel avant de me tourner vers mon sniper. Prêt ?

Il hoche la tête et, prudemment, nous enfonçons dans la forêt. Celle-ci nous apporte la couverture dont nous avons besoin pour nous approcher suffisant afin d'évaluer la situation. Mieux vaut être trop prudent que pas assez. Presque sortis du sous-bois, je lève un poing fermé pour signaler à Bixrow que nous nous arrêtons avant d'enchaîner avec quelques signes de mains qu'il comprend parfaitement. J'écarte quelques branches d'un buisson pour avoir une vue dégagée. Il sort sa paire de jumelles et s'allonge au sol tandis que je vérifie les alentours pour éviter les mauvaises surprises. Quelques secondes plus tard il se redresse et secoue la tête. Rien à signaler donc ? Je pensais que ces foutus charognards auraient sauté sur l'occasion pour envahir le manoir... Qu'est-ce que ça veut dire ?

Nous reprenons une progression lente en veillant à rester cachés autant que possible pour éviter d'être repérés par une fenêtre. Bien que le soleil soit déjà levé depuis quelques minutes, à l'intérieur les serviteurs doivent déjà s'affairer. À proximité de la bâtisse, je fais signe à Bixrow qu'on doit courir et qu'il doit me suivre avant de faire un décompte avec mes doigts. Arrivé à zéro, je m'élance, mon camarade sur mes talons. Premier objectif atteint... Maintenant, nous devons trouver cette héritière. Par des signaux non-verbaux, je demande à Bixrow de se mettre en position de l'autre côté de la porte afin de vérifier si elle est déverrouillée. Il s'exécute sans faire de bruit et se colle au mur. Nous saisissons tous deux notre GLOCK 17, le pointant vers le sol pour éviter tout accident et nous accroupissons. Après un bref échange de regards, il tend la main vers la poignée et ouvre la porte. Nous tendons l'oreille mais seul le silence nous accueille. Avec ma paume, je la pousse pour dégager la voie. Le couloir désert ressemble à une entrée de service. Bix me fait un signe de tête, me signifiant qu'il couvre mes arrières. Nous entrons, pratiquement dos à dos. Nous vérifions plusieurs pièces et divers couloirs mais nous ne croisons personne. Nous sommes à présent dans ce qui semble être un salon donnant sur un immense jardin légèrement en contrebas. C'est là que quelque chose accroche mon regard. Une silhouette est agenouillée devant ce qui ressemble à la statue d'un ange, les ailes déployées et un bras tendu vers le ciel. Et derrière elle, à une certaine distance qui semble respectueuse, se trouvent plusieurs autres personnes qui courbent l'échine, les mains entrelacées au niveau de leur poitrine comme s'ils priaient. Sans doute les serviteurs et leur nouvelle maîtresse.

Nous sommes sortis discrètement et avons commencé à avancer dans leur direction, toujours à couvert, quand un homme, suivi de deux autres, est arrivé d'un pas décidé. J'ai stoppé notre progression en attendant de voir la tournure que vont prendre les événements. Nous n'avons pas eu à patienter longtemps. La silhouette féminine et drapée de noire qui avait attirée mon attention en premier lieu semble se recueillir. Aucune des personnes qui l'accompagnent ne dit un mot, respectant sa douleur. Mais cet instant paisible, où chacun formule une prière silencieuse pour les êtres qu'ils ont perdus, dans la lueur d'un nouveau jour, est perturbé par un intrus qui n'a que faire de leurs sentiments.

- Mademoiselle Heartfilia ! hurle t'il de rage en essayant de la rejoindre. Est-ce comme ça que vous traitez vos invités ?! Vous faites honte à vos parents !

- Comte Leythis ! Je vous prie de bien vouloir nous excuser mais nous ne vous attendions pas aussi tôt, essaye de le résonner un serviteur grand, maigre et portant des lunettes de soleil. Si vous voulez bien me suivre, je vais vous conduire au salon en attendant que Mademoiselle Lucy ai fini sa prière.

- Pour qui te prends-tu laquais ?! l'insulte t'il en le bousculant. Tu oses me donner un ordre ?!

- Non Monsieur le Comte, mais... tente t'il de se défendre.

