Dan Straight
Point de vue de Lucy...
Encore une fois je me chamaille avec Luxus. Sur un sujet débile en plus. Mais c'est comme si c'était plus fort que nous. Comme si nous n'arrivions pas à tenir une conversation normale plus de quelques minutes. À croire que c'est notre manière de reconnaître l'existence de l'autre... Ever garde le silence, réfléchissant sans doute à la manière dont elle va amener le sujet de nos interactions sur la table quand nous ne serons que toutes les deux. Au cours du mois dernier, elle est devenue quelqu'un à qui je me confie facilement même si elle aime me taquiner, notamment en faisant mention de notre compagnon ici présent. D'ailleurs, « Le Grand, Imposant, et Implacable » Colonel Drear me conseille de regarder devant moi mais, juste pour le contrarier, je préfère ne pas tenir compte de son avertissement.
- Je sais parfaitement où je... commençais-je avant de lâcher un petit cri de surprise en me cognant contre quelqu'un pour ensuite tomber sur mes fesses déjà rudement sollicitées tous les matins, mes sacs s'écrasant au sol de part et d'autre de moi.
- Tu vas bien Lucy ? me demande Ever en s'accroupissant à côté de moi pour vérifier que je ne me suis pas fais mal alors que j'entends Luxus soupirer lourdement dans mon dos.
- Je t'avais dis de faire attention... Mais comme d'habitude tu ne veux en faire qu'à ta tête, me gronde t'il comme le ferait un parent à son enfant. Tu es vraiment têtue comme une mule, c'est pas croyable...
- Ça va, pas la peine d'en rajouter... grognais-je en me relevant, me retrouvant ainsi face à face avec l'inconnu pas si inconnu que ça.
Nous nous fixons, ahuris durant plusieurs secondes, avant de réaliser qu'il ne s'agit pas d'une illusion.
- C'est vraiment toi Lucy ? me demande l'homme aux cheveux auburn et dont les yeux arborent également ce brun légèrement rougeâtre.
- Dan ?! m'exclamais-je, estomaquée de le rencontrer ici en pleine rue.
- Vous vous connaissez ? demande ma compagne de shopping.
- Oui. Nous étions dans la même école mais pas dans la même classe, je réponds, gênée, avant de reporter mon attention sur mon ancien camarade de Lycée.
- Plus que ça quand même, rit-il. On est sorti ensemble combien de temps déjà ? Deux ans ? Je me souviens que je devais toujours faire attention à ce que ton père ne me grille pas quand j'escaladais ton balcon ! D'ailleurs, comment va-t-il ce vieux bougre ?
- Oh euh... eh bien... bafouillais-je, rattrapée par le chagrin.
- Monsieur Heartfilia est décédé il y a moins de deux mois, annonce froidement Luxus alors que les yeux de Dan s'écarquillent d'horreur à l'entente de cette sombre nouvelle.
- Je... Je suis désolé Lucy... Je... Je ne savais pas. Je suis rentré il y a trois jours et je... Pardonne-moi s'il te plaît, dit-il en m'enlaçant brusquement, mes larmes menaçant de jaillir d'une seconde à l'autre à la perte que je ressens au fond de mon cœur.
- Ne t'excuse pas. Tu ne pouvais pas savoir... murmurais-je en lui rendant son étreinte. Changeons de sujet si tu le veux bien ! Comment va Clothilde ? Je n'ai plus de nouvelle depuis qu'elle est partie suivre sa chimiothérapie, dis-je en m'écartant de lui.
- Eh bien... Par où commencer ? réfléchit t'il en se grattant la tête. Tu connais ma mère. Elle a débarqué chez moi du jour au lendemain pour m'annoncer que je lui manquais trop et qu'elle avait donc décidé de poursuivre son traitement dans l'hôpital le plus proche de mon appartement... Tu imagines ? Moi qui avais réussi à quitter le nid à coups de becs et d'ongles, et après de longues, très longues et interminables heures de pourparlers... Elle n'a tenu que quatre mois avant de s'incruster dans mon nouveau chez moi, soupire t'il avec un doux sourire aux lèvres à l'évocation de ce souvenir.
- Ta mère a toujours été un sacré numéro, j'admets en riant. À chaque fois que je venais chez toi, je devais presque passer au détecteur de mensonge pour la rassurer sur le fait que je n'allais pas voir ailleurs dans ton dos.
- Je m'en souviens ! Après elle jouait l'innocente tellement mal qu'on ne savait plus si on devait rire ou pleurer de son comportement. Elle se mettait ensuite à bouder comme une enfant. C'était le bon temps ! Y a pas à dire !
- Je peux la comprendre aussi ! J'accaparais son « petit Danny chéri », dis-je en imitant faussement la voix de sa mère adorée avant de rire aux éclats en le voyant s'empourprer d'embarras.
- Hey ! Tu avais promis que tu n'en parlerai à personne ! C'est embarrassant quand on sait que ma mère est plus petite que toi ! réplique t'il, boudeur. Tu aimerais que je dévoile le surnom qu'elle te donnait ? ajoute-t-il avec un sourire sadique et une lueur malicieuse dans les yeux.
- Quoi ?! Non ! Je te l'interdis ! Tais-toi ! Je m'excuse, d'accord ?! Mais par pitié ne dis rien ! m'agitais-je en le suppliant.
- Hummm... fait-il mine de réfléchir en prenant son menton entre son pouce et son index. Je sais pas... Qu'est-ce que j'ai en échange de mon silence ?
- Ma reconnaissance éternelle, je réponds avec ferveur, espérant que ça fonctionne.
- Laisse moi réfléchir une seconde... Hum... Non ! Pas intéressé ! Tu as déjà joué cette carte quand j'ai dû porter le chapeau pour la table basse qu'on avait cassé.
Point de vue de Luxus...
Ever et moi regardons Lucy parler avec animation à cette tête de gland qui sort d'on ne sait où. Ce type me dérange pour une raison que j'ignore. Quand je le regarde, j'ai le même sentiment que lorsque j'observe Zoldio... Même après un mois et aucune piste fiable le concernant, je n'ai pas réussi à me départir de la petite voix qui me met en garde contre lui. Et actuellement, cette même voix émet de sérieuse réserves concernant ce type. De plus, il vient d'indiquer qu'il est revenu en ville il y a trois jours. C'est vraiment une drôle de coïncidence de tomber sur lui lors de notre première sortie...
Discrètement, je fais un signe à ma subordonnée qui hoche la tête avant de sortir son portable et de prendre une photo de l'ex de la demoiselle en réussissant à ne pas se faire répérer. Je sais qu'elle va directement l'envoyer à Freed qui va fouiller pour dénicher tout ce qu'il pourra trouver sur sa vie. Malheureusement, pour l'instant, je n'ai aucune raison valable d'éloigner ce mec de la petite belle blonde pulpeuse que j'ai pour mission de protéger.
- Lucy ? intervient Evergreen en posant une main sur son épaule pour attirer son attention.
Je lui jette un regard en coin pour essayer de comprendre ce qu'elle a derrière la tête mais son attention est entièrement concentrée sur la jeune femme.
- Oui Ever ? fait-elle en se retournant, son visage semblant refléter une légère déception d'être interrompue dans ces retrouvailles.
- N'oublie pas que nous rentrons bientôt au Manoir, lui rappelle t'elle sur un ton apaisant.
- Quoi ? Déjà ? demande-t-elle, encore plus déçue.
- Ah ah ! Ne t'inquiète pas p'tite Lu ! On peut se revoir quand tu veux maintenant que je suis rentré, la rassure celui que j'ai décidé de ranger dans la catégorie « Menace ».
- Bon. D'accord... cède t'elle avant de se tourner à nouveau vers lui. Mais n'hésite pas à venir à la maison ! Promets-le moi ! exige t'elle.
- Pas de soucis. Je te montrerais des photos de Bosco comme ça !
- Génial ! En tout cas je suis vraiment contente de voir que tu es revenu !
- Et moi je suis heureux de constater que tu ne m'as pas oublié, répond t'il en lui adressant un sourire dragueur limite écœurant.
- C'est pas tout mais on doit y aller. On a encore pas mal de choses à faire avant de rentrer, tranchais-je en espérant mettre fin à ce moment dégoulinant de mièvreries.
Lucy est sur le point de me contredire mais Ever, qui a bien compris que je n'accepterai aucune protestation, intervient pour me donner raison, rappelant à Lucy qu'elles doivent encore acheter des fournitures pour les garçons. Bixrow et Freed étant occupés à garder la propriété, ils ont fait part à Ever de leur souhait d'obtenir certains objets « nécessaires » à leur travail juste avant que l'on parte. Lucy finit par abandonner, à contrecœur, mais consciente qu'elle n'a pas le choix. Elle pourra toujours râler plus tard si elle le veut. En attendant, elle m'a promis d'obéir pour son bien et le notre. Rester sur place aussi longtemps me rend nerveux. On devient des cibles faciles qui n'attendent que d'être abattues. En mouvement c'est plus difficile de nous cerner.