- Assez ! Ôtes-toi de mon chemin vermine ! Je suis ici pour cette gamine ingrate ! insiste t'il.

Les serviteurs essaient de faire barrage pour protéger leur maîtresse mais leurs compétences en combat laissent à désirer et leurs opposants ont vite raison d'eux. Je jette un œil à Bixrow qui semble être sur la même longueur que moi. Nous mission est de protéger cette petite princesse et la première menace est déjà là. Nous rengainons notre pistolet semi-automatique et le remplaçons par notre fusil d'assaut HK 416 F. Autant les faire réfléchir à deux fois avec ce type d'arme. Nous nous approchons ensuite le plus possible, profitant de la confusion, puis brandissons notre arme respective en direction de nos nouvelles cibles au moment où ce Leythis réussit à saisir le bras de ladite Lucy, lui arrachant un gémissement de douleur.

- Laissez-moi tranquille... le supplie t'elle d'une voix étouffée par ses sanglots. S'il vous plaît !

- Je vous ordonne de la relâcher immédiatement et de vous écarter lentement, les mains bien en évidence, déclarais-je d'une voix forte pour couvrir leur lutte. Nous n'hésiterons pas à tirer en cas de refus d'obtempérer !

Un silence de mort me répond, seulement perturbé par le chant des oiseaux et le souffle de la brise dans le feuillage des arbres. Tout le monde s'est figé à mon injonction. Les traits de leurs visages montrent que tous sont surpris par notre intervention.

- Qui vous a permis d'interférer ?! L'armée n'a rien à faire ici ! beugle l'agresseur de Lucy en reprenant ses esprits. C'est une propriété privée alors partez !

- Dernier avertissement ! je préviens en ignorant ses paroles et en visant le sol à ses pieds.

- Espèce de... commence t'il avant qu'un coup de feu retentisse et qu'une balle se loge juste devant ses chaussures.

- La prochaine fois que je suis obligé de tirer ça ne sera pas pour une simple sommation, je le menace d'une voix glaciale en redressant mon arme afin de viser plus haut.

- Tss ! fait-il en libérant brutalement le bras de la blonde, la faisant trébucher et tomber. Vous ne savez pas qui je suis !

- Allez vous-en. Cette propriété est désormais interdite d'accès à toute personne non-autorisée et ce jusqu'à nouvel ordre. Ne nous obligez pas à utiliser la force.

Je le vois bouillir de rage. Je sais que s'il le pouvait il me sauterait à la gorge et je me ferais un malin plaisir de répliquer. Cependant, Bixrow et moi étant les seuls à être armés, notre face à face tourne court. Il ordonne à ses hommes de le suivre et ils repartent, non sans lancer plusieurs menaces qui ne me font ni chaud ni froid. Bixrow les tiens toujours en joug, s'assurant ainsi que nous n'auront pas de mauvaise surprise et j'en profite pour contacter notre hélicoptère, toujours sous les regards perdus du personnel de maison.

- Dragon à Ténèbres, j'appelle en réactivant mon oreillette.

- Ténèbres à Dragon. J'écoute, me répond Freed.

- Trois intrus à l'avant de la propriété. Situation maîtrisée. Demande de soutien aérien pour confirmation du retrait de la menace. À vous.

- Bien reçu Dragon. Sur place dans quinze secondes. Terminé.

Je coupe la communication et me tourne vers le petit groupe qui s'est rassemblé autour de la jeune femme en deuil. Tous ont l'air de s'inquiéter sincèrement pour elle. Je l'entends qui tente de les rassurer sur son état mais je vois qu'elle nous regarde avec une certaine crainte. Je m'avance vers elle et la dévisage. De plus près je peux constater ses traits fatigués, les cernes sous ses yeux rouges. Elle n'a dû avoir aucun répit de la part de ces salauds. Pas étonnant qu'elle ai l'air exténuée et si peu combative. On dirait qu'elle va s'écrouler d'un instant à l'autre.

- Colonel Luxus Drear, me présentais-je. Veuillez nous pardonner si nous vous avons fais peur mais...

- Drear ? demande-t-elle subitement, surprise. Comme dans Général Drear ? Le supérieur de mon père ?