Les deux s'échangent leurs nouveaux numéros puis son ex s'éloigne enfin. Note à moi-même : demander à Freed de pirater le téléphone de Blondie. Je préfère éviter les mauvaises surprises... J'entraîne les deux filles vers le magasin d'électronique et récupère les câbles et les pièces de rechange que mon équipe a commandé avant que l'on ne se dirige vers la librairie où nous attendent deux colis. Un pour Bixrow et un autre pour Freed, bien que je sache pertinemment que le premier contient des magazines de charme tandis que des livres plus classiques se trouvent dans le second.
Le trajet jusqu'au Manoir s'est fait dans un silence plutôt inconfortable. Dans un premier temps Ever a essayé d'engager la conversation mais Lucy semblait pensive et ne lui répondait pas. J'ai bien remarqué que la mention de son père l'a affectée mais elle paraît également contrariée d'avoir dû quitter ce Dan. De mon côté, je me méfie de ce mec comme de la peste tant que je n'en saurais pas plus sur lui. Mais en même temps, il m'insupporte. Je n'aime pas sa façon de nous ignorer la plupart du temps, comme s'il se concentrait uniquement sur un objectif précis : Lucy. Je peux comprendre qu'ils aient été contents de se revoir, mais une chose cloche. Si je devais rencontrer une ex accompagnée de deux personnes inconnues je demanderais à faire les présentations... Il agissait comme si notre présence lui importait peu et n'a réagit que quand j'ai parlé de la mort de Jude. Mais en plus de ça, il paraissait mécontent quand Lucy s'est détournée de lui pour répondre à Ever. Son expression a changé l'espace d'un instant avant de redevenir souriant. Vraiment, je le sens pas ce type...
Arrivés au domaine des Heartfilia, je gare la voiture dans l'allée pour pouvoir décharger nos achats avec l'aide de Virgo qui nous attendait de pied ferme. Quant à Lucy, à peine le véhicule arrêté qu'elle sort sans un mot pour se diriger vers un coin bien précis du jardin.
- Ever, l'appelais-je.
- Je m'en occupe, répond t'elle avant de s'éloigner à sa suite.
Je ne peux pas empêcher mes yeux de dériver brièvement vers la silhouette blonde et pécheresse, toute en courbes et dont les cheveux ondulent sous la brise, et pour laquelle on serait prêt à damner un saint pour la posséder. Je soupire. Cette femme n'est pas pour moi. Je dois me faire une raison. Je suis là uniquement pour qu'elle ne finisse ni entre les mains de ces profiteurs ni dans un cercueil comme son père. Point barre. Alors pourquoi dois-je m'en persuader chaque jour, chaque heure et chaque minute que je passe avec elle ?
Je me fais violence et, après un dernier regard dans sa direction, me détourne pour rejoindre Freed dans son bureau. J'ai besoin de m'occuper, d'en savoir plus sur cet homme et seul mon coéquipier, hacker à ses heures perdues, pourra répondre aux questions qui me tourmentent...
- Cet homme s'appelle Dan Straight, commence Freed après que je me sois installé dans le fauteuil à côté de lui, les pieds posés sur le bureau. Taille : 1m73. Poids : 68 kilos. Il est né à l'hôpital de Magnolia le 6 mars X765, poursuit t'il en affichant son acte de naissance. Sa mère se nomme Clothilde Straight. Nous n'avons aucune information sur le père. Il a suivi toute sa scolarité ici jusqu'à la fin du Lycée avant de partir suivre des études supérieures à l'Académie Nationale de Bosco. Il a décroché un diplôme de journalisme et possède plusieurs expériences en tant que comédien. Il a finalement abandonné ce passe-temps il y a deux ans pour se consacrer à l'obtention de son diplôme. Ces six derniers mois il a passé son temps en stage au sein d'un journal à Bosco où il faisait un travail irréprochable. J'ai bien retrouvé un billet d'avion à son nom indiquant son retour à Fiore il y a quatre jours ainsi qu'un billet de train en partance de Crocus pour Magnolia il y a trois jours. Il n'a apparemment pas menti sur ces informations, m'expose Freed en me montrant les documents cités sur son écran. Il loue un appartement dans le centre, près de l'endroit où vous l'avez croisé.
- Rien de louche ? Vraiment ? demandais-je, sceptique.
- Eh bien, si tu considères être arrêté en état d'ébriété sur la voie publique en sortant de boite de nuit après avoir célébré la fin des études...
- Tu sais bien que non, soupirais-je en me pinçant l'arrête du nez tout en fermant les yeux. Vraiment aucune info sur son paternel ?
- Rien. Il n'a pas l'air de s'être manifesté. Que ce soit durant la grossesse de sa mère ou depuis sa naissance.
- Et sa mère ? demandais-je en relevant une paupière pour le regarder. Tel que je te connais tu t'es penché sur sa vie aussi.
- On ne peut rien te cacher, sourit t'il avant de se tourner à nouveau devant son écran pour ouvrir un nouveau dossier. Clothilde Straight. Elle mesure 1m55 et pèse un peu moins de 50 kilos. Son fils a hérité de sa chevelure et de ses yeux, la présente t'il en affichant une photographie d'une jeune femme dans la trentaine. Elle est née ici également en X738, fille d'un père boulanger et d'une mère pâtissière. Elle a eu une enfance normale. Rien qui ne sort de l'ordinaire en tout cas. Elle a aidé ses parents à tenir leur commerce pendant les vacances au cours de sa scolarité. Des études de lettres l'ont amenée au poste d'éditrice dans la maison d'édition « La plume des enfants », publiant essentiellement des livres pour les enfants, comme tu l'auras sans doute deviné. En l'an X765, elle a donné naissance à Dan Straight. Il n'est fait mention d'aucun concubin, ce qui me pousse à penser qu'il s'agit d'une liaison d'une nuit et peut-être même d'une grossesse non désirée à la base. Rien d'extraordinaire ensuite jusqu'à il y a environ cinq ans, quand elle a développé un cancer. Enfin... développé... Disons plutôt qu'il a été détecté un peu tard. Elle l'avait déjà depuis au moins un an, dans une forme relativement légère. Cependant, ses symptômes se sont aggravés brusquement. C'est lors de son hospitalisation qu'elle a appris la terrible nouvelle. Elle a consulté plusieurs spécialistes pour confirmer le diagnostic. Elle a suivi une chimiothérapie, entraînant une rémission du cancer. Sauf qu'un peu avant de départ de son fils, son cancer est revenu. Elle a recommencé une chimio mais c'était trop dur pour elle sans soutien. Elle était constamment malade. Elle a fini par rejoindre son fils à Bosco où elle est toujours d'ailleurs.
- Elle ne compte pas rentrer ? le questionnais-je, intrigué, en me souvenant de ce qu'il avait dit concernant sa mère incapable de couper le cordon avec lui.
- Apparemment non. En tout cas, rien ne l'indique. Pourquoi ?
- Juste un détail qui m'interpelle... Tu dis qu'elle n'arrivait pas à supporter son traitement sans soutien psychologique de la part de son fils et que c'est pour ça qu'elle est partie à Bosco. Alors qu'est-ce qui a changé depuis la dernière fois ? De plus, j'ai la même impression le concernant que celle que je ressens avec ce jardinier flippant.
Un silence s'installe entre nous, seulement couvert par le bruit des ventilateurs et le bourdonnement du matériel informatique. Je fixe tous les documents affichés à l'écran, cherchant l'élément qui me perturbe tant et qui prouverait que le malaise que je ressens est bien réel.
- Luxus ? m'interpelle Freed en fronçant les sourcils avec contrariété.
- Hm ? fais-je distraitement.
- Tu n'as rien à me dire par hasard ? Tu sais que tu peux te confier à moi.
- Ne t'inquiète pas pour moi Freed. Occupe-toi plutôt de la sécurité de cette bâtisse et du terrain. C'est le plus important, lui rappelais-je sur un ton l'as.
- Ce bâtiment est principalement fait de pierres, de ciment, de bois, de métal et de verre. En aucun cas il n'est fait de chair et de sang comme toi. Un bâtiment se répare s'il est endommagé. Pas comme...
- Pas comme un humain ? le coupais-je. Vas dire ça aux toubibs qui te fourrent des plaques en métal ou des vis pour tenir tes os en place après une fracture. Un corps humain peut être recousu et réparé, même si c'est dans une moindre mesure.
- Contrairement à un édifice, tu possèdes un cœur qui bat et des sentiments. Je te connais depuis assez longtemps pour voir comment tu la dévores des yeux, déclare t'il.
- Tu deviens bigleux à force de rester scotcher à tes écrans, me moquais-je. Tu le sais ça ?
- N'essaye pas de noyer le poisson. Tu sais de quoi je parle, rétorque t'il.
- Non, je ne sais pas. Et si je la « dévore des yeux » comme tu dis, c'est uniquement car je fais le job que le vieux débris m'a confié.
- Ton travail consiste à la protéger. Pas à mater ses fesses quand elle marche devant toi ou sa poitrine sur laquelle tu as une vue plongeante quand tu la fais tomber à l'entraînement.
- Tch, sifflais-je. Tu as la langue bien pendue aujourd'hui... Surtout pour me sortir des âneries pareil, m'énervais-je en me levant dans le but de sortir de la pièce.
- Tu peux nier autant que tu veux, tu es attirée par elle comme un papillon de nuit est attiré par la lumière d'une bougie, l'entends-je dire dans mon dos avant que le claquement de la porte ne résonne dans le couloir.
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