- Oui. Le général Drear est mon grand-père, l'éclairais-je, légèrement énervé qu'elle m'ai coupé la parole. Il a bien reçu le courrier contenant la lettre de votre défunt père. Nous avons été envoyé en mission ici pour vous protéger à sa demande. J'attends donc de vous et de vos employés que vous respectiez les consignes de sécurité que je vais faire appliquer sans tarder. Je n'accepterai aucune plainte.

- Hein ? souffle t'elle, les sourcils légèrement froncés, après avoir assimilé mes paroles.

Son visage craintif a fait place à une expression indéchiffrable qui, sans que je comprenne pourquoi, me provoque un frisson désagréable le long de ma colonne vertébrale. Je ne saurais pas dire si elle est estomaquée, agacée, les deux  ou je ne sais quoi encore, mais elle me fixe comme si elle se demandait si j'étais sérieux. Notre petite confrontation prend fin quand Freed m'informe du départ des indésirables. Suite à ça, je demande à un serviteur de la maison un endroit pour qu'il puisse atterrir. Celui-ci me propose de m'accompagner à destination mais je fais signe à Bixrow d'y aller à ma place, lui rappelant d'utiliser la grenade fumigène verte pour indiquer la zone d'atterrissage. Autant que je commence mon travail sans tarder.

- J'ai besoin de m'entretenir avec vous Mademoiselle Heartfilia. En privé.

- Très bien, soupire t'elle, vaincue. Mais normalement on découvre son visage quand on se présente. Malpoli... grommelle t'elle en prenant le chemin de son manoir, pensant sans doute que je ne l'entends pas.

Cette gamine va être énervante, je le sens... Elle va bien s'entendre avec Ever. Je me demande si c'est réellement une bonne idée qu'elle devienne sa dame de compagnie finalement. Je vais le regretter... Je suis donc les domestiques et la jeune femme jusqu'au salon que nous avions traversé plus tôt. Une servante nous apporte immédiatement des boissons puis ressort en fermant la porte. J'enlève la cagoule qui masquait mon visage mais je préfère rester debout tandis qu'elle m'étudie ouvertement. Une légère rougeur colore ses pommettes et je ne peux pas empêcher un petit sourire arrogant de fleurir sur mes lèvres. Autant j'ai été surpris par sa beauté lors de notre réunion, autant elle a l'air d'apprécier ce qu'elle voit. Ses yeux de biche crient l'innocence et le désir. Douce Mavis... cette mission va être un Enfer.

- Colonel Luxus Drear donc... commence t'elle en s'éclaircissant la voix une fois installée dans un fauteuil, une tasse de thé devant elle. Je ne pensais pas que mon père en viendrait à une telle extrémité...

- Mon grand-père et lui entretenaient une solide amitié. Il vous adresse toutes ses condoléances, tout comme mon unité et moi-même. Sa disparition l'a beaucoup affecté et il a tenu à respecter ses dernières volontés, comme vous l'avez fais en les lui transmettant.

- Je ne sais pas ce que cette lettre contenait, déclare t'elle. Je ne sais donc pas vraiment pourquoi vous êtes ici...

- Vous n'en avez vraiment aucune idée ? je demande.

Elle secoue la tête et reprend d'une voix douce mais douloureuse.

- Mon père me tenait le plus à l'écart possible de ses associés et de ses affaires depuis quelques temps. Il n'a pas voulu m'expliquer pourquoi. Il répétait seulement que, le moment venu, je comprendrais. Ça fait plus d'une semaine maintenant et je n'y comprends toujours rien. Des hommes viennent et tentent de m'approcher depuis sa... depuis qu'il... est parti... mais mes amis les repoussent à chaque fois, prétextant que je veux être seule durant ma période de deuil. Il n'y a que ce matin, alors qu'ils étaient tous avec moi, que le Comte Leythis a débarqué, mais vous savez déjà ça vu que vous êtes intervenus. Je vous remercie de vous être interposés. Je n'avais pas le cœur ni la tête à supporter ses discours acerbes...

Elle détourne les yeux, comme perdue dans ses pensées, me laissant tout loisir pour la détailler un peu mieux. Je suis persuadé que si elle était en pleine forme, elle serait encore plus belle que sur la photo que mon grand-père nous a donné.

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